Venezuela : il y a des nuits maudites...

Il y a des nuits maudites... Des heures à attendre, inquiet, très inquiet, les résultats des élections législatives au Venezuela bolivarien. 19 millions d’électeurs... 167 députés... A six heures et des poussières, et cinq tasses de café, la télé vénézuélienne nous assomme...

Le président Maduro s’adresse au peuple. L’opposition gagne 99 sièges sur 167, soit les deux tiers... Quelques circonscriptions manquent encore à l’appel. Mais la victoire est nette... Le sang ne coule pas dans les rues comme l’avaient annoncé les intégristes de la charia néo-libérale. Seuls le PSUV et le Grand Pôle Patriotique s’étaient engagés, sur proposition de l’Unasur, à respecter le résultat, quel qu’il soit. Les démocrates putschistes du 11 avril 2002, de la très démocratique MUD, ont refusé quant à eux de s’y engager. Ils ne pouvaient que gagner ; s’ils perdaient, ce ne serait que par « la fraude » de ces tricheurs de chavistes... Managés par Washington et l’Internationale socialiste, ils devaient l’emporter. Peu importaient les urnes ... Ils préparaient ainsi le terrain à un éventuel bain de sang, à un « golpe » violent, si les résultats leur avaient été défavorables. Ces « démocrates » portent la haine des « rouges », des « révolutionnaires » dans leur ADN. Alors : la revanche ou le chaos ! Que ce serait-il passé si les chavistes avaient perdu leur sang froid ?

Grâce à leur civisme, les élections se sont déroulées dans le plus grand calme et la proclamation des résultats aussi. Qui sont les démocrates ? Qui a respecté la démocratie, la Constitution ?

Le président Maduro, élu le 14 avril 2013 à la suite du décès de l’irremplaçable Hugo Chavez, grave et serein, a reconnu et accepté la défaite, la victoire de l’hétéroclite MUD (trois partis affiliés à l’Internationale socialiste, des formations d’extrême droite, etc.), dont le seul programme est la revanche de classe et l’anti-chavisme. Ceux qui comme « El Pais », « Le Monde », prévoyaient « une déroute sans précédents » exultent ; cependant, les résultats relèvent d’une sanction populaire mais pas d’un raz-de-marée libéral.

L’impérialisme qui avait décrété le Venezuela le 9 mars 2015 « menace inhabituelle et extraordinaire » pour la sécurité des Etats-Unis, n’est pas débarrassé d’un chavisme qui doit se renouveler, se remettre en cause, balayer la corruption, la bureaucratie. Le chavisme continue à porter le seul programme de transformation crédible, cohérent, radical, populaire.

Manuel Valls, docteur es démocratie, peut également, et momentanément, se réjouir, lui qui avait, le 15 octobre 2015, reçu l’épouse du putschiste Leopoldo Lopez, emprisonné, et avait déclaré : « enfermer un démocrate, c’est trahir la démocratie ».

Comme jadis au Chili de Salvador Allende, ces démocrates si peu démocrates ont réussi, au-delà des erreurs des chavistes, à déstabiliser, et même à saigner l’économie, à provoquer des pénuries ; celles-ci ont fatigué la population contrainte à des heures de queue, à des files d’attente interminables. En quelques mots, les chavistes étaient au gouvernement, mais n’avaient pas l’essentiel du pouvoir. Ils n’ont pu faire face à la spéculation, notamment sur les prix, la monnaie, à la contrebande, à une inflation redevenue galopante. Le climat de tension, de violence sourde, les sabotages, la guerre idéologique et économique, les manques d’approvisionnement, les mensonges, entretenus par l’opposition, ont pesé fortement sur les urnes. Aucun processus historique n’est définitif ; la révolution bolivarienne doit désormais faire face à une cohabitation entre une opposition agressive, négative, et un président légitime, déterminé, qui a assumé et continue d’assumer ses responsabilités au nom du peuple.

