Je suis Fidel

Ce n’est pas le Fidel, l’orateur le plus brillant et le plus profond et le plus pédagogique de l’époque contemporaine ; ce n’est pas le tribun des rassemblements d’un million de personnes attentives – mieux : captivées – sur la place de la Révolution ou sur d’autres places d’autres villes de l’île ; ce n’est pas le dirigeant débordant d’initiatives et d’idées pour améliorer le sort de ses concitoyens et dont il serait interminable de dresser la liste, depuis le système de santé jusqu’au système énergétique ; ce n’est pas le chêne faisant face le premier à toutes les tempêtes, depuis l’invasion des mercenaires à Playa en avril 1961 ou la menace nucléaire en octobre 1962, jusqu’aux terribles cyclones qui frappent périodiquement l’île, de Flora en 1960 aux plus récents ; ce n’est pas le chef d’État visionnaire et précurseur alertant l’humanité, au nom de Cuba, du danger d’extinction qui la menace au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 ; ce n’est pas le président des pays non alignés qui prononce en leur nom et au nom du Tiers-monde, des pauvres de la Terre, donc, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, en octobre 1979, sans doute une des allocutions les plus saisissantes et émouvantes et profondes jamais prononcées dans cette salle ; ce n’est pas le stratège militaire qui, depuis le ministère des Forces armées révolutionnaires, a fait mordre la poussière, à dix mille kilomètres de là, aux troupes du gouvernement raciste de l’Afrique du Sud et garanti la liberté de l’Angola, l’indépendance de la Namibie et le début de la fin de l’apartheid en Afrique australe ; ce n’est pas le révolutionnaire internationaliste qui a osé dépêcher des combattants cubains défendre la libération des peuples en Algérie, en Syrie, en Angola, en Afrique, dans les colonies portugaises, en Éthiopie et ailleurs ; ce n’est pas l’humaniste capable de transformer son pays en une immense pépinière de coopérants missionnaires qui partent soigner des gens et sauver des vies, ou enseigner et alphabétiser là où les personnels locaux refusent d’aller ; ce n’est pas le révolutionnaire internationaliste pour qui aucune cause humaine n’était étrangère ; ce n’est pas l’intellectuel soucieux d’étudier à fond les problèmes de notre époque pour tâcher de les comprendre et d’y apporter des solutions ; ce n’est pas le dirigeant capable de convertir La Havane en un haut lieu de rencontres de militants venus du monde entier, comme ce fut le cas de la dette extérieure en 1985 ; ce n’est pas l’auteur d’initiatives comme le Forum de Sao Paulo ou l’ALBA ou la Brigade Henry Reeve ; ce n’est pas le révolutionnaire fidèle à ses principes et sur lequel ceux du reste du monde pouvait compter sans faiblir ; ce n’est pas l’homme politique pour qui la morale devait être aux fondements même de la chose publique ; ce n’est pas le révolutionnaire tout d’une pièce qui rassemblait les foules à chacun de ses voyages à l’étranger, que ce soit devant des publics de langue espagnole ou, par exemple, à Harlem devant la communauté noire de New York, et qui possédait un tel don de communication et d’empathie que ses auditeurs étaient littéralement suspendus à ses lèvres, parce que, tout d’un coup, ils se sentaient mieux compris et plus intelligents ; ce n’est pas le politique qui, au moindre Sommet mondial, éclipsait les prétendus Grands de ce monde par son brillant et son entregent et surtout par les idées qu’il y exprimait ; ce n’est pas le causeur incorrigible qui abordait les sujets sous un tour différent et original ; ce n’est pas le Fidel à l’énergie physique et intellectuelle apparemment inépuisable ; ce n’est pas l’homme toujours sur la brèche et ne cessant de monter au créneau soixante-dix années durant ; ce n’est pas le Fidel à la personnalité envoûtante et aux multiples facettes capable de séduire jusqu’au pire ennemi ; bref, ce n’est pas le géant qui a d’ores et déjà laissé une trace indélébile dans l’histoire de l’humanité : non, c’est le Fidel devenu désormais invisible dans une urne d’acajou rouge que tout un peuple a tenu à accompagner à son ultime demeure, sur un millier de kilomètres, massé des deux côtés de la route, qu’il s’agisse de milliers de personnes dans les différentes localités ou d’un simple paysan en rase campagne, sans cacher ses larmes et son émotion ; non, c’est le Fidel ramené à quelques grammes de cendres auquel tout un peuple a tenu à rendre un dernier hommage et à exprimer sa reconnaissance d’avoir fait de la Révolution cubaine, depuis maintenant presque soixante ans, un lieu où il est encore possible, non seulement de rêver, mais surtout d’œuvrer pour la construction d’un monde meilleur ; non, c’est le Fidel désormais cendres et phénix qui a réussi un nouveau miracle : faire sourdre et déborder et jaillir des cœurs et des esprits le meilleur du peuple cubain, le rassembler encore plus, le souder, et donc fortifier la Révolution, voire lui donner un nouvel élan. Et si ce miracle, qui n’en est pas un, mais la conséquence logique de l’amour qu’il a voué à Cuba, a pu avoir lieu, c’est que, à l’instar des jeunes – sur lesquels tant de doutes, désormais levés en grande partie, ont pesé jusque-là quant à leur attachement et à leur intégration à la Révolution – l’ont scandé spontanément, le 29 novembre sur la place de la Révolution de La Havane, en même temps qu’un million de Cubains, tous les habitants de l’Ile, hormis quelques dizaines d’irréductibles haineux, peuvent s’exclamer et sont en droit de le faire : JE SUIS FIDEL.

