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De la xénophobie et des crises économiques : les vêpres marseillaises de 1881

Le massacre des italiens à Aigues Mortes en 1883 est connu. Dans un livre intitulé «  MORTE AGLI ITALIANI » (A mort les italiens) et publié en 2002, l’écrivain italien Enzo Barnaba décrit le contexte historique de cette période d’émigration italienne de masse mais s’emploie également à resituer cette phase de xénophobie française exacerbée dans la situation de la France de l’époque.

La défaite du second empire n’a pas éliminé pour autant l’impérialisme français dont les ambitions vont être portées très haut par la Troisième République qui va poursuive une politique coloniale entamée dés la Restauration.

Cette défaite qui marque un rééquilibrage entre puissances européennes avec la montée du Reich et celle de l’Italie va se traduire par une concurrence de plus en plus farouche entre les bourgeoisies colonialistes pour la conquête de l’Afrique
.
Les «  Vêpres marseillaises » (1) de 1881 décrites par Enzo Barnaba (2) n’ont pas eu l’ampleur du massacre d’Aigues Mortes deux ans plus tard mais elles resituent bien la mentalité nationale de l’époque. La défaite de Sedan doit être vengée et la Troisième République débutante s’y emploiera en poursuivant la colonisation. Que l’Italie nouveau venu sur la scène impérialiste vienne revendiquer sa part dans le partage de l’Afrique est mal accepté dans une ville qui a connu un développement très rapide pendant le Second Empire en particulier grâce à l’ouverture du Canal de Suez (1866) . Ce développement marque le pas et l’Italie en vient alors à être perçue principalement comme le pays qui ne peut pas nourrir ses enfants.

COMAGUER

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(1) Il s’git d’une allusion aux «  vêpres siciliennes » du 23 Mars 1282 qui virent la population sicilienne se soulever contre le roi français Charles D’Anjou aux cris de «  Mort aux français ». Le soulèvement entraina le remplacement du roi de France par le roi Pierre III d’Aragon comme suzerain de la Sicile.

(2) Enzo Barnaba vient de publier un roman «  IL VENTRO DEL PITONE » qui est ainsi présenté su son blog : » Romancier sicilien familier de l’Afrique, Enzo Barnabà signe ici un ouvrage attirant et grave ; inspiré du récit de vie d’une jeune femme ivoirienne trentenaire, Lazarine N’Guessan, c’est son journal intime auquel le romancier donne la forme du conte philosophique voltairien "Candide". Si l’héroïne se prénomme Ahou Cunégonde ce n’est pas le fait de ses parents. »

Les « Vêpres Marseillaises »

Parmi les causes de l’augmentation des incidents doivent être naturellement recherché dans le climat politique général connu, d’une part, les pressions protectionnistes et nationalistes en cette fin de siècle et, d’autre part, par la détérioration des relations Franco-italiennes.

Ce sont les années de la revanche où l’impératif de venger la défaite de Sedan nourrit le nationalisme des hommes tels que Déroulède, Boulanger et Barrès ( ce dernier dans les jours suivant le massacre , conjuguant nationalisme et protectionnisme réclame la protection du «  travail national comme on le fait pour le blé , le bétail ou le textile ») ce sont les années de l’expansion coloniale avec tout ce supposent d’idéologie raciste que es sa supposée : un homme comme Jules Ferry ne pouvait-il pas déclarer en toute bonne foi en 1890 que « les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures » ?

Jules FERRY n’était-il pas d’une parfaite bonne foi quand il déclarait en 1890 que «  Les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures ?

Ce sont les années de l’occupation française de la Tunisie (1881),de la conclusion de la Triple Alliance (1882) où les bouffées d’orgueil national du ministre des affaires étrangères Crispi (1887-91) invariablement tournées vers l’autre versant des Alpes empoisonnent les relations entre les deux pays. En 1888, la tension a atteint sa phase la plus aiguë. La parole guerrière résonne à plusieurs reprises alors qu’échouent les négociations pour le renouvellement du traité de commerce. Les hostilités sont limitées au domaine douanier, mais comme il l’affirme à la Chambre, même dans les guerres économiques il y a des morts et des blessés. C’est une musique pour les oreilles des protectionnistes et des protégés des deux pays. Les échanges diminuent fortement et en même temps s’accentue le conflit sur les marchés financiers.

La presse nationaliste, à son tour, ne manque pas de verser de d’huile sur le feu pour alimenter les stéréotypes et attiser les conflits anciens ou nouveaux . Dans ce contexte, comme l’écrit acrimonieusement le Consul d’Italie à Toulon, «  La condition de l’émigré italien n’est pas parmi les meilleures ; en général, il est mal vu par le travailleur français qui voit en lui comme un rival et aussi dans la classe supérieure instruite il est toujours désigné avec des termes de mépris et de ressentiment. »

Fier dédain de celui qui appartient à une grande puissance contre ceux venant d’un pays qui est à plusieurs niveaux en dessous et ressentiment contre l’ingratitude de la soeur latine qui tourne le dos à ceux qui l’ont aidé à réaliser l’unité nationale.

