A la fête de l’Huma 2001, l’incrédulité régnait au Village du livre. Parmi les écrivains invités figurait en effet un certain Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, auteur de « Ces journalistes que l’on veut faire taire », un ouvrage dont je souligne le cynisme dans mon dernier livre « La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone ». Prudent, Ménard avait cependant choisi de laisser sa chaise vide.
Dans les années qui ont suivi, il a fallu polémiquer avec un journaliste de l’Huma qui terminait ses articles relatifs à liberté de la presse par un lien renvoyant au site de RSF, présenté comme référence.
Au retour de la fête de l’Huma 2004, achetant l’Huma du lundi, quelques-uns se sont attristés en constatant la discrétion des journalistes sur la présence d’une des vedettes de la fête : Cuba. L’île des Caraïbes disposait de 4 stands, débordant de visiteurs : Granma, France Cuba, Ernesto Che Guevara, Cuba Si. Les allées fourmillaient de camarades arborant le tee-shirt du Che. Mais l’Huma d’après fête n’avait pas vu ça.
Le classement alphabétique des auteurs au Village du livre, veut que je signe chaque année à côté d’Arnaud Viviant. Cet écrivain, « invité de la semaine » dans les colonnes de l’Humanité fut le seul à y faire remarquer cette abondance de portraits du guérillero, portés par une nouvelle génération qui affiche, disait-il, son « communisme du coeur. » Et pas que du coeur, à mon avis. On nous serine que c’est une séduisante tête d’icône qui est arborée. Le choix serait purement esthétique. Il faudra nous expliquer alors pourquoi les tortionnaires, même photogéniques, ne figurent sur aucun tee-shirt. Pensons à ce bel homme, le capitaine de frégate argentin Alfredo Astiz, surnommé,"Gueule d’ange ». Roi de la torture, il attire pour toujours la répulsion et il ne deviendra jamais une affiche pour chambre d’adolescent(e).
Oui, c’est la révolution, la lutte contre les puissants, le désir de changement, l’engagement courageux, l’altruisme, le dévouement aux autres, la solidarité avec Cuba que le peuple de la fête promène chaque année dans les allées avec le visage du Che.
A la fête de l’Huma 2008, pas de fausses ONG financées par la CIA pour faire capoter les tentatives de changement en Amérique latine. On pouvait par contre s’attarder aux stands de Cuba Si France, Cuba Linda, France Cuba, France Amérique latine, stand pour le développement de la paix en Colombie, stands de Bolivie, Chili, Cuba (Granma), Venezuela, comité de solidarité avec les Indiens d’Amérique latine. Je dois en oublier.
Si l’abondance de stands latino-américains n’est pas vraiment une nouveauté en ces lieux, la pléthore de débats (in et off) portant sur cette région du monde, signifiait clairement que les fêtes changent (en mieux) et ne se ressemblent pas.
1 Au stand des sections communistes des 5e, 6e, 7e et 15e arrondissements, on nous a parlé des « Virages à gauche en Amérique latine. Espoir pour le reste du monde ? Quelle solidarité internationale ? » Avec Obey Ament, responsable de l’Amérique latine auprès du PCF, Fabien Cohen, secrétaire général de France Amérique latine et Michel Rogalski, directeur de la revue Recherches internationales.
De nombreux débats se sont déroulés au Village du monde :
2 « L’Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba) et les processus d’intégration latino-américaine ». Six ambassadeurs étaient présents aux côtés d’Andrés Bansart, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine et des Caraïbes de Caracas :
Jesús Arnaldo Pérez, ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela ; Luzmila Carpio, ambassadrice de la République de Bolivie ; Ana Isabel Prera Flores, ambassadrice du Guatemala ; Rogelio Sánchez Levis, ambassadeur de la République de Cuba ; Max Velásquez Dîaz, ambassadeur de la République du Honduras ; Marco Erazo, ambassadeur de la République de l’Équateur.
3 « Planète en souffrance. Fatalité ou crises d’un système ? »
« Crise institutionnelle : FMI, OMC, Banque mondiale, ONU, Union européenne…, c’est l’impasse ». Avec Daniel Cirera, dirigeant du PCF, chargé des questions européennes ; Andres Bansart, directeur de l’Institut des hautes études d’Amérique latine et de la Caraïbe à Caracas (Venezuela) ; Nicolas Sersiron, vice-président de CADTM en France ; et Hugo Fernandez Araoz, vice-ministre des Affaires étrangères de Bolivie.
Animé par Gérard Le Puill, de l’Humanité.
4 « L’interventionnisme des États-Unis en Amérique latine ».
