Egypte : La "révolution" avortée

Révolution, ou révolte populaire ?

Lorsqu’on examine des événements politiques, il importe d’appeler un chat par son nom, au risque que les déceptions ne succèdent aux illusions. Impossible de biaiser : si un éléphant accouche d’une souris, inutile de tergiverser, il vaut mieux l’admettre et regarder la vérité en face pour y faire face. Après trente années de gestation, le peuple égyptien, gros d’une révolution, a vu l’accoucheur de l’armée assassiner le bébé.

Le dictionnaire de la langue française est formel : « Une révolution est le renversement d’un régime politique à la suite d’une action violente » (1). Une révolution c’est une révolte, c’est un soulèvement ayant pour but de détruire les bases d’un système politique et social, dans bien des cas corrompu, pour le remplacer par un autre, habituellement très différent du précédent.

Hosni Moubarak s’était engagé à quitter le pouvoir en septembre 2011, au terme de son cinquième mandat. Plusieurs centaines de martyrs et des milliers de blessés plus tard, les « révoltés du Nil » (2) auront obtenu qu’il avance sa démission de six mois et qu’en rédemption de ses crimes et de ses prévarications il se retire, avec ses milliard de dollars, dans sa datcha de Charm-el-Cheikh, muni d’un sauf-conduit et d’une promesse d’immunité entérinée par l’armée.

Il est utile de rappeler que le gouvernement du colonel Gamal Abdel Nasser a été mis en place, le 23 juillet 1952, à la faveur d’un coup d’État de l’armée égyptienne (3). Le successeur du colonel Nasser, le lieutenant-colonel Anouar el-Sadate, un temps espion de l’Afrika Corps, était issu des rangs de l’armée, tout comme allait l’être son successeur à la présidence, le commandant Hosni Moubarak (4). C’est l’armée égyptienne qui a désigné le commandant Moubarak à ce poste et c’est elle qui l’a soutenu dans ses projets de construction du Mur d’enfermement de ses frères arabes à Gaza, dans sa politique de démantèlement des capacités industrielles égyptiennes érigées sous Nasser et dans sa stratégie de soumission aux intérêts américains, ainsi que dans ses activités de collaboration amicale avec l’ennemi sioniste israélien, cela, sans la moindre défaillance, jusqu’au 11 février dernier.

Il y a quelque temps, Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, pleurait la déchéance de son ami sioniste, le commandant de l’armée de l’air Hosni Moubarak, troisième président de la République arabe d’Égypte. Juste avant de tomber en disgrâce, le soldat Moubarak a nommé, avec l’assentiment de l’armée, le chef des services secrets de l’armée, le tortionnaire Omar Souleiman, au poste de Vice-président. Qui osera prétendre que cette nomination respectait les voeux démocratiques du peuple égyptien en colère ?

Souleiman, l’actuel chef du gouvernement provisoire, a déclaré publiquement qu’il couperait les pieds et les mains de tout Arabe palestinien qui traverserait la frontière égyptienne à Rafah, et l’armée constitutionnelle égyptienne a applaudi cette prouesse démagogique. Ce gouvernement provisoire, honni du peuple et illégitime, demeure en poste aux ordres de l’armée, après la soi-disant « victoire » (sic !) de la « plus grande révolution de l’histoire de l’humanité » (re-sic !) (5).

Enfin, sitôt réinstallé au pouvoir, le 11 février 2011, le Conseil suprême des forces armées n’a rien eu de plus pressé que d’appeler à la cessation de toute hostilité : « L’armée égyptienne, en charge du pays depuis la chute le 11 février du président Hosni Moubarak, a appelé lundi citoyens et syndicats à cesser les grèves et les protestations sociales, au moment où les mouvements sociaux prennent de l’ampleur. Le Conseil suprême des forces armées (les mêmes officiers qui s’étaient réunis au Pentagone quelques jours auparavant, NDLR), appelle les citoyens et les syndicats professionnels et ouvriers à assumer leur rôle de la meilleure manière, chacun à sa place (…), dans la paix et le retour au calme. » (6).

