Au soir de sa vie, le grand journaliste et écrivain Anthony Sampson, auteur de la biographie autorisée de Nelson Mandela, rédigea sa propre biographie.
Je cite une page consacrée par Sampson à celui qui fut son ami dès les années cinquante. Pour la petite histoire, je signale que lorsque Mandela accorda sa confiance totale au journaliste anglais, il y mit une condition :
« Tu ne diras pas que nous fîmes connaissance dans un bar clandestin. »
« Le temps passé en prison a renforcé et non affaibli son positionnement politique et son état psychologique ; et grâce à cela, il a désormais acquis le charisme carcéral caractéristique des dirigeants des luttes de libération d’aujourd’hui. »
C’est en prison que Mandela développa son don le plus remarquable, son aptitude à comprendre ses adversaires, la clé des négociations à venir. Il était déterminé à comprendre et à apaiser les peurs des Blancs. Il étonna les hommes politiques afrikans qui lui rendirent visite en leur montrant qu’il était très conscient de leur histoire passée, en tant que peuple qui avait été victime de l’oppression des Britanniques, qui avait souffert et combattu pour obtenir leur indépendance, comme le feraient ensuite à leur tour les Africains. Cette compréhension jouerait un rôle fondamental dans les négociations finales car elle permit à Mandela et à ses collègues de gagner la confiance de leurs anciens ennemis et de poser les fondations d’une nouvelle constitution que les deux camps pourraient accepter. D’autres régions d’Afrique et du monde, y compris au Proche-Orient et en Irlande du Nord, éprouvèrent le même besoin désespéré de faire la paix, de rapprocher des camps qui alimentaient l’hostilité en un véritable cercle vicieux. Mais il leur manqua un chef courageux et débordant d’imagination capable de franchir les murs élevés de la haine.