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Longtemps, j’ai cru qu’il valait mieux être dedans, pour changer les choses

Europe : Mea Culpa

"L’UE est devenue, selon Maastricht et consorts , une machine de guerre contre précisément l’indépendance et la souveraineté des pays et des hommes."

Longtemps j’ai cru que pour changer les choses il vaut mieux être dedans que dehors, ne pas laisser la chaise vide...

Longtemps j’ai cru que l’on pourrait peut être un jour changer de l’intérieur cette Europe du pognon, cette création à mes yeux artificielle, qui entend mettre au pas pour l’éternité et sous la botte allemande et de la finance, les peuples, sommés de comprendre que hors du néolibéralisme : point de salut. Et qu’ils se le mettent bien dans la tête : il n’y a pas d’alternative ! Soumission et résignation. Et qu’ils passent sous les fourches caudines « d’experts », de « technocrates » non élus, de traités et pactes liberticides, sinon toute tête dissidente, comme celle de Tsipras, sera tranchée et brandie comme un trophée, écrit Ignacio Ramonet dans le « Diplo » édition espagnole. Avertissement à tous ceux qui voudraient un changement : la BCE, le FMI, l’UE, l’OMC ... remplacent désormais les « marines », les « G’Is », l’armée allemande.

L’occupation de la Grèce par la chancelière allemande (cela fait froid dans le dos), par le FMI, l’UE et la BCE, le traumatisme ressenti par tous les militants de gauche, m’ont interpellé(comme l’on dit). La défaite ô combien douloureuse, l’humiliation publique, le quasi lynchage d’un dirigeant porté par son peuple, la violence, la brutalité de la fondée de pouvoir des banques et des « trusts » allemands, m’ont beaucoup secoué.

Dans cette Europe allemande et de la BCE, nous nous trouvons pieds et poings liés, la démocratie n’y est qu’un alibi, une feuille de vigne et les droits des peuples : du vent. Tous le vernis « européiste » a craqué. Tous les masques sont tombés ce 13 juillet, jour noir, très noir pour tous, pas seulement pour les Grecs, et est apparu le visage terrifiant (il ne lui manque que les petites moustaches) du marché, de ses grands banquiers et prêtres inquisiteurs, dame Merkel flanquée de son enfant de chœur français, chargé de veiller à ce que le torturé ne meure pas sous les supplices. A nu désormais ce néolibéralisme assoiffé de fric, de pouvoir pour mettre les peuples à genoux, et ce libre-échange impérialiste, ces Pactes et Traités supranationaux, qui corsètent, emprisonnent, les membres de l’Union Européenne, ne laissent que peu de marge aux gouvernements, la plupart bénis oui oui.
Nous venons de souffrir un échec sur une stratégie qui atteint ses limites, qui s’avère inefficace et en porte-à-faux avec les besoins de progrès social, de démocratie participative, de souveraineté. Sauf à être masochiste, il faut adapter la position traditionnelle des communistes. Ce bunker européen est irréformable. La preuve sans appel par la Grèce et sa mise sous tutelle, sous protectorat. L’UE est devenue, selon Maastricht et consorts , une machine de guerre contre précisément l’indépendance et la souveraineté des pays et des hommes.

Jamais plus aucun dirigeant démocratiquement élu ne doit subir le traitement dictatorial, dégradant, imposé à Tsipras. Cela est impossible sans changer de cadre. Jamais plus aucun chef d’Etat ne doit voir sa dignité bafouée par un quarteron de « collabos », d’exécutants zélés du capital.

Sortons de ce « machin », de cette prison. De nombreux économistes ont démontré que la sortie de l’euro à elle seule ne suffirait pas, mais qu’elle ne constituerait pas une catastrophe majeure comme on nous en rebat les oreilles. Il y a- t-il pire que le pire ? J’ai mal à la Grèce. Je n’accable pas Tsipras (ne nous trompons pas de cible !) mais ceux qui lui ont mis un pistolet sur la tempe mériteraient d’être jugés pour crime contre l’humanité. Je ne signerai aucun texte, aucun appel. Je ne veux être manipulé que par ma conscience.

Jean ORTIZ

7 Août, 2015 (l’Humanité). Les chroniques Latines de Jean Ortiz portent un regard loin des clichés sur les luttes de libération du continent sud-américains... Toujours un oeil vif sur l’Espagne et les enjeux sous-jacents du quotidien...

 http://www.humanite.fr/blogs/europe-mea-culpa-581119

COMMENTAIRES  

08/08/2015 10:55 par Dwaabala

En quoi l’Europe est-elle« la faute » de Jean Ortiz, de la gauche, du peuple ? Elle est la construction de forces qui les ont dépassés en bafouant leur volonté. Ce qui a été mis en évidence avec le traité de Lisbonne, et plus récemment avec le TSCG.
Ces forces vont-elles s’évanouir au son des trompettes de la« sortie » ?