Il est extrêmement rare que l’armée d’un régime militaire tyrannique et corrompu soit une armée du peuple, démocratique, magnanime et complaisante pour la population qu’elle a réprimée pendant trente années. Il serait avisé de se méfier de tous ceux qui appellent à s’en remettre à l’armée pour trancher en faveur du peuple qu’elle a réprimé, emprisonné, torturé : « L’armée, ce n’est pas la police, haïe pour son rôle répressif. Elle (l’armée) a joué un rôle national, s’est posée en défenderesse de la nation. Ce qui lui vaut un crédit moral. » (7). Ah bon ?

Bon an, mal an, les États-Unis accordent une aide de 1,3 à 1,7 milliard de dollars à l’armée égyptienne « révolutionnaire » afin de payer la solde de la piétaille et d’assurer la fortune des hauts gradés. Qui stipendie l’armée dirige l’orchestre des militaires et des tortionnaires.

Le fil des événements récents

Reprenons le verbatim de cette révolte populaire dramatique qui n’est jamais parvenue à se déployer en une révolution démocratique, ni, encore moins, en une révolution populaire anti-impérialiste.

Dès 2007-2008, soit avant même que la crise économique occidentale ne s’abatte sur l’Égypte, le chômage endémique concernait la grande majorité (76%) des jeunes diplômés des écoles spécialisées et des universités. Le chômage frappait également une partie de la classe ouvrière. Des grèves, pour la défense du pouvoir d’achat et pour l’emploi, bouleversaient ce pays exsangue. Les ressources de l’État étant accaparées par l’armée et par une coterie corrompue, les prix des aliments de première nécessité furent augmentés, sur les recommandations du FMI et de la Banque Mondiale. La rue se manifesta alors dans l’indifférence des médias occidentaux qui ne daignèrent pas faire état de ces grèves pour les salaires et pour l’emploi, ni de ces émeutes de la faim.

En décembre 2010, dans un petit pays, aux confins du Maghreb, la population excédée manifesta violemment contre un tyran exécré. Après plusieurs jours de protestation populaire, la « Révolte du jasmin » emporta le tyran Ben Ali, qui s’enfuit, muni d’un sauf-conduit, avec sa fortune si mal acquise. Le Conseil constitutionnel tunisien reprit en main la populace et reconsolida son emprise sur le pouvoir. Un cacique de l’ancien régime, le Premier ministre sortant Mohamed Ghannouchi assura l’intérim et ils nous cogitera, sous peu, quelques modifications à la constitution, pour un futur scrutin, à la grande joie des petits bourgeois friands d’élections « démocratiques » où le petit peuple aura l’opportunité d’entériner le choix de la gente armée, l’activité préféré des petits bourgeois « révoltés ».

En janvier 2011, inspirés par les événements de Tunis, de jeunes Égyptiens désoeuvrés branchés sur Internet et sur Facebook entament un soulèvement populaire pour renverser le régime militaire-autoritaire du vieux raïs et de tous ses technocrates. Les technologies nouvelles offrent des moyens de communication mais elles ne fournissent pas, en kit, la conscience de classe, ni l’orientation politique, pas plus que l’expérience révolutionnaire. Ces jeunes cyber-révoltés de la Coalition du 6 mai ne connaissaient pas grand-chose à la politique et ils fut très faciles de les duper pour les vieux roublards de l’opposition patentée.

Rapidement, tout ce qui grenouille de petits bourgeois intellos occidentaux et de vieux politiciens sur le retour, s’agglutinèrent à ce mascaret. Les « Frères musulmans », dociles collabos du pouvoir, d’abord hésitants, entrèrent finalement dans la danse, divers comités de "contestataires’ de la vingt-cinquième heure surgirent de partout et chacun tenta d’accaparer la direction de l’action désorganisée et désorientée.

