La répression, les menaces et intimidations s’accentuent contre les opposants aux mégabassines

Violente et frontale, la répression qui a frappé les opposant.es aux mégabassines à Sainte-Soline fin octobre s’inscrit dans la continuité des pressions et menaces qu’ils subissent déjà depuis plusieurs mois et qu’ils racontent en détail à Basta !.

Gérald Darmanin les a qualifiés d’« écoterroristes », la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès, de « séparatistes » [1]... La répression des militants contre les bassines dans le Marais poitevin est montée d’un cran lors de la manifestation du week-end du 29 et 30 octobre à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), sur le terrain comme dans les discours. Après l’usage de grenades et de lanceurs de balles de défense (LBD) sur les manifestants et les verbalisations pour participation à une manifestation interdite, ce 14 novembre, cinq militants ont reçu la visite des gendarmes venus leur remettre une convocation à la gendarmerie de Niort et de Parthenay, selon un communiqué du collectif Bassines non merci. Les opposants aux mégabassines font face à diverses formes de pression, de surveillance voire de répression depuis le début du mouvement.

À la suite de son passage lors d’un reportage sur TF1, un couple de retraités a trouvé ce ragondin mort chez eux. Le message est clair.

« Pour nous, cela a débuté bien avant Sainte-Soline », se rappelle un retraité de Charente, voulant garder l’anonymat. Après son témoignage lors d’un reportage sur TF1 à propos de la sécheresse, le 12 août 2019, l’homme, familier du monde paysan et lui-même chasseur, a reçu une mauvaise surprise. « La séquence portait sur les rivières à sec en Vendée et montrait bien l’impact des bassines sur l’environnement, avec des champs de maïs autour. Le lendemain, nous avons trouvé un ragondin mort chez nous avec une bague siglée TF1. »

Choqués de trouver le cadavre de l’animal chez lui à la vue de ses petites-filles, le retraité et sa femme interpellent le maire du village afin qu’il intervienne. « L’élu m’a répondu qu’il n’y pouvait rien si ce ragondin était venu crever dans ma cour », s’étonne encore le retraité. « Nous le tenions à la disposition de la gendarmerie pour qu’elle fasse éventuellement une enquête, mais aucun agent ne s’est déplacé. » Le couple affirme aussi avoir subi des menaces de mort et avoir déposé ensuite une main courante à la gendarmerie. « Une fois, j’étais seul à la chasse avec mon fils et on est venu me voir pour me dire qu’il allait m’arriver prochainement quelque chose », rapporte-t-il.

La police fouille des poulaillers

La médiatisation de la lutte contre les mégabassines a réellement pris de l’ampleur il y a un an, lors de l’invasion du chantier de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres) le 22 septembre 2021, et le retour de bâton judiciaire a suivi peu après. « Parmi les quatre personnes mises en garde à vue à la suite de leur interpellation, un agriculteur de la Conf’ était convoqué à la gendarmerie et s’y est normalement rendu », se souvient Benoît Jaunet, porte-parole de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres. « En revanche, ils sont allés chercher sa femme sur son lieu de travail, à la fromagerie, pour ensuite aller fouiller toute sa maison, de la chambre des enfants au poulailler ! »

Parmi les autres gardés à vue, se trouve évidemment la figure publique des contestataires, Julien Le Guet. « Les forces de l’ordre sont venues me chercher chez moi à 6 h 30 du matin en présence de mes trois filles », confirme le porte-parole du collectif Bassines Non Merci. « On me reprochait notamment ma prise de parole publique à Mauzé-sur-le-Mignon : j’avais prévenu l’État que pour une bassine construite il y en aurait trois de détruites. »

Julien Le Guet, porte-parole de Bassines Non Merci, a durement été touché lors de la manifestation du week-end du 29 et 30 octobre à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Au début de la mobilisation, un an plus tôt, « les forces de l’ordre étaient venues me chercher chez moi à 6 h 30 du matin en présence de mes trois filles ».

