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Dans la peau de Julian Assange [extraits] - (Contraspin)

Note du traducteur : voici une traduction d’extraits d’un très long article de Suzie Dawson, présidente du Parti Internet (Nouvelle-Zélande). Suzie a été très impliquée dans la solidarité avec Wikileaks et les lanceurs d’alerte en général, et très engagée dans son pays dans le combat contre les accords de libre échange – ce qui lui a valu des menaces de mort. Elle se trouve actuellement à Moscou où elle a demandé l’asile temporaire. En mai 2018, elle est tombée gravement malade.

Sur le choix des extraits : l’auteure aborde de nombreuses questions en détail et cite beaucoup de noms que peu de gens en France connaissent (si vous pensiez que l’aventure Wikileaks se résume à Julian Assange, vous avez été mal informés). Elle se livre aussi à des règlements de comptes difficiles à suivre pour les non initiés. Toutes ces parties ont été expurgées. Pour les anglophones et initiés, l’article original mérite une lecture attentive.

Vous trouverez une traduction complète ici : https://www.les-crises.fr/dans-la-peau-de-julian-assange-par-suzie-dawson/

* * * *

Certains journalistes pourraient consulter un almanach de Washington DC la nuit des élections de 2016 et commencer cet article par quelques mots pittoresques sur les vents glaciaux qui balayaient la capitale qui retenait son souffle en attendant le résultat.

Mais j’ai plus de respect pour mes lecteurs que ça. J’irai donc droit au but.

L’élection

En 2016, un candidat accusé d’être un prédateur sexuel en série s’est porté candidat à la présidence des Etats-Unis contre l’épouse notoirement corrompue d’un président précédemment destitué – et lui-même accusé d’être un prédateur sexuel en série.

Que ces faits à eux seuls n’aient pas suffi à invalider l’ensemble du processus électoral témoigne de l’audace avec laquelle le pouvoir corrompu opère en Occident, et de la façon dont le public est conditionné à consommer les sous-produits de ses machinations.

A l’issue de l’élection sans doute la plus controversée de l’histoire récente, c’est le présumé prédateur sexuel en série qui a gagné.

Pendant la campagne, le rédacteur en chef de WikiLeaks, Julian Assange, a bien décrit le choix entre les deux candidats comme un choix entre ’le choléra et la gonorrhée’. Edward Snowden a effectué un sondage auprès de ses suiveurs sur Twitter en leur demandant s’ils préféreraient voter pour un ’méchant calculateur’, un ’monstre irréfléchi’ ou ’littéralement n’importe qui d’autre’. 67 % ont choisi la dernière option. Pourtant, ceux qui ne voulaient pas être forcés à faire un faux choix entre Clinton et Trump sont tombés dans l’oubli, rejoignant la majorité silencieuse largement exclue des débats sans fin et insipides offerts par les grands médias.

Les descriptions de Julian et d’Edward des deux candidats à la présidence étaient des métaphores impeccables ; des personnages de bande dessinée qui, une fois réunis et présentés comme un choix démocratique légitime, tournèrent en dérision le concept de représentation politique dans son ensemble.

[...]

Les candidats au leadership sont les vedettes de la télé-réalité (littéralement) d’un théâtre politique récurrent qui traverse toutes les générations : tous les 4 ans, la population est soumise à un nouvel exercice massif du droit de vote, au cours d’un processus où des figures de proue bidimensionnelles promettent de réaliser les rêves de la populace. On vous dit qu’avec votre vote, votre candidat de choix commencera à mettre fin aux guerres et à apporter la transparence au gouvernement, à investir dans l’infrastructure ou à affirmer les droits humains et l’égalité pour tous - mais une fois élu, le vainqueur se tourne vers la caméra, sotto voce, comme Kevin Spacey dans [la série télévisée] House of Cards, et dit ’Vous ne pensiez pas vraiment que j’allais le faire ?

Pendant ce temps, les médias et le pouvoir de l’argent qui tirent les ficelles ignorent l’évidence flagrante et travaillent fébrilement à recouvrir les processus d’un vernis de crédibilité. En tandem, les grandes sociétés de données et de médias sociaux alignées sur le gouvernement emploient de plus en plus de technologies détestables pour remodeler l’histoire humaine en temps réel.

Ce révisionnisme historique industrialisé exige la démolition de la réputation des vertueux, l’aseptisation des compromis et la manipulation constante de la mémoire vivante.

Ce sont les principes fondamentaux de la fabrication du consentement. Ils ne font pas que nous mentir ; ils préparent déjà les mensonges qu’ils raconteront à nos arrière-petits-enfants.

Ce sont certaines de ces conneries inventées par les grands médias que le présent article a l’intention d’analyser.

Au cœur du problème, il y a la bataille entre vérité et mensonge. La plupart d’entre nous sommes pris en sandwich quelque part entre les deux et WikiLeaks se situe aux avant-postes. Parce que WikiLeaks est le dernier vestige d’une vérité, publique, vérifiable et non falsifiée.

C’est pourquoi ils sont détestés par ceux qui craignent les révélations facilitées par WikiLeaks et pourquoi WikiLeaks est traînée dans la boue tous les jours. C’est pourquoi tous leurs soutiens sont systématiquement attaqués et pourquoi Julian Assange est assassiné à petit feux sous nos yeux.

Nous, les gens, sommes la dernière ligne de défense. Une partie de la protection de WikiLeaks - et en fin de compte de nous-mêmes – consiste à comprendre la nature implacable des opérations psychologiques employées contre eux ; que les épreuves infligées par les ennemis du progrès humain affectent non seulement leur réputation ou leurs finances mais aussi leur intégrité physique ; que pour ceux qui mènent en notre nom ce combat ingrat pour la vérité, il s’agit d’une question de vie ou de mort.

Et c’est pourquoi nous devons riposter. C’est pourquoi nous devons dire la vérité à leur sujet.

Tuer un homme avec des mots

Il y a quelque chose de morbide et de "voyeuriste" dans la grande majorité des conversations au sujet de Julian Assange qui se déroulent dans le monde de l’activisme et du journalisme ces derniers temps.

Alors que nombre de leurs critiques les plus sévères professent hypocritement leur soutien idéologique au plus grand éditeur au monde, trop peu agissent de manière conrète pour le libérer. D’autres sont piégés, provoqués ou incités à débattre sans fin au sein de nos cercles sociaux sur ce qu’il faut bien appeler des frivolités - ce qu’Assange a dit de tel ou tel, ou à qui, ce qu’Assange pense de ceci ou de cela, ce qu’Assange a ou n’a pas fait - tandis que son corps se dégrade lentement devant les yeux du monde entier.

De par leur conception, ces débats créent des fissures sociales et des points de rupture. Elles constituent à la fois une distraction par rapport à l’urgence évidente de s’attaquer aux circonstances plus vastes de son déclin apparemment inévitable et une tactique dilatoire, créant un prétexte qui nous empêche d’agir et qui sert à justifier notre inaction.

Parce que ne rien faire est une option facile et alléchante. Agir demande du courage. Du sang, de la sueur, des larmes.

L’absence d’effort cohérent pour faire pression sur les grandes puissances qui persécutent Julian se combine à l’absence d’un mouvement significatif. Le manque d’unité pour sauver la vie de quelqu’un qui a lui-même sauvé beaucoup de vies, y compris de ceux que nous chérissons le plus, nous plonge tous dans l’abîme du plus grand échec moral de la génération actuelle.

Ce que nous jouons collectivement, c’est la chanson de Bob Marley : Pendant combien de temps vont-ils tuer nos prophètes pendant que nous nous tenons à l’écart à regarder ? Sauf que, de façon encore plus perverse, nous ne faisons pas que regarder. En tant que communauté et société, nous sommes déjà en train de disséquer Assange comme un cadavre. Nous nous disputons ses restes comme des vautours, alors qu’il s’accroche encore à la vie.

C’est quelque chose de méprisable et de dégoûtant à observer.

Dépouiller la cible

L’histoire d’Assange dépasse ce qu’on peut trouver dans les livres, les films ou les légendes : voici un homme qui a changé le cours des médias, de la politique, de la technologie, de la société, pour toujours.

Comme si le fait d’être devenu en 2010 la cible d’une chasse à l’homme du Pentagone n’avait pas placé Assange suffisamment haut dans la liste noire de l’état profond, en 2017 WikiLeaks fut déclarée une cible prioritaire pour la CIA.

Oui, l’agence tristement célèbre pour avoir détruit la vie de millions de personnes en se livrant à toutes sortes de comportements maléfiques, dont d’innombrables assassinats et la déstabilisation active de dizaines de pays, utilise maintenant ses conférences de presse pour annoncer que la cible qu’elle poursuit n’est ni un tyran, ni un trafiquant de drogue, ni un criminel de guerre, mais un éditeur. Un journaliste.

Si le caractère sacré de l’ambassade dans laquelle Julian réside est encore indemne, c’est uniquement grâce à quelques lois internationales fragiles mais encore respectées. Dans un climat géopolitique où presque tous les pactes internationaux ont été violés, même ce sanctuaire offert par la Convention de Vienne sur les relations consulaires et le peuple équatorien ne peut être tenu pour acquis.

Incapables à court terme de s’emparer physiquement de lui, les puissances qui, pendant des années, ont ouvertement menacé la vie d’Assange, ont porté leur attention sur d’autres aspects de son existence : ses relations, ses finances, ses affiliations, ses réalisations, sa réputation, sa capacité à communiquer et même les affaires intérieures du pays qui lui a accordé l’asile.