La lutte pour le pain, le travail, la dignité, l’équité et l’honnêteté devint assez rapidement, sous la férule des « petits bourgeois démocrates pacifistes », une bataille pour renverser Le tyran Moubarak.

L’Ambassade américaine au Caire, désemparée, et l’armée égyptienne, prise au dépourvu, apprécièrent à sa juste valeur le service rendu. Partant d’une « Révolution » devant débouter un régime tout entier, les comploteurs se retrouvèrent face à une « révolte » visant à chasser un tyran, dont l’armée n’était pas mécontente de se débarrasser. En effet, le vieux raïs cherchait à imposer son fils comme son successeur, un petit homme d’affaires médiocre n’ayant jamais appartenu à l’armée, et cela n’avait jamais fait l’objet d’un accord avec l’état-major.

Alors, plutôt que de jeter à bas toutes les institutions et la vieille constitution et de créer une assemblée constituante pour en rédiger une nouvelle, un gouvernement provisoire, dirigé par un criminel du sérail fut chargé de modifier quelques articles de la constitution toujours en vigueur. Tous les partis d’opposition pourront présenter un candidat à l’élection à venir et le candidat financé par les Américains et soutenu par les médias officiels l’emportera à coup sûr. Au cas improbable où celui-ci n’y parviendrait pas, il serait toujours temps d’annuler l’élection et d’imposer un nouveau coup d’État de l’armée, comme en 1952.

Dans le cas d’une « réussite » de ce plan et de la mise en place d’élections, « les Frères musulmans seront la fraction principale au Parlement. Les États-Unis encouragent ce cas de figure et ils ont, d’ailleurs, qualifié les Frères musulmans de « modérés ». C’est normal puisque les Frères musulmans acceptent la soumission à la stratégie américaine et laissent Israël libre de continuer à envahir la Palestine. Les Frères musulmans sont également en faveur du système de « marché » actuel, qui dépend totalement de l’extérieur. En réalité, ils sont également en faveur de la suprématie de la classe bourgeoise « compradore » au pouvoir et ils se sont opposés aux grèves de la classe ouvrière et à la lutte des paysans pour préserver la propriété de leurs terres. » (9). Pour les Américains et pour Israël, donc, il n’y a rien à craindre, de ce côté-là .

Épilogue

Partant d’une menace de « Révolution » incontrôlée, les apparatchiks se retrouvent maintenant confrontés à une révolte avortée, grâce aux bons soins de quelques démocrates pacifistes qui ont bien accompli leur travail de diversion au grand plaisir de l’armée.

Les jeunes internautes resteront désoeuvrés (76 %) et les ouvriers continueront à chômer ; le pain restera hors de portée, les riches rentreront bientôt pour la curée et les capitaux du Golfe reviendront arroser les rives du Nil et les stations balnéaires des côtes de la Méditerranée et de la Mer Rouge.

Le 14 février dernier, quelques jeunes cyber-militants « révolutionnaires » naïfs ont rencontré les représentants de l’armée, qui leur a seriné quelques billevesées : « Le conseil suprême des forces armées a indiqué dimanche qu’il prenait en charge la direction des affaires du pays provisoirement, pendant six mois, soit jusqu’aux élections législatives présidentielles, tout en maintenant, pour la gestion des affaires courantes, le gouvernement formé par M. Moubarak le 31 janvier. Le gouvernement d’un cacique du régime, Ahmad Chafic, qui s’est réuni dimanche pour la première fois depuis le départ de M. Moubarak, a promis de faire de la sécurité sa toute première priorité ».

Vous aurez noté que la « sécurité » n’a jamais été une revendication de la rue égyptienne, mais plutôt une demande de la nomenklatura prise de panique.

