L’influence étasunienne en Amérique latine en chute libre

Mauricio SAVARESE

Les dirigeants démocrates, du Mexique à l’Argentine, sont tellement irrités de l’influence américaine qu’ils sont maintenant prêts à prendre des mesures. C’est l’espionnage qui a déclenché ce phénomène.

22 septembre 2013

L’Amérique aux Étasuniens – c’est la pierre angulaire de la politique étrangère des États-Unis. Cette doctrine, introduite il y a 190 ans par le président James Monroe, signifie ceci : les étrangers restent en dehors de l’arrière-cour des États-Unis. Pendant des décennies, elle [la politique étrangère américaine] a également eu de bons rapports avec les élites de l’Amérique latine. Ils ont même promu dictateurs des généraux qui aiment suffisamment Washington. Eh bien, ces jours sont désormais révolus.

Contrairement aux Européens, qui ne sont que clins d’œil et sourires complices pour les États-Unis dans le scandale de surveillance de masse, l’Amérique latine est en colère. Dans un mouvement radical, la présidente brésilienne Dilma Rousseff, une modérée, a décidé d’annuler une visite officielle à Washington. Les gens de gauche de la région sont maintenant plus agressifs et ceux de droite ont été contraints de prendre la parole. Des experts américains peuvent insister sur le fait que l’attention est focalisée sur la Syrie, mais la révolte est en train de monter dans l’arrière-cour. Les scandales de la National Security Agency (NSA) ont fait qu’il n’était plus possible pour les dirigeants de la région de garder le silence sans passer pour des faibles.

Le camouflet du Brésil a les plus grandes implications. La décision a été prise après que Mme Rousseff a découvert que ses communications personnelles avaient été espionnées. Chaque dirigeant sud-américain a appelé à la soutenir, y compris Juan Manuel Santos en Colombie, le seul proche allié de Barack Obama qui reste dans la région. Elle a promis d’attaquer la surveillance de masse aux Nations Unies. Boeing est désormais susceptible de perdre un contrat de 4 milliards de dollars sur des avions de chasse.

Sans le Brésil qui servait de tampon, la gauche latino-américaine s’est enhardie. Evo Morales de la Bolivie a dit qu’il allait poursuivre Obama devant les tribunaux internationaux pour violation des droits de l’homme après que Nicolas Maduro du Venezuela a été empêché pendant quelques heures de survoler Puerto Rico. Ces deux dirigeants et Rafael Correa de l’Équateur vont probablement pousser d’avantage pour faire venir Edward Snowden en Amérique du Sud. Après le décès de Hugo Chavez, ils avaient besoin d’un programme commun pour améliorer leur tactique.

Les révélations sur la NSA ont également eu pour effet que Cristina Kirchner de l’Argentine tende la main au Brésil pour améliorer sa défense cybernétique. Les pays de la région sont désormais attentifs à ce projet afin de développer leurs propres systèmes de messagerie : spécialement conçu pour ceux qui ne veulent pas de comptes Google et Yahoo qui permettent l’espionnage par les services de renseignement étasuniens. Ce sont des représailles ouvertes, mais beaucoup plus de choses pourraient arriver derrière les portes closes. La présence américaine est toujours importante, mais maintenant que l’étoile de la Chine monte rapidement en tant que partenaire commercial de l’Amérique latine, la pression est sur les États-Unis.

L’influence de Washington est si faible à l’heure actuelle que même le président conservateur Enrique Peña Nieto du Mexique a été contraint de s’exprimer et d’exiger une enquête. La pression politique ne lui donne pas d’autre alternative que de condamner la NSA pour avoir volé des données sur ses choix ministériels. Sebastián Piñera du Chili a également dû entrer dans la bataille. Ces dirigeants ne sont pas surpris par la surveillance elle-même, mais la portée de celle-ci était tout simplement trop grosse.

Les temps sont irrémédiablement en train de changer. L’Amérique pourrait être en voie d’appartenir à tous les Américains, et cela inclut aussi les Latino-Américains.

Mauricio Savarese est journaliste depuis 2003. Blogueur sur les affaires brésiliennes, il contribue à RT en anglais et en espagnol. Il a été reporter à l’agence Reuters, UOL et Yahoo.

Traduction : Avic

http://rt.com/op-edge/spy-scandals-us-latin-america-176/

 http://avicennesy.wordpress.com/2013/09/22

COMMENTAIRES  

23/09/2013 10:32 par triaire

Il était temps .Alors que les Européens considèrent avec bienveillance l’espionnage de leurs citoyens comme anecdotique , les Sud-Américains montrent les dents avec raison .
L’Amérique conquérante c’est quasi fini .Elle doit maintenant se pencher sur ses pauvres .L’avenir n’est plus Américain .

23/09/2013 16:35 par Eric

bonjour

concernant l’impérialisme, que tous les fatalistes se tournent vers l’Amérique du Sud. ils montrent la voie.

Eric Colonna

24/09/2013 01:25 par agnello

Si ca pouvait etre le cas en France......

24/09/2013 09:26 par calamejulia

La colère saine qui entraîne la solidarité et la prise de décision à l’égard de leurs peuples.

24/09/2013 11:42 par Adh

Obama espère pouvoir "surmonter cette source de tension dans la relation bilatérale" par les voies diplomatiques.

Cette suffisance, cette tranquillité dans la transgression, dans l’agression constante des autres est vraiment rayonnante de mépris. Les Etats-Unis eux mêmes considèrent tout acte d’espionnage ou piratage comme un acte d’agression, une déclaration de guerre.

N y’a t-il personne pour utiliser les bons mots avec eux ?

J’aimerais voir la tête du bounty si la Chine investissait autant pour espionner les Etats-Unis, et que Xi Jinping s’en excusait en "espérant pouvoir surmonter cette source de tension dans la relation bilatérale de manière diplomatique"

28/09/2013 18:24 par Michel Taupin

Je crois toujours et plus encore à la capacité de nuisance des E. U. Plus ils sont affaiblis plus les coups sont tordus. Ils en ont toujours les moyens et trouvent toujours facilement des séides. Si ce n’est l’Angleterre, ce sera la France. Voyez ce que vient de révéler Jean Ortiz : L’airbus présidentiel du Venezuela qui a été en maintenance en France pendant 2 mois est revenu avec des avaries qui pouvaient selon les techniciens venezueliens provoquer un accident mortel pour Maduro. Après le camouflet indigne et dangereux qu’Hollande a fait subir à Morales, je ne serais pas étonné que le "socialiste" Hollande entraîne la France en bon affidé des USA dans des coups tordus. Il y en a plein dans l’histoire des "socialos"... Méfiance donc ... et vigilance !

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