« La diabolisation de Chavez »

Eduardo Galeano est un célèbre écrivain et journaliste uruguayen. Arrêté, exilé, menacé par des « escadrons de la mort », il a vécu en Europe avant de retourner en Uruguay en 1985.
Son oeuvre la plus connue, « Les veines ouvertes de l’Amérique latine » (1), est un acte d’accusation contre l’exploitation de l’Amérique latine par les puissances étrangères depuis le XVe siècle. Chavez avait publiquement offert ce livre à Obama lors du sommet des Amériques, à Trinidad-et-Tobago en avril 2009, ce qui avait relancé les ventes un peu partout dans le monde.
Eduardo Galeano écrit des chroniques régulières dans des magazines états-uniens et anglais.
Le court article ci-dessous est le 19ème que Le grand Soir s’honore de publier de cet auteur.

LGS

Hugo Chavez est un démon. Pourquoi ? Parce qu’il a alphabétisé deux millions de Vénézuéliens qui ne savaient ni lire ni écrire, bien qu’ils vécussent dans un pays qui a la richesse naturelle la plus importante du monde, qui est le pétrole.

J’ai vécu dans ce pays quelques années et j’ai très bien connu ce qu’il était. Ils la nomment la « Venezuela Saoudienne » pour le pétrole.

Il y avait deux millions d’enfants qui ne pouvaient pas aller à l’école parce qu’ils n’avaient pas de papiers d’identité. Et puis un gouvernement est arrivé, ce gouvernement diabolique, démoniaque, qui fait des choses élémentaires, comme dire « Les enfants doivent être acceptés à l’école avec ou sans papiers ». Et là , le monde s’est écroulé : c’est une preuve de ce que Chavez est un méchant méchantissime.

Puisqu’il a cette richesse, grâce au fait, qu’à cause de guerre d’Irak, le prix le pétrole est monté très haut, il veut profiter de cela à des fins solidaires.

Il veut aider les pays sud-américains, principalement Cuba. Cuba envoie des médecins, lui paie en pétrole. Mais ces médecins ont aussi été sources de scandales. On dit que les médecins vénézuéliens étaient furieux par la présence de ces intrus travaillant dans les quartiers pauvres.

A l’époque à laquelle je vivais là -bas comme correspondant de Prensa Latina, je n’ai jamais vu un médecin. Maintenant, oui, il y a des médecins. La présence des médecins cubains est une autre évidence de ce que Chavez est sur la Terre de passage, parce qu’il appartient à l’enfer.

Alors, quand on lit les nouvelles, il faut tout traduire. Le démonisme trouve cette origine, pour justifier la machine diabolique de la mort.

Eduardo Galeano, 2012.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo. Paris le 11 janvier 2013. http://www.elcorreo.eu.org/La-diabolisation-de-Chavez-Eduardo-Galeano

Note  :

(1) « Les veines ouvertes de l’Amérique latine » chez votre libraire ou à commander par Internet au libraire préféré du GS www.librairie-renaissance.fr/ qui vous l’enverra.
Pocket, 2011. 8,4 euros.
Tel : 05 61 44 16 32 / 05 62 14 10 07

COMMENTAIRES  

17/01/2013 01:55 par Serge Charbonneau
17/01/2013 12:21 par oscar fortin

Lire Eduardo Galeano c’est toujours se rapprocher un peu plus de ce qu’il y a d’humain et de ce qu’il y a de grand dans l’humain. C’est aussi saisir tout ce qu’il y a de mesquinerie, d’hypocrisie, de cupidité et d’insensibilité. Chavez a non seulement survécu à ces tares d’humanité, mais il les a mises à nue en sortant son peuple de la misère extrême, en élevant les humbles et en détrônant les orgueilleux et les puissants. Il les a mises à nues en témoignant par sa vie l’humanité qui donne vie et espérance.

Également, j’ai été particulièrement touché par l’article de M. Serge Charbonneau qui nous trace un portrait de Chavez en nous le faisant découvrir dans ce qu’il a de plus profondément humain. Nous comprenons mieux pourquoi les vénézuéliens et vénézuéliennes, l’Amérique latine et tous les pauvres et humbles de la terre aiment Chavez, s’identifient à Chavez, prient pour Chavez. C’est qu’il s’est fait lui-même de tous ces gens. Chavez est en quelque sorte un prisme d’humanité en qui chacun voudrait se reconnaître.

Plus les ennemis de Chavez crient fort, plus Chavez grandit dans le coeur et l’esprit des gens de bonne foi et de bonne volonté.

Merci M. Galeano, merci M. Charbonneau, pour lever ce voile sur cet homme que ses ennemis diabolisent de toutes les façons, mais que les humbles de la terre portent dans leur coeur.