« Nous avons rencontré l’armée (...) pour comprendre leur point de vue et présenter le nôtre, déclarent Waël Ghonim, un jeune informaticien devenu icône du soulèvement, et le blogueur Amr Salama, dans une note intitulée : "Rendez-vous avec le conseil suprême des forces armées" sur un site Internet pro-démocratie. Selon les jeunes militants, l’armée a également promis de "poursuivre en justice tous ceux qui sont accusés de corruption, quel que soit leur poste actuel ou passé". Les militaires, accusés par des groupes de défense des droits de l’homme d’avoir emprisonné et torturé des protestataires pendant la révolte, se sont aussi engagés à "retrouver tous les manifestants portés disparus ». (10) L’armée ne promet pas d’arraisonner les coupables, mais de retrouver les victimes (mortes ou vives).

Sans conscience et sans organisation révolutionnaire, voilà comment une « révolution » arabe se transforme en une « révolte » avortée. Cependant, les peuples arabes poursuivent leur soulèvement spontané et je suis absolument certain qu’ils ont déjà retenu les leçons de cette expérience, qui n’est certes pas terminée.

(1) http://www.toupie.org/Dictionnaire/Revolution.htm et http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/revolution/

(2) Les voici, les révoltés du Nil. Robert Bibeau. 10.02.2011. http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito10022011.html

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamal_Abdel_Nasser

(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Anouar_el-Sadate et http://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammed_Hosni_Moubarak

(5) Déclaration outrancière lu sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter.

(6) http://www.liberation.fr/monde/01012319583-l-armee-commence-lever-les-barricades-place-tahrir

(7) Entretien avec le sociologue Rachad Antonius. L’humanité. 9.02.2011. KARIMA GOULMAMINE http://www.humanite.fr/09_02_2011-entretien-avec-le-sociologue-rachad-antonius-464661

(8) L’insurrection en Égypte. Samir Amin. 7.02.2011.

(9) http://www.aloufok.net/spip.php?article3317

(10) AFP. 14.02.2011. 10 :38. Pays Égypte. GlGl. FRS10780685. / AFP-Ok98.

COMMENTAIRES  

18/02/2011 08:22 par Le Yéti

« La "révolution" avortée »

Il a fallu 30 jours à la population égyptienne pour renverser son dictateur. Et vous, Robert Bibeau, moins d’une petite semaine vous suffit pour enterrer leur "révolution".

Ben dis donc, je ne sais pas ce que vaut pour vous un "Grand Soir", mais vous avez les lendemains matins diantrement maussades. :-D

18/02/2011 10:50 par Vladimir

Au Caire,reprise de la place Tahrir ce vendredi,extension du mouvement au Moyen Orient,aux USA un debut de reponse collective au Wisconsin (USA) ,la meme onde de revolte contestatrice secoue les pouvoirs sur la defensive,aucun pronostic definitif n’est permis :

Du Caire à Madison, really ?

18/02/2011 - Bloc-Notes

Il y a des images qui courent plus vite que les événements qu’elles prétendent décrire, et qu’elles prétendent souvent décrire d’une façon excessive, ou provocatrice, ou démagogique, ou militante, etc. Les habitants du Wisconsin se révoltent contre les mesures d’austérité du gouverneur républicain Walker, avec des manifestations importantes, des occupations de lieux publics, etc. L’incident qui a attiré l’attention sur ces événements, c’est la menace du gouverneur Walker de faire intervenir la Garde Nationale contre les manifestants ; l’image Le Caire-Madison (capitale du Wisconsin) tend à charger ces événements d’une dimension symbolique qui pourrait leur donner un prolongement politique important, selon leur évolution…

"¢ Lundi, déjà , certains des manifestants en révolte avaient placé leur révolte sous le signe de la référence égyptienne : « On Monday, hundreds of University of Wisconsin-Madison students and professors showed up at the state Capitol chanting "kill this bill" and carrying signs with messages such as "From Cairo to Madison Workers Unite." » (Dans Huffington.Post, le 17 février 2011.)

