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Un vent latino-américain souffle-t-il sur la Grèce ?

A ceux qui crient au loup (brun) contre le gouvernement de Tsipras.

Le fabuliste grec Ésope raconta l’histoire du petit garçon qui criait mensongèrement au loup, jusqu’au jour où survint vraiment un loup. Mais personne ne prêta attention à ses cris et ce fut le triomphe du loup dont le nom moderne que lui a donné Bertolt Brecht est « La bête immonde ».

Conscient de la puissance de l’Eglise nicaraguayenne, le candidat Daniel Ortega inscrivit dans son programme que tout avortement, quelles que soient les causes de la grossesse, serait interdit. Il a été élu contre d’autres qui n’auraient pas été mieux sur cette question et qui auraient fait perdurer le désastre en matière d’éducation, logement, accès aux soins médicaux, etc.

En prenant le pouvoir à La Havane, Fidel Castro, fils de propriétaire terrien, a confié la présidence de Cuba à un avocat mou du genou qui n’avait pas été guérillero.

Hugo Chavez, un militaire, s’est réclamé de Tony Blair avant de passer aux choses sérieuses.

Chacun comprend que ces trois-là devaient susciter la méfiance du peuple, qu’ils méritaient d’emblée des jets de tomates pourris et des bâtons dans les roues, voire qu’on leur crève les pneus avant qu’ils n’enfourchent leur bécane de traîtres au pied de leur Mont Ventoux. Ajoutons Evo Morales (Bolivie), producteur de coca et Rafael Correa (Equateur) qui fit ses études aux USA.

De surcroît, je ne crois pas qu’un seul de ceux-là ait échappé à l’accusation d’antisémitisme.

S’agissant d’Hugo Chavez, Le Grand Soir a largement rendu compte de l’entourloupe d’un journaliste de Libération, Jean-Hébert Armengaud (aujourd’hui rédacteur en chef de Courrier International) qui tronqua une phrase de Chavez pour en faire un antisémite sous ce titre choc : « Le credo antisémite de Hugo Chavez »

Armengaud écrivait que Chavez s’en était pris à « la minorité qui a tué le Christ pour s’emparer des richesses du monde », et il en déduisait que les juifs étaient visés. En vérité, Chavez avait parlé de « ceux qui crucifièrent le Christ, les descendants de ceux qui jetèrent Bolivar hors d’ici et le crucifièrent aussi à leur manière à Santa Marta en Colombie » (= les occupants romains, espagnols). Mais, en faisant disparaître Bolivar, on pouvait utilement titiller le fonds antisémite européen sur « Le peuple déicide ».

Le mensonge ayant été éventé par un journaliste franco-vénézuélien ami et collaborateur du GS, Libération usa de mille arguties pour ne pas l’admettre. Un des directeurs de Libé (Pierre Haski, aujourd’hui à la tête de Rue89-l’Obs) monta même au créneau pour défendre le truqueur.

Après la Venezuela, la Grèce.

Or, la même troncature se produit aujourd’hui autour des propos tenus l’an dernier par le contesté et contestable ministre de la défense grec : Panos Kammenos (mais c’est Alexis Tsipras qui est visé. Vous avez déjà joué au billard ?).

Voyons d’abord ce qu’il a dit, ce qu’on dit qu’il a dit, ce qu’il est et pourquoi il est ministre.

1) Ce qu’a dit Panos Kammenos à la télévision en décembre 2014  : « Les bouddhistes, les juifs et les musulmans ne payent pas d’impôts contrairement à l’église orthodoxe, qui risque de perdre ses monastères ».

Il parle manifestement des religions (pas des fidèles), il défend les privilèges de l’Eglise orthodoxe qui devrait plutôt, à notre avis, ne pas sortir des rangs (voir Alexis Tsipras qui refuse de prêter serment sur la Bible, une première en Grèce). Mais Panos Kammenos ne tient pas là des propos antisémites.

2) Ce qu’on dit qu’il a dit : « Les Juifs ne payent pas d’impôts en Grèce contrairement aux autres citoyens ». Par cette troncature avec changements de mots qui oppose « les juifs » aux autres « citoyens », l’antisémitisme est établi.

On lui refait le coup de Chavez. A partir de là, son antisémitisme étant avéré, l’accusation court sur les médias classiques et sur la toile et jusque (hélas !) dans un article publié par LGS et signé Chien Guevara (qui a probablement été abusé) : « Il réclame à l’Allemagne des réparations de guerre ou encore estime que les Juifs ne payent pas d’impôts en Grèce contrairement aux autres citoyens ».