17/01/2013 15:31 par Lionel

Oscar Fortin ne pensez-vous pas que cette intégration du peuple en Chavez relève avant tout d’une forte Culture "indienne" qui a su traverser les siècles et se préserver dans la notion de communauté.
Un membre d’une communauté non issue de la colonisation reste un membre de cette communauté, l’individu n’y a pas de sens.
C’est probablement aussi le succès des Conseils locaux, ce respect du bien commun dans l’intérêt de tous.
On peut sans risque faire le rapprochement avec les autres pays d’Amérique du sud qui ont entamé un processus de sortie démocratique dont la majorité électorale se compose de peuples anciens.
Chavez n’échappe pas à sa communauté, il estime avoir des comptes à leur rendre, sans quoi il ne serait plus rien et ne serait que dissout.
Sa force est ce qui le constitue : son peuple.

17/01/2013 16:10 par Serge Charbonneau

Monsieur Galeano dit :
« Hugo Chavez est un démon. Pourquoi ? Parce qu’il a alphabétisé deux millions de Vénézuéliens qui ne savaient ni lire ni écrire… »

Pour illustrer les propos tout à fait juste de M. Eduardo Galeano,
je vous invite à écouter M. Francisco Savariego que j’ai interviewé en 2004 dans le quartier "El Fortin" de Puerto Cabello au Venezuela.

A 4 min 38 secondes du début de la 2e partie du reportage.
http://www.youtube.com/watch?v=L7PVNLRHmlA

Il dit pourquoi, selon lui, certains n’aiment pas Chávez :
« … parce que Chávez donne le pouvoir au peuple. Il nous enseigne… »

Francisco, dans la soixantaine avancée dit :
« A mon âge, je ne savais ni lire ni écrire… Aujourd’hui, je sais lire et je sais écrire ! Pas beaucoup, mais j’écris… »

Monsieur Galeano parle des médecins cubains qui oeuvrent dans ces quartiers défavorisés où les médecins de l’oligarchie vénézuélienne refusaient de travailler.

Ces médecins cubains, les gens de Puerto Cabello tenaient à ce que je les rencontre. Ce fut une rencontre sans caméra, mon objectif étant de donner la parole au peuple vénézuélien et non aux médecins cubains. Avec le recul, je crois que leur témoignage aurait été intéressant.

Cependant, une dame, Mme Nelly Dineo, nous raconte son émotion lorsqu’un de ces médecins se rendit chez-elle et accepta même de prendre un café !
Son émotion était saisissante : le médecin acceptait de boire un café dans sa maison dans ses tasses ! Elle en avait les larmes aux yeux.

Écoutez-la à 6 min 8 sec. du début de cette 2e partie
http://www.youtube.com/watch?v=L7PVNLRHmlA

Serge Charbonneau
Québec

P.S. : Merci au Grand Soir de permettre la diffusion de ces documents démontrant l’oeuvre réalisé par Hugo Chávez.

17/01/2013 17:32 par MKERone

Je recommande de lire "Les 7 péchés d’Hugo Chavez" de Michel Collon
Excellent livre qui permet de mieux comprendre qui est Hugo Chavez, les effets de sa politique, actions concrètes, alliances, etc etc...
Bonne lecture à toutes et à tous

17/01/2013 18:19 par Michel Rolland

Merci LGS, Serge Charbonneau, et Oscar Fortin ! Vous me faites découvrir un grand auteur sud-américain. Pour Chavez..., il faut être de mauvaise foi pour ne pas voir ce qu’il apporte à l’humanité.

Michel

19/01/2013 18:13 par Anonyme

Eduardo Galeano est né en Amérique Latine, mais il parle de l’Europe.

Il parle du passé de l’Europe et de la façon dont celle-ci s’est développée et industrialisée ’grâce à ’ la "conquête du nouveau monde" (dont Christophe Colomb est l’emblème).

Il décrit, textes et faits à l’appui, cette colonisation et l’hypocrisie, déjà , qui l’accompagnait. Du Pérou (et son or) à l’Argentine. Ca, c’est pour le passé.

Pour le présent de l’Europe, on peut s’interroger après avoir lu ce livre. En effet :

- 1. Les pays qui ont principalement "conquis" (ils ont mis plusieurs siècles quand même) l’Amérique Latine sont l’Espagne et le Portugal. Avec la traversée de l’Atlantique en bateau à voiles et des pertes humaines - moins qu’ils n’en faisaient, c’est pourquoi l’entreprise a été considérée comme "rentable", sans doute. Depuis cette conquête des langues européennes sont parlées en Amérique Latine : le portugais est parlé au Brésil et l’espagnol dans tout le reste, y compris le Mexique.

- 2. Les banques hollandaises et anglaises finançaient, nous dit Eduardo Galeano, sans mouiller et sans se mouiller, l’Espagne et le Portugal.

- 3. Actuellement, l’Espagne et le Portugal ... ne sont pas les plus riches pays d’Europe.

Ce qui laisse penser que les banquiers ne sont vraiment pas reconnaissants - quoi qu’ils "offrent"...

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