08/08/2015 12:05 par triaire

Je suis heureuse enfin d’entendre cela et de la part d’un coco .Des gens existaient déjà et pensaient cela ;l’extrème droite est à nos portes, menée par ces micro partis de " gauche radicale " qui n’ont jamais vu l’Europe telle qu’elle était .Je rappelle pourtant qu’en 2005, le peuple avait dit non .
On ne transforme rien, jamais , de l’intérieur, on y fait juste carrière .Ce pays a un urgent besoin d’une rupture totale avec cette zone mortifère .
Cuba s’en est sorti et les conséquences du blocus étaient aussi terribles .
Alors, à quand un parti de gauche crédible, cassant ?

08/08/2015 13:58 par Jacqueline LAVY

"Je n’accable pas Tsipras (ne nous trompons pas de cible !) "
oui mais quand même...... des questions se posent, non ?
http://www.marianne.net/pourquoi-syriza-t-il-signe...

08/08/2015 21:06 par Aris-Caen

Je suis très heureux de ce texte de Jean ORTIZ.
- " Ce bunker européen est irréformable", bravo pour cette lucidité, même un peu tardive. Personnellement j’ai "vu la lumière" de cette évidence il n’y a que 2 ans. Mieux faut tard que jamais.
- "Sauf à être masochiste, il faut adapter la position traditionnelle des communistes". Certains communistes étaient restés dans la position traditionnelle du PCF d’avant Robert Hue, c’est-à-dire contre Maastricht . Le PRCF en est la preuve (certes très minoritaire).
- "J’ai mal à la Grèce. Je n’accable pas Tsipras (ne nous trompons pas de cible !). Sur ce point aussi, je suis aussi d’accord. Seul le constat compte "Ce bunker européen est irréformable". Prenons position et agissons en conséquence !

Je suis très content que ça se décoince chez les cocos, ça me donnerai presque envie de ma carte !

09/08/2015 02:25 par Aris-Caen

ça me donnerai presque envie de prendre ma carte !

Comme j’aimerai que le PCF retrouve la niaque !

09/08/2015 10:15 par Cunégonde godot

Longtemps, j’ai cru qu’il valait mieux être dedans, pour changer les choses.

"j’ai cru"... Il faut arrêter, absolument arrêter de croire... une fois pour toutes.

L’UE est devenue, selon Maastricht et consorts , une machine de guerre contre précisément l’indépendance et la souveraineté des pays et des hommes.

Quel scoop !
L’Europe façonnée par l’Histoire et que l’on connaît encore en partie, que l’on vit aujourd’hui, est l’Europe des nations. Comme l’avaient vu dès le départ les gaullistes et communistes authentiques, plus quelques autres comme M. Chevènement, à chaque étape de sa régression européiste (sans guillemets M. Ortiz, car l’européisme est une banale idéologie, quasiment une croyance) l’Europe des nations devient l’ "Europe" d’une nation : l’Allemagne.
Répétons-le, les plus lucides et par-là les moins croyants l’avaient immédiatement compris (que l’on revienne à tous les ouvrages écrits par M. Chevènement p.ex., décrassage des neurones garanti).

09/08/2015 11:57 par scalpel

@ Miss Cunégonde

Chevènement mais aussi Philippe Seguin dont il faudrait encadrer, afficher l’historique et implacable requisitoire anti Maastricht du 5 mai 1992...(date citée de mémoire mais je ne crois pas me tromper)
Mieux vaut tard que jamais dit la sagesse populaire...
23 ans plus tard, Jean Ortiz voit enfin la lune que s’obstinent inlassablement a lui montrer les sages. Comme quoi tout finit par arriver.
PC ne signifie plus (hélas, et depuis belle lurette, d’où son effondrement dans les classes populaires), parti communiste, mais parti collaborationniste, ou euro-atlantiste.

10/08/2015 17:09 par Cunégonde godot

scalpel :
@ Miss Cunégonde

Chevènement mais aussi Philippe Seguin dont il faudrait encadrer, afficher l’historique et implacable requisitoire anti Maastricht du 5 mai 1992...(date citée de mémoire mais je ne crois pas me tromper)
Mieux vaut tard que jamais dit la sagesse populaire...
23 ans plus tard, Jean Ortiz voit enfin la lune que s’obstinent inlassablement a lui montrer les sages. Comme quoi tout finit par arriver.
PC ne signifie plus (hélas, et depuis belle lurette, d’où son effondrement dans les classes populaires), parti communiste, mais parti collaborationniste, ou euro-atlantiste.