Cette phrase prononcée lors de la manifestation fut interprétée comme une « provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre un délit » par le procureur de la République de Niort. Toutefois, Julien Le Guet reconnaît avoir été mieux traité que certains de ces camarades, probablement du fait de sa médiatisation. « Les gendarmes ce jour-là ont été corrects dans la manière de m’interpeller », reconnaît-il. « C’était mon téléphone et mon ordinateur qui les intéressaient. Quand je les ai donnés, j’ai obtenu qu’ils ne rentrent pas dans les chambres de mes filles. »

40 000 euros de matériel d’espionnage

Avec le printemps suivant vient le temps des nouvelles actions pour les opposants aux bassines, qui vont d’abord avoir une (grosse) surprise. Le 18 mars 2022, ils découvrent à Sevreau (79), caché sous un filet de camouflage et des feuilles, du matériel militaire d’écoute habituellement utilisé par la gendarmerie ou l’armée. « C’était placé à côté de chez mon père, les renseignements ont su que l’on y organisait des réunions », détaille Julien Le Guet.

Composé d’une caméra orientable à distance, d’un kit de batterie au lithium, d’un traceur et d’un système de transmission, le tout a été évalué pour une valeur d’environ 40 000 euros ! « Notre conviction est que ce matériel appartenait à la cellule Déméter », juge le porte-parole de Bassines Non Merci. Mise en place en 2019 par le ministère de l’Intérieur, en partenariat avec la FNSEA, le principal syndicat agricole, la cellule Déméter visait au départ « des actions de nature idéologique » consistant en « de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ». Suite à une saisine du tribunal par des associations environnementales, cette cellule se concentre aujourd’hui sur la lutte contre tout ce qui relève d’« infractions pénales (vols, dégradations, cambriolages, violations de domicile, occupations illégales de terrains) ».

« À la suite de la révélation de nos découvertes dans la presse, il y a eu un jeu ridicule des services préfectoraux qui ont d’abord affirmé découvrir l’existence de ce matériel par voie de presse et quelques jours après, la préfète a finalement avoué que le matériel leur appartenait bien et qu’il était là de manière préventive. » Si le matériel se voulait discret, il fera au final grand bruit dans le Marais poitevin et aura, selon les membres du collectif, détourné plusieurs personnes engagées pour les bassines, outrées devant un tel déploiement de matériel d’espionnage. Quelques jours plus tard a lieu le printemps maraîchin autour du 25 mars, pour une manifestation joyeuse qui a réuni, à La Rochénard (Deux-Sèvres), près de 6000 anti-bassines.

Une incitation d’un cadre des Jeunes Agriculteurs à brûler une ferme

C’est lors de cet événement que Benoît Jaunet, porte-parole de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres, est alerté par sa femme d’un message menaçant sur les réseaux sociaux. Le statut Facebook, que nous avons retrouvé, dit « S’il y en a qui sont chauds pour une journée festive à la Ferme (de Benoît Jaunet) je suis chaud de night », le tout agrémenté d’une image d’un hangar en feu. L’auteur n’est pas moins que le président des Jeunes Agriculteurs des Deux-Sèvres, section syndicale « jeunesse » de la FNSEA.

Des grenades de désencerclement GM2L ont été lancées sur la foule (environ 200 cartouches ont été ramassées), provoquant ce type de blessures.