Une partie du manuel "Diviser pour Régner" explique comment briser les alliances naturelles. Nous le voyons dans la détermination à briser les relations entre nos plus importants lanceurs d’alerte afin qu’ils ne puissent jamais constituer une force unie.

Manning, encouragée à prendre ses distances avec Snowden parce que Snowden n’est pas resté pour faire face à des accusations et/ou à la torture et/ou à la mort. Brown, encouragé à détester Assange. Et ainsi de suite.

L’effacement des archives

Une des manières pour affaiblir Assange et WikiLeaks (ou n’importe quel cible) est de nier leur oeuvre. Des récits sont élaborés et diffusés afin de les dépouiller rétrospectivement de leurs réalisations et d’en réduire l’importance. On peut le constater dans les tentatives constantes de minimiser les efforts de WikiLeaks pour défendre et organiser le soutien à Chelsea Manning et à d’autres lanceurs d’alerte. Mais il y a des exceptions intelligentes qui n’hésitent pas à remercier qui de droit. Le présumé pirate informatique britannique Lauri Love, qui, dans une victoire historique, a vaincu une tentative d’extradition vers les États-Unis, a rapidement crédité Julian Assange et Courage Foundation.

L’hommage de Lauri à ceux qui ont consacré des années de leur vie à le soutenir est louable et les efforts déployés pour lui éviter l’extradition ont créé un précédent juridique important.

En revanche, une grande partie des archives numériques détaillant la genèse de la campagne pour libérer Chelsea Manning a disparu. Bon nombre des principales contributions de ses partisans initiaux ont été effacées.

Les comptes Twitter @freebradley & @savebradley ont été suspendus. Les sites Web originaux de la campagne de soutien, standwithbrad.org et bradleymanning.org sont tous deux en panne. Le site Web actuel du réseau de soutien officiel de Chelsea Manning contient des archives qui ne remontent qu’à 2016. Toutes les mises à jour précédentes ont disparu ou n’ont jamais été copiées sur ce nouveau site. Une perte de six années d’activités de soutien, de bulletins, d’actions et de mises à jour.

Et ce n’est pas tout. De courts liens vers des informations d’une importance critique, comme celles qui suivent, ont également été supprimés. (Certains sont disponibles par l’intermédiaire des services d’archives ; beaucoup ne le sont pas)

La véritable histoire est celle de la chronologie Twitter de WikiLeaks. Depuis le jour même où Manning fut arrêtée, trahie sans états d’âme par Adrian Lamo, un agent du FBI.

[...]

Quelques jours après son arrestation, WikiLeaks a lancé la première campagne de soutien à Manning - alors qu’elle était encore enfermée dans une cellule au Koweit. Moins d’une semaine après son arrestation, WikiLeaks était déjà en train de contrer les calomnies déversées sur Manning.

WikiLeaks est allée au delà de ce que l’on pouvait attendre de la part de n’importe quel éditeur pour soutenir sa source présumée qui était attaquée de tous parts.

Et quelque chose que personne, à ma connaissance, n’a souligné : au cours de la dernière semaine du mois d’août 2010, alors que Julian Assange subissait lui-même des attaques juridiques et la diffamation publique qui a suivi, WikiLeaks était encore et toujours en train de tweeter sans relâche des annonces de soutien à Manning.

La censure du réseau de soutien par les grandes entreprises a débuté tôt avec WikiLeaks, qui a annoncé en septembre 2010 que le groupe Facebook de 10300 membres de soutien à Manning avait été bloqué par l’entreprise de médias sociaux.

Malgré cela, trois mois à peine après la création du réseau de soutien par WikiLeaks, 20 villes marchaient en solidarité avec le lanceur d’alerte.

L’équipe juridique exemplaire de WikiLeaks a pris publiquement la défense de Manning.

Si vous pensiez que Paypal et/ou Pierre Omidyar étaient méchants pour avoir coupé le financement de WikiLeaks, vous serez probablement encore plus furieux de découvrir qu’ils ont également coupé le financement du Réseau de soutien à Manning trois semaines après que WikiLeaks ait coordonné les appels à la Maison Blanche pour la faire libérer.

L’avocat de Manning s’est plaint qu’elle n’était pas traitée comme les autres prisonniers.

Le ’traitement spécial’ de Manning par les autorités préfigure étrangement le cas de Julian Assange. Des années plus tard, les courriels des procureurs britanniques obtenus par la journaliste italienne Stefania Maurizi révéleront qu’ils ont dit à leurs homologues suédois : « Croyez bien que cette affaire n’est pas traitée comme une simple demande d’extradition ».

Pendant ce temps, le Guardian était occupé à incriminer Manning, bien avant le procès. [...]

Une fois que WikiLeaks a commencé à diffuser le hashtag #freebrad, celui-ci s’est rapidement multiplié en d’innombrables milliers de tweets. Il m’a fallu plusieurs heures pour parcourir l’historique du hashtag de 2011 à 2013. Le volume est impressionnant.

Peu de temps après, Manning fut nominé pour le prix Nobel de la paix. WikiLeaks l’a astucieusement maintenue dans la conscience publique en égrenant chaque jour qu’elle passait en détention provisoire.

WikiLeaks ne manque jamais une occasion de remporter une victoire ironique : fin 2012, ils encourageaient les gens à voter pour Manning afin de l’élire « personnalité de l’année » du quotidien the Guardian. Bien sûr, ils ont réussi à obtenir suffisamment de soutiens, et elle a gagné.

À mi-2012, le réseau de soutien adressa une pétition directement à M. Obama.

Beaucoup de héros citoyens, de journalistes et d’ONG qui ont apporté un soutien vital à Manning dès le début ont été oubliés. En particulier, l’historique de Twitter montre que la rédactrice en chef de FireDogLake, Jane Hamsher, le journaliste Kevin Gozstola, et une foule de bénévoles et de partisans de l’univers WikiLeaks se sont surpassés année après année pour Manning.

En outre, il convient de noter le flot incessant d’infographies et de memes produits par SomersetBean, concepteur pro-WikiLeaks, qui continue à ce jour.

En janvier 2013, les choses prirent un tournant sinistre. Alors que le Réseau de soutien s’investissait collectivement dans cette noble cause, le FBI, comme on pouvait s’y attendre, les minait à chaque occasion. Cependant, en février, le soutien croissant à Manning, directement attribuable aux efforts du réseau coordonné à l’origine par WikiLeaks, était devenue trop fort pour être ignoré. En avril de la même année, Manning était de nouveau en lice pour le prix Nobel de la paix, cette fois proposée par 36 000 partisans. Le 30 juillet 2013, Manning fut reconnue coupable de 20 chefs d’accusation, ce qui eut un effet dévastateur.

Au total, le compte Twitter principal de WikiLeaks a envoyé plus de 800 tweets en faveur de Chelsea Manning, entre la date de son arrestation en 2010 et la date de sa condamnation en 2013. Le décompte ne comprend que les tweets contenant le nom sous lequel elle était connue à l’époque, et seulement jusqu’à la fin de son procès. Les références en tant que soldat, ou similaire, n’ont pas été incluses dans la recherche, et ne sont donc pas comptées. Il y a eu plusieurs centaines d’autres tweets de soutien postés par WikiLeaks depuis.

De quelle autre publication grand public peut-on espérer un tel soutien à une de ses sources ? Les efforts de WikiLeaks pour faire libérer Manning sont sans précédent dans l’histoire des médias modernes, chose qui est rarement, voire jamais, reconnue.

Dans la quasi conclusion de son récent article sur WikiLeaks, Micah Lee de The Intercept (ex-Electronic Frontier Foundation, actuellement chez Freedom of the Press Foundation) s’est efforcée de dissocier Manning de WikiLeaks en martelant la citation souvent répétée que Manning avait préféré divulguer ses fuites au New York Times ou au Washington Post, plutôt qu’à WikiLeaks. A l’époque, aucun des deux journaux n’avaient répondu aux tentatives de Manning d’entrer en contact avec eux.

Cela dit, il est très douteux qu’un de ces journaux, même s’il avait répondu, aurait eu la portée et l’impact que les fuites de Manning ont eues via WikiLeaks. Il est tout aussi douteux qu’ils se seraient engagés pour tenter de limiter les dégâts causés à Manning par le traître Lamo. Il est peu probable aussi que les grands médias se seraient engagés, avec toutes leurs ressources financières, dans une campagne sur plusieurs années pour obtenir l’appui du public pour le lanceur d’alerte. Ils l’auraient probablement laissée pourrir dans une cage au Koweït.

Mais la relation de WikiLeaks avec Manning et ses partisans n’est pas la seul partie de l’histoire à avoir été volontairement effacée par Lee et consorts. Les tentatives de dissocier, à titre posthume, le programmeur Aaron Swartz et son projet SecureDrop, de Julian Assange, sont de notoriété publique.

Quelques années avant l’affirmation de Micah Lee mentionnée ci-dessus, on trouve Freedom of the Press Foundation faisant la promotion de SecureDrop sous le titre ’Un WikiLeaks dans chaque salle de rédaction

[...]