Car, si le peuple cubain peut crier : YO SOY FIDEL !, c’est aussi, et tout simplement, parce que même un Fidel n’aurait jamais pu accomplir cette œuvre immense qu’est la Révolution cubaine sans lui…

Jacques-François Bonaldi

La Havane, 3 décembre 2016

COMMENTAIRES  

04/12/2016 15:10 par D. Vanhove

Merci pour ce brillant hommage...!

04/12/2016 21:42 par chb

Entre autres écrits, Fidel Castro nous a laissé tout un tas de ses « Réflexions du compañero Fidel  », répercutées de ci de là (en particulier sur le GS). On peut en lire en français sur le site de Rouge Midi..
A titre d’exemple, voici des extraits du discours La dette ne doit pas être payée (1985, en clôture de la rencontre sur la Dette Extérieure de l’Amérique Latine et des Caraïbes, au Palais des Congrès de La Havane), opportunément ressorti ces jours-ci par le CADTM.

L’Amérique latine doit 175,30 dollars par hectare, pratiquement le prix de l’hectare, et elle doit payer en dix ans – rien qu’au titre des intérêts, lorsque je parle de la somme à payer en dix ans, je ne parle pas du capital mais des intérêts – 194,80 dollars par hectare.
(…) Nous sommes maintenant au cœur de la crise et la prise de conscience est chose faite. J’ai comme vous la conviction que notre mouvement, notre lutte progresseront et que la victoire est certaine.

Mme Royal, qui a risqué le contre-emploi en ne répétant pas les insanités de la doxa anti-cubaine et n’a même pas été Young Leader, en a-t-elle eu connaissance ?

04/12/2016 22:11 par chb

La meilleure source pour lire en français les Réflexions de Fidel, c’est (évidemment) http://fr.granma.cu/archivo?a=482.

05/12/2016 06:33 par jacques-françois bonaldi

A choisir des sources, alors mieux vaut entrer sur le site consacré spécialement à Fidel et disponible depuis octobre en sept langues (espagnol, anglais, français, italien, portugais, allemand, arabe) et contenant non seulement toutes ses Réflexions, mais aussi une grande quantité de discours, de livres, de photos, de vidéos, une biographie, une chronologie, une galerie de peintures, des opinons sur lui, etc. Un site très complet et surtout constamment en progression, réalisé de concert par CubaDebate pour la conception, par l’Université des sciences informatiques (UCI) pour la partie technique et, pour les traductions, par l’Equipe de services de traduction-interprétariat (ESTI) du gouvernement. Le meilleur pour mieux connaître Fidel. Je vous le recommande. J’y travaille et je sais ce qu’il représente en quantités d’informations. Vous ne le regretterez pas.