"¢ Jeudi, le slogan avait fait son chemin et est devenu une image symbolique de la situation à Madison, dans le Wisconsin, même si les faits et les événements sont notablement différents. Le slogan devenu image est devenu un événement national avec la déclaration télévisée du député républicain Paul Ryan (RAW Story, le 17 février 2011) : « Wisconsin Rep. Paul Ryan, a rising star in the Republican Party, on Thursday equated the protests against his home-state Gov. Scott Walker’s (R) budget plan to the world-historic demonstrations in Egypt that last week led to the fall of President Hosni Mubarak. "He’s getting riots. It’s like Cairo’s moved to Madison these days," Ryan said on MSNBC’s "Morning Joe." »

"¢ Les démocrates entendent pousser à la contestation sur un terrain qui leur est médiatiquement et politiquement favorable, et où ils peuvent retrouver leur prestige et une certaine popularité auprès de leur aile gauche progressiste. Ils espèrent étendre le mouvement aux Etats de l’Ohio et de l’Indiana, qui préparent les mêmes mesures que le Wisconsin. Les démocrates ont le soutien public d’Obama. (Dans Huffington.Post du 17 février 2011) :

« Building on the momentum in Wisconsin, where tens of thousands of protesters have turned out to oppose Republican Gov. Scott Walker’s effort to strip collective-bargaining rights from the state’s public-employee unions, President Barack Obama’s campaign organization is mobilizing its followers in Ohio and Indiana, where similar measures are being considered.

 »Thousands descended upon the Ohio statehouse Thursday to protest a bill that would eliminate collective-bargaining rights for state employees and curtail the rights of local-level government employees. The debate is similar to that in Wisconsin : Supporters say it’s necessary to deal with budget problems, while opponents say it’s nothing but a vicious assault on unions.

 »Now folded into the Democratic National Committee, Obama’s campaign group Organizing For America is already actively engaged in Wisconsin and is beginning to ramp up organizing efforts in Ohio, though observers say the latter process is about a week behind that in Wisconsin. The group is also beginning to dig into Indiana, whose legislature is considering a bill to limit collective bargaining by teachers… »

On se trouve dans ce cas devant un mécanisme caractéristique de notre époque où le système de la communication exerce une puissante influence sur les psychologies et, à partir de là , sur les jugements qu’on est amené à porter sur les événements, souvent avant même que ces événements justifient vraiment ces jugements. (Mais peut-être le processus agit-il pour faire en sorte que le jugement ne fait que précéder l’évolution de l’événement, et qu’il apprécie donc justement l’importance réelle de la substance de cet événement ?) Le cas du Wisconsin est important en soi, parce qu’il illustre d’une part la situation budgétaire catastrophique des Etats de l’Union, et d’autre part la manière éventuellement contestable dont les autorités entendent lutter contre cette catastrophe. On peut avancer que la politique du gouverneur Walker pour lutter contre la catastrophe budgétaire de l’Etat ne diffère guère de celle, aux niveaux nationaux, du gouvernement britannique ou de l’administration Obama, pour prendre les deux pays qui sont à la fois les moteurs de la crise et les plus touchés par la crise du point de vue du budget public. Mais elle a été présentée et commence à être mise en oeuvre dans des circonstances générales spécifiques très particulières, où la menace de l’appel à la Garde Nationale (autrement dit, à l’armée de l’Etat) s’est conjuguée au formidable écho des événements égyptiens, pour aboutir à l’image symbolique qu’on sait. Du coup, les événements du Wisconsin tendent à être présentés, puis à être perçus, comme une réplique américaniste de la "révolution" égyptienne ; même si les masses humaines, les chiffres, les nombres, la puissance des réactions publiques et des événements en général, etc., c’est-à -dire tous les facteurs quantitatifs, sont sans comparaison, le symbolisme donne à l’analogie une valeur qualitative intéressante. La réaction populaire pourrait commencer à ressembler, grâce à cette représentation symbolique, à une "révolte" du Wisconsin, avec la possibilité d’une duplication et d’une extension dans les autres Etats.

