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Auteur : Christophe TRONTIN

Transcription de l’entretien accordé par Vladimir Poutine à Pavel Zaroubine du 14 février 2024

Christophe TRONTIN

L’entretien accordé par Vladimir Poutine à Tucker Carlson a fait des vagues et suscité des réactions dans le monde entier. Bien sûr : elle représentait une première brèche dans la chape de plomb organisée par l'Occident, chantre de la liberté d'information et d'expression, sur la politique russe et ses motivations. En Russie aussi, les commentaires et exégèses se sont multipliés, au point que Vladimir Poutine a jugé utile de préciser ses vues dans cette seconde interview accordée au journaliste Pavel Zaroubine et publiée sur le réseau russe dzen.ru

PZ. Vladimir Vladimirovitch, l’interview que vous avez accordée à Tucker Carlson dépasse le milliard de vues, et les commentaires sont dans l’ensemble plutôt positifs. Ils contrastent évidemment avec l’appréciation de la plupart des leaders occidentaux. Le chancelier allemand, le premier ministre britannique par exemple, ont qualifié, je cite, d’ « absurde et d’incohérente [votre] tentative d’expliquer et de justifier le début de l’opération militaire spéciale par la menace qu’aurait fait peser l’Otan sur la Russie. » Que pensez-vous de ces interprétations ? Vladimir Vladimirovitch Poutine. Premièrement, il est bon qu’ils regardent et écoutent ce que je dis. Dans la mesure où nous ne parvenons pas aujourd’hui, pour diverses raisons relevant de leur responsabilité, à conduire un dialogue direct, nous devons être reconnaissants à M. Carlson de ce que nous pouvons le faire par son truchement, en qualité d’intermédiaire. Ils écoutent, ils regardent : c’est bien. Mais le fait qu’ils (…) Lire la suite »

Révolution de l’IA : l’éternel retour des origines ?

Christophe TRONTIN

Chat GPT a déclenché une sorte de panique dans les médias… soudain les journalistes faiseurs d’opinion prennent conscience qu’ils risquent de disparaître en tant que classe. Alors évidemment, après avoir beaucoup dédramatisé, ils en parlent, et sur le ton de l’indignation panique. Tant qu’il s’agissait d’autres secteurs économiques, on les écoutait pontifier « de tout temps la mécanisation, le progrès technique, ont fait peur… ça a détruit des emplois, puis ça en a créé d’autres… ». Mais là, terrifiés, ils ne parlent plus que de ça.

« Peut-on légiférer ? » « Comment ralentir cette évolution ? » s’interroge la presse. Juste retour des choses, l’Europe qui a toujours voulu diriger le monde et imposer partout ses « valeurs universelles » taillées sur mesure, veut désormais le ralentir et légiférer. Début de sagesse ? Hélas ! Le reste du monde ne pense qu’à accélérer. Les essais et les exemples se multiplient. Il y a cette entreprise informatique dirigée par une IA en Chine... les vidéos montrent des employés ravis : « à 2 heures du matin j’envoie une demande d’augmentation... en un dixième de seconde, elle analyse mes résultats et m’accorde l’augmentation demandée ! » Une PDG unisexe qui travaille 24h sur 24 et tranche impartialement les conflits sans prêter le flanc à la critique par son goût immodéré des parachutes dorés ? Le CAC40 lève un sourcil et les Tavares, Mittal, Hudson et autres Puyfontaine, Julien, Hieronimus se font des cheveux blancs. Presque des classiques déjà, les profs IA au Japon, connectés (…) Lire la suite »
Tu le sais toi-même : vous n’êtes pour les Américains que l’arme qu’ils déchargent contre la Russie

Lettre à un ami ukrainien

Christophe TRONTIN

Mon cher Oleksandr,
Lorsqu’un ami est frappé par le malheur, le premier réflexe est la compassion. Mais ensuite doit venir la réflexion, puis les mesures propres à résoudre et à réparer. L’ami vrai est celui qui dit la vérité, même et surtout si elle n’est pas agréable à entendre.