Jean Ortiz

Pour comprendre le rôle des médias au service de la droite vénézuélienne : "Rouges, les collines de Caracas", polar historique.
Envoyé dédicacé à domicile par la librairie de la Renaissance : librairie de la Renaissance http://www.librairie-renaissance.fr/9782918721451-rouges-les-collines-de-caracas-maxime-vivas/

 http://www.humanite.fr/blogs/venezuela-il-y-des-nuits-maudites-591876

COMMENTAIRES  

08/12/2015 18:38 par Michel Rolland

Merci Jean Ortiz pour ce premier commentaire, éclairé, comme toujours.

Bien sûr, les fascistes et la CIA ont reproduit ce qu’ils avaient fait contre Allende en 1973, mais leur meilleure arme restait encore la dictature médiatique. Il fallait pour tirer les marrons du feu que quelqu’un ou quelque chose harcèle l’électeur, lui « explique » pourquoi tout allait si mal dans le pays. Je vois beaucoup d’ironie dans ce coup. Le Parti bolivarien a instruit le peuple. Il lui a, entre autres, appris à lire ; ce qui a donné une nouvelle clientèle à la droite en permettant à la dictature médiatique de lessiver plus de cerveaux. Le parti bolivarien aurait dû imposer son autorité en neutralisant de toutes les manières les putschistes et en liquidant la dictature médiatique. Bien sûr, le gouvernement aurait été traité de totalitaire par la propagande néolibérale. Mais cela n’aurait rien changé puisque déjà, il était sali par la médiasserie internationale et ses gouvernements néolibéraux, à commencer par Washington... Parlant du pays du 1 %, il sera intéressant de voir ce qu’il fera du pétrole vénézuélien...

Autre ironie... Votre PS de et le parti de Sarkodefunes, qui pleurent des larmes de sang parce que le FN risque de prendre le pouvoir. C’est justement un mélange de FN et de PS qui a reversé le gouvernement bolivarien. À partir du moment où on réalise qu’il se trouve au pouvoir un parti néolibéral (le PS) qui fait face à une fausse opposition néolibérale (les partis majeurs), il faut comprendre que le FN ne sera pas plus à droite que le PS n’est à gauche parce qu’il fera tout simplement ce que le capital lui dira de faire. Bref que PS = bonnet blanc et que FN = blanc bonnet. Le jour n’est pas loin où la dictature médiatique appuiera le FN néolibéral au service du capital comme les autres. Déjà, Marine Le Pen n’a-t-elle pas « néolibéralisé » son discours… Bien sûr, le PS et la clique de droite pleureront à chaudes larmes... non pas parce qu’un parti de droite, avant tout néolibéral comme eux, aura pris le pouvoir, mais parce qu’ils perdront toute la manne de la corruption.

Michel

08/12/2015 19:51 par SEPH

La dictature du prolétariat, toute la dictature du prolétariat. Sinon, vous serez lacérés, piétinés par le monstre capitaliste-impérialisme au nom de la "démocratie" a la première occasion ;

08/12/2015 21:31 par T 34

Laissez le pouvoir économique à la bourgeoisie lui permet de mener la guerre économique. Il aurait fallu exproprier (surtout que la bourgeoisie comment plein d’illégalité avec ses entreprises).

09/12/2015 08:46 par CN46400

@ Seph

Quand on aborde le pb de la "dictature du prolétariat" il est des précautions (aprés Staline) qui doivent toujours être prises. Qu’est-ce que cette "dictature" ? Du césarisme, du fascisme, du nazisme...ou bien l’antithèse de la "dictature" de la bourgeoisie, et de ses intérêts, que nous subissons tous les jours ?

Dans le cas qui nous occupe, on peut, évidemment, se demander si un contrôle, plus tatillon encore (dictature), du commerce extérieur n’aurait pas été utile pour préserver le pouvoir d’achat des prolos (ceux qui doivent travailler pour vivre), donc leurs intérêts de classe. Mais, en aucun cas, les solutions purement policières du genre domestication des médias ou trafic des votes n’auraient changé, durablement, la donne. Le Vénézuela est aux prises avec un "syndrome hollandais" aiguë. Limiter la dépendance au pétrole n’est sans doute pas aussi évident que dans les discussions du café du commerce.