Les incidents les plus graves avec une forte composante nationaliste se produisirent en 1881 à Marseille, une ville à la croissance tumultueuse dans les dernières décennies grâce à l’afflux d’immigrants du continent et de l’ensemble du bassin méditerranéen. Les italiens - leur concentration est impressionnante : 60 000 sur 360 000 habitants - fournissaient la majorité de la main-d’oeuvre des grandes industries qui ne nécessitait pas de qualifications professionnelles particulières ; dans la petite industrie, où la restructuration technologique n’avait pas encore eu lieu, ils étaient, au contraire en minorité.

Les incidents avaient commencé dans l’après-midi du 17 juin pendant le défilé sur le port du Corps expéditionnaire de retour de Tunisie, quelques semaines après la signature du traité du Bardo qui avait acté le protectorat français et la défaite de l’Italie dans la course pour le contrôle de ce pays d’Afrique du Nord. On entendit les huées qui semblaient provenir d’un cercle d’italiens. Une foule d’environ 15 000 personnes réagit et tenta de prendre d’assaut les locaux Pour éviter une effusion de sang, après avoir vu « quel degré d’exaltation les esprits avaient atteint », l’armée et la police intervinrent .

Le cercle fut fermé, mais le lendemain, à quatre heures du matin, commençaient déja des bagarres entre italiens et français en différents points de la ville,

Selon la presse locale., « nos rues ont été ensanglantées par des scènes si sauvage et en si grand nombre, qu’on n’en ’avait jamais vu. » la plupart des agressions furent attribuées à des gangs de voyous (nervis dans le jargon marseillais), qui, au cours de la matinée du 18 circulèrent dans le centre-ville : « tout individu soupçonné d’être italien était agressé à coup de poings ou à coups de pieds, était plus ou moins gravement blessé, et ne parvenait à échapper à ses agresseurs que grâce à l’intervention de la police de passants courageux.

Dans l’après-midi du 19, pour se venger, une vingtaine italiens armés, se mirent à faire « la chasse aux français » dans le quartier du Vieux Port faisant deux morts et plusieurs blessés. Pendant ce temps, dans le quartier des Catalans, après le lynchage d’un italien qui ne survécut pas à ses blessures, un groupe de trois cents personnes manifestait aux cris de « A bas l’Italie » et chantait la Marseillaise.

Comme cela a été souligné, « dans les quartiers à forte densité de population italienne, les bandes de jeunes qui étaient à l’origine des affrontements ne commirent pas des agressions .on ne se risquait pas dans les bastions où le rapport des forces aurait été évidemment différent. L’extrême concentration de la colonisation italienne put être considérée dans ce cas comme une facteur de sécurité. »

Sur les lieux de travail, la tension se manifesta surtout dans le port et à la tannerie Jullien où la direction avait engagé de nombreux Italiens pour remplacer les travailleurs en grève depuis plus d’un mois.

Les travailleurs du port au contraire, après avoir demandé et obtenu le licenciement de leurs collègues transalpins, réclamèrent des augmentations de salaire. Les employeurs refusèrent et, pour faire pression sur les grévistes, tentèrent une nouvelle fois de faire appel aux italiens, mais ces dernier répondirent qu’ils ne voulaient pas faire les jaunes - les «  commodités » «  comme dit un chroniqueur - n’ acceptèrent pas et retournèrent dans leur pays comme des centaines de compatriotes qui quittèrent Marseille ces jours là .

Les journées de juin 1881 s’achevèrent avec un bilan de 3 morts, 21 blessées et 200 arrestations, ce qui leur valut en souvenir polémique d’autres émeutes survenues des siècles auparavant en Sicile, d’être appelées les Vêpres Marseillaises. Si la plupart des protagonistes des ces épisodes de violence furent des éléments marginaux, la participation ouvrière aux événements avait été centrale et centrale la revendication de déporter massivement les italiens.

L’incident du 18 Juin au Cours Belsunce (1) fut symptomatique. A l’aube, un groupe de travailleurs italiens fut accueilli pour l’embauche quotidienne.
Un groupe de collègues français soutenu par une équipe de nervis qui molestèrent les italiens et les obligèrent à crier «  Vive la République » vint s’opposer à leur recrutement. 

En conclusion : « Il est difficile d’admettre que quelques dizaines, voire quelques centaines, de voyous aient pu pendant une journée entière et plein centre, créer seuls des désordres de cette ampleur.

Là apparurent toutes les rancunes, là rejaillirent toutes les peurs les plus matérielles et les plus immédiates »

(1) ndt : le Cours Belsunce était à l’époque la rue où les maitres-portefaix, corporation des riches entrepreneurs de manutention portuaire procédaient à l’embauche quotidienne des dockers)

Traduction Comaguer

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