Cette guerre est pleine de paradoxes. Le pays qui vous frappe aujourd’hui est justement celui qui vous est le plus proche historiquement et géographiquement, le seul où l’on vous comprend et vous aime par tous ces millions de liens familiaux, professionnels, linguistiques, culturels. Ironie de l’histoire, c’est ce dernier pays d’Europe à commémorer comme il se doit la Seconde guerre mondiale et le seul conscient réellement de l’horreur absolue qu’est la guerre, qui a déclenché l’irréparable. Ce pays qui vous frappe est celui qui souhaitait le plus ardemment éviter cette guerre, celui qui l’a sentie mûrir au fil des années et a déployé toutes les ressources de sa diplomatie pour infléchir le cours de l’histoire et éloigner l’inévitable. Bien sûr aujourd’hui il t’est plus doux de te mirer dans les trésors de commisération qu’on vous adresse depuis le chaud cocon européen, d’écouter les larmoyants trémolos de ces frères démocrates et leurs promesses d’aide administrative, d’espérer (…) Lire la suite »
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Renaissance du socialisme ? Ce que nous promet le "siècle chinois"

Christophe TRONTIN

« Seul le socialisme peut sauver la Chine » affirmait le fondateur de la Chine moderne, Mao Zedong, voici maintenant plus de 70 ans. A la vérité le problème, par rapport à 1949, s’est renversé : depuis l’échec de l’URSS, la conversion des démocraties populaires d’Europe au néolibéralisme, la chute de presque tous les régimes socialistes du tiers-monde, ces idéaux égalitaires sont mourants. Il faut dire aujourd’hui : « Seule la Chine peut sauver le socialisme ».

À une époque où les inégalités explosent dans presque tous les pays, où l’on constate partout les impasses du court-termisme et de la démagogie démocratiques, où chacun a pris conscience de l’ampleur de l’effondrement environnemental en cours, le monde a besoin de solutions alternatives au « laisser-faire » capitaliste. Il faut que des formes de planification à long terme, d’allocation plus rationnelle des ressources, de rationnement équitable prennent le relais du catastrophique modèle néolibéral de la croissance sans fin. En un mot, le socialisme doit revenir à l’ordre du jour. Le socialisme a mauvaise presse. Dans les nombreux pays où l’expérience collectiviste a été tentée, elle a toujours fini par échouer à plus ou moins brève échéance. Il faut se rendre à l’évidence, nous explique-t-on : le socialisme « ça ne marche pas ». C’est oublier un peu vite les succès incroyables de pays sortis en un temps record du sous-développement. C’est oublier, surtout, la guerre totale, le (…) Lire la suite »
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Des cochons, Monsieur Poutine ?

Christophe TRONTIN

Vladimir Poutine s’est plié à l’exercice de l’adresse annuelle, son « état de la Fédération », pour la quinzième fois déjà en tant que président. Comme d’habitude, c’est le silence radio chez nous, ou alors les cris d’orfraie. Pourtant, comparé à l’état de l’Union de Trump, ce discours d’une heure et demie a été bien plus construit et riche d’enseignements. Puisque la presse française refuse de s’y coller, passons-la en revue. En direct de Moscou.

L’année dernière à la même époque, on lui avait reproché, surtout en Russie, de trop parler international, crises géopolitiques et armements, et pas assez des « problèmes des vraies gens ». Cette année, il réservera moins d’un quart d’heure à son sujet de prédilection, à la fin de son intervention, sans d’ailleurs mentionner la Syrie ni même l’Ukraine. L’année presque écoulée depuis sa réélection ayant été consacrée à une réforme des retraites plutôt mal accueillie, il s’est attaché à se montrer sous son jour le plus social, mêlant dans un demi-satisfecit un peu osé constatations indiscutables, promesses datées et annonces douteuses. Du moins a-t-il passé en revue, sans se dérober, tous les points où le bât blesse ses compatriotes, et exigé de son cabinet « des résultats rapides, sensibles, durables ». La constatation indiscutable, c’est le problème démographique. La Russie a la démographie malmenée : entre la guerre mondiale, les purges staliniennes, l’émigration et la (…) Lire la suite »

La vie comme une partie de Monopoly

Christophe TRONTIN

En lisant l’excellent Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty, on ne peut pas s’empêcher de voir l’état de notre économie comme la fin d’une partie de Monopoly. Au fil des tableaux analytiques de la répartition des patrimoines et des inégalités croissantes de revenus, explication après explication sur le caractère de moins en moins redistributif de l’impôt, on comprend mieux les raisons du malaise général qu’expriment les gilets jaunes.