La recette est-elle la bonne et, comme l’on dit, la mayonnaise va-t-elle prendre ? Ou encore : sera-ce une tentative sans lendemain ou le début d’un mouvement général, puisque l’on sait bien que le mécontentement latent et sporadique dans ces circonstances de crise est si grand qu’il existe effectivement un potentiel pour une mobilisation générale ? La question vaut d’autant plus d’être posée que la politique joue à plein, notamment la frustration des démocrates qui sont depuis deux ans sur la défensive face aux républicains, qui jugent qu’ils ont là une occasion en or de lancer une contre-offensive qui rencontrerait un grand écho populaire, qui semblent effectivement vouloir lancer cette contre-offensive (après le Wisconsin, l’Ohio et l’Indiana). Même le prudent Obama semble vouloir s’engouffrer dans la brèche, pour effectivement tenter de rétablir son assise politique sur sa gauche, finalement à peu de frais pourrait-il penser, puisque c’est un gouverneur républicain qui est le détonateur de la chose.

Dans cette sorte de circonstances, on oublie les responsabilités initiales, où le gouvernement fédéral (donc Obama) a plus que sa part avec sa politique durant la crise et son refus de venir en aide aux Etats de l’Union en tant que tels. Mais ce n’est pas très grave, ni particulièrement injuste, la responsabilité incombant finalement à tout l’establishment, démocrates et républicains mêlés. Ce qui nous importe, bien entendu, ce n’est pas l’enjeu politique, voire politicien ; c’est l’éventuel enjeu pour la stabilité de la situation US en général, si la contestation prend de l’extension ; c’est la question de savoir s’il n’y a pas, dans cette situation également, un "perfect storm" comme celui qu’évoquait Hillary Clinton pour le Moyen-Orient, en formation pour les USA. A ce point, on peut simplement observer que l’hypothèse n’est plus tout à fait absurde.

Quoi qu’il en soit, l’enseignement majeur jusqu’ici, c’est le constat renouvelé de la formidable puissance des images qui prennent une dimension symbolique grâce à leur diffusion par le système de la communication, et donc l’interconnexion indirecte très forte entre les événements du monder, et des événements qui n’ont en apparence pas de liens entre eux. Pour la beauté de la chose, il serait sympathique de voir les USA, qui donnent au monde entier des leçons de "démocratisation" , et le font même au risque de déstabiliser certains de leurs alliés stratégiques, se retrouver avec leur propre mouvement populaire qui en viendrait à exiger la "démocratisation" pour la Grande République usurpée par sa direction

Mis en ligne le 18 février 2011 à 07H08

http://www.dedefensa.org/article-du_caire_a_madison_really__18_02_2011.html

19/02/2011 12:48 par gucci

excellent brillant article n’en déplaise à certains la révolution ne demande qu à naitre et vu la configuration de cette socièté : D’un coté les "collabos mercantilistes" de la secte des FM et de l’autre l’armée on peu naivement imaginer le résultat de cette "agitation".
De là à nous faire croire à une prise du pouvoir du peuple et à son organisation politique c’est prendre ses rèves pour des réalités on peut mais c’est dangereux.
Les Etats-Unis ont déjà jetés les dès depuis longtemps et ne laisseront aucune chance aux populations pauvres de ce pays et plus généralement de la région afin de s’émanciper à leur façon.
Bref malgré tout il est évident que rien n’est joué d’avance dans un contexte bien compliqué ou les USA préparent le terrain à leur manière et laisseront la prérogative à leur allié de toujours sans en donner confirmation mais en y regardant de plus près en le faisant.

23/03/2011 10:54 par Anonyme

l’auteur a été peut être très vite dans l’annonce de l’avortement mais après le référendum sur la constitution on peut lui donner raison. Sans insinuer qu’il était assez perspicace pour prévoir tout en avance.

L’histoire retiendra que les frères musulmans ont tenu un rôle important dans l’avortement de cette révolution dont le déroulement est exemplaire et suscite une admiration.

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