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"American Sniper" - Hollywood tue des Arabes : le film. (Al Jazeera)

L’art et la propagande ont un rapport intime. Tout spécialement aujourd’hui, aux Etats-Unis, où les films de guerre sont un genre sacré qui montre intimement des M. Toutlemonde états-uniens tirés de la classe moyenne ordinaire des Etats-Unis et placés au milieu des dangers d’un champ de bataille étranger où ils deviennent des héros aux proportions historiques.

L’illustration la plus récente de ce genre, American Sniper (1), se déroule en Irak. Le film, réalisé par Clint Eastwood, présente toutes les caractéristiques essentielles du genre guerrier : le soldat protagoniste traité comme personnage principal, le paradigme du bien contre le mal, et la présentation de ce dernier comme implacablement méchant, menaçant, et déterminé à détruire tout ce qui est pur et civilisé.

American Sniper ne déçoit pas et présente cette néfaste dichotomie, renforcée par les lieux communs ordinaires sur les Irakiens et musulmans, qui attirent des masses de spectateurs. Au point que le film a établi un record au box-office pendant son premier week-end, qui se confirme tandis que le film entame sa deuxième semaine.

Débats sur l’art.

Le cinéma est un art, une expression créatrice ne devrait pas être limitée par la loi. Cependant, l’art a un pouvoir d’incitation, surtout lorsque des méchants, dans un film qui fait un succès au box-office, sont représentés de façon schématique, malignement dénaturés, et apparaissent comme les irrécupérables ennemis des Etats-Unis et de leur héros au fusil.

Dans American Sniper, les Irakiens ne sont qu’une masse indistincte et des ennemis que Chris Kyle abat implacablement à coups de feu, pour imposer un patriotisme parasitaire pour lequel non seulement un large secteur des Etats-Unis éprouve de l’attirance, mais qu’il s’engage même à perpétuer.

Tous les Irakiens, dans le film, sont présumés coupables. Et, donc, relèvent de la justice pervertie que Kyle est plus que disposé à imposer de façon répétée.

Si les impostures habituelles sur les écrans sont nocives, la violente réaction raciste inspirée par American Sniper met en évidence le fait que le cinéma équipe les promoteurs de la haine de munitions de plus en plus abondantes.

Et les cibles sont arabes et musulmanes, les "têtes guenillées" et tous ceux qui peuvent ressembler aux caricatures d’Irakiens dans American Sniper.

American Sniper est beaucoup plus qu’une étude de caractère. Le héros principal, Chris Kyle, est un M. Toutlemonde états-unien, qui incarne consciencieusement l’extrême mépris pour les musulmans, qui est endémique - et qui s’intensifie - dans les Etats-Unis d’aujourd’hui. De plus, Kyle vit son séjour en Irak comme une occasion de venger les attaques terroristes du 11 Septembre, réduisant le patriotisme à une vendetta sanglante contre un petit peuple totalement déconnecté et dissocié de cette attaque.

Une étude caricaturale ?

Ces idées, et la vision du monde d’où elles surgissent, ne sont pas seulement celles de Kyle. A travers son positionnement comme archétype, Kyle représente plutôt une position basée sur une grandiose perspective, adoptée par un segment substantiel de la population des Etats-Unis. En outre, ces points de vue ne passent pas à travers un personnage tragique ou un nihiliste, mais à travers un héros, en tenue de combat, avec une casquette de base-ball, et joué par une star de Hollywood bourreau des cœurs, Bradley Cooper, qui considère son massacre indiscriminé de 255 "sauvages méprisables et méchants" comme une croisade politique et spirituelle.

A travers le regard faussé de Kyle, le spectateur aussi voit les Irakiens comme des cibles, que ce soit une mère couverte d’un voile, un jeune garçon, ou le rival fictif Mustapha, l’inquiétante incarnation du mal qui a pour but la disparition de Kyle et de tout ce qu’il représente.