La révolte sourdait déjà, ces dernières décennies, sans trouver à s’exprimer. Le déclinisme envahissait les librairies et des dizaines d’auteurs français en faisaient leurs choux gras. L'inexplicable "déprime française" intriguait les journalistes, surtout étrangers, qui n'arrivaient pas à en formuler les causes. Piketty a réalisé là un coup de maître. Dans son pavé de huit cents pages, pas une phrase obscure, pas une phrase en trop, pas un mot plus haut que l’autre. Il constate, mesure, explique, met en perspective. A chaque page, on apprend quelque chose de net et de précis. Des choses simples, mais pour une fois démontrées avec brio. La France n’est pas endettée au-delà du raisonnable, comme on nous le répète : son patrimoine reste de très loin supérieur. L’impôt, même assez fortement progressif, fait très mal son travail redistributif ; en réalité, les « riches auxquels l’Etat prend tout » s’enrichissent, tandis que les « pauvres qui saignent l’Etat avec leurs exigences (…) Lire la suite »

Syrie : ce que l’on sait... et ce que l’on tait

Christophe TRONTIN

Depuis la soi-disant attaque chimique du 7 avril, le festival de mensonges sur la crise syrienne atteint une sorte de paroxysme. « Ce que l’on sait des frappes américaines, françaises et britanniques » titre le Monde... Apparemment, le Monde ne sait pas grand-chose. De leur côté, les médias russes fournissent quelques précisions qui ont malheureusement échappé au quotidien du soir. Et qui remettent en perspective la victoire rapide, facile et incontestable que l’on veut nous vendre. Qui ment ? Qui dit la vérité ? Pour vous faire une opinion plus équilibrée, je vous propose de prendre connaissance de ce qu'on entend ici (en Russie - NdR).

Une fois retombée la poussière et la fureur on apprend... que la majorité des missiles lancés sur la Syrie ont été abattus par la défense anti-aérienne syrienne ! Laquelle se compose de vieux systèmes S120 et S200 remontant à l’époque soviétique... Rien à voir avec le bilan calamiteux des Patriots ultramodernes dont on entendit monts et merveilles dans les années 90 et qui ne réussirent à intercepter qu’un Scud sur la quarantaine de missiles obsolètes et trafiqués par les Irakiens, qui avaient une fâcheuse tendance à se disloquer en vol... Cette fois les conditions sont inversées : ce sont des systèmes antimissiles obsolètes qui font face à des "missiles beaux, neufs et intelligents" qu’annonçait le président Trump. Résultat : 71 interceptés sur 103 lancés selon les données russes qui constatent qu’aucun aérodrome syrien n’a été touché et que les seules victimes ont été 6 malheureux civils qui se trouvèrent à proximité d’un aérodrome visé par les forces de la coalition. Le plus (…) Lire la suite »

Affaire Skripal : un poison d’avril ?

Christophe TRONTIN

Le scénario était trop parfait : un ex-espion russe passé à l’Ouest, qui avait donné au Royaume-Uni les noms de ses collègues en poste en Europe, réfugié en Angleterre, empoisonné le 4 mars. Renseignements pris, on apprend que dans sa nouvelle vie, il donnait des cours... au MI6 ! Sur les méthodes d’entraînement et de sélection des services russes ! Qui pouvait bien lui vouloir du mal, sinon l’ex-chef du KGB, le sinistre Vladimir Poutine, et sa bande de barbouzes ?

« Highly likely » : deux mots d’anglais qui ont fait ces jours-ci le tour des plateaux télé avant de passer dans le langage courant des Russes, même non anglophones, qui se les lancent à la figure lorsqu’ils veulent dénoncer la vacuité d’un argument. A défaut du moindre commencement de preuve, c’est en effet « highly likely » qui sert d’argument aux autorités britanniques pour entraîner à leur suite leurs alliés européens et américain dans une escalade de sanctions visant à isoler diplomatiquement la Russie. « Highly likely », c’est tout ce qui ressort du rapport de 6 pages fourni par la Grande Bretagne à ses alliés pour les convaincre de la culpabilité de la Russie. Pas un mot concernant l’affaire en cours : simplement une suite d’affaires plus ou moins anciennes, plus ou moins éclaircies, plus ou moins graves, où la Russie se serait rendue coupable d’opérations illégales à l’étranger. On y énumère pêle-mêle le conflit en Géorgie, le décès par pendaison de Boris Berezovski, (…) Lire la suite »

