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De retour d’un séjour en Grèce, j’enrage contre le FMI, la Banque centrale européenne, l’OMC, l’U.E.

Ce que je dirais aux Gréciens (1) si j’étais Dieu

1) Je leur dirais d’abord de lire (et qu’importent ses jubilatoires outrances !) « Le droit à la paresse » (1880) de Paul Lafargue, dont voici le chapitre 1.

Un dogme désastreux
Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes aveugles et bornés, ils ont voulu être plus sages que leur Dieu ; hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi, qui ne professe d’être chrétien, économe et moral, j’en appelle de leur jugement à celui de leur Dieu ; des prédications de leur morale religieuse, économique, libre penseuse, aux épouvantables conséquences du travail dans la société capitaliste.

Dans la société capitaliste, le travail est la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique. Comparez le pur-sang des écuries de Rothschild, servi par une valetaille de bimanes, à la lourde brute des fermes normandes, qui laboure la terre, chariote le fumier, engrange la moisson. Regardez le noble sauvage que les missionnaires du commerce et les commerçants de la religion n’ont pas encore corrompu avec le christianisme, la syphilis et le dogme du travail, et regardez ensuite nos misérables servants de machines. Quand, dans notre Europe civilisée, on veut retrouver une trace de beauté native de l’homme, il faut l’aller chercher chez les nations où les préjugés économiques n’ont pas encore déraciné la haine du travail. L’Espagne, qui, hélas ! dégénère, peut encore se vanter de posséder moins de fabriques que nous de prisons et de casernes ; mais l’artiste se réjouit en admirant le hardi Andalou, brun comme des castagnes, droit et flexible comme une tige d’acier ; et le coeur de l’homme tressaille en entendant le mendiant, superbement drapé dans sa "capa" trouée, traiter d’"amigo" des ducs d’Ossuna. Pour l’Espagnol, chez qui l’animal primitif n’est pas atrophié, le travail est le pire des esclavages.

Les Grecs de la grande époque n’avaient, eux aussi, que du mépris pour le travail : aux esclaves seuls il était permis de travailler : l’homme libre ne connaissait que les exercices corporels et les jeux de l’intelligence. C’était aussi le temps où l’on marchait et respirait dans un peuple d’Aristote, de Phidias, d’Aristophane ; c’était le temps où une poignée de braves écrasait à Marathon les hordes de l’Asie qu’Alexandre allait bientôt conquérir. Les philosophes de l’Antiquité enseignaient le mépris du travail, cette dégradation de l’homme libre ; les poètes chantaient la paresse, ce présent des Dieux : O Melibœ, Deus nobis hæc otia fecit. (« Ô Mélibée, un Dieu nous a donné cette oisiveté », Virgile, Bucoliques.).

Christ, dans son discours sur la montagne, prêcha la paresse : « Contemplez la croissance des lis des champs, ils ne travaillent ni ne filent, et cependant, je vous le dis, Salomon, dans toute sa gloire, n’a pas été plus brillamment vêtu. »

Jéhovah, le dieu barbu et rébarbatif, donna à ses adorateurs le suprême exemple de la paresse idéale ; après six jours de travail, il se reposa pour l’éternité.
Par contre, quelles sont les races pour qui le travail est une nécessité organique ? Les Auvergnats ; les Écossais, ces Auvergnats des îles Britanniques ; les Gallegos, ces Auvergnats de l’Espagne ; les Poméraniens, ces Auvergnats de l’Allemagne ; les Chinois, ces Auvergnats de l’Asie. Dans notre société, quelles sont les classes qui aiment le travail pour le travail ? Les paysans propriétaires, les petits bourgeois, les uns courbés sur leurs terres, les autres acoquinés dans leurs boutiques, se remuent comme la taupe dans sa galerie souterraine, et jamais ne se redressent pour regarder à loisir la nature.

Et cependant, le prolétariat, la grande classe qui embrasse tous les producteurs des nations civilisées, la classe qui, en s’émancipant, émancipera l’humanité du travail servile et fera de l’animal humain un être libre, le prolétariat trahissant ses instincts, méconnaissant sa mission historique, s’est laissé pervertir par le dogme du travail. Rude et terrible a été son châtiment. Toutes les misères individuelles et sociales sont nées de sa passion pour le travail.

