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Repérer et « traiter » ceux qui disent, même en privé, « Je ne suis pas Charlie » ?

Bienvenue chez Orwell

Nous sommes en guerre. C’est ce qu’a martelé le Premier ministre. C’est ce qu’a répété Nicolas Sarkozy. C’est ce que psalmodie, depuis les sanglants attentats de Paris, une large part de la caste médiatico-politique française, mais aussi européenne. Or la première victime d’une guerre est toujours la vérité, en l’occurrence la liberté d’information, d’opinion et d’expression.

Ce constat classique n’a pas tardé à se confirmer. Tout d’abord à travers l’uniforme qu’ont revêtu les grands médias audiovisuels. Quatre jours durant, hors les équipées meurtrières et la traque – diffusée à la manière d’un obscène spectacle en temps réel – il ne s’est rien passé ni en France, ni dans le monde. Des dizaines de victimes tuées, ce même 7 janvier, par une bombe au Yémen ? Pas trace. Des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants massacrés à Baga (Nigéria) ? Pas le moment. Les autorités égyptiennes qui décident de raser Rafah (75 000 habitants), évacuent sans ménagement la population et dynamitent des quartiers entiers ? Pas un mot. Dans un tout autre registre, l’écroulement des prix du pétrole, la dégringolade de l’euro ? Aucune importance. Les abattoirs GAD (Manche) menacés de dépôt de bilan, 400 chômeurs à la clé ? Disparus. Que les tragiques événements du début du mois, et la légitime émotion qu’ils ont provoquée, méritent une large couverture des radios et télés, nul ne le conteste. Que celle-ci évince littéralement toute autre information, voilà qui n’est ni acceptable, ni rassurant.

Le deuxième niveau de conséquences est institutionnel. La seconde loi « anti-terroriste » du quinquennat (qui est aussi la quinzième depuis 1986) n’est pas encore entrée en application que certains plaident déjà pour un « Patriot Act » à la française, qui limiterait ouvertement les libertés des citoyens. Et si Manuel Valls a pris soin de préciser qu’il ne souhaitait pas de « mesures d’exception », il a exhorté l’UE à adopter sans tarder les dispositions dites PNR qui visent à enregistrer et transmettre le suivi détaillé de chaque passager aérien. Seraient ainsi tracées pas moins de soixante informations sur tout voyageur, parmi les plus personnelles. D’aucuns appellent du reste de leurs vœux un FBI de l’UE – et pourquoi pas une NSA ? D’autres souhaitent le renforcement du parquet fédéral européen embryonnaire, Eurojust.

Il est une troisième catégorie de conséquences qu’on pourrait nommer : police de la pensée. Le cas de Dieudonné M’Bala M’Bala est à cet égard emblématique : on peut penser ce que l’on veut de ce dernier (comme l’on peut penser ce que l’on veut de Charlie Hebdo), son placement en garde-à-vue, puis son renvoi en correctionnelle pour avoir affirmé «  je suis Charlie Coulibaly » fait froid dans le dos. Au titre de l’« apologie du terrorisme » (un grief récemment introduit, et qui vaut y compris pour les conversations privées), une cinquantaine de procédures sont actuellement engagées, de premières condamnations à des années de prison ferme sont prononcées. Des traitements psychologiques (sic !) sont imposés à des gamins qui avaient refusé de participer à une minute de silence (mais que vaut l’émotion vraie, quand le recueillement est imposé par décret ?). Des employés municipaux sont sanctionnés, comme à Lille, pour n’avoir point participé au moment collectif – et l’avoir expliqué. Et demain, le simple fait de chercher à comprendre les raisons du drame, sera-t-il suspect, voire punissable ? C’est sans doute cela que saluait l’eurofédéraliste Guy Verhofstadt lorsqu’il jubilait au même moment : « pour la première fois est née l’Europe des valeurs ».

La palme revient sans doute à Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de France 2. Le 13 janvier, emportée par son élan, celle-ci, désignant du doigt ceux qui « ne sont pas Charlie », lançait : « ce sont eux que nous devons repérer » et « traiter ». Au nom de la liberté d’expression, certainement. Orwell n’est plus loin.

Ce jour-là, Charb, Cabu, Wolinski et les autres ont été assassinés – une seconde fois.

Pierre LEVY

Éditorial paru dans l’édition du 26/01/15 du mensuel Bastille-République-Nations
Information et abonnements :http://www.brn-presse.fr
Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection

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Si j’étais le président, je pourrais arrêter le terrorisme contre les Etats-Unis en quelques jours. Définitivement. D’abord je demanderais pardon - très publiquement et très sincèrement - à tous les veuves et orphelins, les victimes de tortures et les pauvres, et les millions et millions d’autres victimes de l’Impérialisme Américain. Puis j’annoncerais la fin des interventions des Etats-Unis à travers le monde et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51ème Etat de l’Union mais - bizarrement - un pays étranger. Je réduirais alors le budget militaire d’au moins 90% et consacrerais les économies réalisées à indemniser nos victimes et à réparer les dégâts provoqués par nos bombardements. Il y aurait suffisamment d’argent. Savez-vous à combien s’élève le budget militaire pour une année ? Une seule année. A plus de 20.000 dollars par heure depuis la naissance de Jésus Christ.

Voilà ce que je ferais au cours de mes trois premiers jours à la Maison Blanche.

Le quatrième jour, je serais assassiné.

William Blum

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