Comme art et comme propagande, American Sniper continue la tradition du genre du cinéma de guerre. Mais dans le contexte de la considérable intolérance anti-arabe et antimusulmane aux Etats-Unis, il rappelle un autre film, acclamé par la critique mais raciste, Naissance d’une nation, de DW Griffith, qui, parallèlement à la dichotomie d’American Sniper, fait des membres du Ku Klux Klan des personnages de premier plan, grâce à des représentations déplorables d’Etats-uniens noirs. Par conséquent, le film appelle les spectateurs à prendre les armes contre les méchants.

Comme de nombreux films antérieurs, American Sniper amalgame les Irakiens et les Arabes et musulmans, "al-Qaïda" et les "djihadistes". Pour Kyle et Eastwood, ces distinctions sont sans importance.

Déployant une fois de plus de vieilles images orientalistes (2), les Irakiens du film, pauvrement structurés, apparaissent comme des ennemis des divins démocrates, ce qui fait qu’il faut les mitrailler méthodiquement pour le bien de Dieu et de la patrie. Croyance qui, dans les Etats-Unis d’aujourd’hui, est bien plus une réalité qu’une fiction.

Depuis la sortie du film, le Comité Etats-unien Arabe contre la Discrimination (ADC) a émis une information à l’adresse de la communauté et averti d’"une augmentation significative de la rhétorique violente de la haine contre les communautés arabe et musulmane états-uniennes".

L’information a été publiée comme réaction à la considérable quantité de messages violents contre les Etats-uniens arabes et musulmans émis depuis la sortie du film American Sniper. Beaucoup de ces menaces se sont faites à travers les réseaux sociaux.

Réactions violentes

Les menaces préconisent l’assassinat d’Etats-uniens arabes et musulmans. L’une d’elles dit même : "Excellent putain de film, et maintenant je veux vraiment tuer quelques putains de têtes guenillées." Dans un autre message de menace, maintenant éliminé, l’usager de Twitter Dex Harmon avait même écrit : "Grâce à American Sniper, j’ai eu envie d’aller tuer quelques putains d’Arabes", paroles suivies de l’émoticône de trois pistolets.

On ne doit pas ignorer l’incitation à la haine et ce genre de menaces. Elles doivent au contraire servir d’avertissement. Les discours et la rhétorique de l’incitation à la haine ne feront que s’ajouter à la culture de la violence, qui entraînera de nouveaux incidents et de nouvelles attaques. Surtout dans un contexte déjà mûr de haine anti-arabe et islamophobe.

Les statistiques réunies par ADC, comme par le Centre légal sur la pauvreté du Sud, montrent qu’il y a eu une augmentation de 50% de crimes de haine contre les Arabes, les musulmans et les personnes perçues comme arabes ou musulmanes aux Etats-Unis. Cette augmentation est liée au début de la controverse sur la "Mosquée de Ground zéro", qui s’intensifiera certainement avec la réaction intérieure et globale contre Arabes et musulmans après l’attaque contre Charlie Hebdo.

Car tant qu’existeront l’imagerie négative et la haine tolérée contre Arabes et musulmans, les membres de ces communautés continueront à vivre en état de peur constante, à l’idée qu’ils pourraient être la prochaine victime d’un crime de haine. Le précédent existe et l’Histoire a montré qu’à mesure que la rhétorique se dégrade, la culture de la criminalisation collatérale et les perspectives de violence augmentent.

American Sniper est de l’art. Mais c’est aussi une arme. Le droit à l’expression créatrice devrait être tempéré par la responsabilité. Autrement, le film n’aboutit qu’à ce qui a placé son personnage central au centre de l’attention publique, des attaques indiscriminées, qui touchent Arabes et musulmans pour le simple fait d’être arabes ou musulmans.

Nous espérons que ce n’est pas là l’objectif du film.

Khaled A Beydoun est professeur assistant de droit à l’Ecole de Droit
Dwayne O. Andreas à l’Université Barry. Il est né à Detroit.
Abed Ayoub est directeur légal du Comité Etats-unien Arabe contre la
discrimination à Washington DC, et est né à Detroit.

Traduction : Rosa Llorens

»» http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2015/01/american-sniper-holly...

Notes :

(1) Le film sortira en France le 18 février

(2) Orientalisme : études universitaires occidentales sur l’Orient,
impliquant un point de vue faussé, méprisant et hostile. Voir l’étude
d’Edward Said : L’Orientalisme.


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