« Dès le soir même, le message a été supprimé, sans doute après une prise de conscience », se remémore Benoît Jaunet. « Nous avons eu vraiment très peur, car j’ai déjà été victime d’un tel acte il y a 8 ans : un feu d’origine criminelle et non élucidé. Avec ma femme et mes enfants à la maison, je n’en menais pas large. » L’agriculteur, installé en polyculture-élevage, qui avait déjà reçu des appels anonymes et des menaces, rédige alors une lettre ouverte notamment à l’adresse de la direction de la FNSEA et des services de l’État pour qu’ils prennent position. « Personne ne m’a répondu », regrette-t-il. « Mes plaintes déposées sont toujours en cours d’instruction et pis encore, un gradé de la gendarmerie est tout de même venu me voir pour me dire qu’il n’avait pas assez de gendarmes pour protéger toutes les fermes et que je l’avais bien cherché. »

Benoît Jaunet, qui siège aussi à la chambre d’agriculture, déplore ces vives tensions entre agriculteurs, qui l’ont poussé à quatre mois d’arrêt, délivré pour surmenage par son médecin. « Face à toutes ces menaces, ma collègue qui était aussi porte-parole a préféré se mettre en retrait de ses fonctions ; nous frôlions tous les deux le burn-out », continue-t-il. Les mégabassines, en plus d’enflammer l’opinion, semblent creuser le fossé qui sépare deux conceptions de l’agriculture. « J’ai l’impression qu’ici le climat est plus violent entre agriculteurs qu’ailleurs », confirme Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne.

Des sanctions encore à venir

Chacun des temps forts de la lutte contre les bassines ayant vu son lot de sanctions judiciaires tomber, difficile d’imaginer que le week-end de Sainte-Soline sera sans conséquences. « Avec la prise d’identité de nombreuses personnes durant le week-end, il est fort probable que des manifestants reçoivent dans les semaines à venir des contraventions », prévient Alexis Baudelin, avocat au barreau de Paris, codéfenseur de cinq personnes dont le procès est fixé au 28 novembre, à Niort, à la suite du « regroupement interdit » de Sainte-Soline.

Après avoir symboliquement fait tomber les grilles du chantier, la foule est rentrée calmement au campement. Les participants ont ensuite été qualifiés d’« écoterroristes » par Gérald Darmanin.

« On sent bien que le gouvernement a voulu mettre au pas ce mouvement qui prend de l’ampleur », constate Alexis Baudelin. « Le procureur a dit que c’était pour l’exemple, il n’y a absolument rien contre eux. Ces personnes ont été "punies" de 24 heures de garde à vue et déférées en comparution immédiate, ce qui est une procédure assez violente alors qu’elles ne faisaient que manifester. » Bien que manifester soit un droit fondamental, la préfète des Deux-Sèvres avait interdit l’événement et, dans les textes, cela exposait les 7 000 manifestants présents à 135 euros d’amende chacun. Ainsi, la maire écologiste de Poitiers, Léonore Moncond’Huy a été verbalisée. Mais le week-end fut surtout marqué par une violence nouvelle de la part des forces de l’ordre, évidemment traitée différemment selon les médias

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« On peut s’attendre à des milliers d’euros d’amendes, voire davantage. Taper dans le portefeuille des opposants de cette manière a pour effet de les dissuader de manifester, c’est comme ça depuis le mouvement des Gilets jaunes. » Pas de quoi visiblement ralentir le mouvement qui s’organise au fil des mois pour contrer la construction des bassines sur tout le territoire. « Plus ce mouvement collectif est réprimé, plus notre détermination en sort renforcée », prévient Julien Le Guet. Dans les campagnes, la guerre de l’eau risque d’être rude.

 https://basta.media/menaces-intimidations-repression-s-accentuent-contre-les-opposants-aux-megabassines-qualifies-d-ecot

COMMENTAIRES  

16/11/2022 20:29 par bostephbesac

Le plus ignoble est que ces mégabassines pompent les nappes phréatiques, au lieu de garder l’ eau de pluie (initialement prévu), et stocke cette eau en plein soleil....................favorisant l’ évaporation . Gaspillage ignoble !

16/11/2022 22:28 par irae

Si la photo d’illustration est contemporaine, aller affronter les barbares du pouvoir en tenue décrontact c’est aller au casse pipe.
Comme on connait ses bourreaux on les honore.

