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(In)suffisance journalistique

* Le 23/09/2022, un journaliste-vedette de la RTBF affirme sur les ondes de « La Première » que « plusieurs millions de Ouïghours sont actuellement enfermés dans des camps dans le Xinjiang. » * Je m’empresse de lui signaler qu’il s’agit d’un chiffre que n’oserait même plus avancer l’ineffable Adrian Zenz. * Réaction de l’intéressé, tardive en raison d’un égarement d’email : « Nous ne pouvons (…) partager votre point de vue sur une éventuelle exagération quant aux millions de personnes concernées puisqu’aussi bien les sources publiques consultables suite au rapport ONU font état de au moins un million de personnes ouïghoures en camps sans compter le personnes kazakhes enfermées et les surveillances intrusives dans l’espace public et privé dans tout le Xinjiang qui fait considérer l’ensemble de la zone par les observateurs comme un prison ou camps à ciel ouvert. Voir e.a. à ce sujet https://www.lalibre.be/debats/opinions/2022/06/10/pekin-a-enferme-de-facon-arbitraire-au-moins-un-million-de-ouighours-Y756OVLNUNCHRLADPXSO5BHTSM/. »


1) Ma réaction

Un article trompeur

Pour justifier ce que vous appelez pudiquement votre « éventuelle exagération », vous vous référez au « rapport ONU », tel que commenté par l’article publié dans La Libre (1), cosigné par une quarantaine d’universitaires.

« Il est (...) rare, écrivent-ils, que le monde académique arrive à un tel niveau de consensus. » Il s’agit là d’une affirmation pour le moins contestable, comme en atteste, en queue des notes, la liste non exhaustive d’une cinquantaine d’auteurs (universitaires, chercheurs, analystes, journalistes) − certains prestigieux, d’autres plus modestes − qui ne partagent nullement l’avis des signataires de l’article. (*)

Faisant preuve d’une rigueur scientifique toute relative, les auteurs de l’article en question parlent à cinq reprises de « camps d’internement » alors que, dans le texte onusien qu’ils sont censés recenser, on ne parle jamais de camps, mais bien de VETC (Vocational Education and Training Centers), c’est-à-dire des Centres d’enseignement et de formation professionnels.

Mais là où l’article publié dans La Libre et dans Le Monde – Hubert Beuve-Méry doit se retourner dans sa tombe ! – dérape complètement, c’est quand il fait état d’un « agenda génocidaire », ce qui en dit long sur la mauvaise foi de leurs auteurs : s’il est une accusation que les « rapporteurs » de l’ONU évitent soigneusement d’accréditer, c’est précisément l’intention génocidaire.

Des intellectuels faussaires

Comment expliquer une telle forfaiture intellectuelle sinon par l’entêtement à imposer une fake news caractérisée ? Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Pour cette quarantaine d’universitaires, il fallait coûte que coûte cautionner les mensonges mainstream, qu’ils proviennent du monde académique (2), de think-tanks (3), du monde politique (4) ou du monde médiatique (5).

À vrai dire, je ne suis nullement étonné d’une telle mauvaise foi. À défaut de les passer tous et toutes en revue, il suffit de jeter un coup d’œil sur les orientations clairement anticommunistes sinon antichinoises de certain(e)s signataires de l’article :

* « June Teufel Dreyer, Professor of Political Science, University of Miami, Florida », travaille aussi pour The Jameston Foundation, un think-tank étatsunien anticommuniste dont les liens avec la CIA n’ont jamais été démentis ;

* « Vanessa Frangville, Senior Lecturer, Université libre de Bruxelles », ne cache même pas sa sinophobie primaire (voir https://www.legrandsoir.info/china-bashing-universitaire.htmlnégationnist), allant jusqu’à inventer le concept de terrorisme anecdotique propos des séparatistes ouïghours ayant sur les mains le sang de plusieurs centaines d’innocents et étant allés grossir les rangs de Daech (voir https://www.legrandsoir.info/le-terrorisme-anecdotique-nouveau-concept-universitaire.html) ;

* « James Leibold, Professor, La Trobe University », collaborateur de l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute), un think-tank australien, financé per le NED (National Endowment for Democracy), rejeton de la CIA, financé aussi par le Département d’État des États-Unis, par des gouvernements occidentaux et même par l’industrie de l’armement ;