« Quand j’ai entendu parler de DeadDrop pour la première fois, ça m’a semblé être un projet très beau et excitant. WikiLeaks faisait la une des journaux à l’époque et il semblait que c’était un peu en train de se démocratiser. » - Micah Lee

Ceci est cohérent avec l’affirmation de Kevin Poulsen selon laquelle il souhaitait standardiser la technologie du système de dépôt sécurisé dans toutes les salles de rédaction :

« Il n’y avait pas de moyen standard pour les lanceurs d’alerte de fournir des documents de manière sécurisée à un journaliste, alors j’ai voulu développer une solution et je suis allé voir Aaron... » - Kevin Poulsen

Dans la foulée de la tentative du Wall Street Journal de 2011 de créer une boîte de dépôt sécurisée, on a demandé à Aaron Swartz à la télévision en direct : « Pensez-vous que WikiLeaks a vraiment changé les règles du jeu au cours de la dernière année, maintenant que nous voyons cette sorte de course aux armements du journalisme pour savoir qui créera le premier son propre site de dépôts de fuites ? ». Il a répondu : « Oh, clairement, je veux dire que c’est une énorme victoire pour WikiLeaks. Nous sommes passés d’une situation où tout le monde disait qu’il fallait les jeter en prison, à une situation où tous les journaux et organes de presse veulent avoir leur propre site WikiLeaks ».

Les faits sont on ne peut plus clairs : comme le dit Aaron, WikiLeaks était la raison pour laquelle les salles de rédaction voulaient avoir accès à cette technologie. Wikileaks allait apporter la technologie SecureDrop au monde entier. Comme Kevin Poulsen l’a expliqué dans le New Yorker, il avait besoin d’Aaron pour le faire, et l’a contacté via James Dolan.

Malheureusement, les deux principaux développeurs de SecureDrop, Aaron Swartz et James Dolan, ne sont plus parmi nous. Les deux se seraient suicidés. Aaron Swartz fut commémoré dans une nécrologie rédigée par Kevin Poulsen.

M. Poulsen fut également journaliste du magazine Wired et ancien membre de Freedom of the Press Foundation. Les circonstances de son bref mandat au sein de l’organisation ou les raisons de son départ sont inconnues. Sa participation n’est rappelée que dans une liste des membres de Freedom of the Press, page aujourd’hui disparue. Plus important encore, Poulsen est aussi le journaliste à qui l’informateur du FBI, Adrian Lamo, a divulgué les conversations privées de Chelsea Manning, ce qui a mené à sa capture et à sa torture.

Lamo s’était présenté à Manning à la fois comme journaliste et (incroyable mais vrai) prêtre, et a déclaré que Manning pouvait donc être doublement rassuré quant à la confidentialité de leurs échanges. Ce fut une vulgaire trahison de confiance.

[...]

Réécrire l’histoire

[l’auteure énumère des auteurs et organes de presse qui ont effacé les liens entre Aaron et Wikileaks]

Le résultat final n’est pas seulement la disparition de WikiLeaks dans la biographie d’Aaron – mais aussi d’éloigner les projecteurs des services de renseignement qui traquaient les membres et les supporters de WikiLeaks à travers le monde. Le public est convié à croire que l’intérêt du FBI pour Aaron n’était dû qu’à une affaire du piratage de l’université MIT. La colère du public à l’annoncé de la mort prématurée d’Aaron Swartz s’est donc dirigée vers l’université et les procureurs du ministère de la Justice, plutôt que vers l’ensemble de la communauté du renseignement US. L’oblitération généralisée des relations entre WikiLeaks et Swartz occulte un facteur important dans les circonstances qui ont conduit à sa mort.

J’ai eu la confirmation par WikiLeaks qu’Aaron n’était pas seulement un fan, un partisan ou un défenseur. Il travaillait directement avec eux. Mais je le savais déjà, par des échanges avec un autre bénévole de WikiLeaks, dont l’importance du travail est également effacée des archives publiques. Celui-ci est encore en vie. Il s’agit de Jacob Appelbaum.

[…]

Lorsque l’on considère toute cette histoire occultée, qu’il s’agisse du soutien à Manning, du travail d’Aaron pour WikiLeaks, de l’inspiration de WikiLeaks pour SecureDrop, de la participation de Julian Assange à la création de la Freedom of the Press Foundation, (autre fait nié par Micah Lee) ou d’autres du même ordre, il faut bien comprendre que le FBI, la CIA et la NSA, eux, reconnaissent parfaitement l’importance de WikiLeaks, de tout ce que l’organisation a apporté et réalisé très concrètement.

C’est pourquoi WikiLeaks et tous ceux qui y sont associés sont ciblés. C’est pourquoi la vérité est estompée ou carrément effacée.

Le public ne connaît qu’une histoire blanchie à la chaux pour l’empêcher de découvrir à quel point WikiLeaks mérite nos éloges et notre soutien. La véritable histoire existe, enfouie dans les bases de données des services de renseignement et les coffres-forts de l’élite, qui cherchent à fabriquer une nouvelle réalité.

[…]

Subvertir l’histoire

Ce n’est qu’une fois la cible neutralisée, que ce soit par l’institutionnalisation, la capitulation, l’assassinat ou la mort (c’est selon) que l’on peut permettre que son oeuvre soit partiellement reconnue et restaurée. Mais seulement pour être récupérée et reformatée en fonction des objectifs politiques de la force neutralisante.

Le groupe révolutionnaire de rock-rap Rage Against The Machine a repris des fragments de textes du FBI tirés des fichiers Cointelpro dans leur chanson à succès ’Wake Up’ en 1991. C’est devenu plus tard la bande son des films Matrix. L’enregistrement comporte une voix en boucle imitant celle d’un agent du FBI : « Grâce au contre-espionnage, il devrait être possible d’identifier les fauteurs de troubles potentiels et de les neutraliser ». C’était la doctrine employée contre le Dr Martin Luther King Jr, Malcolm X et Nelson Mandela, parmi d’innombrables autres.

Comme l’a souligné David Swanson, candidat au prix Nobel de la paix, lors d’un épisode de #AntiSpyBill en 2017, et confirmé plus tard par Cynthia McKinney dans cette même série, le Dr King n’était pas seulement le militant des droits civils et l’organisateur que l’on nous encourage à commémorer. Il était en réalité un ardent militant anti-guerre, antimilitariste, anti-impérialiste et anticapitaliste.

En ne reconnaissant qu’une seule dimension du personnage et en instituant une fête nationale pour ’célébrer’ cet aspect limité, sa mémoire a été à la fois aseptisée et récupérée par l’establishment.

Plutôt que de reconnaître que King s’était opposé à absolument tout ce que représente le statu quo, ils peuvent désormais faire semblant qu’il ne s’opposait qu’à une seule facette de la société et prétendre que grâce à lui, les Etats-Unis ont progressé. En réalité, l’écrasante majorité des problèmes auxquels King a consacré sa vie n’ont pas été réglés, et se sont même aggravés au fil du temps depuis que l’État qui célèbre sa mémoire l’a tué. Des choses telles que l’inégalité économique systémique, l’incarcération massive, la montée du complexe militaro-industriel et la politique étrangère de Washington qui se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Si nous ne prenons pas conscience de ces tactiques, alors il faut s’attendre à les voir se répéter encore et encore, avec les souvenirs des héros d’aujourd’hui. Nous l’avons déjà vu dans le cas d’Aaron Swartz ; si nous n’identifions pas le processus d’assainissement en cours et n’intervenons pas en conséquence, le jour viendra où nous verrons la même chose se produire avec Snowden et Assange.

[l’auteure aborde le cas de Quinn Norton, ex-compagne d’Aaron, qui s’exprime beaucoup contre Wikileaks et dénonce même l’admiration pour Aaron. « Ce n’est pas souvent que l’être cher d’un défunt se plaint que la mémoire publique du défunt est trop positive. » Elle s’en prend régulièrement aussi à d’autres proches de Wikileaks]

Un guide pour débutants à e-Drame

Plus que jamais, nous sommes non seulement formés, mais activement incités à détester Julian Assange. Pour se moquer de lui, le calomnier, le juger. Dans certains cercles, vous pouvez gagner pas mal de points de crédit social simplement en rejoignant le grand cercle des lanceurs de boue contre Assange.

Le manque d’empathie pour la gravité de l’état de Julian est saisissant, et encore plus lorsqu’il vient d’autres cibles connues qui ont aussi énormément souffert.

[l’auteure détaille ses démêlés avec des anti-Wikileaks et démonte leurs affirmations point par point, et comment des journalistes ont tenté de « piéger » des soutiens à Assange ]

Tout comme nous avons montré plus tôt que le réseau de soutien Manning était surveillé par le FBI, les donateurs du fonds juridique de Barrett Brown étaient également surveillés. Les avoirs de Kim Dotcom ont été saisis et ses fonds gelés. Les comptes de Julian Assange ont également été gelés pendant son séjour en Suède. Tous les lanceurs d’alerte, de nombreux journalistes dissidents (y compris moi-même) et leurs partisans ont été victimes d’ingérence financière.

La tactique numéro un des services de renseignement est de s’en prendre aux ressources de leurs cibles. Pour les appauvrir par tous les moyens.

Le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a annoncé lors de sa première conférence de presse en 2017 que WikiLeaks est une cible prioritaire. Par la suite, la survie même de l’organisation, jusqu’à ce jour, est en jeu, tout comme la vie de ceux qui se sont engagés à leurs côtés.

À ce stade, il faut poser la question cui bono ? Qui gagnerait à dépouiller les soutiens financiers de WikiLeaks de leur anonymat et à les exposer potentiellement à un danger ?

Couper le canal des dons anonymes risque de mettre en danger les partisans de la liberté de la presse dans le monde entier.

