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Des paroles et des actes. Invité : Jean-Luc Mélenchon

Il s’est passé hier soir quelque chose de gravissime, à la télévision, sur une chaîne publique. On sait, certes, que cette chaîne, la 2, n’est plus publique depuis longtemps, désormais vouée à la propagande du néo-libéralisme, mais on attend, tout de même, d’eux qu’ils ne se comportent pas comme des voyous. Et pourtant, c’est le spectacle qu’ils nous ont offert.

Ils ont été, appliquant des techniques incessantes pour couper la parole, pour caricaturer, pour insulter, à deux doigts de ce qu’on peut appeler une dictature de la pensée. Il fallait qu’ils se paient Mélenchon. Non pas par le jeu des idées, mais par celui d’un système qui se dit démocratique et ne l’est plus, qui donne la parole pour aussitôt la reprendre, qui invite pour non pas pour écouter mais pour bâillonner.

Certes, je sais que cette technique est celle depuis longtemps des pseudo-journalistes, chiens de garde du pouvoir. Il y a longtemps qu’ils l’appliquent et Mélenchon, qui sait très bien s’en défaire, n’est pas leur seule et première victime. Je me souviens en particulier de Cheminade, qui avait été traité d’une manière particulièrement irrespectueuse. Qui humilie celui qui regarde. Même si les idées qu’un homme exprime ne sont pas les siennes, avoir sous les yeux un parti-pris criant n’est jamais un spectacle digne et constitue même un spectacle inquiétant.

Ce sont des jeux du cirque. J’attends le jour où il sera possible de gifler, de cracher ou de taillader au rasoir. On s’en tient seulement et cela, c’est tout de même une nouveauté, au mépris, dans chaque regard et dans chaque mot et à la nouveauté de leur cellule de communication : la phrase « in coda venenum. » On avait pensé que Cahuzac, le noble Cahuzac, de ce noble clan qui nous ronge sur l’aile gauche et sur l’aile droite, avait lâché à la fin de « Mots croisés » : « Vous êtes un homme seul », ayant oublié de le placer avant. Mais non. Hier soir Attali, se levant, a dit à Mélenchon, suivant la même technique : « Vous nous préparez une Corée du Nord. »

L’outrance est telle que les bras en tombent.

Et que le cœur se serre car on se dit que cet Attali, qui sert l’idée d’un nouvel ordre mondial, n’est-ce pas lui, ne sont-ce pas eux, qui nous préparent une dictature dont nous voyons naître tous les jours les effets ?

Hier soir la méthode a été appliquée avec une violence, une vulgarité qui dépasse l’entendement.

Jean-Luc Mélenchon lève une marche populaire, il fallait se le payer.

Dur projet.

Mélenchon a été face à eux comme Gulliver qui, empêtré un moment de fils, leur a montré sa nature et les a envoyés gicler malgré leurs tweets, en majorité défavorables, malgré cette nouvelle technique, qu’il faudra qu’on m’explique, celui qui vient pour poser des questions parlant plus que celui qui doit répondre.

C’était trop. Trop médiocre. Trop bas. Ils s’en sont sans cesse pris à la forme sans jamais toucher le fond, si ce n’est le leur. Ils ont peut-être convaincu des FN ou des Sarkozystes mais ils ont montré à beaucoup d’autres qu’il y avait en face d’eux un homme digne qui, face aux circonstances, n’a qu’à laisser venir le temps où les mensonges s’effondreront comme une montagne de cendres.

Je ne doute pas un instant que l’émission d’hier soir ait été totalement contre-productive. Une volonté de lynchage public n’est jamais une bonne affaire pour celui qui la commandite.

Et puis, outre le caractère brillant de la pensée et de l’expression de Mélenchon, que peut ce clan contre les réalités ? Le chômage, toujours plus haut, les licenciements toujours plus nombreux, les fautes immenses comme la destruction du code du travail par l’ANI, un président qui se cache et n’ose plus aller inaugurer quoi que ce soit, une droite collée à l’extrême droite tant elle est prête à tout pour récupérer le pouvoir ne connaissant que la morale des circonstances ?

Morale… Il y avait hier soir de la grandeur chez Mélenchon. L’homme qu’il faut au moment qui vient.

La faiblesse de ses adversaires a été nettement visible quand Apparu, attaquant et frappant d’estoc et de taille, a soudain révélé le but de son combat : payer les ouvriers d’un verre d’eau. D’accord. C’était pour ça…

Il n’y a qu’une réponse à donner à ces gens-là, à cette propagande qui sombre sous les assauts répétés de l’information plus libre du net : être en masse dans la rue le 5 mai. Pour une sixième république, pour une nouvelle constituante.