Avec Eva Golinger, avocate vénézuélo-états-unienne ; Laura Hernández González, nièce d’un des 5 Cubains de Miami prisonnier aux Etats-Unis, Hernando Calvo Ospina, journaliste colombien collaborateur du Monde Diplomatique, Romain Migus, journaliste français en poste à Caracas et votre serviteur.
Modéré par Christophe Ventura, de Mémoire des luttes.
5 « Le rôle de la jeunesse pour un monde plus juste ».
Jeunes communistes de France, boursiers vénézuéliens de la Fondation Gran Mariscal de Ayacucho, représentants de la Jeunesse du Parti communiste de Cuba, représentants de la Jeunesse du Parti socialiste uni du Venezuela.
Modéré par Charles Giuseppi, journaliste.
6 « Les origines historiques et familiales de Fidel Castro ».
Débat organisé par l’ambassade de Cuba avec Ignacio Ramonet et Katiuska Blanco.
7 « Présentation de l’Annuaire bolivarien d’information vénézuélien ».
Avec Grégory Maitrier et Maria José Cantalejo Troya, directeurs de l’ABIVEN.
8 « Nourrir ou laisser mourir la planète… ».
Avec André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, président de l’ANECR, Marc Dufumier, professeur d’agronomie, Jesús Arnaldo Pérez, ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela en France, et Bassiaka Dao, président de la Confédération paysanne du Burkina Faso.
(Ancien ministre vénézuélien de l’Environnement et des Ressources Naturelles, l’ambassadeur Jesús Arnaldo Pérez, docteur en géographie (spécialité : développement rural) a été étudiant, puis professeur d’université à Toulouse).
Modéré par Lysiane Alezard, conseillère régionale.
9 « Le socialisme du XXIe siècle et la nouvelle étape de la révolution bolivarienne »
Avec les députés vénézuéliens du Parlement latino-américain Amilcar Figueroa, Filinto Durán, Victor Chirinos.
10 « La voie vénézuélienne vers le développement durable ».
Avec : Jesús Arnaldo Pérez, ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela.
11 « La Bolivie après le référendum ».
Les enjeux de la révolution démocratique et culturelle.
12 « Anthologie de lettres du Sud au Nord, Paroles d’hommes libres ».
Avec : Luzmila Carpio Sangüeza, ambassadrice de la Bolivie, Christiane Chaulet-Achour Professeur de littérature francophone comparée à l’unversité de Cergy-Pontoise Olivier Dartigolles, Membre de la direction nationale du PCF.
En partenariat avec la fédération de la Seine-Saint-Denis, avec Espaces Marx/Transform Europe, avec ADEN (Association de descendants d’esclaves noirs)
13 Au stand de France Cuba, présentation, par l’auteur, du livre « La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone ».
14 Mais le plus spectaculaire, l’événement inédit, eut lieu le samedi dans l’après-midi : un cortège de solidarité avec les cinq Cubains emprisonnés depuis dix ans aux USA a traversé la fête, du Village du monde jusqu’au stand de Cuba Si.
Après avoir râlé naguère, il me fallait (sévère mais juste) faire connaître aux lecteurs ce charme de la fête de l’Huma 2008.
La politique a besoin d’une osmose entre la tête et le coeur, d’un affichage des solidarités qui n’effraie que les ventres mous de la politique, les frileux qui vont à la pêche aux voix sous un ciré rose bonbon, neutre, imperméable à ces élans qui soudent les foules. Les peuples se lèvent pour soutenir durablement ceux qui leur parlent ET les écoutent. Ceux qui les bernent par leur baratin obtiennent leur adhésion éphémère suivie de leur désaffection. Voire de leur mépris durable.
J’ai assisté par hasard à l’arrivée pédestre de François Hollande à la fête. Cerné, sous l’oeil goguenard de la foule, par un groupe de jeunes qui l’avaient reconnu, il fut hué, injurié, obligé de s’arrêter, de faire un petit (piteux) demi-tour, avant de redémarrer quasiment au pas de course, protégé par des gardes du corps aux cous de taureau. La télé était là , je ne sais pas ce qu’elle en a gardé.
A quelques dizaines de mètres à peine, un autre socialiste, Jean-Luc Mélenchon, pouvait discuter avec les passants devant le stand du PRS que personne n’avait envie de démonter.
Il est vrai que le sénateur aurait pu participer aux débats listés plus haut et y parler en ami des peuples concernés. La chose lui est coutumière.
Rêvons d’un pays où les hommes politiques pourraient déambuler sans une escouade de gorilles, de haies de motards, de camions de CRS, de flics en civil et à oreillettes. Un pays où ils seraient applaudis et encouragés dans la rue.
Il paraît que ces choses-là se voient en Amérique latine et se verraient plus encore si les dirigeants progressistes n’étaient à la merci de fusils à mires télescopiques made in USA.