3) Qui est Panos Kammenos

Pour annoncer la naissance du Parti des Grecs indépendants (AN.EL), il a symboliquement choisi le village martyr de Distomo, un Oradour-sur-Glane grec dont les habitants avaient été massacrés par les nazis en 1944.

Tous les défauts de cet homme et de son parti étant assez dits dans les médias, faut-il taire ici son geste anti-nazi ?

De plus, la vérité sur ses propos incriminés ayant été faite, il reste à démontrer son racisme et sa xénophobie. Car sa volonté (qui n’est pas celle de Tsipras) de contenir l’immigration ne suffit pas à le rendre plus raciste que Michel Rocard refusant d’accueillir en France « toute la misère du monde ». Il n’a jamais flirté avec l’Aube dorée, comme ont pu le faire des collaborateurs proches du l’ex-Premier ministre Antonis Samaras. Il n’a pas été associé au pouvoir socialo-droitier comme le fut le LAOS (FN grec).

Pourquoi est-il ministre ?

Il manquait des sièges à Syriza pour être majoritaire, c’est-à-dire pour arracher le pouvoir à ceux qui laissaient la troïka (UE,FMI, BCE) saigner la Grèce et avaient plongé le peuple dans la misère, le désespoir et l’humiliation. Les communistes du KKE ont exprimé, dès avant le scrutin, leur refus absolu d’une alliance avec Alexis Tsipras. Le KKE reproche à Syriza d’être « la force de réserve de gauche du capitalisme » et de nouer des relations troubles avec l’extrême droite grecque.

Dans ces conditions, deux solutions :

 Syriza refuse tout compromis (pas de mains dans le cambouis), il reste pur, propre sur lui et ne gouverne pas.

 Syriza noue une alliance (il n’y en a pas de possible à gauche) avec un autre parti, essentiellement sur le programme de Syriza, avec les risques que cela comporte et il prend illico (dans les premières heures) des mesures de gauche de résistance aux oligarchies, à la troïka.

Le comportement d’Alexis Tsipras ne diffère guère de ceux de Castro, Ortega, Chavez...

Les semaines et les mois qui viennent diront si un vent porté par des peuples en lutte a traversé l’Atlantique pour chasser les miasmes des voleurs et des affameurs grecs couchés devant l’Europe des banquiers.

En attendant, ne pourrions-nous pas nous la jouer modeste sur la Grèce tandis que, sous nos yeux impuissants, le PS cogne sans désemparer sur ses électeurs dupés et les « sans-dents » ?

Tandis que la côte du FN est évaluée à 30%, les docteurs Diafoirus, au moins ceux de la gauche française, devraient aider un peu ceux qu’ils dénigrent beaucoup (en compagnie de tous les amis du MEDEF et d’Angela Merkel).

Le bénéfice du doute a le droit d’exister aussi en politique. Alexis Tsipras est à ce jour innocent du crime de trahison à la Hollande. Il est vent debout contre une Europe pervertie. Les « socialistes » européens sont de facto contre lui.

Il est contre-productif de fabriquer des preuves et de le traduire devant le tribunal de l’Inquisition gauchiste qui est sur le point d’arriver au pouvoir, pour peu qu’elle gagne les 48 % des voix qui lui font défaut.

Vladimir Marciac
pour LGS.

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COMMENTAIRES  

01/02/2015 23:03 par Aris

CQFD

02/02/2015 09:05 par BQ

Très bien Mr Marciac !

02/02/2015 09:31 par triaire

Bien dit ! On aurait aimé voir descendre dans la rue de ce pays figé et immobile, les millions de ceux qui ont défilé pour Charlie..
Le parti communiste Grec a , parait-il, d’après une ami Grecque du ciment dans la tête !

02/02/2015 09:46 par darl3

Merci de cette belle, et saine, réaction. Si je n’ai pas les connaissances nécessaire pour en valider le contenu factuel, mais faisons confiance un peu à l’auteur, j’en apprécie infiniment l’esprit. Si les partis autrefois de gauche en France, avaient eu moins de sectarisme et d’idéologie, les français ne seraient pas aujourd’hui dans la noire désespérance où ils sont.

02/02/2015 13:38 par Dwaabala

Cet article n’est pas à mettre parmi

les attaques contre les pays en état de résistance.

(Le Grand Soir, dans la marge)
.