Élection présidentielle en Russie : des débats tantôt arides, tantôt humides

Christophe TRONTIN

L’élection présidentielle russe est pratiquement passée sous silence par la presse mondiale. D’une part en raison de sa russophobie qui ne veut en aucun cas reconnaître la très forte popularité d’un personnage qu’elle fait profession de diaboliser. Cette élection est en réalité une sorte de plébiscite sur le bilan du président sortant, et celui-ci a toutes les chances de le gagner, avec ou sans trucage. D’autre part parce que peu de journalistes occidentaux, y compris parmi les correspondants sur place, maîtrisent le russe suffisamment pour réellement suivre et comprendre les discussions, les talk-shows, les interviews et les commentaires qui envahissent depuis le début de l’année la télé et l’internet russes. La plupart du temps, ils doivent se contenter de reprendre ce qu’y ont vu les spécialistes de CNN ou d’autres médias anglophones, eux aussi violemment anti-russes. Aux lecteurs du Grand Soir, je propose ce petit panorama en direct de Moscou.

Jusqu’à trois jours du premier tour, les débats se sont succédé sur les principales chaînes du pays : ORT, Rossia24, Rossia1, Première chaîne, TV Centre. Un soin scrupuleux est mis à observer à la seconde près l’égalité des temps de parole suivant les directives extrêmement précises du Tsik (la commission électorale centrale) qui ignore bien entendu jusqu’à l’existence d’internet où les meilleurs (et les pires) moments de ces débats sont repris et partagés par les observateurs, les commentateurs et les usagers. Les modérateurs sont chargés de l’encadrement des débats, et il leur faut parfois jouer du micro et des ciseaux du monteur pour couper court aux invectives, aux interruptions, aux cris et aux disputes qui éclatent sur le plateau, même si heureusement personne n’en est venu aux mains. Comme toujours, la Russie singe facilement les aspects les plus sombres de l’Occident mais peine à en imiter les côtés raffinés. On a le cirque télévisé, les professions de foi ennuyeuses (…) Lire la suite »

Ce que les candidats nous révèlent de la société russe

Christophe TRONTIN

L’élection présidentielle russe est pratiquement passée sous silence par la presse mondiale. D’une part en raison de sa russophobie qui ne veut en aucun cas reconnaître la très forte popularité d’un personnage qu’elle fait profession de diaboliser. Cette élection est en réalité une sorte de plébiscite sur le bilan du président sortant, et celui-ci a toutes les chances de le gagner, avec ou sans trucage. D’autre part parce que peu de journalistes occidentaux, y compris parmi les correspondants sur place, maîtrisent le russe suffisamment pour réellement suivre et comprendre les discussions, les talk-shows, les interviews et les commentaires qui envahissent depuis le début de l’année la télé et l’internet russes. La plupart du temps, ils doivent se contenter de reprendre ce qu’y ont vu les spécialistes de CNN ou d’autres médias anglophones, eux aussi violemment anti-russes. Aux lecteurs du Grand Soir, je propose ce petit panorama en direct de Moscou.

On dit que si le russe est la langue qui propose le plus de variantes pour s’adresser à son interlocuteur, c’est à cause de l’histoire mouvementée de la Russie. Chacun des candidats, en fonction de ses sensibilités politiques, appelle les gens de façon différente : « chers amis » pour la démocrate Sobtchak, « citoyens » ou « électeurs » pour Jirinovski l’inusable député nationaliste. Les candidats de gauche se font appeler « camarades », tandis que les tenants de la droite préfèrent l’appellation de « seigneur » d’avant la révolution. Huit candidats, huit sensibilités, huit facettes de la société russe. Les anciens, les modernes. La femme jeune, les sept hommes anciens. Le passé, l’avenir. Les rêveurs, les pragmatiques. L’élection n’est pas vraiment démocratique, les dés sont pipés, et pourtant les débats entre candidats, l’exposé de leurs programmes, la passion qu’ils mettent à pointer tel ou tel problème social, géopolitique ou culturel, nous révèlent des choses sur l’état de (…) Lire la suite »