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La France nomme ses collabos et les expose à la honte (The Guardian)

Les Français ont longtemps nié leur rôle dans la guerre mais la publication des noms des collaborateurs les force à reconnaître les faits.

"Que faisais-tu pendant la guerre, papa ?" va devenir une question de plus en plus pertinente en France pendant les dix et quelques années qui viennent. La police nationale ne va pas seulement divulguer les noms des collaborateurs de la seconde guerre mondiale, elle va même les mettre sur Internet. Le long et difficile processus de numériser des tas de rapports oubliés depuis longtemps est déjà en cours dans les archives de tous le pays afin qu’ils puissent être mises en ligne à l’instant où sera levé le secret légal qui a duré 75 ans. Cela signifie par exemple, que si un oncle bien aimé a été surpris en train de fournir du camembert au marché noir aux Allemands en 1940, le monde entier pourra lire cette information à partir de 2015.

Et bien sur la situation sera encore plus grave pour beaucoup d’autres. De noirs secrets du temps de l’occupation sont restés secrets grâce à l’amnésie qui a affecté tous les secteurs de la société. Exactement comme les hommes d’état et les fonctionnaires ont généralement oublié que presque 80 000 Juifs et autres "indésirables" furent expulsés de France vers les camps de la mort nazis, et comme personne n’est capable de se souvenir s’il a eu un ami dans la division de la Waffen SS Charlemagne, ou s’il a assisté à une des revues menées par leur Edith Piaf nationale devant l’occupant. Au lieu de ça, a été entretenu le mythe de la résistance selon lequel la majorité des français ont passé la guerre à envoyer des codes en morse à Charles de Gaulle à Londres entre deux attaques de trains transportant des armes de Berlin à Paris.

Cette pitoyable malhonnêteté a été résumée dans le Chagrin et la Pitié (the sorrow and the pity) le brillant documentaire réalisé par Marcel Ophüls à la fin des années 1960. Grâce aux interviews d’un large spectre de Français, des interprètes (français-allemand) aux employés à bicyclette des magasins, il y regroupa une grande variété de motifs justifiant la collaboration, le moindre d’entre eux n’étant pas "la haine des Anglais et de tout ce qui est anglo-saxon". D’autres excuses courantes étaient "le soupçon de Bolchevisme", "le désir d’avoir la paix" et bien sur l’antisémitisme. Les jeunes femmes semblent avoir été un des seuls segment de la société à avoir été réellement punies pour leur complaisance envers les Allemands comme on le voit dans ces horribles films d’actualité en noir et blanc où on leur rase la tête en public (pourquoi les hommes échappent-ils toujours à ce genre de punition de rue ?)

Le Chagrin fut naturellement banni de France jusque dans les années 1980, les censeurs prétextant qu’il ne fallait pas heurter la fragile psyché de leurs compatriotes. Le changement ne s’est produit que très très lentement et c’est seulement l’année dernière que le Conseil d’Etat, la plus haute instance judiciaire française, a statué que les officiels nazis n’avaient pas toujours forcé les gens à trahir leurs concitoyens, mais que le mal avait souvent été fait volontairement. Cela a ridiculisé les gouvernements successifs qui avaient refusé de reconnaître que la France ait joué le moindre rôle dans l’holocauste pendant le régime de Vichy. Le Président Jacques Chirac a admirablement résumé la réalité de la collaboration de la République Française quand il a dit sans détour que "oui, la folie criminelle des occupants avait reçu le soutien des Français et du gouvernement français".

Quand les tas de documents de la police qui couvrent cette période pourront être consultés avec un mélange de fascination et de malaise, il y a un français qui n’aura sans doute aucun souci à se faire, c’est Nicolas Sarkozy. Sa famille a passé la guerre dans la Hongrie occupée par les Nazis où les futurs émigrés avaient conservé leur serviteurs et leur impressionnant style de vie campagnard tout près de Budapest. Cependant, si on oublie les noms qui circuleront sur Internet et la honte qu’ils véhiculeront, la nouvelle atmosphère d’ouverture peut très bien amener à se demander pourquoi Pál Sárközy de Nagy-Bócsa - le père désormais âgé du chef d’état, s’est réfugié à Berlin (correction effectuée 2/07 -LGS) au moment où les roupes soviétiques approchaient de Hongrie à la fin de la guerre. Dans ce sens la question "Qu’est-ce que tu as fait papa pendant la guerre ?" pourra peut-être embarrasser un président français au moins autant que ses nombreux électeurs.

Nabila Ramdani, Guardian, 1 juillet 2010

Pour consulter l’original :
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2010/jul/01/france-names-shames-collaborators

Traduction D. Muselet

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