2) Je leur dirais de regarder le programme (perfectible) de Syriza et surtout pas celui du Pasok, membre du Parti socialiste européen, de l’Internationale socialiste et allié de Nouvelle Démocratie, un parti de droite.

Economie. Renégociation de la dette au niveau européen, négociation pour un moratoire sur le remboursement de la dette. Audit de la dette Renégociation des prêts contractés. Indexation des taux d’intêrets de la dette sur le taux de croissance. Nationalisation des banques qui ont fait l’objet de recapitalisation. Création d’un mécanisme de contrôle des dépenses publiques. Gel des réductions des dépenses sociales. Abolition des mesures prises à l’encontre des intêrets des travailleurs. Retablissement des conventions collectives supprimées par l’austérité. Rétablissement du salaire minimum à 751€. Réhaussement des minimas sociaux.

Fiscalité. Reduction de la TVA pour les produits de première nécessité. Révision du système fiscal, pour le rendre plus « juste ». Annulation des taxes spéciales, particulièrement pour les personnes sans emploi et les retraités. Lutte contre l’évasion fiscale. Etablir un registre de tous les grecs « tricheurs » qui placent leur argent à l’étranger, et les taxer convenablement. Application d’une mesure « à l’américaine » déchouant la nationalité à quiconque ne paie pas ses impôts en Grèce. Négociation avec la Suisse d’un accord spécial, permettant de taxer les dépots grecs qui s’y trouvent. Négociation avec les armateurs, pour revoir les 46 lois d’exemption de taxes qui les concernent, et réfléchir à un régime de taxation approprié.

Relance de la production. Exploitation des ressources naturelles et minière. Reduction de la TVA sur les activités liées au tourisme. Soutien de la production agricole par des prêts à taux faibles. Gel de la privatisation des entreprises publiques, et renationalisation de toutes celles qui ont été privatisées.

Réformes structurelles. Réadministration de l’administration étatique. Suppression de l’immunité ministérielle. Passage à un système électoral de proportionnelle « pure ». Lutte contre la corruption, dans le secteur public, entre médias et Etat.

Immigration. Reconception de la politique d’immigration. Négociation dans un cadre européen. Intégration des immigrés présents sur le territoire. Lutte contre le trafic d’êtres humains.

Politique Internationale. Politique pacifique, assurant la sécurité et la souveraineté du pays.
- Amélioration des relations avec la Turquie. Négociation pour une solution convenable au problème chypriote. Proposition d’un nouveau nom à l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (FYROM), qui prendrait en compte l’aspect géographique.

3) Je leur conseillerais donc de faire plutôt confiance à Alexis Tsipras sans oublier un seul instant le mécréant Paul Lafargue, car l’impudence de l’Eglise grecque (oisive, riche et non taxée) doit être matée. Le programme ci-dessus serait-il appliqué en totalité, qu’il manquerait un volet : celui de la laïcité.

4) Je leur dirais que le droit « des peuples à disposer d’eux-mêmes », les droits de choisir leur mode de vie, de déterminer le rythme de leur développement et le nombre de baignades dans une mer omniprésente et chaude, de ne pas perdre leur vie à la gagner, de refuser toute germanisation, de ne pas applaudir les prédateurs qui ruinent les ressources naturelles de la planète sont inaliénables.

5) Je leur dirais de repousser d’un an ou deux (quelle importance ?) l’achat du Smartphone 5S et de deux ans ou trois celui de la BMW 170 ch.,100 km/h en 7,2 secondes, dotée d’un ordinateur de bord et d’un accès instantané à Internet, systèmes BMW ConnectedDrive, et ActiveHybrid, mode ECO PRO , prolongateur d’autonomie, pack advanced safety, vitrage calorifuge, détecteur de pluie, information Trafic en Temps Réel RTTI, sièges chauffés, glaciaire, porte-gobelet enclipsable, et autres gadgets qui font partie de l’offre et rarement de la demande.
- « Tu viens te baigner, Athénagoras ? »
- « Non, je m’expatrie pour faire l’éboueur à Berlin afin de payer les traites du Smartphone et de la BMW 170 ch.,100 km/h en 7,2 secondes, dotée d’un ordinateur de bord et d’un accès instantané à Internet, systèmes BMW ConnectedDrive, et ActiveHybrid… ».