17/11/2022 09:10 par Zevangel

@irae

Personne ne va affronter ces "barbares". Et ceux qui font les guignols à y aller avec des "protections" ne servent à rien. Pourquoi ? Parce que cela montre au pouvoir que nous n’avons pas de solution. Cela montre au pouvoir que nous avons peur et que nous ne l’affrontons pas.

Affronter ces barbares, c’est aller au moins aussi loin qu’eux. C’est à dire, généraliser le tabassage à vue. Être équipé d’armes à distance. Séquestrer les leurs, les prendre en otage (car c’est bien ça les gardes à vues qu’ils imposent). Affronter ces barbares, c’est affronter une horde d’idiots de 60 de QI, qui ne sont que les outils de ceux qui prennent les décisions.

Affronter vraiment ces barbares, c’est donc, perdre nos forces vives. Les manifestations aujourd’hui n’ont plus que ces intérêts, se rassembler, avoir conscience que nous sommes en nombre, discuter pour s’organiser. C’est déjà pas mal. Mais les manifestations ne servent plus du tout à créer un contre poids à une décision politique.

Qui faut-il affronter, comment le faire ? Certaines personnes ont réussi et elles ont pu aller loin grâce au soutien populaire.
Didier Raoult, des personnalités ressorties des GJ qui ont su développer et élargir les revendications avant de se faire détruire par leur immaturité médiatique, Peronne, Di Vizio, des mecs comme Xavier Moreau qui relaient le point de vue russe (qu’on y adhère ou pas). Des personnalités comme Céline Alvarez, qui ont mis en lumière certains problèmes éducatifs majeurs dans les écoles, etc etc..

Je n’apprécie pas écouter certaines de ces personnes, mais tant qu’elles abiment les institutions, voir les font plier via le soutien populaire qu’il y a derrière.. alors je considère qu’ils les affrontent et que le peuple participe à l’affrontement. L’affrontement ne peut pas se jouer sur un seul sujet, mais il doit se généraliser au système dans son entièreté. Il ne faut plus se réunir derrière les syndicats, mais il faut soutenir toutes les revendications populaires. Même des écrits sur internet ont du poids.
Ici, ces gens n’avaient pas l’intention " d’affronter ", mais simplement de médiatiser un message, avec la volonté de protéger ce qui leur est cher.

17/11/2022 10:07 par J.J.

Au lendemain de la manif anti bassines, au cours de l’émission régionale FR3 on apprenait que deux jeunes gens avaient été arrêtés (dont un à sa sortie de l’hôpital où il avait été admis pour des blessures reçues lors de la manifestation), accusés d’avoir l’intention de vouloir s’attaquer aux forces de l’ordre. Et l’on apprenait également, naïve déclaration, que les auteurs des violences contre lesdites forces prétendument de l’ordre n’avaient pu ni être arrêtés ni même identifiés. Étrange, n’est-ce pas ?
En interdisant arbitrairement cette manifestation, toutes les conditions étaient volontairement réunies pour que ça tourne mal.

C’est étonnant de constater la mansuétude des gendarmes débonnaires ou autres représentants de l’autorité (généralement sans casques ni boucliers), lorsque des manifestants de la FNSEA viennent déverser lisier, fumier et autres détritus dans les giratoires ou devant les préfectures.

17/11/2022 14:21 par irae

Au sujet de l’évaporation, entendu sur Franceinfox un spécialiste qualifier 10 % de négligeable.
Sans publier les pollutions et autres croupissements de l’eau en surface.
Ps je maintiens on n’affronte pas les barbares à mains nues.

19/11/2022 21:09 par bostephbesac

10% ce n’ est pas négligeable, surtout quand l’ eau devient une valeur . Moi, j’ ai entendu 40%..................cela venait d’ un anti-bassines.

20/11/2022 11:16 par Assimbonanga

Bassine, gastronomiquement
Eau croupie sur lit de plastique.
Bonne agriculture !
Nourrir planète !
Bien manger !
Bon !

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