Sacrifice (et Amour)

[l’auteure analyse le documentaire « Risk » de Laura Poitras en termes défavorables]

C’est extrêmement intéressant parce que les détracteurs de WikiLeaks les accusent de s’attribuer le mérite du travail des autres. Au contraire, ce qui précède révèle que WikiLeaks ne s’attribue pas le mérite des réalisations majeures qu’ils ont contribué à réaliser.

Poitras a redécoupé le film pour en faire quelque chose de très différent, s’aliénant au passage plusieurs participants. Elle est ensuite revenue sur ses dénégations à Cannes et admis ses conflits personnels avec Julian. [...]

La version révisée du film laisse beaucoup de questions sans réponse. J’ai pu combler certaines lacunes en regardant d’innombrables courts-métrages d’interviews avec Poitras et d’autres personnages, mais les trous les plus béants qui pourraient ne jamais être comblés sont les heures innombrables d’images tournées par Poitras et jamais publiées. Poitras a laissé des pièces majeures du puzzle sur le sol de la salle de montage.

Il y a eu deux moments très subtils qui m’ont profondément émue. Chacun était simple mais poignant et émouvant : Le premier, lorsque la main de Sarah Harrison frotte le dos de Julian, montrant une tendresse qui a transformé ma vision de son expérience à l’ambassade depuis toutes ces années.

Il n’y a rien de plus parfait au monde que le véritable amour, et le voir chez Julian est un cadeau inestimable.

Cet aperçu de la relation entre Sarah et Julian redéfinit le sacrifice et le risque que Sarah a dû consentir lorsqu’elle s’est rendue à Hong Kong pour aider Edward Snowden.

Sur l’échiquier du Grand Maître, elle était la Reine que Julian a envoyée sur le terrain. C’était un pari risqué pour un gain élevé. Cela dénote une volonté de faire des sacrifices personnels là où les principes l’exigent. Les ramifications juridiques du sauvetage d’Edward Snowden ont séparé physiquement Sarah et Julian et ont élevé leur statut de cible aux yeux des gouvernements qui les ont persécutés. Le prix de leur victoire a été de longues années sans ce tendre contact. Jamais ils n’ont reconnu ce sacrifice, jamais ils ne se sont plaints. Cette relation n’est que rarement reconnue par la presse. Bien que Julian soit dépeint comme le principal représentant de WikiLeaks, il a eu une femme intelligente, courageuse, épanouie et belle qui travaillait à ses côtés à chaque étape.

Le deuxième moment de ’Risk’ qui m’a marquée, extrêmement bref, est le regard [de sa mère] Christine Assange quand elle se tourne vers la caméra alors que Julian quitte la chambre d’hôtel, déguisé, pour se rendre à l’ambassade d’Equateur et demander l’asile. On voit d’où Julian a hérité son courage. Mais il y a un élément de mépris. On dirait que Christine ne savait que trop bien que la caméra est un outil à la fois bienveillant et traître. Il y a une absence de conscience de soi dans ’Risk’. Tout en condamnant Julian, il l’innocente parfois de façon involontaire.

[...]

Lors d’une interview, Laura Poitras confirme le rôle de WikiLeaks dans la genèse des plates-formes sécurisées pour les lanceurs d’alerte :

« Julian est quelqu’un qui, je pense, a compris qu’il y avait une nouvelle ère dans le journalisme, et qu’il y aurait un besoin d’outils pour protéger les sources, utiliser le cryptage, créer cette plate-forme de soumission anonyme, nous ne le savions pas en 2006, non ? Que le gouvernement allait être en mesure de surveiller votre téléphone et savoir si une source vous appelle, n’est-ce pas ? Il ne suffit pas qu’un journaliste dise qu’il protégera ses sources si le gouvernement est capable de savoir qui il a rencontré et où ».

Les démonstrations de sexisme dont on parle beaucoup dans le film sont une épée à double tranchant. Dans son portrait de Julian, le film évacue l’importance et les réalisations des nombreuses femmes qui ont travaillé à ses côtés, en minimisant leur contribution aux événements décrits.

Melinda Taylor, avocate de WikiLeaks :

« Le contenu [du documentaire] a été sélectivement édité et sorti du contexte et montre des personnes qui n’ont jamais accepté d’y figurer... si vous montrez un documentaire sur WikiLeaks, vous devez parler de la protection des sources, vous devez parler de la surveillance gouvernementale, ce qui était le but du film, c’est du moins ce qu’on leur avait raconté... WikiLeaks est la vedette du documentaire mais le film a été monté de telle façon que vous pourriez croire qu’Assange est WikiLeaks et qu’il n’y a personne d’autre. Les femmes ont été complètement écartées du processus, montrées comme dénuées de tout pouvoir, de simples sous-fifres serviles... »

L’hypocrisie de Risk qui prétend dénoncer le sexisme tout en réduisant les femmes à un rôle insignifiant, a produit un résultat merveilleusement karmique : grâce au film, le monde a appris beaucoup, beaucoup plus sur les femmes de WikiLeaks.

Pour faire avancer la cause des femmes, il faut être prêt à les célébrer. Le film de Poitras, très centré sur l’homme, a totalement raté cette occasion.

[...]

Les soi-disant défenseurs des femmes sont apparemment incapables de faire la différence entre la violence physique et la violence délibérée d’un viol réel, comme le viol de Juanita Broderick par Bill Clinton, comparé aux désaccords sur les préservatifs [allusion à l’ « affaire suédoise » qui n’a jamais été qu’une affaire de préservatif déchiré et une demande de test de dépistage du sida, test réalisé et affaire close – dans un premier temps - par la justice suédoise – NdT] ou un baiser dans un bar, des blagues ou des propositions déplacées. C’est usant et franchement déprimante pour celles qui en sont victimes.

Les comportements sexuels condamnables et autres aspects de la culture du viol peuvent et doivent être dénoncés et déplorés, sans qu’il soit nécessaire de les assimiler au viol. La propension des libéraux à le faire affaiblit et diminue l’expérience des victimes de viol et la gravité de la situation. Il semble qu’il s’agisse d’une autre fonction du privilège que d’employer les termes de ’viol’, ’violeur’ et ’violeur en série’ sans en comprendre les répercussions.

[...]

Ceux qui critiquent Appelbaum dénoncent l’idée qu’on devrait encore se souvenir de lui pour avoir fait ’du bon travail’. La vérité, c’est qu’il n’a pas fait seulement du bon travail. Il a fait un travail vital, indispensable et essentiel et que très peu, sinon personne, ont repris le relais.

Il a travaillé avec des victimes de Guantanamo. Il a exposé une technologie de surveillance que personne d’autre ne possédait. Il a voyagé dans le monde entier, pour aider des militants et des journalistes en danger à échapper aux attaques dont ils faisaient l’objet de la part de leur gouvernement.

[...]

Au cours de ses dernières interventions publiques, Appelbaum plaisantait régulièrement en disant que s’il était tué, ce serait un meurtre. Bien qu’il souriait en le disant, il y avait une sombre vérité sous son humour cynique. Car s’il n’avait pas été neutralisé, castré socialement, comme il l’a finalement été - s’il n’avait pas été rendu persona non grata par ces mêmes communautés qu’il travaillait à protéger de la répression gouvernementale - il aurait très bien pu être tué. [Appelbaum fut « neutralisé » après des accusations d’abus sexuels - NdT]

La facilité avec laquelle l’empire américain peut ajouter un nom sur sa liste d’assassinats est mise en évidence par cette affaire. Si le critère pour figurer sur une telle liste est plus large dans une zone de guerre, seuls les naïfs peuvent croire que les assassinats sanctionnés par l’État de certains journalistes et dissidents ne se produisent pas aussi en Occident.

Nous nous précipitons vers un avenir où des drones militarisés seront déployés au-dessus de la tête de tous les citoyens occidentaux. Il n’est pas inconcevable que l’exécution extrajudiciaire de ’menaces à la sécurité nationale’ se produise sur notre propre sol avec peu de fanfare, comme c’est déjà le cas au Yémen, en Somalie, au Pakistan, en Afghanistan, en Syrie, en Irak et Dieu sait combien d’autres pays.

C’est à ce niveau de menace pour les droits de l’homme que nous sommes confrontés. Être honnête au sujet des risques que l’activisme comporte, c’est aider les gens à comprendre pourquoi ils doivent s’engager dans la lutte pour empêcher que ces risques ne s’aggravent et se propagent.

La plupart des dissidents occidentaux n’atteindront jamais le niveau d’un Julian Assange ou d’un Jacob Appelbaum. Reconnaître les menaces qui existent pour certains d’entre nous donne aux gens les moyens de mieux nous comprendre et nous soutenir.

Une partie de notre devoir de diligence envers les autres militants est de partager avec eux toute l’étendue de nos connaissances sur les systèmes et les méthodes employées contre nous, comme Appelbaum l’a toujours fait.

Il va de soi que la raison d’être du terme ’risque’ est évidente : parce que les risques sont réels.

Tous ceux qui ont participé au reportage sur Snowden étaient en danger - personne ne l’était plus que Snowden lui-même. Comme tous ceux impliqués dans WikiLeaks. Comme tous ceux impliqués avec Kim Dotcom, ou comme tous ceux pris pour cible par les hautes sphères de l’Empire américain.

Déclarer ouvertement qu’il ne faut pas se voiler la face. C’est simplement une réalité de notre existence.

Mais il existe aussi différents types de risques.