Reste que, du haut de mon humilité, et de ma méconnaissance de la société vénézuelienne, j’affirme que mes propositions n’engagent que moi, et que je suis tout prêt à les voir démenties.

09/12/2015 11:50 par Lyendith

...Finalement, c’est peut-être un mal pour un bien. Oui, la droite a remporté une bataille, mais il est sans doute préférable qu’elle l’ait remportée par les urnes que par le sang. Du moins pour l’instant.

Mais il y a trois choses qui pourraient être, ironiquement, positives : la première, c’est que les libéraux ne pourront désormais plus attribuer l’aggravation de la crise à la majorité chaviste, et la deuxième c’est qu’on va pouvoir voir la capacité de réaction du peuple vénézuélien lorsque les attaques au canon contre les acquis sociaux, voire la constitution, commenceront. Et enfin, comme le dit l’article, cela pourrait permettre de faire un peu de "ménage" et de remise en question à gauche.

...Comment le système marche-t-il d’ailleurs ? Le changement de majorité amène-t-il automatiquement un changement de gouvernement, comme ici ? Ou bien y aura-t-il juste un parlement "récalcitrant" comme aux États-Unis ?

09/12/2015 14:19 par SEPH

La dictature du prolétariat c’est le pouvoir au peuple, tout le pouvoir. Ainsi la classe bourgeoise n’a plus ses pouvoirs d’enrichissement et de nuisance. Elle perd le contrôle : de l’argent, des moyens de productions, de la culture, de l’armée, de la police,de la justice, des chiens de garde "merdiatiques",.... C’est le peuple qui gouverne librement avec une justice indépendante. Bref, c’est l’antithèse de la "dictature" de la bourgeoisie.

Quant a Staline il fut un très grand homme d’État. Ceux qui on succédé à Staline furent des clowns qui ont liquidé le parti soviétique (Gorbatchev) et l’Union Soviétique (Eltsine). Aujourd’hui plus de 50 % des russes reconnaissent notamment ses qualités d’homme d’État.

09/12/2015 14:43 par latitude zero

Assommé, groggy et d’ une grande tristesse depuis cette nuit de dimanche où les résultats sont tombés, et je ne peux toujours pas y croire , même si , depuis 3 mois que je suis au Venezuela , je voyais arriver cette défaite, mais un miracle était toujours possible, par ces mobilisations incroyables dont on avait pris l’habitude.

Si critiques de Maduro il y a, ce n’est pas à moi de les faire , pas assez qualifié, au moins sur le volet économique, mais les élections approchaient et on voyait bien qu’on allait dans le mur, les mesures radicales pour tenter d’inverser cette tendance ne venaient pas , tout était « étrangement » calme, même si l’ambiance était parfois pesante.
La guerre économique a été un piège bien orchestré, pilotée par qui on sait, mon impression est qu’elle a été savamment dosée , suffisamment pour provoquer frustration, mécontentement et colère dans l’électorat « flottant » Chaviste le moins conscientisé, mais pas trop pour ne pas provoquer une grande réaction populaire et faire réagir le gouvernement de façon radicale.
L’opposition déroulait , j’allais dire tranquillement, son plan , sa stratégie, jusqu’à la date du 6 décembre. C’est peut être ce qu’elle a fait de plus intelligent en 17 ans de révolution.