02/02/2015 15:52 par desobeissant

bienvenu dans le monde d’aprés :

La folle semaine de Syriza : quand le ministre Varoufakis "tue" la Troïka

par Le Yéti - Le monde d’après

http://yetiblog.org/index.php?post/1354

Un post de 2012 completement ignoré :

Grèce : l’espoir de l’or noir.
Publié le janvier 13, 2012

https://europegrece.wordpress.com/2012/01/13/grece-lespoir-de-lor-noir/

le blog du Ministre des Finances M. Yanis Varoufakis :

http://yanisvaroufakis.eu/2015/01/29/a-question-of-respect-or-lack-thereof/

notre urgence

constitution d’un comité citoyen europeen et plus, preparant l’initiative d’une gréve generale europeenne en soutien au peuple grec et aux actes de son gouvernement....

02/02/2015 16:45 par vila

j’espère de tout cœur que vous ayez raison. Mais restons sur nos gardes. Intuitivement, j’ai le même pressentiment pour tsipras que pour Le paon mais j’espère me tromper.

Quant au KKE, seul l’avenir nous dira s’il a raison de son intransigeance.
Le fait qu’il se tienne a l’écart est plutôt bien car si syrza échoue il ne resterait que l’aube dorée.....

02/02/2015 22:50 par Aris

Partie de l’interview de Tsipras à Rossiïskaïa Gazeta, donnée peu avant l’élection (Texte de Spoutnik.News [France] du 30 janvier 2015)

Rossiïskaïa Gazeta : « L’Otan a complètement gelé la coopération avec la Russie à cause de la situation en Ukraine, et l’UE menace de décréter de nouvelles sanctions contre Moscou. Cette politique est-elle justifiée, selon vous ?

Alexis Tsipras : « Non, je ne suis pas d’accord avec une telle approche. Ces sanctions nuiraient à l’Europe. J’estime que l’UE ne doit pas adopter de sanctions contre la Russie, mais mener un dialogue et chercher ensemble avec Moscou une issue pacifique de la situation actuelle. J’ai expliqué à plusieurs reprises cette position officielle de notre partie aussi bien en Grèce qu’au niveau de l’UE. »

Rossiïskaïa Gazeta : « Quelle sera la politique d’Athènes vis-à-vis de la Russie si votre parti arrivait au pouvoir ? »

Alexis Tsipras : « Nous travaillons sérieusement sur une réorientation des relations entre nos pays pour les faire passer à un niveau stratégique. Nous avons une approche plus énergique de la politique étrangère de la Grèce, qui doit suivre plusieurs axes. En effet, notre pays est membre de l’UE et de l’Otan, mais nous pensons à la fois qu’il doit avoir sa propre politique indépendante vis-à-vis d’autres pays, au lieu d’obéir à des directives étrangères. Nous voulons que l’Europe unie travaille avec Moscou. C’est nécessaire pour créer un système de sécurité de l’Atlantique à l’Oural, impossible sur notre continent sans la Russie. »

http://fr.sputniknews.com/presse/20150130/1014204094.html#ixzz3QJkEsZMG

03/02/2015 10:12 par Esteban

J’ai parcouru l’article et les commentaires de l’article cité dans ce texte "un article publié dans le grand soir" et contrairement à d’autres qui se sont exprimés je n’ai pas trouvé d’intervention de monsieur Marciac afin que Chien Guevara puisse lui répondre. Entre partisans du même bord, je trouve que ce n’est pas très sympa de glisser, même élégamment, une peau de banane dans un autre fil dans la mesure où la personne visée peut passer à côté de cet article.

03/02/2015 10:50 par Maxime Vivas

Entre partisans du même bord, je trouve que ce n’est pas très sympa de glisser, même élégamment, une peau de banane dans un autre fil dans la mesure où la personne visée peut passer à côté de cet article.

LGS ne publie pas, en principe," les attaques contre les pays en état de résistance" et "les règlements de compte au sein de la gauche". S’il lui arrive dans laisser passer un, il n’est pas anormal qu’il en publie un autre qui en prenne le contre-pied et qui signale courtoisement au passage que l’auteur du premier article a "probablement été abusé" en énonçant deux inexactitudes (ce sont des constats objectifs et irréfutables).
Quand vous dites que "la personne visée peut passer à côté de cet article" (qui le contredit sur le fond et dans deux affirmations, mais sans s’en prendre à son intégrité), vous supposez qu’il écrit souvent ici (LGS a publié déjà 79 de ses articles) sans nous lire. Ce que nous ne voulons pas croire.
Ses articles continueront à être les bienvenus sur LGS, ainsi que les articles ou commentaires qui verront les choses autrement. C’est un débat et il est préférable qu’il ne s’entache pas de réactions épidermiques.

