Dans une lettre choc, Golrokh Iraee a décrit la prison de Qarchak comme la plus grande prison pour femmes du Moyen-Orient
La prisonnière politique Golrokh Ebrahimi Iraee a envoyé une lettre depuis la sinistre prison de Qarchak à l’occasion de l’anniversaire de l’exécution de trois prisonniers politiques kurdes, Zanyar et Loghman Moradi et Ramin Hossein Panahi.
Qualifiant la prison de Qarchak comme « la plus grande prison pour femmes du Moyen-Orient », elle a écrit dans cette lettre bouleversante, « la vie n’existe pas dans cette prison et c’est ce que l’on peut en dire en quelques mots ».
Voici la traduction du texte complet de la lettre de la prisonnière politique Golrokh Ebrahimi Iraee :
La vie n’existe pas à la prison Qarchak de Varamine, la plus grande prison pour femmes du Moyen-Orient. Et c’est ce que l’on peut en dire en quelques mots.
Ici, vous pouvez voir la profondeur de la catastrophe créée par ceux qui occupent les postes au pouvoir(...) C’est le reflet complet de notre société sous un régime autoritaire.
Certaines prisonnières ici perdent tout leur temps et ne font littéralement rien. C’est ainsi qu’elles passent toutes les années de leur emprisonnement sans que personne ne se soucie de cette reproduction du crime.
Certaines détenues obtiennent progressivement une promotion pour avoir servi les autorités et les gardiennes de prison. Elles deviennent ainsi des collabos et exercent une pression supplémentaire sur les autres détenues.
Certaines autres détenues font tous les travaux de la prison et font tourner les roues de cette prison, bien sûr, sans recevoir de salaire !
Les yeux sombres et la peau terne, sans le moindre désir pour elles-mêmes. Elles ont faim et, dans le vrai sens du terme, elles sont démunies.
Elles sont privées de manger ne serait-ce qu’un repas complet, d’être appelées avec respect et même d’être considérées. Les plus démunies parmi ces travailleuses sont celles qui transportent la nourriture des prisonnières.
Elles n’ont pas d’uniforme de travail. Avec leurs vêtements poisseux et parfois en lambeaux, elles transfèrent les repas de plus de 1000 prisonniers de la cuisine vers les salles. Elles regardent autour d’elles comme si personne ne les avait jamais aimées. Elles ne reçoivent aucun salaire, j’insiste là-dessus : aucun salaire.
Elles effectuent leur travail forcé tous les jours, avec deux vieux chariots. Les roues de ces chariots sont tombées en panne en avril dernier. Jusqu’à présent, aucune des travailleuses d’entretien, aucune des gardiennes de prison, ni le directeur de la prison de Qarchak, ni même les inspecteurs du Département général de surveillance des prisons de la République islamique, n’ont pu faire réparer les chariots, ni même les remplacer par de nouveaux.
Au cours des quatre derniers mois, les marmites de nourriture et d’eau bouillante ont été transportées dans les 11 quartiers de la prison de Qarchak sans les chariots et à la main. Jusqu’à présent, les demandes de réparation des chariots n’ont abouti à rien, ne recevant pour toute réponse que des promesses creuses.
En raison de la répression généralisée, de la méconnaissance de nos droits, des carences et des privations, il n’y a pas de protestations. A la moindre protestation, les gardiennes de prison sévissent violemment.
De Haft-Tappeh à Arak, de Tabriz à Bouchehr, et même à la prison de Qarchak à Varamine, les travailleurs en Iran sont privés de leurs droits fondamentaux et sont condamnés à vivre au jour le jour. Ici, personne n’embrasse les mains d’un travailleur. Ils ne leur versent pas de salaire, et ne leur fournissent même pas les équipements dont ils ont besoin pour protéger leur santé et leur sécurité.
Dans un pays où les amoureux de la liberté sont assassinés par le gouvernement, les travailleurs sont également privés de tout. Ils condamnent à mort les manifestants et les défenseurs de la liberté et les accusent de sabotage et de terrorisme.
En changeant le nom des pauvres en celui du secteur qui bénéficie de moins de possibilités, ils tentent de dissimuler le visage hideux de la pauvreté et son caractère amer.
Ils appellent les bidonvilles “banlieues” et se moquent des enfants affamés qui courent pieds nus.
Deux années amères se sont écoulées depuis que les combattants de la liberté — Zanyar et Loghman Moradi avec Ramin Hossein Panahi — nous ont quittés. Leur exécution injuste n’a fait que renforcer notre détermination à renverser tous les systèmes d’oppression, quels que soient leurs positions et leurs vêtements. Qu’ils soient gardiens de prison ou à la tête du gouvernement ; qu’ils soient assis sur le trône royal ou qu’ils portent le manteau noir des réactionnaires (mollahs).
Commémorons les inoubliables en ce jour,
Golrokh Ebrahimi Iraee
Le 7 septembre 2020
Prison de Varamine à Qarchak