« Je n’arrive pas à croire ce qu’il m’autorise à filmer.. ». dit Laura en parlant de Julian, dans ’Risk’. Mais Assange ne la laissait pas seulement filmer. Il avait l’intention de divulguer la véritable histoire de WikiLeaks au public : Poitras ne devait être que le messager. Laura le reconnaît : « En fait, je pense qu’il voulait qu’il y ait un enregistrement de ce qui se passait »

Le film couvre des événements marquants d’une très grande valeur historique : Julian vivant en résidence surveillée, travaillant sur des publications de masse, au tribunal, se déguisant et se précipitant à l’ambassade de l’Équateur, dans des conversations avec des avocats, des diplomates, des célébrités et sa mère. C’était censé être le point central du film. C’est la raison pour laquelle le personnel de WikiLeaks a donné son consentement.

Laura parle de ses conflits avec Julian au sujet du montage final : « Je trouve quelque peu ironique qu’il essaie de censurer le contenu du film étant donné la mission idéologique de WikiLeaks. » Après de nombreuses heures de réflexion, j’ai réalisé que le film de Poitras est la personnification du débat sur la conservation.

Assise dans sa salle de montage, Poitras en était la conservatrice. En refusant aux parties concernées d’avoir leur mot à dire, elle conservait le contrôle sur les aspects de leur vie et de leurs relations qu’on allait laisser transparaître, et sous quel éclairage.

Le modèle WikiLeaks consiste simplement à diffuser toutes les images.

[l’auteur analyse les prises de positions et rôles de Sibel Edmonds et Whitney Webb. Elle décortique les relations et subventions de Electronic Frontier Foundation]

[...]

Le titre Dans la Peau de Julian Assange est un hommage à mon film préféré, Being John Malkovich. (Sa place de numéro un dans mon cœur n’est contestée que par Leaving Las Vegas).

[...]

Cet article monopolise mon temps depuis plus de quatre mois. La phase de recherche a duré des mois. La phase d’écriture a duré plus de deux semaines consécutives de 12 à 20 heures par jour. L’article s’étend maintenant sur plus de 15 000 mots et pourrait devoir être lu en plusieurs fois.

Les centaines d’heures investies l’ont été pour une raison très grave.

Je crains que Julian Assange ne meure lentement sous nos yeux pendant que nous nous disputons à propos de ses tweets.

Bien que Julian n’ait jamais demandé notre pitié - bien au contraire, il écarte régulièrement toute discussion sur ses souffrances - je refuse en toute conscience de garder le silence face à la dégradation physique évidente qui résulte de sa détention arbitraire injuste et illégale.

On ne peut pas dire qu’on n’a pas été prévenus.

Plus de quatre ans après le début de la détention arbitraire de Julian à l’ambassade de l’Équateur, WikiLeaks a publié les conclusions des médecins qui l’avait examiné, afin d’évaluer les effets physiques et psychologiques de son incarcération sans précédent.

Selon un expert en traumatologie et psychosocial qui a évalué Assange, la situation de Julian « équivaut à la situation d’un prisonnier détenu indéfiniment mais sans les soins de santé normaux d’un prisonnier... »

Les effets néfastes vont bien au-delà de ceux dont nous avons souvent entendu parler - le manque de soleil et la carence en vitamine D qui en résulte, les blessures non diagnostiquées et donc non traitées à l’épaule, le manque de soins dentaires (il y a deux ans et demi, Julian avait besoin d’un traitement de canal et ne la pas encore reçu), ou le fait de ne pouvoir respirer que l’air recyclé.

Il y a des effets psychologiques sur Julian que nous n’aurions pu deviner, mais que les rapports médicaux mettent à nu.

Pour celui qui est traqué par les services de renseignement les mieux financées et les plus vicieuses du monde, révéler toute nouvelle voie d’attaque personnelle peut représenter une menace mortelle. Selon le rapport, Julian était ’particulièrement réticent’ à faire allusion à « toute vulnérabilité ou crainte que ses facultés cognitives ou émotionnelles ne soient dégradées... en raison de sa situation... ».

Cette incapacité à se confier librement à des professionnels de la santé ou à admettre toute l’étendue de ses propres souffrances aux autres qui l’entourent l’empêche d’y faire face de manière significative (si c’est possible).

Selon le docteur qui a rédigé le rapport : « M. Assange a réitéré qu’il craignait que l’information médicale le concernant ne soit utilisée contre lui et qu’il ne puisse paraître ’faible’ dans sa situation actuelle. »

Cela exacerbe son isolement mental tout en contribuant à la perception publique de Julian comme étant en quelque sorte invulnérable ou surhumain. Il n’est donc pas perçu avec autant d’empathie qu’il devrait l’être, et les demandes publiques en faveur d’une résolution humaine de sa situation n’ont pas encore atteint le degré d’urgence qu’elles méritent.

Le rapport médical se poursuit « Il existe des indices cliniques suggérant que M. Assange souffre d’altérations significatives dans son sens du temps, de l’espace et des perceptions internes de son corps par rapport à l’environnement extérieur. Ces changements sont tous compatibles avec les restrictions liées à sa situation de vie actuelle. »

Bien que la perception que Julian a de lui-même soit affectée par son espace personnel limité et ses restrictions physiques sur son corps, il est pleinement conscient de l’ampleur des forces oppressives qui s’exercent autour de lui au-delà des murs de l’ambassade.

Les forces de police, y compris le forces de lutte contre le terrorisme, comptent jusqu’à 100 hommes à plein temps, et disposent de ’trois réseaux de surveillance’ autour de l’ambassade, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Les incidents et les menaces d’intrusions abondent, d’officiers en civil armés de mitraillettes à un cambrioleur en herbe qui tente d’escalader la façade de l’immeuble, en passant par la livraison d’une enveloppe contenant de la poudre blanche.

Les menaces de mort constantes et les appels à l’assassinat de Julian font que la déclaration de la semaine dernière d’un juge de la Cour municipale affilié au [service de renseignement britannique] MI6, selon laquelle Julian pouvait s’exposer au soleil sur le balcon du premier étage de l’ambassade, est à la fois ironique et insultante pour notre intelligence.

Le rapport médical poursuit : « Le système de surveillance cité par M. Assange est une source constante de pression psychologique. C’est un rappel omniprésent de sa vulnérabilité fondamentale dans ses relations avec les autorités ».

Julian lui-même est pleinement conscient de la nature paradoxale de la surveillance agressive exercée sur sa personne, et il y est cité : « Le travail de toute ma vie a été au service de la lutte pour la liberté et le droit à la vie privée. Maintenant, je n’en ai plus. »

Le rapport réitère ce point dans le contexte de ses effets néfastes sur le sentiment d’identité et de soi de Julian ; il souligne que l’intensité de la surveillance exercée sur un militant de la protection de la vie privée crée des facteurs de stress supplémentaires : « La surveillance décrite plus haut dans ce rapport peut être considérée comme incompatible avec l’éthique et l’identité de M. Assange lorsqu’il est lui-même pratiquement sous un microscope et, en tant que tel, elle est à la fois traumatisante et destructrice pour sa personnalité. »

Les effets de la détention indéfinie sont énumérés :

  • Anxiété chronique
  • Stress physiologique et cardiovasculaire
  • Risque de dépression et de suicide
  • SSPT
  • Changements de personnalité
  • Perte d’espoir
  • Insomnie
  • Privation sensorielle

Julian a parlé de la façon dont ses perceptions sont modifiées.

« ...les murs de l’ambassade sont aussi familiers que l’intérieur de mes paupières. Je les vois, mais je ne les vois pas. » Il a commenté comment il était de plus en plus difficile de voir comment les objets étaient reliés les uns aux autres ou de saisir le passage du temps. « Il n’y a pas d’avant ou d’après. Il y a un ensemble décroissant de points de référence ».

Même le sommeil n’apporte aucun répit, car des policiers lancent des objets non identifiés à la fenêtre de sa chambre au milieu de la nuit et ont accès à l’appartement au-dessus de l’ambassade.

Être soumis à ce qui précède est déjà assez grave, mais l’éprouver en étant violemment attaqué, diffamé et mal représenté par la presse dans le monde entier, subir toutes les insultes imaginables, appelées violeur, pédophile, nazi, chauvin, misogyne, narcissique, agent secret, charlatan et antisémite, voir ses anciens alliés et amis privés de leur soutien et minés par des campagnes de propagande noire incessante, est inconcevable et à une échelle sans précédent .

L’indifférence totale de Julian à l’égard de sa condition physique - et dans certains cas, la moquerie ouverte qui en découle - amplifie l’indécence.

Ils sont devenus les hommes de l’ère moderne qui encouragent les spectateurs à encourager et à célébrer la torture sanctionnée par l’État au Colisée.

Loin d’être le narcissique qu’on dépeint, Julian ne se soucie pas de lui-même, mais de l’image qu’il se fait des autres.

Ceci, de la part d’un homme dont le rapport conclut : « vit dans un état chronique d’insécurité sanitaire ’ et a averti dès décembre 2015 que ’ les effets de la situation sur la santé et le bien-être de M. Assange sont graves et les risques vont très certainement s’aggraver, avec le risque de mettre sa vie en danger si les conditions actuelles persistent » .

Énoncer l’évidence

Les sombres avertissements du médecin au sujet de ces risques pour la santé d’Assange se manifestent à la vue de tous. Lors de sa dernière apparition en direct, Assange est toujours aussi perspicace, érudit et brillant. Mais il souffre visiblement des effets physiques toujours exacerbants de son emprisonnement de 7 ans.