* « Dilnur Reyhan, French National Institute for Oriental Studies/European Uyghur Institute », très appréciée des plateaux de télévision français, un peu moins par moi : à propos de ma lettre ouverte à Marie Arena, Présidente de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, Dilnur Reyhan a préféré l’injure à la discussion (6) ;

* « Sabine Trebinjac, Directrice de recherche, Centre National de la recherche scientifique, France », autrice d’un article de 15 pages dont les insuffisances ne seraient pas tolérées chez un élève de l’enseignement secondaire (voir http://tibetdoc.org/index.php/politique/ouighours-et-tibetains/625-sabine-trebinjac-et-les-ouighours-un-requisitoire-antichinois-sous-vernis-scientifique) ;

* last but non least : « Adrian Zenz, Senior Fellow in China Studies, Victims of Communism Memorial Foundation », est un born again Christian investi de la mission divine de défaire le communisme (7). Son manque de crédibilité a été pour la première fois mis en lumière par le journaliste allemand Jens Berger (voir https://www.nachdenkseiten.de/?p=56639, 25/11/2019).

Il ne fallait donc pas attendre de tout ce beau monde qu’il reconnaisse s’être trompé : ce n’est pas le genre de la maison. Mais les faits sont têtus : il n’y a pas plus de génocide au Xinjiang qu’il n’y en a au Tibet (8).

Encore une baudruche qui se dégonfle : d’une accusation de génocide, on est passé, comme, au Parlement européen et au Parlement belge, à une accusation de risque de génocide et de crimes contre l’humanité, jusqu’à ce que le « rapport ONU » nuance encore le propos en déclarant, p. 44, article 148, que certaines pratiques peuvent constituer des crimes contre l’humanité (« may constitute international crimes, in particular crime against humanity. »

On peut d’ailleurs se demander pourquoi des abus qui peuvent constituer des crimes contre l’humanité font l’objet de tant de sollicitude alors qu’il existe de par le monde et sur tous les continents des dizaines de crimes contre l’humanité qui se produisent effectivement sans provoquer une forte émotion, voire en étant systématiquement passés sous silence. Poser la question, c’est sans doute y répondre : ce n’est pas Julian Assange qui me démentira...

Le « rapport » onusien

C’est à dessein que j’ai mis des guillemets à rapport, puisque le document publié le 31 août 2022 en anglais ne s’intitule pas Report (avec sa connotation de document faisant autorité), mais Assessment = évaluation ou estimation (avec une connotation plus floue, voire subjective).

Cette évaluation, par ailleurs, n’est pas signée par l’ONU mais par son Haut-commissariat aux droits de l’Homme. À ce jour, l’ONU (193 pays) ne l’a pas validée.

Et surtout que signifie la discordance entre les propos tenus par Michelle Bachelet lors de sa conférence de presse du 15 mai (9) et la publication du 31 août ? Bizarrement, l’évaluation a été publiée 13 minutes avant la fin du mandat de quatre ans de Michelle Bachelet. Tiens, pourquoi ? Pourquoi Michelle Bachelet n’a-t-elle pas présenté en personne « son » « rapport » ? Où est-elle passée ? Comment se fait-il que la grande presse ne se soit posé aucune question à propos de cet étrange hiatus ? Les propos de Michelle Bachelet du 15 mai n’étaient-ils trop favorables à la Chine ?

Elle avait pourtant laissé entendre, et Pékin en était d’accord, que la situation des droits de l’homme au Xinjiang n’était pas parfaite : « No one can claim to be perfect in human rights protection ; there is always room for improvement. » Mais ce jugement nuancé n’était pas acceptable pour la « communauté internationale » à qui on avait fait croire que les Ouïghours étaient victimes de génocide.

M’étant « infligé » la lecture des 46 pages du OHCHR Assessment of human rights concerns in the Xinjiang Uyghur Autonomous Region, People’s Republic of China, j’avais commencé à mettre par écrit mon évaluation de l’évaluation onusienne quand je suis tombé sur cette excellente analyse publiée sur le site « Le Grand Soir » sous la plume d’un auteur qui a notamment le mérite de manier la langue chinoise (10) : j’espère que vous trouverez le temps de lire ces dix-huit pages brillamment écrites et constituant un modèle de perspicacité : son auteur y passe au crible d’une critique interne impitoyable les différentes accusations formulées contre la Chine, pour en arriver à cette conclusion avec laquelle tout honnête homme devait, me semble-t-il, être d’accord :