Ou alors, les amis, comme cette pauvre femme de soixante- dix ans qui a été, hier, trouvée pendue chez elle, au moment où les huissiers voulaient la jeter dehors, oui pendons-nous.

Car il faudra nous battre ou subir.

Eux, on a vu hier soir où ils en étaient.

J’attends que même les ennemis de Mélenchon s’en inquiètent. Car il y a des batailles qui sont des défaites pour tout le monde.

Ariane Walter

COMMENTAIRES  

26/04/2013 16:21 par Louna

Merci, Ariane, pour ce compte rendu. Je ne l’ai pas encore vu, mais avec tout ce que je lis dessus, ça ne me donne pas envie...
Sur Mediapart (Le Club, donc visible même par les non-abonnés), la clique de Cohn-Bendit et Bové ont fait une tribune anti-Méluche à vomir également : http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/250413/melenchon-combat-leurope-les-verts-veulent-la-construire

26/04/2013 16:34 par Jean-Pierre Dubois

Je trouve pathétique ces lendemains de "prime time" où les téléspectateurs, comme des noceurs qui ont la gueule de bois, se remémorent les péripéties les plus mémorables de leur soirée.
Il faut avoir connu les prestations de Georges Marchais en son temps pour savoir que tout ça procède d’un jeu de rôle bien rodé dans le seul but de faire monter l’audimat. La pratique en remonte à d’autres jeux, ceux du cirque romain, où on livrait le gladiateur à la furie des fauves. Rien de plus excitant pour le spectateur qu’il soit dans les gradins des arènes ou dans le sofa de son salon.
Dans quelle mesure le gladiateur est-il complice de ce spectacle ?
Marchais, et beaucoup de militants, croyaient en la portée de ces "confrontations". La réalité a montré qu’il n’en était rien. De son côté, Bourdieu a analysé les mécanismes qui font que l’idéologie dominante sort toujours renforcée de ce genre de programmes.
Il semblerait toutefois que pas plus l’expérience militante que l’avertissement du sociologue n’aient eu de prise.

26/04/2013 16:48 par Vince

Je voulais revenir sur cette phrase :
"mais par celui d’un système qui se dit démocratique et ne l’est plus"
==> il faudrait préciser quand notre système fut démocratique.

Personnellement, je pense qu’il ne l’a jamais été.

26/04/2013 17:29 par Cunégonde Godot

Jean-Pierre Dubois : "Marchais, et beaucoup de militants, croyaient en la portée de ces "confrontations". La réalité a montré qu’il n’en était rien. De son côté, Bourdieu a analysé les mécanismes qui font que l’idéologie dominante sort toujours renforcée de ce genre de programmes."
L’idéologie dominante est effectivement sortie renforcée hier soir de ce "débat" où M. Mélenchon n’a pas fait le poids car la journaille sait bien que ce faux révolutionnaire aboie plus qu’il ne mord. C’est pourquoi elle le convoque si souvent pour jouer à lui lancer son os...
M. Attali a pourtant posé "la" bonne question à M. Mélenchon (la seule question qui faisait sens au milieu de cet épais enfumage de part et d’autre), lui faisant observer que les critiques qu’il adresse à Mme Merkel - qui défend, sous couvert d’ "Europe", exclusivement les intérêts allemands, ce qu’a toujours fait l’Allemagne car l’ "Europe" est sa chose et cela depuis un siècle - devraient conduire M. Mélenchon à envisager de sortir de cette "Europe" camisole de fabrication allemande. Et là, Mélenchon a fait pshitt ! Comme un banal social-démocrate qu’il reste...

26/04/2013 18:40 par ours25

Auriez vous un lien de la fameuse émission ? Je vois mal Mélanchon se faire marcher dessus.

27/04/2013 08:21 par legrandsoir

@Ours 25

http://www.jean-luc-melenchon.fr/2013/04/25/invite-de-des-paroles-et-des-actes-sur-france-2-2/

Attention, c’est un match de rugby : l’équipe du Front de Gauche avec un seul joueur contre l’équipe de la Pensée Unique dans laquelle un joueur a le droit de balancer un coup de crampon avant de filer sur le banc de touche où il est à l’abri, où l’arbitre Pujadas peut arrêter l’unique joueur du Front de Gauche quand il file à l’essai et où les attaquants de l’équipe Pensée Unique peuvent également couper l’élan de leur adversaire en projetant des petits documentaires dénonçant le jeu du F de G dans d’autres matches.

