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A propos d’un article récent sur la crise politique Thaïlandaise.

Et d’une certaine maladie essentialiste touchant nombre d’ « occidentaux » lorsqu’ils en viennent à parler de l’Asie.

Récemment publié sur le site de Rue 89, un article certainement bien attentionné voulait édifier les touristes francophones sur les risques à ne pas prendre lors d’un voyage en Thaïlande.

Ce faisant il soulignait, à raison, les mentalités particulièrement respectueuses des hiérarchies en Thaïlande, pays où l’on est tous l’aîné ou le cadet de quelqu’un d’autre. Pays où, effectivement, le clientélisme tient une place particulièrement importante dans les luttes opposants les principaux partis et organisations politiques. L’article faisait également mention, et encore une fois à juste titre, de l’implacable censure régnant sur tout ce qui est relatif à la monarchie.

Le problème est que lorsque l’on lit ce genre de littérature, on a le fâcheux sentiment que tout s’expliquerait pas la culture, car il existerait notamment une « loyauté clanique qui compte bien davantage que les idées ou un « programme » politique, baliverne importée d’Occident. » Ce qui ne laisse pas de surprendre quand sans coup férir l’auteur nous explique plus loin que « [t]out se joue entre quelques familles riches ». Une fois que l’on a dit cela, n’entrevoit-on pas qu’entre en jeux des facteurs autres que culturels dans la politique thaïe ? Ces « riches familles », ou plutôt cette classe dominante thaïlandaise, ne s’entredéchire-t-elle pas pour de basses (et incontestablement universelles) raisons matérielles ?

En réalité, la lutte pour l’hégémonie au sein de la classe dominante thaïlandaise (qui outre la grande bourgeoisie comprend la vieille aristocratie royale) recoupe d’autres luttes dont les thématiques relèvent bien de l’opposition « occidentale » entre droite et gauche. Le fait est, par exemple, que les manifestants antigouvernementaux ont développé une forte méfiance vis-à-vis du système électoral au point d’en arriver à considérer que le droit de vote ne devrait pas être accordé à tous mais devrait être délivré sur une base censitaire et/ou en fonction du niveau d’éducation. Ces mêmes manifestants sont largement pour un accroissement des pouvoirs du roi. Soit des positions réactionnaires (voyez un peu le concept occidental... au demeurant il existe un mot thaï pour le désigner au moins depuis les années 1940, celui de patikiriya), des positions existantes au sein du vieux parti « démocrate » (comprendre, le parti royaliste actuellement dans l’opposition) depuis ses origines. Arrivé au pouvoir suite au coup d’état militaire de novembre 1947, le premier – après-guerre – d’une longue série, le parti mit aussitôt en vigueur une nouvelle constitution. Cette dernière éliminait l’ancien système parlementaire monocaméral pour instaurer un bicaméralisme dans lequel les sénateurs étaient nommés par le roi. Encore aujourd’hui, la constitution mise en place après le coup d’Etat de 2006 – envers lequel étaient favorables la plupart des manifestants antigouvernementaux actuels – prévoit qu’un peu moins de la moitié des sénateurs thaïs doivent être nommés. En face, les « chemises rouges », qui n’ont pas le monopole du clientélisme, semblent indéfectiblement liées aux Chinawat. Et cela pour des raisons qui peuvent être aussi concrètes que la mise en place d’un accès plus facile aux soins médicaux. Que cela soit le fruit de l’opportunisme politique de la famille emblématique du parti « pour les Thaïs », qui est actuellement au pouvoir, « ne change rien à l’affaire ».

La crise thaïlandaise relève d’une lutte au sein de la classe dominante qui s’accentue en raison de la disparition prochaine de la figure fédératrice du roi. Cette figure fut construite à grand renfort de dollars pendant la guerre froide pour lutter contre le monstre communiste. Elle relève également de tensions liées aux très fortes inégalités sociales.

Alors évidemment, quand la presse occidentale arrive sur son blanc destrier et exige que les Thaïlandais respectent la « démocratie », on leur fait remarquer poliment que l’identité thaïe n’est pas solvable dans la mondialisation des idées politiques.

Pourtant il n’y a pas que la presse occidentale qui exige de la Thaïlande le respect de la démocratie. Nombre de Thaïlandais, les quelques millions d’électeurs favorables aux Chinawat, par exemple, exigent que l’on « respecte leur vote », et pas seulement les « intellectuels occidentalisés ».

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« Cremada » de Maïté Pinero
Bernard Revel
Prix Odette Coste des Vendanges littéraires 2017 Maïté Pinero est née à Ille-sur-Têt. Journaliste, elle a été correspondante de presse en Amérique Latine dans les années quatre-vingts. Elle a couvert la révolution sandiniste au Nicaragua, les guérillas au Salvador et en Colombie, la chute des dictatures chiliennes et haïtiennes. Elle a écrit plusieurs romans et recueils de nouvelles dont « Le trouble des eaux » (Julliard, 1995). Les huit nouvelles de « Cremada », rééditées par Philippe (…)
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Sous une dictature, il y a une chose pour laquelle nous avons plus de chance que vous en Occident. Nous ne croyons à rien de ce que nous lisons dans la presse, à rien de ce que nous voyons à la télévision, parce que nous savons que c’est de la propagande et des mensonges. Contrairement aux Occidentaux, nous avons appris à voir au-delà de la propagande et à lire entre les lignes et, contrairement à vous, nous savons que la vérité est toujours subversive.

Zdener Urbanek

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