"La Chine est-elle coupable de ce dont on l’accuse ? Vraisemblablement plus de génocide ni d’esclavagisme, c’est déjà ça. Mais qui se soucie que ce soit vrai ou faux ? La trace de ce qui est dit est indélébile. Oui, la Chine est imparfaite, mais comme le sont toutes les nations, et on ne peut pas prouver non plus que dans sa lutte contre l’extrémisme religieux et dans sa volonté de circonscrire les fantasmes d’indépendance d’une diaspora manipulée, elle ne soit jamais en défaut. Pour rassurer les esprits chagrins ainsi que ceux qui ont la comprenette au sous-sol et surtout pour éviter de tomber dans l’angélisme, il faut le dire tout net : la Chine n’est pas un modèle à suivre en matière de police et de justice, pas plus qu’en un tas d’autres aspects, et elle n’a pas vocation à l’être. La police chinoise est composée d’êtres humains, et comme tous les êtres humains dépositaires de l’autorité publique, ceux-ci commettent des abus, font des erreurs voire des bavures, arrêtent des innocents, les emprisonnent, usent de la force pour avoir un renseignement, corrompent et sont corrompus.

La vérité est plus là que dans les vieilles casseroles de la cuisine onusienne."

Au plaisir de poursuivre les échanges si vous le jugez bon, je vous assure, cher Monsieur, de ma meilleure considération.


2) Réponse du journaliste

Bonjour

J’ai bien reçu votre mail.

Le travail journalistique que nous menons à la rédaction nous amène d’autres informations, éloignées des conclusions que vous tirez. Nous n’en ferons pas un échange permanent, vous laissant à vos convictions.

Bien à vous

3) Ma réaction

Cher Monsieur,

Je suis passablement déçu par votre dernier courriel. J’aurais pu espérer qu’un journaliste chevronné comme vous respecte la Charte de Munich, qui est un peu pour les journalistes ce que le Serment d’Hippocrate est aux médecins. Parmi les dix devoirs du journaliste, cette charte impose (art. 6) de « rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte », en l’occurrence votre affirmation selon laquelle plusieurs millions de Ouïghours sont actuellement enfermés dans des camps dans le Xinjiang. Tout le monde peut se tromper. Encore faut-il savoir reconnaître ses erreurs. Vous vous seriez grandi en reconnaissant vous être trompé.

Au lieu de ça, vous tentez de décrédibiliser ma note critique en la rangeant dans le domaine des convictions que vous opposez aux informations, fruit du « travail journalistique ».

Parmi les synonymes ou quasi-synonymes de information, on peut citer : enquête, investigation, instruction, interrogation, examen, etc. C’est du sérieux.

Quant aux synonymes ou quasi-synonymes de conviction, on trouve – c’est moins sérieux – : croyance, certitude, persuasion, foi, avis, adhésion, assurance, confiance.

Beaucoup de gens ont la conviction que la terre est plate ou que Dieu a créé la terre en sept jours. Je trouve plutôt injurieux de votre part d’assimiler mon analyse à ce type de croyance, tandis que vous auriez, vous, le privilège de détenir des ... « informations, éloignées de [mes] conclusions ».

Quelles sont donc ces « autres informations » qui vous permettent de me contredire ? N’auriez-vous pas, par hasard, des convictions vous faisant avaler, fût-ce inconsciemment, des fake news véhiculées par la presse mainstream ?

Et n’est-ce pas la noblesse du travail journalistique que de se livrer à un travail d’investigation et d’enquête sur différentes informations, notamment celles qui sont précisément « autres » que les dépêches officielles ?

Je reste, quant à moi, ouvert à la discussion, n’ayant aucune prétention à détenir le monopole de la vérité.

Bien à vous.


(1) https://www.lalibre.be/debats/opinions/2022/06/10/pekin-a-enferme-de-facon-arbitraire-au-moins-un-million-de-ouighours-Y756OVLNUNCHRLADPXSO5BHTSM/.

(2) comme les sinologues
- Eleanor Hart (https://aoc.media/analyse/2022/07/20/genocide-ouighour-lemergence-dun-consensus-scientifique/) ou
- Marie Holzman (https://www.philomag.com/articles/marie-holzman-les-ouighours-et-les-kazakhs-sont-designes-par-pekin-comme-les-peuples).

