DEMANDEURS D’EMPLOI OU CHÔMEURS ?
La définition du chômeur au sens du Bureau International du Travail (BIT) ne reconnait que la catégorie A de Pole Emploi qui comptabilise exclusivement les 3.3 millions de chômeurs sans aucune activité inscrits en métropole et constitue 10.8 % de la population active.
Citons l’exemple des contrats aidés : lorsqu’un chômeur inscrit en catégorie A signe un contrat d’Avenir ou de Génération, celui-ci, bien qu’il soit toujours demandeur d’emploi, intègre la catégorie E et sort des statistiques du chômage. Mais quelque soit la définition adoptée, demandeurs d’emploi ou chômeurs, la lutte contre le chômage n’est pas affaire de sémantique.
Pole Emploi, recensait en janvier 2014, toutes catégories et territoires confondus, 5 972 000 inscrits, auxquels il faut ajouter les chômeurs invisibles dont une part importante des 2.2 millions d’allocataires du RSA, les non inscrits découragés et les temps partiels subis.
Selon une enquête récente de l’émission Envoyé Spécial sur « les chiffres de Pole Emploi », 7.5 millions de femmes et hommes rechercheraient un travail mais ne seraient pas toujours inscrits. Des associations de chômeurs, syndicats ou formations politiques contestent également les chiffres officiels. Certains avancent un chiffre officieux de 8 millions quand d’autres affirment que notre pays compterait plus de 9 millions de demandeurs d’emploi.
Une enquête du Parisien/Aujourd’hui, « Le chiffre noir des chômeurs invisibles », semble donner raison à ces derniers : Celle-ci s’appuyait sur les données de l’INSEE et de la DARES et dévoilait déjà en décembre 2012 un chiffre de 9 211 800 personnes touchées par le chômage. La chaine publique France 3 corroborait un chiffre de 9 millions dans son dossier « Les vrais chiffres du chômage » au cours de son journal télévisé du 27/12/2012.
Depuis la révélation de ces chiffres, 63 000 entreprises ont fermé leurs portes et selon la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), la hausse du chômage sur un an s’élève à 5.7 %.
LE LEURRE DU BASCULEMENT VERS UN AUTRE MONDE
Le basculement vers une nouvelle économie génératrice d’emploi pour chacun d’entre-nous, promis par les gouvernements français depuis 40 ans n’a pas eu lieu et n’aura, sans doute pas lieu. L’antienne des produits innovants ou hautement technologiques, et plus récemment, de transition énergétique et à haute valeur ajoutée, qui devaient compenser les millions d’emplois industriels délocalisés, est rabâché chaque jour depuis des décennies.
La dédaigneuse et récurrente assertion selon laquelle nous devrions considérer les industries manufacturières qui produisent les biens courants que nous consommons chaque jour, comme des industries d’hier, est significative d’une volonté obstinée de condamner celles-ci à la disparition.
Ce postulat idéologique invoque généralement un manque de compétitivité, qui par ailleurs n’est pas toujours avéré si l’on tient compte des coûts cachés. Il ne repose guère sur un fondement économique sérieux si l’on considère également le déficit de notre balance commerciale ou les ravages d’un chômage qui plombe maintenant toute l’économie. Ce discours est associé au dogme néolibéral du libre échange qui depuis toujours, a préconisé la délocalisation de l’industriel française.
Depuis les États Généraux de l’Industrie de 2009, bon nombre d’industries manufacturières traditionnelles sont maintenant exclues des dispositifs de financement de l’économie sans lesquels il est impossible pour une PME industrielle de s’adapter et de survivre.
Nicolas Sarkozy et François Hollande, sont d’ardents partisans de cette politique économique qui a pour effet de dévaster notre pays tout en esclavagisant les populations des pays émergents. De nombreuses régions françaises sont aujourd’hui exsangues et la paupérisation gagne du terrain. L’explosion du nombre d’allocataires de minimas sociaux, de repas servis par les restos du cœur ou le chiffre croissant de SDF, nous rappelle chaque jour la trahison des élus envers le peuple.
PACTE DE RESPONSABILITÉ, QUE PEUT-ON ESPÉRER ?
Le plan de relance de Nicolas Sarkozy en 2009, d’un montant de 34 milliards d’euros n’à créé selon les sages de la cour des comptes, que 18 000 à 72 000 postes soit un coût par emploi entre 472 000 et 1900 000 euros. Selon plusieurs économistes, le Grand emprunt de 35 milliards lancé en 2010, n’en a pas généré davantage. Le chiffre de 1 million d’emplois, slogan du patron du MEDEF Pierre Gattaz et celui de 300 000 emplois, estimé par le Haut conseil de la protection sociale, peuvent paraitre très optimistes et pourraient décevoir. Le pacte de responsabilité ne semble guère plus contraignant en termes de création d’emploi que les deux précédents plans gouvernementaux et il est peu certain qu’il crée davantage d’emploi en France.