Après plus d’une demi-décennie sans air frais pour respirer, il tousse et se racle la gorge constamment. Il lutte pour maintenir le flux cognitif - briser et réformer ses pensées, poursuivre dans un effort concerté pour exprimer ses idées. Il est évident pour tout spectateur que sa vision a été affectée. Nos yeux ont besoin d’une exposition régulière à de courtes et longues distances, ainsi qu’à des changements de lumière naturelle, pour maintenir leur santé. Avec seulement quatre murs rapprochés à regarder, Assange fait face à une cécité partielle, ainsi qu’à une foule d’autres effets négatifs de son enfermement injuste.

Bien qu’il y ait d’innombrables fils de discussion et tweets sur les médias sociaux qui circulent chaque jour à propos de Julian et WikiLeaks, peu d’entre eux semblent comprendre qu’il existe une possibilité sérieuse et grave que, plongés que nous sommes dans notre complaisance collective, nous pourrions les perdre à jamais.

La plupart du temps, ils sont plutôt remplis de théories conspirationnistes pures et simples (Julian est mort sous la garde de la CIA, etc.) ou de conjectures sans fin sur ses penchants, opinions, bizarreries ou relations personnelles.

Même dans les cercles Twitterati les plus en vue, une myriade de comptes de faux Assange jouissent d’une légitimité imméritée grâce à des retweets de journalistes reconnus, couverts du logo bleu « compte authentifié ».

Pendant ce temps, les détracteurs les plus virulents souhaitent ouvertement la mort et la destruction d’Assange. Ces appels à son assassinat proviennent de comptes Twitter « authentifiés ».

Mais ceux qui prétendent que le monde serait mieux sans WikiLeaks, pourraient bientôt vivre pour regretter leur ignorance si un jour vient où les mêmes systèmes et ressources qui ont si avidement cherché sa disparition, sont libérés de leurs charges et lâchés sur de nouvelles cibles.

WikiLeaks est le barrage qui retient la marée des ressources des services de renseignement utilisées pour les cibler. Si nous laissons les fissures dans le parois s’étendre, le jour viendra où le barrage cédera et nous nous retrouverons noyés sous le déluge.

Quelque chose doit bouger et ce quelque chose, c’est nous.

Pour changer les choses, nous devons nous soucier et implorer ceux qui nous entourent de s’en soucier aussi, a dit Edward Snowden au monde entier dans un Reddit, la veille de Noël.

C’est ce que nous faisons, ceux d’entre nous qui chérissent notre humanité, nous, les militants : nous nous soucions. Nous nous soucions tellement que nous faisons passer nos principes avant notre bien-être, notre conscience avant notre rentabilité, notre compassion avant nos ambitions personnelles.

Même lorsque cela implique de grands sacrifices et apparemment peu de récompenses.

L’armée, par comparaison, enseigne aux soldats à être impartiaux. de se séparer psychologiquement de leur humanité. L’obéissance aveugle et le conformisme, qui sont en eux-mêmes de minuscules morts identitaires, ne peuvent coexister avec la pensée indépendante. On apprend aux soldats à abdiquer mentalement leur volonté, à ne pas penser, mais simplement à réagir d’une manière ancrée. Laisser les autres - leurs supérieurs - penser pour eux. De perdre le contrôle de leur propre vie, une action à la fois.

Là où les activistes se concentrent sur la guérison de nos sociétés brisées et sur leur évolution, les soldats se concentrent simplement sur une mission qui leur a été assignée par des bureaucrates privilégiés et obscurs qu’ils n’ont jamais rencontrés : saper, désemparer et vaincre un ennemi.

De plus en plus, les militants risquent d’être socialement amenés à devenir les soldats de l’Empire. À tel point que les frontières entre ceux qui ont eux-mêmes été chassés et ceux qui les ont chassés s’estompent. Et les mêmes partisans des structures de pouvoir établies qui soutiennent les militaires s’alignent maintenant avec les activistes et se nomment eux-mêmes la Résistance.

Au fur et à mesure que les opinions politiques et les positions des dirigeants des services de renseignement et des leaders d’opinion de l’activisme fusionnent, nous abandonnons les rênes du progrès social à ceux qui sont le plus déterminés à le limiter.

[...]

’J’aide à mener la Résistance’.

Fini le temps où des combattants de la liberté comme Mandela étaient à la tête des luttes populaires ; maintenant, nous avons d’anciens chefs de services de renseignements, des stars d’Hollywood et des millionnaires qui financent des politiciens notoirement corrompus, qui s’autoproclament chefs de la résistance.

J’ai été mortifiée lorsqu’un militant de longue date (et très persécuté) et pilier des nouveaux médias m’a expliqué très franchement pourquoi certains militants opposés à Trump choisissaient sciemment de collaborer avec les mêmes services de renseignement qui avaient essayé de détruire leur vie dans le passé.

Le paraphrasant, il a dit : « nous devons poursuivre nos objectifs communs pour faire tomber Trump, alors nous pourrons nous occuper d’eux ».

À mon avis, en plus d’être moralement odieuse, cette idée de l’ennemi de mon ennemi est mon ami est une pure folie. C’est aussi extrêmement dangereux. Pourtant, c’est ce qui se passe tout autour de nous : les militants légitiment et facilitent les objectifs des mêmes agences qui détruisent la vie des militants, dans l’espoir vain d’atteindre des objectifs politiques communs à court terme.

C’est la pente glissante d’un pacte avec le Diable. S’il devait inévitablement aller de travers et que les organismes en sortent toujours plus puissants et enracinés dans leurs prises de pouvoir au sein du gouvernement, ce sont ces mêmes militants qui paieront le prix ultime pour les avoir aidés à asseoir leur suprématie.

Car les services de renseignement ont des objectifs encore plus élevés que de subvertir l’activisme à des fins politiques. Comme nous l’avons appris en étudiant les documents de Snowden, leurs tentacules se sont déjà étendus à tous les domaines imaginables de notre vie.

Mais ce n’est pas suffisant pour ces autoproclamés Maîtres de l’Univers : Leur stratégie ’Collect it all’ [ramassez tout] ne concerne pas seulement nos communications, nos perceptions actuelles ou notre avenir collectif. Ils cherchent aussi à devenir les conservateurs du passé, à contrôler notre héritage.

Comment Wikipedia blanchit les fake news

J’ai montré comment l’implication de Julian Assange dans le réseau de soutien à Chelsea Manning, d’Aaron Swartz et dans Freedom of the Press Foundation a été altérée de façon à fausser l’histoire.

Le révisionnisme ne s’arrête pas là. Sur Wikipédia, l’examen de la biographie d’Adrian Lamo, agent du FBI, montre le contraire : il n’est plus qu’un ’analyste en menaces’ qui a ’indirectement dénoncé’ Manning, et il faut aller à la moitié de la page pour trouver plus d’informations sur ses activités d’informateur.

Par comparaison, un examen rapide de la biographie de WikiLeaks dans Wikipedia montre la rapidité avec laquelle les fausses informations autour de l’organisation sont blanchies.

La réputation académique de WikiLeaks dans son ensemble est donc sujette à une manipulation et une censure flagrantes.

L’importance historique de WikiLeaks se reflète dans la longueur de son profil Wikipédia : la page compte plus de 10 000 mots. Le contenu, cependant, a été fébrilement micro-géré au profit de leurs persécuteurs.

Deux exemples classiques apparaissent dans le 3ème paragraphe, dans le résumé même de ce que WikiLeaks est supposé être : oui, vous l’avez deviné. L’article de Julia Ioffe dans The Atlantic et l’article de Micah Lee et Cora Currier dans The Intercept. [Deux articles démontés par l’auteure dans une partie non traduite du présent texte - NdT]

Les prémisses de base pour les deux ont été démontées, mais elles sont classées numéros 20 et 21 sur les 370 liens qui constituent l’épine dorsale de la page.

Il n’y a aucune mention ou référence aux déconstructions critiques qui discréditent l’une ou l’autre de ces articles. Pourquoi ? Parce que les articles dont les contre-vérités ont été perpétrées par des organisations financières avec des comités de rédaction sont acceptables pour Wikipedia - un outil encyclopédique utilisé par des millions d’étudiants et d’enseignants dans le monde entier. Mais les articles publiés par des sources indépendantes ne le sont pas. Même lorsque ces derniers font preuve d’une plus grande valeur analytique que les premiers.

Par ce mécanisme, les mensonges sont gravés de façon indélébile dans les livres d’histoire, tandis que la vérité est censurée.

Les opinions des services de renseignement sont encore mieux classées que les insultes habituelles contre WikiLeaks.

Le lien 22 de Wikipedia va encore plus loin, en essayant de dépeindre Assange et WikiLeaks comme sympathisants de Poutine et de la Russie.

Le New York Times tente de minimiser les publications de WikiLeaks qui concernent à la fois Poutine et la Russie. « L’analyse de M. Assange n’a cependant pas tenu compte de la critique d’une autre puissance mondiale, la Russie, ou de son président, Vladimir V. Poutine, qui n’a guère été à la hauteur de l’idéal de transparence de WikiLeaks »

Il faut ensuite lire le 20ème paragraphe de l’article avant qu’il n’admette, à contrecœur, que WikiLeaks a publié des informations préjudiciables sur la Russie. Mais l’auteur les limite aux fuites de CableGate de Manning - ’une lot de câbles du Département d’État’ et réduit leur importance à « beaucoup plus dommageable pour les intérêts des États-Unis que pour ceux de la Russie ».

En réalité, 660 036 documents WikiLeaks citent la Russie et proviennent de 19 lots distinctes de WikiLeaks - pas seulement de CableGate.