(3) comme le Newlines Institute for Strategy and Policy, en collaboration avec le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de l’homme (https://www.investigaction.net/fr/un-rapport-independant-faisant-etat-dun-genocide-ouighour-vous-est-presente-par-une-universite-frauduleuse-et-des-ideologues-neoconservateurs-qui-font-pression-pour-punir/).

(4) comme
- l’Assemblé nationale française, à l’unanimité moins la France Insoumise (https://www.lemonde.fr/international/article/2022/01/19/l-assemblee-nationale-francaise-se-penche-sur-le-genocide-ouigour_6110134_3210.html),
- l’Administration Biden (https://information.tv5monde.com/info/etats-unis-l-administration-biden-denonce-aussi-un-genocide-des-ouighours-par-la-chine-392865),
- le Parlement canadien (https://www.aa.com.tr/fr/monde/le-parlement-canadien-reconna%C3%AEt-le-g%C3%A9nocide-des-ou%C3%AFghours-en-chine/2595817),
- le Parlement britannique (https://www.google.com/search?q=parlements+du+royaume-uni+et+de+l%27irlande+%3A+g%C3%A9nocides+ou%C3%AFghours&oq=&aqs=chrome.0.69i59i450l8.550157586j0j15&sourceid=chrome&ie=UTF-8),
- le Parlement néerlandais (https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KBN2AP2QY/le-traitement-des-ouighours-en-chine-est-un-genocide-dit-le-parlement-neerlandais.html),
- le Député Raphaël Glucksmann (https://www.charentelibre.fr/2021/01/27/ouighours-l-eurodepute-glucksmann-s-attaque-aux-complices-du-genocide,3701036.php?nic).

(5) comme
L’Obs (https://www.nouvelobs.com/monde/20210305.OBS41012/ouigours-un-genocide-cache-cinq-lanceurs-d-alerte.html),
Le Monde (https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/10/la-chine-est-responsable-d-un-genocide-des-ouigours-selon-des-experts-reunis-a-londres_6105455_3210.html ne dément pas ces « experts »),
Libé (https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/ensemble-contre-le-genocide-ouighour-20220119_5MFTW7WUPNCATAWINZ73GQQFOI/),
Arte (https://www.legrandsoir.info/calunnia-del-arte.html), et même
Esprit (https://esprit.presse.fr/article/dilnur-reyhan/le-genocide-des-ouigours-43459).

(6) Quelle audace de m’envoyer cette poubelle de torchon chinois ! En même temps connaissant parfaitement les méthodes et l"éthique" du PCC, des soldats Francophones de longues dates comme André machin qui passent leur vie à mendier auprès de leurs maîtres chinois pour deux sous, cette méthode de Zéro honte, zéro humanité ne m’étonne guère. Pourtant j’avais déjà signalé ce torchon à l’argument inexistant, pour ne pas recevoir ses pourriels.
Il faut une enquête sérieuse sur ces criminels qui effectuent un travail criminel acharné au service d’un régime génocidaire.
J’offre ce proverbe ouïghour à ces individus d’André machin qui sont nés après honte : "L’épaisseur de ma peau du visage est le confort de ma vie."
(courriel du 17/09/2020 de Mme Dilnur Reyhan à André Lacroix)

(7) Pour d’autres informations sur les fantasmes de Zenz, voir, par exemple, ce qu’en dit le journaliste étasunien Dan Cohen in http://tibetdoc.org/index.php/politique/ouighours-et-tibetains/628-la-chine-commet-elle-un-genocide-au-xinjiang%20notamment.

(8) Voir http://tibetdoc.org/index.php/politique/ouighours-et-tibetains/617-tibetains-degoutes-tibetains-deboutes-le-vent-tourne-mais-quid-des-ouighours.

(9) https://www.globaltimes.cn/page/202205/1266511.shtml.

(10) https://www.legrandsoir.info/rapport-de-l-onu-sur-les-droits-de-l-homme-au-xinjiang-du-31-aout-2022-c-est-dans-les-vieux-pots-qu-on-fait-l-meilleur-ragout-38246.html.

(*) liste disponible sur simple demande à andre.lacroix@lacroix-deruyt.be.

COMMENTAIRES  

02/11/2022 12:57 par Xiao Pignouf

Cher M. Lacroix,

Merci pour votre texte et doublement merci de citer le mien.

