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Le prix d’un homme !

En 1930, le dramaturge allemand Berthold Brecht a écrit une pièce, La décision. Un personnage de celle-ci (un marchand) déclare : « Je ne sais pas ce qu’est un homme, je ne connais que son prix ». Les années trente, c’était la dépression...

Je ne connais pas l’homme ! Je connais son prix !

En 1930, le dramaturge allemand Berthold Brecht a écrit une pièce, La décision. Un personnage de celle-ci (un marchand) déclare : « J e ne sais pas ce qu’est un homme, je ne connais que son prix ». Les années trente, c’était la dépression, celle qui jeta des millions de travailleurs à la rue à travers le monde. Celle qui a servi de prétexte aux capitalistes pour assassiner les communistes allemands, pour ensuite installer Hitler au pouvoir. On connait la suite.

L’année 2014, c’est la crise. Des millions de travailleurs deviennent « inutiles ». On les exproprie, on les licencie aux USA, en Europe et au Canada. Partout. Ils sont 3 000 en France le 31 janvier chez Mory Ducros, 2 500 chez ING en Hollande, 5 000 chez Dassault en Europe, 8 000 au Japon chez Panasonic, 3 000 chez Faurecia en Europe, 1 300 chez Electrolux et 700 chez Bombardier au Canada.

La faute à qui ? La concurrence ? La Chine ? Les patrons ? Syndicats et gauche caviar se lamentent. Il faut nationaliser, disent les uns. Sortons de l’euro, ou « Faisons payer les riches », et « Partageons la richesse » crient les autres. Pendant ce temps, l’État-patron réduit le nombre de ses fonctionnaires, l’État congédie aux Postes, à l’éducation, à la culture, dans les services sociaux. Et puis, avec le Pacte de Responsabilité, le gouvernement de « gauche homard » en France va offrir 30 milliards d’euros en cadeaux aux grands patrons (ceux du CAC 40 !). Même stratagème au Canada et au Québec, ce ne sont que les noms des programmes sociaux, des ministères, des corporations et des grands patrons qui changent et la taille des sacrifices imposés aux salariés qui varie. Car, ce qui est cher, c’est... l’ouvrier, c’est-à-dire le prix de sa force de travail.

Rien ne se crée. Tout se transforme.

Dans la nature, rien ne se perd – rien ne se crée, tout se transforme, dit l’adage. Dans la société capitaliste, il en est exactement ainsi. Rien ne se crée de lui-même. Aucune richesse – aucune valeur ne se crée d’elle-même. Le capital ne crée ni ne produit aucune valeur, aucune richesse. Seule la force vivante du labeur ouvrier peut transformer une matière première, une ressource, un bien semi-ouvré en un nouveau produit, un bien ouvré. La pierre philosophale, c’est le labeur du travailleur.

Ce faisant, le travail de l’ouvrier crée bien plus qu’un nouveau bien mobilier, un nouveau produit, il crée une « marchandise » objet de la convoitise du patron acheteur de la force de travail. Une « marchandise » est un bien – un produit – transformé en valeur marchande. Une marchandise est un objet matériel tangible transformé en valeur dont s’approprie le propriétaire de l’entreprise, celui qui a consommé la marchandise « force de travail » de l’ouvrier que nous venons d’observer se dépenser pour transformer un bien inerte et sans valeur et lui transmettre de la valeur. Cette nouvelle valeur, créée par le travail de l’ouvrier, le capitaliste – propriétaire privé – la monnaye sur le marché. Il réalise ainsi son profit et toute la chaîne d’accaparement de la valeur se met en branle pour s’emparer chacun de sa portion de valeur-profit -rente- bénéfice- dividende.

Pour ces gens-là (capitalistes industriels, marchands et financiers), l’homme travailleur a un prix. Et ce prix serait trop élevé, d’où ils veulent réduire ce prix d’achat (réduire son salaire). De fait, ce n’est pas tout à fait exact. Ce n’est pas le prix de la force de travail (des bras et du cerveau du travailleur) qui est trop élevé, c’est plutôt que l’autre portion de la valeur créée par l’ouvrier, la portion qui lui est spoliée, le surtravail = la plus-value = ce pour quoi le capitaliste l’a embauché, puis exproprié, cette portion-profit est trop petite.

Les profits appellent les profits.

Qu’est-ce qui détermine que la portion de profit est trop petite, et trop petite par rapport à quoi au juste ?

C’est la concurrence inter-capital et inter-capitaliste – ces individus n’étant que des rouages dans le vaste appareil de production-distribution – qui en décide. Le mécanisme de fonctionnement du mode de production capitaliste est ainsi conçu que le capital se déplace et s’agglutine toujours au pôle économique le plus rentable, le plus profitable. Ce processus est totalement indépendant des « gérants d’estrade », des milliardaires propriétaires de plus de la moitié des richesses de l’humanité. C’est une tendance imprescriptible, mécanique, la plus grosse électrode positive, générant le profit maximum, qui attire vers elle la plus grande part des capitaux productifs.

