RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Crime et Châtiment au Qatar

(La mer noire n’est pas persique, le Qatar et l’Arabie sont à des années lumières de Dostoïevski, mais le jeu de mots avec la Crimée était tentant.)

Le Qatar est une protubérance sableuse du rivage de l’Arabie Saoudite. Pays et peuple insignifiants mais poche de gaz géante. Sa population est wahhabite comme celle de l’Arabie mais ils sont frères ennemis. Les deux monarques revendiquent pareillement la primauté du dogme fondamentaliste pratiqué par leurs 22 millions de sujets mais ils divergent sur la méthode de sa propagation auprès des 1,6 milliards de musulmans du monde. C’est pourquoi, l’Emir se verrait bien Calife à la place du Roi d’Arabie. Cette querelle théologique entre islamistes d’un autre âge fait les délices d’Israël car ce n’est pas demain la veille que les richissimes bédouins financeront la libération de la Palestine, ils sont trop occupés à se chamailler pour la conquête de l’Au-delà !

Il suffit de regarder la carte pour constater que la fable qui se joue dans cette contrée rappelle celle de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf. Le petit Qatar a pour unique frontière terrestre une bordure de cailloux de 60km avec l’Arabie. Qu’importe, le lilliputien continue de narguer le géant voisin lequel menace de le réduire diplomatiquement et militairement. Ce n’est pas encore la guerre, mais on n’est pas loin. L’indifférence est générale car si l’Arabie envahissait le Qatar en quarante cinq minutes chrono, la communauté internationales ne verserait que des larmes de crocodile.

En attendant ces lendemains improbables, une crise sans précédent ébranle le Conseil de Coopération du Golfe - le GCC - l’organisation pour la sécurité militaire des pétromonarchies arabes : Arabie, Qatar, Bahrein, Koweit, Oman et la fédération des sept minuscules Emirats Arabes Unis. En voici la cause :

Au début du mois de mars, les activistes du Royaume de Bahrein – l’équivalent saoudien de la Principauté de Monaco - ont multiplié les rassemblements de protestation. La police a redoublé de vigueur. Dans ce chaos façon Maïdan, une bombe téléguidée a tué trois officiers des forces répressives dont l’un s’est révélé être de nationalité émirienne. Aux Emirats Arabes Unis, stupeur et consternation ont précédé l’organisation de funérailles quasi nationales. L’opinion publique a découvert que le GCC entretenait une armée policière secrète « awaj el khalij » chargée de traquer les dissidents catalogués : principalement les chiites et les Frères musulmans.

Sous le coup de l’émotion provoquée par l’attentat, le Qatar a vite été soupçonné d’instrumentaliser une cinquième colonne car d’une part, son Emir partage discrètement avec l’Iran des gisements de gaz offshore et d’autre part il alimente généreusement les caisses des Frères musulmans en Egypte et en Syrie. Enfin, Al Jazirah, la CNN arabe qui émet depuis Doha se charge par la voix du télé-prédicateur El Qardaoui de verser de l’huile sur les braises. D’où l’ire de la maison des Saoud qui vient d’inscrire les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes.

A Riyad, le pouvoir est en train de changer de main. Le plus sérieux des prétendants au trône le Prince Mohamed ben Nayef, ministre de l’intérieur a consolidé son pouvoir. Il est parvenu à déboulonner le célèbre Bandar Ben Sultan afin de récupérer sous son autorité directe la très puissante organisation des opérations extérieures. Le ministre concentre désormais entre ses mains la police religieuse, les gardes frontières et l’ensemble des services secrets. Ceci lui confère un redoutable pouvoir d’intervention à l’intérieur du royaume mais aussi sur une bonne partie de la planète à travers les réseaux de financements des groupes salafistes.

Toutefois, la première manifestation de sa nouvelle puissance a été apaisante. Le royaume a décrété le jihad illégal et menacé de prison tout ressortissant saoudien qui s’y adonnerait. Ce signal fort a porté conséquence de tarir l’argent de la guerre de Syrie. La seconde mesure d’autorité de Ben Nayef s’est exprimée contre Doha. Le Qatar a été sommé de s’aligner et de cesser de distribuer des enveloppes. En vain. Alors, prenant prétexte de l’attentat de Bahrein, l’Arabie a rappelé son ambassadeur et menacé de fermer la frontière avec le Qatar. Bahrein et les Emirats Arabes Unis ont fait de même.