Une petite rectification s’impose cependant : je ne manie pas le mandarin avec aisance, je le pratique même médiocrement à l’oral. D’où les difficultés à lire les nombreuses références de ce rapport notamment les textes de lois chinois. Heureusement, je suis entouré de personnes qui elles sont locutrices confirmées et il y a aussi de relativement bons outils de traduction.

Cordialement.

XP

03/11/2022 16:06 par sixiangjiaoyu

Bonjour M.Lacroix,

Vous faites erreur en disant que l’article de la Libre Belgique "commente" le rapport ou l’évaluation de l’ONU. Ce rapport est paru en août dernier alors que l’article remonte à juin. Vous ne pouvez pas reprocher aux signataires de l’article de ne pas avoir utilisé la terminologie d’un document qui n’avait pas encore été publié.
Parler de "camp d’internement" vous parait excessif. Mais ne pensez-vous pas que, dans un certain nombre de cas au moins, l’utilisation de l’appellation "VETC" (Vocational Education and Training Centers) est plutôt euphémistique ?
La célèbre photo jointe à ce commentaire a été prise en 2014 dans un "centre de formation et d’éducation" (教育培训中心) dans le Xian de Lop, préfecture de Hotan, sud du Xinjiang. Pour ma part, j’éprouve des réticences à assimiler ce genre d’endroit à une école.

Qu’en pensez-vous ?

03/11/2022 21:07 par Xiao Pignouf

@sixiangjiaoyu

Vous jouez les naïfs. Est-ce que la Chine a le monopole des euphémismes ? Certainement pas. Donc effectivement peut-être préfère-t-elle mettre l’accent sur l’aspect formateur de ces centres. Une ré-éducation (au sens propre du terme c’est-à-dire celui en usage dans la thérapeutique) au lieu d’une simple détention.

Oui, vous êtes naïf. Sur la photo, ce sont des détenus, non pas des écolières. Et ils sont en train d’écouter un discours de déradicalisation parce qu’ils sont là pour cette raison, pour leur proximité supposée avec l’islam radical qui en a conduit certains à commettre des attentats sur le sol chinois. C’est l’aspect collectif qui vous choque ou l’uniforme ? Dans les deux cas, ce sont des éléments très communs en Chine. En tout cas, vous serez certainement d’accord pour admettre qu’ils n’ont pas l’air en mauvaise santé, maltraités ou sous-alimentés.

Pour prouver ou essayer de prouver quelque chose, cela requiert des éléments beaucoup plus solides qu’une photo circulant sur le Net qui fait baver les contempteurs de la rhétorique sur le Xinjiang. La Chine n’a pas le droit d’avoir des prisons ni de transferts de détenus comme cela est courant dans nos pays ? À la seule mention, image ou vidéo du fait pénitentiaire en Chine, on frôle les accusations de génocide à chaque fois. Parce qu’en France, jamais on a transféré des détenus d’une prison à une autre ? Jamais on a rassemblé des détenus dans la cour de la prison ? C’est vrai que si la Chine envoyait des journalistes dans nos prisons à nous, on aurait vite fait, en voyant les visages des détenus, d’accuser la France de persécuter certaines populations...

03/11/2022 22:42 par Tanguy

@sixiangjiaoyu

Etes-vous certain que votre photo date de 2014 ? Une recherche image sur Google ne donne que des résultats postérieurs à 2018 et la photo sur Wikipedia est légendée "[Detainees listening to speeches in a camp in Lop County, Xinjiang, April 2017https://en.wikipedia.org/wiki/Uyghu...1]" .
A noter que la légende de Wikipedia parle bien de prisonniers et non pas d’étudiants.

03/11/2022 22:51 par Tanguy

Je vous rejoins sur le fait que tout endroit (hormis exceptions très brèves liées à des moment de folie délirante) où l’on est retenu contre sa volonté devrait être qualifié de prison. Y compris donc les "VETC"..

04/11/2022 09:09 par sixiangjiaoyu

Bonjour Tanguy,

Un article publié sur le site de Danielle Bleitrach donne un lien vers une capture du site où, vraisemblablement, la photo a été publiée pour la première fois :https://web.archive.org/web/20180820154817/https:/baijiahao.baidu.com/s?id=1564669932542581&wfr=spider&for=pc

La date de publication indiquée est 2014.