Je pense que ce qui a fait le plus mal est l’hyper-inflation, plus que les pénuries et les files d’attente, j’ai vu beaucoup de Chavistes en colère devant , non pas une simple perte de « pouvoir d’achat » mais d’un appauvrissement rapide, affolant, semaine après semaine. L’un d’eux me disait qu’il ne pouvait même plus se racheter et remplacer une simple paire de chaussures, passée en quelques mois de 1000 à 10 000 Bolivars, soit juste au dessus du nouveau salaire mensuel minimum d’environ 9000 Bolivars.( après la dernière augmentation de 30%, en octobre )

En numéro 2 des calamités , l’effondrement artificiel à visée géopolitique ( visant le Venezuela, la Russie, l’ Iran ) du prix du baril de pétrole a privé le gouvernement Bolivarien de ressources qui lui auraient beaucoup servi à contrer cette guerre économique. A ce niveau le piège se refermait.
Je suis persuadé que le Venezuela était le premier visé par cette mesure.

Depuis le 6 décembre ( et même avant) je me pose ces questions.
Fallait-il au nom de la démocratie (mais ici à sens unique) laisser se dérouler ces élections dans ce contexte de guerre économique aussi anti-démocratique que possible ?
Les 2 parties n’ont pas été sur un pied d’égalité ( c’est le moins qu’on puisse dire), l’une des parties seulement se prêtant pleinement aux règles démocratiques, pendant que l’autre, utilisait cette démocratie sans contrepartie, trichait et conspirait avec l’aide de pays étrangers ( Etats-unis en tête, Colombie, certains pays Européens …)
Il faudra obligatoirement finir par en tirer les leçons, la première étant que tant que l’hydre impérialiste US sera en mesure de continuer à nuire, il sera toujours terriblement difficile de pérenniser une société socialiste .
Autre question, fallait-il continuer sans frein les programmes sociaux , comme si de rien n’était, sans prioriser les problèmes de pénuries en vivres de base, pièces détachées, médicaments etc… ?
Et surtout n’était-il pas possible d’instaurer en urgence un blocage total des prix avec un contrôle extrêmement sévère ?
La mise en place sans contrainte des « prix justes » ( precio justo) par le gouvernement n’ayant eu que peu d’efficacité .

Je remets ici la conclusion de cet excellent article paru sur le GS il y a quelques jours , désormais à conjuguer au passé.
http://www.legrandsoir.info/elections-legislatives-au-venezuela-la-revolution-bolivarienne-face-a-son-plus-grand-defi.html
« Il n’y a qu’un seul moyen de résoudre les problèmes auxquels la révolution fait face. Hugo Chavez l’avait déjà annoncé avant sa mort, dans un discours célèbre nommé « le coup de gouvernail » (Golpe de Timón). Il y préconisait de construire une économie socialiste et de remplacer l’Etat bourgeois par un Etat basé sur les communes.
Une chose est claire : la voie tentant de réguler le capitalisme a échoué et sans un brusque virage à gauche, la révolution bolivarienne sera vaincue. »

J’enrage de savoir que le FMI , la banque mondiale, les multinationales principalement états-uniennes et toute la clique vont reprendre la main sur ce pays, ExxonMobil, Chevron en tête.
J’enrage de savoir que cette reprise des richesses du Vénézuéla , et elles sont nombreuses, vont redonner un grand bol d’oxygène à l’empire à un moment ou il a un genou à terre.
Il fallait être naïf pour s’imaginer que les états-uniens laisseraient enfin l’Amérique Latine en paix et souveraine, Macri en Argentine, la tentative de coup d’état constitutionnel en cours contre Dilma Roussef, le Venezuela, prouve qu’il n’en est rien et que leurs « occupations » et leurs soucis actuels au Moyen Orient, contre la Russie et contre la Chine ne les ont en rien distraits de ce qu’ils considèrent toujours comme leur arrière cour.

09/12/2015 15:53 par Aurore

T34 a raison : tant que la dictature de l’oligarchie capitaliste n’a pas été privé de tous ses leviers, le pouvoir populaire et la démocratie sont en sursit permanent. D’où la nécessité de la dictature du prolétariat. C’est bien en organisant par tous les leviers économique et médiatique à sa disposition l’instabilité et le chaos violent que l’opposition qui n’a rien de démocratique a fait chuter dans les urnes la révolution bolivarienne...

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