6) Je leur dirais de prendre le temps du méchoui, de recevoir les amis autant que désiré (même en dehors des W-E) en buvant du vin résiné, de l’ouzo, et/ou du tsipouro.

7) Je leur dirais que l’usage de ces droits-là ne peut être un prétexte valable pour qu’une Union européenne surexcitée, shootée à l’euro, overdosée par les élucubrations de l’économiste Francis Fukuyama, prenne les rênes du pays, les passe à des banquiers pour qu’ils vendent les services publics et les biens communs : terrains, eau, chemins de fer, gaz, aéroports, bâtiments ministériels, énergie, œuvres culturelles, îles, fonds marins, littoral (voir notamment : http://www.legrandsoir.info/grece-l-europe-du-littoral.html et : http://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/en-grece-p...).
D’ailleurs, Je rappellerais à Moi ces banquiers. Tous ensemble : le monde en serait meilleur et plus fraternel, les rires plus nombreux et les câlins aussi.

8) Je leur dirais que Mon Fils va descendre fissa pour partager le pain et le vin, faire la sieste avec la femme adultère sauvée par Lui de la lapidation (ou avec quelques luronnes que Lafargue voyait « toujours trottant, toujours cuisinant, toujours chantant, toujours semant la vie en engendrant la joie, enfantant sans douleurs des petits sains et vigoureux », femmes qui connaissent « le plaisir robuste » et savent « raconter gaillardement comment l’on cassa leur coquille ! »).
Mon Fils botterait le cul des marchands du Temple qui convoitent leurs maisons et leurs terres. Il ordonnerait : « Lève-toi et traduit Le Grand Soir » au premier bilingue qui passe et Il encouragerait d’autres actions de salubrité publique mondiale qui feraient pâlir Obama, Hollande, Merkel et le directeur de publication du Monde.

9) Je leur dirais comment détecter la fausse gauche, en leur lisant le fameux discours de François Hollande au Bourget » : « Je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » et en le rapprochant de sa présence en février 2014 à Athènes dans une réunion co-organisée par le MEDEF français et son homologue grec pour la répartition du dépeçage entre vautours. François Hollande y a appelé les entreprises françaises à investir en Grèce en participant au processus de privatisations en cours (2).

10) Je leur dirais (au cas où Mon Fils serait retardé par une rupture de caténaire céleste ou de dévissage d’une éclisse aérienne) de continuer à être ce qu’ils sont, de faire ce qu’ils veulent sans obéir à un fantomatique et puissant supra-gouvernement délocalisé à Bruxelles et valet de Wall-Street, et surtout, de ne pas laisser dire que la « crise » grecque leur est imputable, qu’ils ne travaillent pas assez, fraudent le fisc (pas nous ?), sont trop payés, abusent de la médecine et de l’école, meurent trop tard, et de ne jamais croire que l’avenir est écrit sur les tablettes d’une nouvelle Pythie adulée dans les temples de l’Argent-Roi et formée dans une école de commerce ou à l’ENA, promotion Voltaire (celui-là, il, M’aura tout fait !).

Voilà ce que dirais aux Gréciens si j’étais Dieu. Hellas (sic), je ne suis qu’un des administrateurs du GS, ce minuscule paradis dont le Dieu est VD (3).

Maxime Vivas

(1) Ainsi que les appela G. W. Bush dont Dieu voulut qu’il soit l’homme le plus puissant de la terre. C’est dire si notre Seigneur a merdé grave en se reposant au 7ème jour d’un chantier ni fait ni à faire.
(2) Selon l’Humanité Fr., « François Hollande a déjeuné en face de Dimitris Samaras, premier ministre grec, et à côté d’Evangelos Venizelos, leader du Pasok (7% aux dernières législatives) soutien au gouvernement en place et à sa politique d’austérité. Mais il ne rencontrera pas Alexis Tsipras, chef de l’opposition (28%) ».
(3) Que j’ai rencontré derrière un pilier de la Bourse du Travail. Mais ceci est une autre histoire.


LE DROIT A LA PARESSE, Paul Lafargue, en librairie ou livrable par http://www.librairie-renaissance.fr/

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