04/11/2022 12:57 par Xiao Pignouf

@Tanguy

C’est bien qu’on sache que c’est vous qui distribuez les cas d’exception. En réalité, comme vous l’évoquez au détour d’une phrase, il existe de nombreux lieux où l’on retient durablement les gens contre leur volonté, à commencer par l’école. Mais puisque vous en parlez, les fous feraient donc exception ?

Blague à part, vous discutez avec sixiangjiaolu comme si les hommes sur la photo étaient d’innocentes victimes. Peut-être. Mais probablement pas. Et c’est d’abord précisément ce qu’il convient de prouver. Et non sur le fait que la Chine ait choisi à raison ou à tort de nommer ses centres de déradicalisation des Vocational Education and Training Centers. Cette photo, comme beaucoup d’autres du même genre ne prouve rien, sinon que la Chine s’embarrasse peu de donner un air cool à ce genre d’endroits qui ne sont pas destinés à être des clubs Fripounet ou des centres aérés. La vraie question est : qui sont ces hommes et pourquoi sont-ils là ? S’il y a de fortes chances que parmi eux se trouvent des innocents, on ne peut croire, comme sixiangjiaolu cherche systématiquement et implicitement à le faire dire, qu’ils le soient tous. L’autre question, accessoire mais qui brûle quand même un peu les lèvres, c’est : dans quelles conditions cette photo a-t-elle été prise ? Ça ne ressemble pas à une photo volée. Si je vais à Fleury-Mérogis, que je rassemble les prisonniers et prends une photo de groupe, pourrais-je ensuite accuser la France de génocide ou à tout le moins de répression systémique contre les populations d’origine maghrébine et subsaharienne ? C’est tout le sujet de l’article de M. Lacroix et de tant d’autres sur le GS. Les interventions répétitives de sixiangjiaolu qui ne s’exprime que sous des articles traitant de la Chine visent à noyer le poisson et les lecteurs dans des considérations secondaires qu’il lui est comme à nous tous impossible de démontrer avec certitude. Lui répondre une fois suffit, au-delà ça devient chronophage et inutile, tant il se répète et n’a aucune envie de vous entendre, malgré un abord courtois.

04/11/2022 18:02 par André LACROIX

Merci à Xiao Pignouf pour ses précisions et ses commentaires.
Merci aussi à Sixiangjiaoyu pour avoir signalé mon erreur : l’article critiqué par moi, datant du 10 juin, ne pouvait effectivement pas être la recension d’un document publié le 31 août. Au temps pour moi !
Je maintiens toutefois mes critiques de fond quant au manque de crédibilité de certain(e)s signataires de l’article et aux contre-vérités et procès d’intention dont ils et elles se sont rendu(e)s coupables.
Je maintiens aussi mes critiques à l’égard du journaliste qui n’a pas pris ses distances par rapport à des ragots, fussent-ils cautionnés par des universitaires.

04/11/2022 18:20 par Tanguy

@Xiao

1- Je ne distribue rien du tout
2- Je maintiens : les endroits où l’on est retenu contre sa volonté sont des prisons (je mets les internements de très courtes durées dues à des bouffées délirantes à part car, et cela peut être débattu ! j’y vois une mesure de protection).
3- On ne peut être retenu contre sa volonté à l’école car l’enseignement à domicile est possible, c’est donc un choix (au moins formel) des parents.
4- Je n’ai jamais dit que ces hommes étaient innocents
5- Je n’ai jamais dit que cette photo prouvait quoi que ce soit
6- Je n’apprécie pas que l’on entasse des gens à Fleury Mérogis ou ailleurs
7- Je choisis à qui je réponds et à quoi je passe mon temps

Sinon je profite de ce commentaire pour vous remercier pour vos articles et posts de forums souvent très intéressants

04/11/2022 18:21 par Tanguy

@sixiangjiaoyu

La première capture de cette page par Wayback Machine (lien que vous avez fourni) date de 2018.

04/11/2022 20:17 par Xiao Pignouf

@Tanguy

Merci.

1 - C’est une manière de parler.
2 - Et non, il n’y a pas que les prisons qui retiennent les gens contre leur volonté : j’insiste, bon nombre de gosses sont à l’école contre leur gré, il y a aussi certains centres fermés pour mineurs, les hôpitaux psys sont remplis de gens qui sont là contre leur volonté.
3 - À l’école ou la maison, certaines pédagogies sont des prisons.
4, 5 - je n’ai jamais dit que vous l’avez dit, je parlais de l’argument récurrent de sxjy.
6 - Moi non plus, c’est juste une manière de démontrer que le même argument peut être retourné.
7 - je ne parlais pas de vous mais de mes conclusions après divers échanges avec sxjy.