Carton rouge à toute la meute !

27/04/2013 09:23 par Quidam

Jean-Pierre Dubois

Je trouve pathétique ces lendemains de "prime time" où les téléspectateurs, comme des noceurs qui ont la gueule de bois, se remémorent les péripéties les plus mémorables de leur soirée.
Il faut avoir connu les prestations de Georges Marchais en son temps pour savoir que tout ça procède d’un jeu de rôle bien rodé dans le seul but de faire monter l’audimat. La pratique en remonte à d’autres jeux, ceux du cirque romain, où on livrait le gladiateur à la furie des fauves. Rien de plus excitant pour le spectateur qu’il soit dans les gradins des arènes ou dans le sofa de son salon.
Dans quelle mesure le gladiateur est-il complice de ce spectacle ?
Marchais, et beaucoup de militants, croyaient en la portée de ces "confrontations". La réalité a montré qu’il n’en était rien. De son côté, Bourdieu a analysé les mécanismes qui font que l’idéologie dominante sort toujours renforcée de ce genre de programmes.
Il semblerait toutefois que pas plus l’expérience militante que l’avertissement du sociologue n’aient eu de prise.

Tout à fait Jean-Pierre ! Vous m’ôtez les mots de la bouche !

Et puis quand on va à l’abattoir tel un mouton, faut-il s’étonner de se faire tailler en pièces ?

Le souci avec le camarade Mélenchon, c’est qu’il a gardé de ses longues années de compromission au sein du parti "socialiste" avec guillemets de fort mauvaises habitudes & une aptitude aux grands écarts cultivée avec le temps, on ne se mute pas du jour au lendemain d’un mouton révisionniste dans le loup révolutionnaire pour lequel il voudrait se faire passer, feindre d’afficher des sympathies & de l’admiration pour un Hugo Chavez ne suffit pas quand on continue à faire à la maison à peu près le contraire de ce que ce dernier faisait au Venezuela.

Ceci étant Ariane un conseil : pète une bonne fois pour toute ta télé & tu te sentiras beaucoup mieux crois-moi !

27/04/2013 12:38 par GIGI

Faut-il donc refuser toute apparition à la télévision, même celle du service public ?
Faut-il se refuser tout commentaire dépité le lendemain ?

Je comprends vos arguments, JP Dubois, mais quelle est votre conclusion ? Comment agir lorsqu’on est militant de gauche ? Faut-il jeter sa TV et ne rien savoir de sa propagande ? Et surtout, ne pas se compromettre et n’ accepter aucune invitation....

27/04/2013 13:31 par Dwaabala

@ GIGI
Soyez fort et vous serez respecté, vous avec vos idées.
La raison du plus fort est toujours la meilleure.
Il n’y a pas que les élections qui soient "un baromètre" de l’état des forces : la possibilité de ce genre de spectacle en dit très long aussi.

27/04/2013 14:43 par Anonyme

Merci, Ariane !

La chasse au Méluche est ouverte !

- "Gros mots" = insortable dans la "bonne société" néo-libérale, bourgeoise, où tout ronronne, y compris le vice paré des atours de la vertu, cet individu !
- Assimilation à Georges Marchais, donc au PCF, donc aux ex-communiés (avec efficacité, surtout après un long dénigrement). - Le "nouveau" pape va-t-il revenir sur la question et encourager ceux qui sont proches de Jésus-Chist, soit proches des humbles ?
- Sites dits de gauche qui encouragent à ne pas voter, réalisant ainsi les "normes" US où l’abstention est massive, garantissant le "triomphe" de l’UMPSFN.
- Sites dits de gauche qui copient-collent la presse des marchands de canons qui, bien sûr, tape sur Mélenchon de toutes les manières possibles.
- Sites dits de gauche qui encouragent à ne pas aller à la manif pour une 6° république.
- La bonne vieille rengaine : la "mondialisation" (néo-libérale, mais chut, faut pas le dire) est inéluctable, mon bon Monsieur. Que ça vous plaise ou non. Si cela ne vous plait pas, réfugiez -vous dans la dépression et la mauvaise humeur et laissez les gens "sérieux" "travailler" en paix ! Car :

"Nous aurons un gouvernement mondial, que nous le voulions ou non. La seule question est à savoir si le Gouvernement Mondial sera instauré par l’adhésion, ou par la conquête."