Le Qatar se retrouve en situation de pré-blocus. Rien de dramatique pour le moment, Doha ne sera pas Gaza !

D’ailleurs, la solidarité entre monarques du pétrole a ses limites. Ni le Kuwait, ni Oman ne se sont joints à la posture belliqueuse de leurs comparses. Le Kuwait est resté à l’écart car il n’a rien à gagner mais tout à perdre dans cette aventure qui indispose ses influents voisins de Baghdad et de Téhéran. A l’autre bout du Golfe, le Sultan d’Oman joue le rôle du conciliateur pragmatique car il vient se signer un accord pour le transit du gaz avec l’Iran. Le belliciste des wahhabites saoudiens vis-à-vis des chiites est loin d’être partagée par les riverains du Golfe arabo-persique.

Faut-il pour autant considérer la crise du GCC comme la manifestation d’humeur passagère de quelques tribus bédouines ? Pas seulement car elle reflète aussi les mutations de la gouvernance régionale qui s’annoncent sur fond d’un retour en force de la prééminence des Etats-Unis après trois années de bouderies pour cause de Printemps arabes.

A Doha, l’Emir Tamim est un novice de huit mois dans la fonction qui cherche à exister dans un environnement international qui l’ignore superbement et peine à retenir son prénom en dehors des évènements sportifs.

A Abu Dhabi, le Sheik Khalifa ben Zayed est au plus mal, le Prince héritier le Général Mohamed ben Zayed se prépare à lui succéder à la tête de la fédération des Emirats accompagné des meilleurs vœux des principales nations occidentales et arabes.
A Riyad, le très vieux roi malade ne règne plus. A la cour des sept mille princes la lutte pour le trône n’est pas gagnée d’avance mais Mohamed Ben Nayef a pris une sérieuse option. Agé de 55 ans il a grandi à l’ombre de son géniteur qui fut sans discontinuer ministre de l’intérieur trente sept ans durant. Avant d’être nommé vice ministre de son père en 1999, puis ministre plein en 2012 il a suivi dans sa jeunesse les cursus complets de l’école du FBI puis de Scotland Yard. Ce puritain n’a pas la réputation d’un tendre mais sous sa férule inspirée, le royaume a rompu avec son traditionnel activisme universel pour recentrer son influence sur ses voisins immédiats de la péninsule arabe.

Cette nouvelle doctrine devrait sans peine être adoubée par Obama qui se rend en Arabie dans quelques jours pour relancer l’amitié historique entre ces deux pays aux intérêts croisés. Il sera aussi question du petit grain de sable nommé Qatar. Car dans cette région où chaque Etat arabe héberge une giga base militaire US, rien, rien, non rien ne peut advenir sans la volonté d’Allah.... et des Etats-Unis d’Amérique.

Hedy Belhassine

»» http://blogs.mediapart.fr/blog/hedy-belhassine/160314/crime-et-chatime...
URL de cet article 24850
  

Abrégé du Capital de Karl Marx
Carlo CAFIERO
« Le capitalisme n’est et ne sera pas là de toute éternité. » Cet Abrégé, rédigé en 1878, nous livre l’essentiel de l’analyse contenue dans le Livre I du Capital de Karl Marx. Ce compendium de la critique du système capitaliste - « où ce ne sont pas les moyens de production qui sont au service du travailleur, mais bien le travailleur qui se trouve au service des moyens de production » - a été rédigé à destination d’un public populaire. Écrit dans un style simple et sans l’appareil scientifique qui rend (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Nos sociétés sont des taudis intellectuels. Nos croyances sur le monde et sur les autres ont été créées par le même système qui nous a entraînés dans des guerres répétées qui ont tué des millions de personnes. On ne peut pas construire une civilisation uniquement à partir de l’ignorance et du mensonge." - Julian Assange

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.