04/11/2022 20:52 par sixiangjiaoyu

Bonjour Tanguy,

Sauf erreur de ma part, la capture date de 2018 mais l’article a vraisemblablement été publié le 14/04/2014. C’est en tout cas la date qui figure au début du texte.
Comme Xiao l’a souligné, il ne s’agit pas d’une photo volée. Elle a été publié pour illustrer le compte-rendu d’un cycle de conférences sur le thème de la déradicalisation organisé par le département de la justice de la région autonome en avril 14 dans trois localités du Xi an de Lop ainsi que dans le centre de formation n°4 de Lop et dans une salle de spectacle de la ville.

Bien à vous,

05/11/2022 10:09 par Albert Ettinger

Quel scoop ! On vient de découvrir qu’il y a des prisons et des prisonniers en Chine !
Mais sérieusement : les centres de formation professionelle et de déradicalisation ne sont pas des prisons et vice versa. Utiliser cette image bien connue pour faire croire le contraire est de la désinformation. La photo n’a pas été obtenue par un journaliste occidental à la suite d’une enquête investigative, elle n’a pas non plus « fuité ». Elle provient d’un site web officiel chinois, plus précisément d’un reportage qui relate fièrement une « conférence de trois jours » organisée par « le groupe de conférence sur la déradicalisation du département judiciaire de la région autonome » du Xinjiang. Voir https://web.archive.org/web/20180820154817/https:/baijiahao.baidu.com/s?id=1564669932542581&wfr=spider&for=pc

Parmi les dix photos qui accompagnent cet article, deux seulement montrent des prisonniers en uniforme carcéral et sous bonne garde qu’on a rassemblés pour cette occasion. Les autres images montrent différents auditoires, à l’extérieur et en salle, surtout des villageois en grand nombre, hommes et femmes mêlés, ainsi que différents orateurs sur différentes tribunes. Ces huit photos n’ont pas suscité le moindre intérêt de la part de nos médias.

Dans le texte de l’article chinois, on apprend que « près de 60 000 personnes » en tout ont assisté à cette conférence » et que « Abduwaiti Sediwakas, membre du comité permanent de la CCPPC de la région autonome » y a parlé de sujets comme « l’objectif global de la stabilité sociale et de l’état de droit », les « politiques ethniques et religieuses du parti », les « coutumes culturelles traditionnelles » et les « dangers réels des idées religieuses extrémistes ». Ibrayin Abati, un directeur de prison, y a pris la parole pour parler de sa mission de « transformer les criminels en citoyens respectueux des lois, utiles au pays, à la société et à la famille. » La déradicalisation des extrémistes incarcérés et leur réinsertion dans la société sont donc les objectifs déclarés, et non pas une punition selon la loi du talion. Parmi les orateurs cités dans le reportage figurent encore Ablimiti Buytitohuti, secrétaire de la branche du parti d’un village, et Kaimaierhan Aihemaijiang, l’épouse d’un extrémiste religieux condamné à une peine de prison. Aucun Han n’a apparemment figuré parmi les intervenants.

05/11/2022 11:07 par sixiangjiaoyu

Bonjour M.Ettinger,

Nous avons probablement lu le même article traduit par les bons soins de Danielle Bleitrach. Contrairement aux apparences, la photo en question n’a pas été prise dans une prison mais dans un centre de formation comme on peut le constater en lisant la banderole attachée au dessus de la table où parlent les conférenciers et comme le texte de l’article le précise aussi. La banderole parle de 教育培训中心 (centre de formation et d’enseignement) et le corps de l’article de 教育转化中心 (Centre de transformation par l’enseignement). Il n’est pas fait mention de prison. Le point que je veux souligner est que l’appellation VETC couvre un ensemble varié de dispositifs qui vont du centre de formation classique à ce qui relèverait davantage du centre de détention. La communication chinoise soutient généralement que les VETC sont uniquement des centres de formation classiques. Que vous preniez celui de la photo pour une prison paraît indiquer que ce n’est pas vraiment le cas.
Il ne s’agit pas de la seule occurrence : le centre de formation de Dabancheng par exemple (comme j’ai déjà eu l’occasion d’en discuter avec Xiao Pignouf) ressemblait tellement à une prison qu’il en est devenue une. Ce grand complexe entouré de hauts murs et de miradors a en effet été rebaptisé “centre de détention" comme le suggère cet article (https://apnews.com/article/business-religion-china-only-on-ap-f89c20645e69208a416c64d229c072de)

Qu’en pensez-vous ?