Le crédit d’impôt compétitivité/emploi (CICE)) d’un montant de 20 milliards d’euros est maintenant inclus dans le pacte de responsabilité de 35 milliards d’euros. Il a été inspiré par le rapport Gallois et était initialement pensé pour alléger les charges de l’industrie. Finalement, 16 milliards d’euros iront aux services et à la distribution et 4 milliards d’euros seulement iront aux entreprises industrielles.
Pourtant, si l’on considère que les emplois industriels génèrent d’autres emplois, il aurait été, d’un point de vue purement économique, plus efficient pour l’emploi, d’encourager l’industrie. Par ailleurs, les entreprises peuvent bénéficier des allégements de charges sans recruter de nouveaux salariés : « Le CICE a pour objet de financer les efforts de l’entreprise en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique ou énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ».
RÉINVENTER L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE DES BIENS DE CONSOMMATION
On peut toujours continuer à déplorer l’augmentation du chômage, attendre le retour d’une croissance qui crée peu d’emplois industriels depuis que nous importons la plupart des produits que nous consommons, invoquer une baisse de l’euro que l’Allemagne ne souhaite pas ou parier sur une sortie de la zone euro pour retrouver notre indépendance budgétaire, attendre que les salaires des pays émergents rejoignent notre salaire minimum ou même croire que le Pacte de Responsabilité impactera le taux de chômage, mais pour l’heure, il convient de penser et mettre en œuvre rapidement, quelles que soient les oppositions, des solutions pragmatiques susceptibles de faire baisser significativement le taux de chômage sans que cela ne coûte de l’argent à la collectivité.
L’industrie manufacturière des biens de consommation pourrait bien constituer l’un des rares leviers majeurs dont nous disposons pour recréer à terme plusieurs centaines de milliers d’emplois, auxquels s’ajouteraient par effet mécanique, deux à trois fois plus d’emplois indirects et induits. L’implantation d’usines dans des régions exsangues redonnerait vie à des territoires entiers.
Certes, face au dumping salarial, fiscal, social, environnemental ou monétaire des pays à bas coûts, la fabrication française est souvent peu compétitive. Néanmoins, en modifiant les modes de gestion et les processus de production, il serait tout à fait possible de fabriquer à nouveau en France, une part importante de nos biens de consommation moyen/haut de gamme. Un outil de production plus automatisé corrigerait les coûts de produits exigeant davantage de main d’œuvre et de savoir-faire artisanal. Parfois, un raccourcissement du circuit de distribution, sur le modèle économique de l’intégration verticale, augmenterait considérablement la compétitivité.
Pour financer cette relance, Il suffirait de réorienter chaque année, parmi les aides les moins efficientes pour l’emploi, 1 à 2 % des 220 milliards d’euros annuels de subventions aux entreprises et dépenses pour l’emploi, pour recréer plusieurs centaines de milliers d’emplois industriels en quelques années. Il conviendrait en outre, de mutualiser des outils de distribution et de commercialisation qui optimiseraient la compétitivité des produits, permettraient de juguler la disparition d’entreprises industrielles et favoriseraient la reconstitution d’écosystèmes.
Un plan d’un montant total de 15 à 20 milliards d’euros sur 5 à 10 ans, permettrait de se fixer un objectif de 300 000 emplois industriels. L’activité et les emplois industriels, généreraient mécaniquement, 600 000 à 900 000 emplois indirects et induits. Ceux-ci, il faut l’admettre, ne compenseraient pas totalement la perte de 2.5 millions d’emplois industriels en un peu plus de deux décennies. Cependant, au terme du plan, plus de 20 milliards d’euros de nouvelles cotisations salariales et patronales, pourraient abonder chaque année les caisses des régimes de protection sociale. L’augmentation progressive du nombre de cotisants réduirait d’autant les déficits et permettrait d’envisager une baisse durable du montant des cotisations. L’économie pour la collectivité en dépenses pour l’emploi (DPE) et dépenses connexes pourrait dépasser chaque année, 22 milliards d’euros.
Une relance de l’industrie manufacturière, même si celle-ci s’avérait longue et difficile, démontrerait une volonté nouvelle du gouvernement, indiquerait une remise en question du dogme et enverrait un signal fort et positif aux français qui, en majorité, s’inquiètent de la délocalisation de l’emploi. Elle rassurerait et insufflerait une dynamique pouvant s’étendre à l’ensemble de l’économie française.
Francis JOURNOT
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