L’affirmation selon laquelle tous ces éléments sont plus dommageables pour les États-Unis que pour la Russie est non seulement complètement absurde, mais il est prouvé qu’elle est fausse.

Un exemple très pertinent : Nous savons, d’après les communiqués de WikiLeaks ’Hacking Team’, que la société italienne de surveillance mercenaire vendait sa technologie à une agence militaire russe. Le même communiqué contient également des informations sur les activités de la Russie en Ukraine, un sujet extrêmement sensible pour le gouvernement russe.

Bien sûr, ce n’est pas nouveau pour ceux d’entre nous qui se sont donné la peine de lire ce que les documents WikiLeaks ont publié sur la Russie.

[...]

La triste réalité est que ceux qui s’intéressent vraiment à la vérité sur la Russie trouveront infiniment plus de matière dans les communiqués de WikiLeaks qu’ils n’en trouveront dans les articles sur Julian Assange.

Dans leur zèle pour aligner WikiLeaks sur la Russie et Poutine, ces mêmes critiques ignoreront également le fait que je souligne cette information sur les renseignements militaires russes alors que je vis dans des circonstances extrêmement précaires à Moscou, engagée dans un processus de demande d’asile temporaire en raison de menaces de mort.

Le fait que j’attire l’attention sur cette vérité à mes propres risques et périls ne convient pas à leur récit.

L’histoire de l’émancipation

Le véritable legs de Julian Assange est une leçon personnelle.

Il n’est pas resté assis à attendre qu’un monde meilleur qu’il espérait se matérialise par miracle. Il n’est ni un utopiste ni un idéaliste. Il savait qu’il devait le créer lui-même. Julian l’a fait en examinant le passé, en regardant vers l’avenir et en façonnant le présent. Il est extrêmement pragmatique dans sa pensée, mais intuitif en plus ; une combinaison rare.

Ses écrits passés sont le plus proche aperçu de son monde intérieur auquel nous pourrions jamais avoir accès, à part les ses espoirs et rêves qu’il nous raconte et qui se reflètent dans ses actions.

C’est ce qu’il a fait - sans relâche - en dépit et à cause de la sombre vision que l’humanité s’est faite d’elle-même.

Julian n’est pas un agent d’état - il est un agent de changement.

La stagnation est son ennemi. Même stagnant dans l’ambassade depuis plus de 2000 jours, Assange ne se laisse jamais stagner, ni lui, ni WikiLeaks, ni la société. Il y a toujours un nouveau jour. Il y a toujours du progrès, un bon en avant. Une nouvelle initiative, un nouveau communiqué. Il y a toujours du changement.

Le reconnaître, c’est comprendre ses actions autour de l’élection de 2016. De par leur conception, les options limitées offertes par le système électoral étaient peu prometteuses. Le seul ’choix’ était, comme il nous avait prévenu, entre ’le choléra et la gonorrhée’.

Dans une telle dichotomie, que ferait un agent de changement ?

Indépendamment de sa haine pour WikiLeaks et des menaces contre Assange, permettre la continuation de l’élite dirigeante incarnée par Hillary Clinton était une chose que Julian n’aurait jamais admis. Parce qu’il s’est attaqué à ces gens-là toute sa vie, parce que ce sont ces gens-là qui ont entraîné la société dans ce désordre, et la plupart en profitent.

Il n’a pas pu guérir la maladie à lui tout seul, mais il nous a offert le bref répit d’un changement. Car le changement ouvre un espace. Et même si ce qui remplace le statu quo est tout aussi lamentable, ou pire - le changement offre des opportunités.

C’était toujours à nous de saisir les rênes. Et c’est encore le cas.

Quand Trump a été élu, j’ai dit en privé : ’On a six mois de répit.’ Je parlais de la 3e Guerre mondiale. La simple changement de régime aux Etats-Unis a donné au monde une pause temporaire dans l’effusion de sang. Combien de vies ont été sauvées pendant cette période ? Si Clinton avait gagné, nous aurions assisté à une accélération immédiate des tueries et des destructions.

WikiLeaks est une organisation anti-guerre. Je suis toujours étonnée par ceux qui ne reconnaissent pas ce simple fait. Julian fait partie d’une lignée d’activistes anti-guerre.

Quand Lady Gaga lui a demandé ce qu’il ressentait, il a répondu : « Peu importe ce que je ressens. » Quand quelqu’un aborde sa souffrance personnelle, il détourne l’attention vers ceux qui, sur cette planète, peuvent à tout moment tomber sous une balle ou une bombe.

Au fil des ans, je l’ai vu faire à maintes reprises, chaque fois qu’il a été confronté à des difficultés. « Et le peuple irakien ? », demande-t-il. « Et le peuple syrien ? »

Les détracteurs prétendent que WikiLeaks met des vies en danger, pour vous distraire de la réalité : WikiLeaks sauve des vies. C’est le but même de son existence. Cela va au-delà des nombreux lanceurs d’alerte et journalistes pour lesquels il s’est vaillamment battu, pour les sauver et les protéger. WikiLeaks existe pour mettre fin aux guerres. Pour augmenter les enjeux politiques pour les gouvernements et le complexe militaro-industriel au point d’avoir un impact potentiel sur les décisions de déploiement, de retrait et d’affectation des ressources. Exactement comme les fuites de Manning ont fait.

Le pouvoir personnel de Julian est ancré dans sa solidarité avec la souffrance des autres et son action personnelle pour faire quelque chose, plutôt que dans son intelligence aiguë, sa maîtrise de la philosophie ou ses capacités techniques, souvent louées.

Pendant que vous parlez de Julian Assange, lui, il sauve un autre lanceur d’alerte, il facilite une autre fuite.

Il nous livre sur un plateau la véritable histoire qu’on veut nous cacher.

Les lâches le détestent. Les corrompus le craignent. Les héros l’aident.

Ça commence comme ça :

Parfois, on entend des choses, on nous dit des choses, on croit des choses, on sait des choses - mais on ne percute toujours pas. Puis un jour le déclic se produit, et on commence à ressentir des choses. Et on commence à voir les choses plus clairement. C’est alors qu’on peut les changer.

Ressentez ces murs que vous regardez depuis six ans et qui se referment autour de vous. Sentez les jours sans fin se transformer en mois et en années. Imaginez voir vos enfants grandir sur un écran. Écoutez par le réseau tous les anniversaires, mariages et funérailles auxquels vous ne pourrez jamais assister. Imaginez la crainte constante pour votre sécurité ainsi que celle de toutes les personnes qui vous sont chères.

Imaginez maintenant que vous savez qu’en dépit de toutes les dégradations et les difficultés, la différence que vous faites dans le monde peut sauver des millions de personnes.

Sentez la détermination qui est en vous, pour vous battre quoi qu’il arrive.

Imaginez-vous dans la peau de Julian Assange.

[…]

Suzie Dawson

Twitter : Suzi3D

Site Web officiel : Suzi3d.com

Note de l’auteure : un grand merci à Elizabeth Lea Vos, rédactrice en chef de Disobedient Media, qui a passé des dizaines et des dizaines d’heures sans relâche à réviser et à corriger cet article pour moi. Son aide et son expertise ont été d’une valeur inestimable pour la rédaction de la version finale.

Les journalistes qui écrivent la vérité en paient le prix fort. Si vous respectez et appréciez ce travail, veuillez envisager de soutenir les efforts de Suzie par carte de crédit ou par don de Bitcoin. Pour soutenir le travail incroyable que WikiLeaks fait, veuillez faire un don à WikiLeaks ici. Pour contribuer au fonds de défense juridique de Julian Assange, cliquez ici. Ou faites un don pour aider la Fondation du courage à sauver la vie des dénonciateurs. Je vous remercie !

Traduction "épuisé mais plutôt satisfait, car j’en ai appris des choses..." par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles


EN COMPLEMENT, un autre extrait d’intérêt pour les initiés

Tout au long de l’histoire, il n’a jamais eu d’institutions qui nous ont sauvés ou qui ont fait progresser notre société, mais des citoyens ordinaires qui se sont unis pour s’entraider et réaliser des changements.

Le soutien des ONG est généralement réactif et rarement proactif. Ils ne se lèvent que pour ceux pour qui ils ont intérêt à le faire, pour leur propre intérêt politique ou de relations publiques. (Ou pour ceux qui, de manière indépendante, reçoivent une attention publique telle que leur situation ne peut plus être ignorée par les ONG sans porter gravement atteinte à leur réputation).

En outre, presque sans exception, les ONG acceptent de l’argent des mêmes gouvernements et entités qui sont à l’origine des problèmes que les ONG prétendent résoudre.

Rachael Tackett, spécialiste de la recherche FOIA, me l’a récemment décrit comme le ’complexe industriel des ONG’.

Tackett m’a contactée après m’avoir vu tweeter sur l’Electronic Frontier Foundation (EFF). Elle m’a dirigé vers son analyse d’octobre 2017 sur leur financement, qui inclut de l’argent provenant du fonds ’Internet Freedom’ du département d’État, par le biais du projet ’Radio Free Asia’ du Broadcasting Board of Governor’s Cold War, une tristement célèbre aile de propagande du gouvernement américain.

Tackett écrit : « L’Electronic Frontier Foundation (EFF), très médiatisée, est présentée comme la championne des libertés civiles numériques et de la lutte contre la surveillance massive exercée par le gouvernement américain. L’EFF reçoit aussi de l’argent du même gouvernement qu’il prétend combattre. »

L’EFF a expliqué la source de financement en déclarant que les contributions ne proviennent pas ’directement’ du gouvernement américain, mais qu’elles ’proviennent’ de ce dernier. Sa source directe, Radio Free Asia, est notoirement opaque.

