J’ai eu envie de m’intéresser à ce commencement de l’affaire de la contamination E-Coli par les concombres d’Espagnes. Je m’interroge : d’où ça vient ? Pourquoi ? Comment ? Aucun commentaire à ce sujet dans les medias, juste des faits, on dénombre les morts et les cas, on détaille les implications politiques et économiques, on chiffre l’impact en millions d’euros.
Alors je rassemble ce que je sais déjà sur la question et je fouille plus avant sur la toile. Voici le résultat de ma recherche (orientée je dois le dire, car j’ai ma petite idée) présenté en Q&R et en citations.
Extrait du livre "La Bouffe d’Egout" de Perruca et Pourradier, Ramsay, 1999, page 25
(c’est à la suite d’un chapitre assez écoeurant sur l’élevage industriel des poulets)
...Ou alors nous serons tous végétariens. Quoique...
Une petite visite dans les arrière-cours de ferme suffit à désespérer les curieux, voire à soulever les coeurs les mieux accrochés. On connaissait l’épandage des lisiers, [...] voici maintenant les épouvantables boues issues des stations d’épuration. Leur composition est connue : matières fécales et résidus de fosses septiques, détergents, cuivre, plomb, cadmium, déchets organiques divers[...] Et c’est là -dessus que poussent les tomates. Les jardins de France ne sont plus ce qu’ils étaient.
A raison de 150 tonnes à l’hectare, tous les deux ou trois ans, ces "gadoues" comme on dit dans le Chardonnay, ont même servi, pendant des années et tout à fait officiellement, à enrichir et stabiliser les sols de Champagne. [...] Ailleurs on les a incorporées aux... farines destinées à l’alimentation des poissons et des volailles. Il n’y a pas de petits bénéfices.
Nos villes produisent du matin au soir ce qu’il faut bien appeler de l’engrais, ça va continuer. Comptez, chaque année, 5000 tonnes de boues pour 50.000 personnes. A l’échelle de la France (60M d’habitants), 6 millions de tonnes par an.
Qu’en faire ? l’épandage de ce délicieux cocktail sur les terres agricoles est la seule et unique méthode recommandée par la plupart des élus pour s’en débarrasser à moindre prix. A 60FF la tonne épandue contre 300FF la tonne en décharge et 700FF la tonne incinérée, il n’y a pas photo.
Q1 : les boues d’épuration sont elles encore utilisées comme engrais aujourd’hui ?
Réponse INRA :
http://www.inra.fr/dpenv/lesboues.htm
Il existe en France trois filières d’élimination des boues (dont) :
– 50 à 60 % sont épandues en agriculture ;"
A l’heure actuelle, l’épandage agricole des boues reste en Europe la principale filière d’élimination
Nombreuses confirmations par d’autres instituts, voir par exemple le CERVA (Centre Etudes & Recherches Agronomique et Veterinaire — Belgique)
http://www.var.fgov.be/index.php?option=com_content&view=article&id=146&Itemid=215&lang=fr
ou un PDF de Eawag (Suisse)
http://www.eawag.ch/publications/eawagnews/www_en53/en53f_screen/en53f_stadelm_s.pdf
On note que la Suisse vient d’interdire ce procédé.
Q2 : Est-ce que l’utilisation des boues de stations d’épuration présente un risque de contamination ?
Réponse BDSP (Banque de Données de Santé Publique)
http://www.bdsp.ehesp.fr/Base/262213/
L’épandage des boues de station d’épuration d’abattoirs de ruminants présente-t-il un risque sanitaire ?
[...]
Les excès de risques mis en évidence sont la plupart du temps faibles. Cependant certains scénarii, (avec E. Coli pathogène par exemple), mettent en évidence un risque non négligeable
Q3 : On sait que dans les hopitaux sont générées des souches virales/bactériennes résistantes (mutantes). Question : Les hopitaux rejettent -ils des déchets septiques acheminés vers les stations d’épuration ?
En principe non, mais... :
Texte du journaliste Paul Becquart (extrait) :
http://www.lepetitsitesante.fr/environnement/dechets/dechets_hospitaliers.pdf
Effluents hospitaliers : le grand secret
La gestion des déchets liquides est plus délicate [que les déchets solides d’hôpital dont l’élimination en milieu sécurisé est plus simple à gérer]. S’il est aisé pour des structures de type laboratoire ou service spécialisé de soins d’isoler des rejets (acides, solvants, urines contaminées) dans des bonbonnes, il n’en va pas de même pour les excréments, les urines. Or une personne hospitalisée est par définition malade et en cours de traitement. Cette personne va donc rejeter par ses excréments et urines jusqu’à 60 % des médicaments, des milliards de virus, bactéries et parasites. Sa présence dans l’hôpital induit des rejets chimiques contenant des désinfectants et solvants nécessaires à l’entretien et l’hygiène des locaux. Les hôpitaux ne connaissant pas leur consommation en eau, il est très difficile d’estimer la production en effluents dirigés vers les Stations d’épuration (STEP). Même si beaucoup s’accordent à démontrer en colloque que ces effluents ne représentent qu’une partie infime (1 %) des effluents totaux d’une ville, que les principes actifs et dangereux ainsi que les micro-organismes ayant survécu à cet environnement hostile sont très fortement dilués et inactivés, Le silence fait suite à l’explication du principe des STEP qui, hors périodes de grandes pluies, concentrent la pollution dissoute en une phase solide (boues) revalorisable en agriculture et rejettent le restant dans la rivière.
Voilà . Je ne dirai pas CQFD car on n’a bien sûr aucune certitude. Mais l’existence d’un flux qui pourrait se présenter ainsi... :
Selection souches résistantes en hopital/labo => Rejet de ces souches dans le réseau public=>Arrivée en station d’épuration=>Conditionnement des boues en engrais=>Utilisation agricole=>Concentration bactérienne dans la production alimentaire
...est une possibilité évidente et plus probablement une réalité.
L’hypothèse d’une contamination par un enchainement de ce genre me semble donc assez plausible dans cette affaire. D’autant qu’on observe un silence absolu dans les medias sur les raisons possibles de cette mystérieuse contamination. Et pourquoi l’Espagne ? Coup de pas-de-bol. Ca aurait pu tomber sur n’importe quel autre pays. Mais l’Espagne, pays de la déréglementation agro-industrielle, de l’ouverture aux OGM, héritière du gouvernement Aznar, était un excellent candidat.
Des enquêtes sont certainement en cours. Je pense qu’on n’en entendra pas beaucoup parler, surtout si les résultats confirment une origine se rapprochant de cette hypothèse. On nous présentera LE responsable si on le trouve (les mauvais agriculteurs ou les vétérinaires laxistes dans leurs contrôles), on fera sauter quelques têtes, on organisera des comités de surveillance aux frontières ou une commission d’enquête à Bruxelles, on évitera d’aborder le fond du problème, on ne changera pas le système.
Bon appétit !
PS : Donnée importante entendue ce matin à France-infos : cette bactérie E-coli est 1/ d’une espèce très rare 2/ elle est mutante, et 3/ elle est résistante aux antibiotiques. C’est précisément ce profil qui peut la faire suspecter de provenir d’une source médicale, donc du milieu hospitalier, haut lieu de culture involontaire de germes mutants et résistants.