03/02/2015 11:41 par Michel Taupin

D’abord je suis d’accord avec WM. Je voudrais aborder le problème des alliances. "Quand il y a une volonté, il y a un chemin". Personne ne dit lequel il faut emprunter. Aussi tout est possible si l’on ne perd pas de vue l’objectif. C’est donc finalement une question de tactique et là, il faut être pragmatique. JL Mélenchon a écrit que Syriza a refusé pendant des années tout compromis, c’est sans doute ce qu’il l’a rendu crédible. Alors le KKE devrait disposer d’un potentiel de confiance énorme. Mais Tsipras, pour gouverner, avait besoin de quelques sièges supplémentaires. Soit il restait "pur" et ne gouvernait pas. Ce n’est pas ce qu’il a choisi de faire. Son but était de gouverner le pays et le chemin pour y arriver a été de s’allier avec un petit parti de droite souverainiste. Si cette alliance me trouble un peu, je ne jetterai pas la pierre à Tsipras (D’ailleurs, ce compromis aurait-il été possible si Syriza avait eu quelques sièges en moins ?). Il semble donc que la solution à un problème n’est pas toujours dans la "pureté". Et comme je ne suis pas un observateur passif, je soutiens totalement le gouvernement Tsipras. Je ferai simplement une remarque à JL Mélenchon : Pourquoi continuer à charger le PCF de l’échec des municipales sous prétexte qu’il s’est allié localement avec le PS ? La posture de "pureté" est-elle toujours compatible avec l’objectif à atteindre ? En France le problème est rude. Le Front de Gauche, pour gagner, doit s’élargir et s’unir avec des forces qui refusent l’austérité. Et pour cela il faut convaincre ceux qui sont prêts à y basculer. Sans exclusive ! L’eau pure ne l’est qu’en amont, à sa source, après, elle se charge de tous les maux de la nature qu’elle traverse. Et sans les hommes, à la fin de son cours, elle serait encore buvable... Aussi, ne pestons pas trop contre le choix tactique des uns ou des autres, si volonté commune il y a et que les objectifs fixés sont inchangés.

03/02/2015 13:08 par Autrement

@ M. Taupin

"Pourquoi continuer à charger le PCF de l’échec des municipales sous prétexte qu’il s’est allié localement avec le PS ? La posture de "pureté" est-elle toujours compatible avec l’objectif à atteindre ?"

D’accord avec vous sur le fond et la conclusion...excepté que nous sommes bien en retard sur les Grecs quant aux modalités d’accès au gouvernement. Mais votre remarque ne concerne pas Mélenchon ; pourquoi le prendre toujours comme tête de turc (!!) privilégiée (alors que le NPA...!) ? Vous trouvez honnête sur ce point la tactique des médias ? Votre remarque est quelque peu méprisante, en réalité, pour tous les militants qui, ayant vécu de près les campagnes politiques sur le terrain, ont pu constater par eux-mêmes (comme en ce moment dans le Doubs) le résultat catastrophique de la continuation des alliances PCF-PS. Comme si rien n’avait changé depuis...disons (sans remonter au déluge) – au moins 2008 et la trahison du PS sur le referendum de 2005. Il ne s’agit pas de "pureté", ni Mélenchon ni les autres n’ont jamais invoqué la "pureté" d’une démarche, mais sa visibilité politique, et son efficacité pour entraîner la mobilisation populaire sur un programme de lutte cohérent. Si dès le début, au lieu de se renfermer dans sa volonté de domination (parce qu’il se prend encore, et lui seul, pour une "avant-garde", et s’imagine en conséquence que ses partenaires veulent le démolir), le PCF avait accepté la double appartenance et l’adhésion directe au FdG, celui-ci serait certainement, à l’heure qu’il est, mieux placé et mieux constitué pour faire face aux événements.

03/02/2015 18:06 par Clocel

Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre de la Grèce, a envoyé ce courrier au journal Allemand Handelsblatt.

http://arretsurinfo.ch/la-lettre-ouverte-dalexis-tsipras-aux-citoyens-allemands-sur-ce-quon-ne-leur-a-jamais-dit-sur-la-dette-grecque/

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