05/11/2022 16:31 par Albert Ettinger

Bonjour sixiangjiaoyu,
Si j’ai bien compris l’article chinois, toutes les dix photos publiées ont été prises lors du même événement qui a rassemblé 60 000 personnes sur trois jours. Les photos montrent des villageois ordinaires, des orateurs et des prisonniers en uniforme carcéral. Parmi les intervenants, il y a un directeur de prison ouighour. Il est donc évident qu’aussi bien des prisonniers condamnés pour des faits liés au terrorisme et à l’islamisme radical ont participé (sous bonne garde) à cet événement que des villageois ordinaires du coin. Les prisonniers ont sans doute été contraints d’y assister, ce qui n’est pas étonnant.
Il faut évidemment placer tout cela dans le contexte du terrorisme d’une ampleur inconnue en Occident qui a secoué le Xinjiang pendant plusieurs décennies. Et il faut admettre que la plupart sinon la totalité des centres de déradicalisation ont été fermés depuis plusieurs années. Un fait confirmé même par la presse occidentale : après une visite au Xinjiang en avril 2021, un journaliste d’AP admet à propos de ce qu’il appelle des « camps d’endoctrinement » que « Beaucoup semblent en effet fermés. » Dake Kang, “Xinjiang Eases Its Grip, But Fear Remains”, AP, October 10, 2021 (https://apnews.com/article/coronavirus-pandemic-lifestyle-china-health-travel-7a6967f335f97ca868cc618ea84b98b9) D’ailleurs, il faut savoir que dans les années 2010, beaucoup d’autres pays ont lancé des programmes de déradicalisation, par exemple le Kazakhstan, le Danemark, la France et la Grande-Bretagne. Au Royaume-Uni, les mesures du Desistance and Disengagement Programme (« Programme de renoncement et de désengagement ») sont à plusieurs égards - sauf en ce qui concerne leur ampleur - comparables à celles prises par la Chine. Lancé en octobre 2016, le programme britannique visait d’abord les terroristes emprisonnés et les condamnés qui se trouvaient en liberté conditionnelle, mais peu de temps après il a été élargi « pour inclure les personnes faisant l’objet de mesures d’investigation pour la prévention du terrorisme (TPIM) » ainsi que « celles qui reviennent de zones de conflit et font l’objet de mesures d’exclusion temporaire (TEO). » https://homeofficemedia.blog.gov.uk/2019/11/05/fact-sheet-desistance-and-disengagement-programme/ On ne s’est pas beaucoup interrogé si la participation des concernés était volontaire...

05/11/2022 20:12 par sixiangjiaoyu

Bonjour M.Ettinger,

Merci pour votre réponse et pour les éléments de comparaison internationale que vous avez pris la peine de rassembler. L’article parle effectivement d’un événement de trois jours ayant touché 60 000 personnes mais celui-ci s’est tenu dans différents endroits dont un centre de formation/centre de transformation par l’éducation. Les personnes que vous assimilez fort naturellement à des prisonniers se trouvent dans ce centre. Les autres photos sont prises dans différentes localités et dans un théâtre/salle de spectacle.
Le parallèle avec les programmes de déradicalisation mis en place dans d’autres pays est important et doit être fait. Cependant, de la même façon qu’il y a confinement et confinement, il y a déradicalisation et déradicalisation. Dire que le programme pour le Xinjiang est simplement le programme britannique en plus grand ne peut être accueilli sans un certain scepticisme. Pour ce qui est de l’exemple français, il me paraît impossible de soutenir la comparaison dans la mesure où celui-ci semble avoir été un fiasco. (https://www.monde-diplomatique.fr/2021/04/ALBER/63007)
Que la situation se soit normalisée au Xinjiang est une bonne nouvelle. Il n’empêche que soutenir que tous les centres de formation étaient des centres de formation (alors qu’ils étaient pour partie des dispositifs de détention) et qu’il n’y aurait eu que quelques abus comme cela arrive toujours paraît s’éloigner plutôt que s’approcher de la réalité.

Bien à vous,

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