Quand le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Ehud Barak ne diabolisent pas l’Iran et ses dirigeants, c’est leur collègue des Affaires Etrangères, Avigdor Lieberman, qui se met à dire ou plutôt à écrire des choses étranges. Dans une lettre au quartet occidental (Etats-Unis, Russie, Union Européenne et ONU) il demande le départ du président palestinien, Mahmoud Abbas, dont le mandat s’est terminé en 2010.
La lettre est un fatras d’arguments sur les supposés manquements de Mahmoud Abbas et les supposées concessions d’Israël. Au total, la lettre est très embarrassante. Qu’un ancien videur moldave devenu colon israélien comme Lieberman puisse se permettre un tel acte politique montre que Netanyahu ne contrôle pas son cabinet. Après que l’enfant soit déjà tombé dans le puits, Netanyahu et Barak ont déclaré que la position de Lieberman n’était pas celle du gouvernement israélien. Dans un système politique qui fonctionne normalement, un tel ministre aurait été destitué.
Historiquement le gouvernement israélien a toujours cherché à détruire la réputation des leaders palestiniens, sans se soucier du mal causé. Yasser Arafat a non seulement été décrit comme un "terroriste" mais il a aussi été comparé à "Hitler" ! Sans parler des autres caractéristiques racistes qui lui ont été attribuées. Le docile Mahmoud Abbas, qui a été nommé premier ministre contre le gré d’Arafat, a été traité par Ariel Sharon de "poulet plumé" après qu’il soit devenu le "président" de l’Autorité Palestinienne. Il faut noter que Abbas a négocié les accords d’Oslo et l’infamant "accord Beilin-Abu Mazen". Abbas était mieux connu auparavant sous son nom de guerre* Abu Mazen.
Les Israéliens plus intelligents que Lieberman savent qu’ils ne pourraient pas trouver quelqu’un de mieux que Abbas. Il est un "gardien de prison" idéal. Il obéit aux ordres d’Israël et des Etats-Unis et protège les colons israéliens contre la colère de son propre peuple. Il est à l’origine du putsch contre le seul gouvernement élu démocratiquement en Palestine, pour le compte d’Israël et des Etats-Unis. Pourquoi Lieberman voudrait-il se séparer d’un serviteur si obéissant ? Veut-il le Hamas à sa place ? Israël tout comme les puissances occidentales et les régimes arabes fondamentalistes réactionnaires veut se débarrasser non seulement du régime Syrien mais de la Palestine laïque. De la Tunisie à l’Iran, la région serait alors contrôlée par les fondamentalistes islamiques Wahhabites.
A première vue, cela semble absurde et sans intérêt pour l’occident et Israël. Mais en y réfléchissant, cette alliance a du sens. Après que le Qatar ait financé le transfert du bureau politique du Hamas de Damas à Doha, le Hamas est devenu plus accommodant sur le plan politique. Maintenant que les Frères Musulmans égyptiens ont fait la paix avec les Etats-Unis et obtenu leur part du lucratif gâteau politique égyptien, le "radicalisme" du Hamas ne semble plus aussi effrayant aux occidentaux que voulait le faire croire Israël. L’image de terrorisme que la Hasbara (propagande) israélienne avait collée au Hamas a menée à une impasse politique au détriment des intérêts occidentaux.
L’Empire étasunien a finalement accepté le fondamentalisme islamique après que l’Arabie Saoudite et le Qatar l’aient rendu plus digeste mais avec une exception : l’Iran. Ici apparaît la doctrine du sectarisme. Les Etats-Unis veulent balkaniser le Moyen Orient selon des lignes sectaires pour pouvoir contrôler les nouvelles petites entités ainsi formées. Cette doctrine semble avoir réussi en Irak, Afghanistan, et Libye. Elle semble sur le point d’aboutir en Syrie et le but est de l’appliquer ensuite à l’Iran. Ensuite elle sera peut-être utilisée contre la Russie et la Chine.
Dans ce jeu de pouvoir machiavélique, la question de la Palestine disparaît complètement des préoccupations des néocolonialistes occidentaux et de leur médias serviles aux mains d’intérêts économiques. Pour le moment la colonisation des restes de la Palestine peut se poursuivre sans problème. Mais les fantômes qui hantent Israël à cause de son injustifiable appropriation du pays d’un autre peuple ne s’évanouiront pas, quoique que puissent dire ses supporters.
Ou Lieberman veut-il se débarrasser de Abbas dans l’espoir que le Hamas se saisira de la Cisjordanie et y établira un "régime terroriste" ? Une attaque contre l’Iran ne pourrait-elle pas offrir une nouvelle occasion de chasser le peuple palestinien de ce qui reste de la Palestine ? Quand un soi-disant nouvel historien traite les Palestiniens de "barbares", que des politiciens israéliens disent qu’ils sont un"cancer" et que d’autres voudraient qu’ils soient transférés (nettoyage ethnique), on peut penser qu’une attaque contre l’Iran serait le "bon" moment pour mettre en oeuvre ce radical projet criminel.
Ludwig Watzal
Dr. Ludwig Watzal est un journaliste et rédacteur en chef de Bonn en Allemagne. Il tient le blog bilingue "Between the lines" .
Pour consulter l’original : http://palestinechronicle.com/view_article_details.php?id=19516
Traduction : Dominique Muselet
Note : * En Français dans le texte