Oui, M. Séguin. Mais je l’incluais dans les gaullistes authentiques, bien entendu.
L’Allemagne dirige l’ "Europe" car celle-ci a été faite à ses mesures depuis toujours. Mais les maîtres restent les Etats-Unis. Sinon, la Grèce aurait été virée de l’ "Europe" comme le voulait le majordome allemand. Le TAFTA va accélérer notre domestication. Les pleurnicheries des européistes "dégauchie" à propos du TAFTA sont seulement des larmes de crocodiles (comme celles sur le fédéralisme).

12/08/2015 09:41 par Autrement

@ gaullistes.
Et d’abord, qu’est-ce qu’un "gaulliste authentique" ? Celui de l’appel du 18 juin (précédé sur le terrain par les débuts d’organisation de la résistance populaire par les communistes - oui, je sais, l’Histoire bafouille sur ce point et refuse d’être d’accord avec elle-même), ou celui de 1958 ? Authentique ou non, la qualification de gaulliste n’est pas une référence bien solide, plutôt un éloge d’apparat. La "France" dont il se faisait une "certaine idée" est tout aussi fictive que l’Europe de ceux que vous qualifiez d’européistes, comme si ceux qui ont voté NON à Maastricht et au TCE étaient tous des demeurés. De Gaulle méprisait souverainement le peuple, comme en témoigne sa constitution monarchique, ou encore la "chienlit", contre laquelle il se préparait à envoyer les chars, comme un vulgaire Papadopoulos. Et je vous vois manifester le même arrogant et aveugle mépris à l’égard de tous ceux qui se réclament d’une gauche radicale (et non d’un homme, ou même d’un parti tel quel), et qui étaient dans l’action pour quantité de bonnes causes, eux, depuis avant que vous soyez nés. Sous le règne de De Gaulle, les affaires du capitalisme tant français qu’interlope ont tranquillement prospéré ; les USA, pourtant justement controversés en termes de souveraineté nationale, se sont par ce biais introduits sans résistance dans notre économie. La grandeur s’arrêtait là où commençaient le profit. C’est aussi à l’initiative de De Gaulle qu’avec Pompidou, la grande banque a commencé à accaparer directement le pouvoir, évidemment meilleure gestionnaire que le "gouvernement populaire" réclamé dans les plus dignes manifs de 68. Giscard et le TCE ont suivi, avec la bénédiction des politiciens du dessus du panier. Décidément, je préfère la France du regretté Jean Ferrat.

12/08/2015 23:43 par Scalpel

@ Autreurope

Que répondre à un tel tissu d’inepties ?
Ben, rien, pardi.

13/08/2015 10:11 par Cunégonde godot

L’ "Europe" est l’outil d’asservissement politique et juridique le plus sophistiqué mis en œuvre par l’impérialisme (aujourd’hui américain). Car d’abord une idéologie et une croyance aussi bête et et simplette – et par-là aussi efficace – que le coca-cola, la musique rock, le new âge "écologique", le féminisme, le cinéma hollywoodien, Disneyland, etc. Son astuce : reprendre pour mieux les détourner, les détruire de l’intérieur toutes les valeurs universelles produites par la civilisation occidentale en les ramenant à sa ferblanterie – à sa part d’inauthenticité : sa posture fidéiste et son inoxydable romantisme à deux balles (l’humanitaire p.ex.).
La civilisation marchande impérialiste, purement consumériste et sans âme, sans valeur autre que celle du prix (du coût), incarnée par l’Amérique a ravagé une grande partie des esprits en Europe et en France en particulier depuis 1918 (avec accélération brutale après 1945).
L’ "Europe" dans sa propagande, et donc ceux qui idéologiquement s’y agenouillent, contribue puissamment à l’avènement d’une nouvelle forme d’inauthenticité, une nouvelle (et pourtant si ancienne) forme de barbarie. Les plus insupportables et les plus inauthentiques étant ceux qui, tout en conservant les anciennes étiquettes (gaullisme, communisme, socialisme, p.ex.) les détournent et les salissent. Ils ne font que conforter l’empire tout en pleurnichant en permanence sur ses effets dévastateurs : la posture typique du rebelle... hollywoodien qui mérite bien que le système lui tapote la joue de temps à autre (devant les caméras, ce qui dénote aujourd’hui un certain manque, comment dire, de distinction n’est-il pas ?).

13/08/2015 15:05 par Autreurope

Vous savez pourquoi j’ai changé (provisoirement) de pseudo ? C’est parce que cette fois, c’est moi qui enlève le taureau.

13/08/2015 19:58 par legrandsoir

 ????......

13/08/2015 20:23 par Autrement

@lgs
Oui, je sais, ce n’est pas un argument politique ; mais Scalpel et Cunégonde se sont si bien expliqués, que j’ai pensé tout de suite à la mythologie et aux structures anthropologiques de l’imaginaire telles que décrites par Gilbert Durand. L’analyse des mythes a ceci de formateur que l’on s’aperçoit qu’il est toujours possible de raconter les choses autrement, une fois la situation retournée. L’Europe en est un bon exemple.

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