Tendance « normale » à l’exploitation maximale.

Il ne demeure alors que deux solutions pour le capitaliste qui se retrouve propriétaire d’unités de transformation de biens (usines, chantiers, ateliers, paquebots, flottes de camions, avions) en marchandises moins profitables que celles de ses concurrents = des capitalistes-producteurs - plus-exploiteurs :

1) soit réduire le nombre de travailleurs-travailleuses tout en maintenant le même niveau de production (mais c’est difficile, car il a tendance à résister l’ouvrier surexploité) ;

2) soit de réduire le prix de l’homme travailleur (son salaire, la valeur de sa force de travail, élargissant d’autant l’autre portion, c’est-à-dire la plus-value et le profit).

Pourquoi donc un travailleur en France serait-il payé 1 200 euros environ alors que pour le même travail, en Bulgarie, on gagne 250 euros, 20 dollars environ en Centrafrique et 60 dollars au Vietnam ? La démonstration serait la même pour un travailleur canadien, québécois ou états-unien. C’est ce qu’il y a de pratique sous régime impérialiste, le mode de production et les rapports de production sont identiques, partout les mêmes, seuls la dénomination monétaire et le nom des milliardaires varient d’un pays à un autre, mais ils sont tous interconnectés-inter-reliés à s’entre-déchirés.

Quand vous entendez les slogans : « Faisons payer les riches » et « Ils doivent payer leur juste part » ou encore « Partageons la richesse », le capitaliste, ses politiciens véreux, ses économistes et ses journalistes à la solde, eux, entendent tous que les « riches » ce sont les smicards à 1200 euros par mois, les assistés sociaux, les chômeurs sans assurance, les salariés trop payés (sic), les petits-bourgeois trop gras, les étudiants qui ne payent pas assez de frais de scolarité (sic), les fonctionnaires et les retraités pas indexés, etc.

L’État, les grands patrons, les syndicats ne parlent pas la même langue que vous et moi. Le prix de votre esclavage, le prix de vos heures de boulot, le prix même de votre travail du dimanche est scandaleusement trop élevé pour ces écervelés, car ce prix = salaire = empiète sur leurs profits et s’ils ne peuvent soutirer la plus-value maximum, alors les gestionnaires du capital financier déplaceront leurs investissements vers la Corée, le Vietnam, l’Inde, ou la Chine où l’ouvrier est obligé de mourir en travaillant plutôt que de travailler en vivant.

N’ayez aucune illusion, là-bas aussi, dans ces pays impérialistes lointains, on leur sert le même refrain et l’ouvrier chinois (ils sont des centaines de milliers en grève contre Adidas et Nike) se fait dire que s’il ne veut plus être spolié de sa force de travail, Nike et Adidas iront s’installer ailleurs... il y a toujours plus misérable que soi.

Les syndicats ?

Les syndicats ? Comme disait un ouvrier de chez Mory-Ducros : « j’ai été floué par mon patron et maintenant je suis floué par mon syndicat ». Il n’appréciait pas d’avoir perdu son travail et d’entendre les dirigeants syndicaux se féliciter d’avoir obtenu une indemnité de départ de 9 000 euros au lieu de 7 000 ! Après 15 ou 20 ans de boulot et pratiquement aucune chance de se replacer ! Quelle victoire à la Pyrrhus !

Il faut comprendre, pour que seuls les produits aient un prix, et que les ouvriers et les ouvrières cessent d’être monnayées, marchandées, saquées, réembauchées ; c’est le mode de production tout entier qu’il faut changer, y compris les rapports sociaux de production. Nous devons construire un nouveau mode de production et de nouveaux rapports de production.

Nous savons combien nous coûtent tous ces parasites, patrons, politiciens, cadres et bureaucrates syndicaux, tous bien payés, pour essayer d’enterrer nos luttes et notre combativité. Ils veulent « réduire le coût du travail » comme ils disent, pour hausser la productivité et doper la profitabilité et la quantité de dividendes à verser aux actionnaires roturiers.

Ne nous trompons pas de cible.

Ne nous trompons pas de cible. Les roumains, les peuples d’Europe, les Arabes, les Africains, les latinos subissent tous le même sort que nous. La révolte gronde partout. Le temps de l’insoumission est pour nous.

Robert Bibeau


VOLUME D’ÉCONOMIE GRATUIT. Téléchargez : http://www.robertbibeau.ca/VolumeDeclin.html


Source : Que faire ? Vol 1. No 1. Paris. http://www.orgcomfr.com/QUE_FAIRE_01.pdf

»» http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-prix-dun-homme/
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