James Paul Warburg (1896-1969), officier de l’OSS et membre du CFR, le 7 février 1950, devant le Sénat des États-Unis.

Or, en France, si l’adhésion des bourgeois, des banquiers et des gens qui les suivent est acquise, un "trublion" la freine en ce qui concerne ces gens... dont il faut "conquérir" l’esprit - sinon, ce sera par les armes. Il faut aussi "conquérir" l’esprit de ceux qui s’opposent à un "gouvernement mondial" dont ils voient trop clairement qu’il s’agit pour moins de 1% de "gouvernants" de réduire les 99% restants à état de servitude, d’expérimentation, de limitation d’une population juste pour les besoins en main d’œuvre et pour son remplacement dès que celle-ci est "usée", etc...

Nous avons, par chance, en France, un "trublion" qui s’oppose à cette "seule question". Pas étonnant qu’on cherche à le détruire ! Par tous les moyens.
Maintenant, ceux qui lui préfèrent un gouvernement mondial made in USA, dont la plupart seront les esclaves, iront, plus ou moins conscients, dans ce sens. Car, comme l’écrit Ariane Walter

il y a des batailles qui sont des défaites pour tout le monde

.

28/04/2013 18:11 par paroche

Voilà qui est bien écrit !

D’une initiative personnel , si cela vous dit, voici le forum que j’ai créer pour le front de gauche.
Votre présence y sera un plaisir.

http://www.forum-placeaupeuple-fdg.fr/

ean-michel

29/04/2013 14:25 par Pascal

Tiens, me disais-je, que voici un brillant article avec du coeur et de l’esprit ! Puis vint le moment où je découvris la signature : qui m’apparut telle une évidence ! Ariane, il y a un bout de temps que je n’avais pas lu un billet d’elle ne fréquentant plus Agoravox son vaisseau amiral ! Mais sa patte est la même, alliant puissance du verbe et ouverture du coeur.

Pour ce qui est de Melenchon et du FdG, ils ne sauveront rien car le système ne peut pas être sauvé par qui que ce soit qui en est une émanation (selon moi :) ). Mais ils constitueraient néanmoins un moindre mal qui marquerait une avancée vers la dissolution du système et entrouvrirait la porte à certaines remises en cause de nature à contribuer la fin d’un cycle.

Le FdG n’est porteur que d’une partie de la solution. L’autre partie ils ne l’a pas car il est une pleine émanation du système. Le FdG pense avec les catégories du système. Ce n’est pas un reproche ; juste un constat. Tout cela est normal ; un passage obligé. Alors vive l’avènement du FdG et vive son achèvement ... :) Au double sens du terme.

Chaque chose en son temps ! Pas facile de transborder les passagers d’un paquebot gigantesque vers une multitude de petites embarcations de secours ... Du provisoire dont on ne sait combien de temps il pourrait durer ... Avant de déboucher sur un monde nouveau et plus viable humainement parlant. Un monde où le mot vérité, et bien d’autres, retrouverait et leur sens, et leur place.

Or ce n’est pas le souci qui anime le FdG. Cf leur positionnement par rapport au projet Taubira de réforme du mariage (le fond et la forme illégitime) et les événements du 11 septembre 2001. Pour ne prendre que deux exemples. On pourrait aussi citer le nucléaire et la conversion écologique de Mélenchon qui est d’opportunisme, de pragmatisme et non de conviction. Car on ne fait pas de bonne écologie sans un coeur sincère.

Mais encore une fois, on ne saurait le reprocher plus à Melenchon qu’à d’autres. Il est en phase avec son époque qui n’est pas mure pour l’éclosion d’un paradigme tout autre ... Mélenchon cependant y contribue mieux que d’autres !

Je mets l’accent sur Mélenchon car ne nous voilons pas la face. Lui et le FdG sont indispensables l’un à l’autre. Mais si Mélenchon n’existerait pas politiquement sans le FdG, le FdG ne serait rien médiatiquement sans Mélenchon. Avec le temps l’état de dépendance respectif de l’un à l’autre tend à emprunter une trajectoire opposée. Quoi que dise et quoi que fasse le premier !

Le FdG suivra Melenchon où le FdG périra politiquement et manquera son RDV momentané avec l’histoire ! On est à la veille de 1936 ... La fenêtre historique est étroite. Qui saura s’y engouffrer en premier et ainsi damer le pion à ses rivaux ?

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