M. Tackett explique que « puisque Radio Free Asia n’a pas déposé les rapports de transparence, l’argent que Radio Free Asia a donné à l’EFF n’apparaît pas sur USASpending.gov, le site du gouvernement américain consacré à la transparence du financement ».

Tackett poursuit : « L’EFF soutient également que l’argent de Radio Free Asia est alloué à des projets spécifiques plutôt qu’à des fonds généraux. Mais cet argument ne tient pas la route : La façon dont l’argent est dépensé est moins importante que le fait que le EFF est un fournisseur du département d’État. »

[...]

L’EFF n’accepte pas seulement l’argent du gouvernement ; il reçoit des fonds destinés explicitement à la promotion de la sécurité nationale et des intérêts de la politique étrangère des États-Unis.

Bien qu’elle se considère comme une organisation militante, l’EFF a été prise pour cible par les activistes de Bay Area pour ses liens avec Google et d’autres entreprises.

Regardez les biographies des membres de l’EFF et vous trouverez des diplômés en relations internationales, un ancien employé de Twitter, plusieurs anciens employés de Google, un ancien employé du ministère du Commerce et plusieurs employés de la Maison-Blanche d’Obama.

[...]

Les liens avec le Forum économique mondial (WEF) sont particulièrement intéressants. Fondé par un ancien membre du comité directeur de Bilderberg, le Forum réunit des élites financières de l’industrie et du gouvernement pour planifier l’avenir de l’humanité. Ils prônent ouvertement le transhumanisme, le corporatisme et le mondialisme. L’adhésion au WEF commence à 50 000 $ pour un individu et à 500 000 $ pour une entreprise. Par an.

Lors de la réunion du WEF à Davos, John Perry Barlow, cofondateur de l’EFF, a rédigé sa célèbre Déclaration sur l’indépendance du cyberespace en 1996.

En effet, le WEF a immortalisé le défunt Barlow dans cette poignante notice nécrologique, qui s’épanche à n’en plus finir sur la tolérance et la liberté sur Internet jusqu’à ce qu’on arrive aux petits caractères en bas de la page. Après s’être montré lyrique à propos de ses idéaux, le récit change pour les dynamiter :

« Il existe un consensus général sur le fait que la voie sur laquelle nous nous sommes engagés n’est pas durable. Mais il n’y a pas de solution miracle. Nous voulons être en mesure d’exploiter des renseignements à grande échelle pour mettre fin à la traite des personnes, tout en protégeant la vie privée de la grande majorité d’entre eux. »

Dans ce qui précède, « intelligence à grande échelle » est un euphémisme pour « surveillance de masse ».

Peu après, la notice nécrologique propage l’idée que les craintes des utilisateurs quant à leurs données personnelles ne sont pas fondées à l’ère de l’information : « On peut se disputer toute la journée pour savoir à qui appartiennent mes données - mais dans un monde Internet, comme les données sont un bien non exclusif et reproductible à l’infini, est-ce que la question a un sens ? »

La nécrologie cite : « Cindy Cohn, directrice exécutive de l’Electronic Frontier Foundation et collaboratrice de longue date de Barlow’s, admet qu’il a été parfois présenté comme un homme de paille pour une sorte de techno-utopianisme naïf qui croyait que l’Internet pouvait résoudre tous les problèmes de l’humanité ».

Tout en présentant Internet comme le creuset des décisions collectives de millions d’utilisateurs, l’article admet tacitement qu’il s’agit d’un creuset de décisions collectives : « Les gouvernements ont bien compris le pouvoir qu’offre un médium aussi omniprésent, à la fois en termes de collecte de renseignements et d’influence ».

Il ne peut plus y avoir de doute quant à la mesure dans laquelle l’EFF en cheville avec le gouvernement. Les programmes du département d’État ne sont pas les seules entités gouvernementales à avoir reçu des factures de l’EFF. Les employés de l’EFF et/ou de l’organisation dans son ensemble ont une longue histoire d’engagement direct auprès des services de renseignement qu’ils s’efforcent de tenir pour responsables.

Sachant que le fondateur de l’EFF, John Perry Barlow, était un ami cher de Julian Assange, j’ai été extrêmement surprise de découvrir à quel point les relations de l’EFF avec la communauté du renseignement étaient solides et profondément enracinées depuis longtemps. J’ai appris les liens par Barlow lui-même.

Dans un énorme article paru dans Forbes en 2002 intitulé ’Why Spy ?’, Barlow raconte sa décennie de contrats avec la CIA et la NSA.

[…]

Suite au décès du développeur de SecureDrop James Dolan, j’ai discuté de ce que j’avais appris sur Barlow avec un supporter majeur de WikiLeaks sur un forum non crypté.

Cette personne a dit que bon nombre de nos amis de longue date qui militent pour la protection de la vie privée avaient des liens avec les services de renseignement ou avaient travaillé pour eux. J’ai répondu que le test décisif de la légitimité de Barlow serait de savoir s’il était devenu ou non une cible. Car on ne peut pas agir contre les intérêts des services de renseignement, sans tomber dans leur ligne de mire.

Pendant toutes mes années d’activisme, je n’ai jamais entendu un seul mot contre l’EFF. Je n’ai pas non plus connu de campagne de diffamation contre eux, telle que celle qui a été menée à maintes reprises contre d’autres militants et organisations. J’ai supposé que l’absence d’attaques institutionnelles contre l’EFF suggère que l’organisation n’est pas une cible. J’ai fait remarquer que je ne connaissais pas Barlow personnellement, mais que ceux qui le connaissaient seraient en mesure de déterminer rapidement s’il devait payer le prix de ses critiques à l’égard des services de renseignement et de son soutien à Snowden, Julian et WikiLeaks.

C’était en janvier. Le 9 février, la Freedom of the Press Foundation et d’autres organismes annonçaient le décès de M. Barlow, dont on savait qu’il était très malade depuis un certain temps. A l’occasion du 22e anniversaire de la Déclaration sur l’indépendance du cyberespace dont il est l’auteur.

[…]

Indépendamment de ce qui se passe au sommet de l’organisation, il est très clair pour moi qu’au bas de l’échelle, des militants talentueux de la protection de la vie privée sont recrutés pour travailler sur des projets légitimes et pour donner du crédit à l’EFF.

Rachael Tackett, chercheuse à la FOIA, en a également discuté avec moi :

« Je voulais aussi réitérer que certaines personnes de l’EFF pourraient croire qu’elles font le bien et qu’elles essaient de faire ce qu’il faut. La critique des organisations à but non lucratif aux États-Unis est encore un point de vue très rare, surtout en dehors de la scène anarchiste plus radicale. Si vous vous engagez auprès de certaines personnes aux États-Unis qui travaillent pour des organisations à but non lucratif (en particulier les employés de niveau intermédiaire et inférieur), certaines d’entre elles n’ont peut-être aucune idée de qui sont leurs bailleurs de fonds. Il se peut aussi qu’ils ne comprennent pas les critiques à l’égard de la culture communautaire. Ils pourraient être très confus sur les raisons pour lesquelles quelqu’un critiquerait leur organisation. »

Il n’y a pas si longtemps, j’aurais partagé leur confusion.

Les moments déterminants de mon propre éveil à la double vocation des organismes sans but lucratif se trouvent dans le témoignage de Chelsea Manning à son procès devant une cour martiale et dans les documents de Snowden.

Du premier, j’ai appris qu’un outil d’anonymat de réseau fortement promu auprès des militants du monde entier sous prétexte de les protéger, fait en fait partie de la « chaîne de destruction » des logiciels militaires américains.

Pour être honnête, Projet Tor divulgue ce fait sur son site web, mais utilise un langage très différent pour le faire. Les pratiques de ciblage militaire sont décrites comme étant destinées aux ’insurgés’, et Tor est présenté comme protégeant les militaires, plutôt que comme les aidant à tuer des gens.

Par définition, la guerre mondiale contre le terrorisme, telle que l’ont décrite George W. Bush et de nombreux dirigeants d’services de renseignement depuis, élargit considérablement la définition de qui peut être qualifié d’ennemi et où. Le monde entier est un champ de bataille, nous a-t-on dit après le 11 septembre et c’est précisément ce qu’il est devenu.

Dans la myriade de pourparlers et de discussions dont j’ai été témoin au fil des ans sur les avantages de Tor, je n’ai jamais entendu parler franchement du fait que l’utilisation répandue de Tor aidait la capacité de l’armée américaine à masquer son activité meurtrière.

Grâce à notre projet #DecipherYou qui étudie les documents de Snowden, nous avons appris comment la NSA utilise certaines organisations à but non lucratif comme couverture pour ses activités, et comment elle cible d’autres.

À ce stade, il semble que les ONG sont obligées soit d’être complices de l’Empire pour prospérer, soit d’être ciblées si elles préservent leur intégrité.

»» https://contraspin.co.nz/beingjulianassange/
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In Defense of Julian Assange
"This book shows why the Julian Assange case is one of the most important press freedom cases of this century or any other century."—James C. Goodale, former Vice Chairman and General Counsel of The New York Times. “I think the prosecution of him [Assange] would be a very, very bad precedent for publishers … from everything I know, he’s sort of in a classic publisher’s position and I think the law would have a very hard time drawing a distinction between The New York Times and WikiLeaks.” (…)
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