L’adresse : www.fidelcastro.cu

08/12/2016 19:24 par alain harrison

Un article à lire et le commentaire suivant dont voici un extrait.
Il y a bien des choses qui ne sont pas dit sur le modèle gouvernemental cubain.
L’extrait du commentaire très informatif. Il faut lever l’OMERTA....

« « remonte à 1975-1976 quand, une fois dépassée la pire époque de lutte de classes et de combat ouvert contre l’impérialisme étasunien, la Révolution cubaine décida de s’ « institutionnaliser » et se dota d’une Constitution inscrite dans les fibres même de la nouvelle société : son avant-projet fut discuté, à compter du 10 avril 1975, par 6 216 000 personnes dans des milliers de réunions d’un bout à l’autre du pays. La commission constituante créée dans ce but prit en considération les modifications proposées à l’Introduction du texte et à 60 des 141 articles ; le Premier Congrès du Parti communiste (décembre 1975) approuva cet avant-projet qui fut soumis, en février 1976, à référendum : 5 602 973 Cubains, soit plus de 98 p. 100 des électeurs, l’entérinèrent. Cette Constitution, promulguée le 24 février 1976, fut soumise à ce même processus en 1992, quand, les circonstances internationales et donc les conditions de survie nationales de la Révolution ayant radicalement changé, elle fut remaniée dans un certain nombre de ses articles clefs, débattue dans tout le pays puis adoptée par référendum. » »
Commentaire de :
Jacques-François Bonaldi 1er décembre 19:34
Puisque vous nous présentez votre vision condescendante et hautaine de la « démocratie cubaine », même si elle fait de clichés et d’a-peu-près, vous voudrez bien, j’espère, lire la mienne : elle est tirée d’un livre sur Cuba qui sera publié prochainement sur Internet.
Bien à vous
Jacques-François Bonaldi (La Havane)
Sur l’article.
ttp ://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-belle-democratie-de-fidel-186934

Ce commentaire explicite, c’est à nous de le répandre. Pourquoi ?

Un extrait qui met les choses en perspectives sur la démocratie occidentale versus les démocraties progressistes d’Amérique Latine.

« « « Que je sache, rien de ce genre n’existe dans les si « démocratiques » États-Unis, pas plus d’ailleurs qu’en Europe… Dois-je rappeler que la classe politique française a voté en 2008 (rien moins qu’à Versailles, de si sinistre mémoire pour le peuple révolutionnaire, quel symbole !) une profonde réforme de la Constitution française, et tout ceci en catimini, sans que ledit peuple ait eu son mot à dire. » » »
Jacques-François Bonaldi (La Havane)

Nous pouvons considérer, en regard du Chili d’Allende, que les politiques progressistes d’Amérique Latine est le passage du système capitaliste-con-libéral sauvage (à la pensée archaïque-anglicane anti évolutioniste) au monde libéré de l’exploitation. Est-ce le but que nous recherchons et que nous tentons de concevoir ?

Le Devoir de philo
Jean Jaurès et le supplément d’âme
Comment la pensée du pacifiste français peut nous aider à surmonter la crise de la gauche politique
7 juin 2014 | Robert Tremblay Chercheur autonome, Ph. D. (histoire)

Pour Jean Jaurès, la révolution socialiste n’est concevable que dans le cadre de la légalité démocratique, c’est-à-dire par une conquête graduelle et légale par le prolétariat des institutions parlementaires et de la puissance de la production.
http://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo/410354/le-devoir-de-philo-jean-jaures-et-le-supplement-d-ame

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