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Bayrou, le plouc de l’arène ?

Geneviève CONFORT-SABATHE

« L’époux de la reine, poux de la reine ! » Dans son opéra bouffe, la « Belle Hélène », Offenbach s’était délecté en parodiant le Second Empire. Napoléon III y était campé sous les traits du vieux roi Ménélas, cocu et un peu plouc. Le monarque insuffisant y avait gagné la sympathie des rieurs.

Je me propose de montrer que les mêmes causes produisant les mêmes effets, notre très surestimé troisième homme, le roi du poncif et de la patenôtre, l’ultra-européiste de droite, François Bayrou, est devenu, par la magie des médias, le gentil plouc du Béarn.

Dans l’arène politique, le présumé gogo a souvent pratiqué l’embardée, le virage à 90°, voire le tête-à -queue, dans le seul but d’avancer vers le pouvoir.

Je rends justice à mes camarades de la gauche radicale (NPA et FdeG) dont je ne partage pas le goût pour les agapes électorales mais dont je reconnais la constance en matière de dénonciation des différents traités de l’Europe capitaliste, autoritaire, conservatrice et machiste.

A contrario, l’engagement viscéral de l’éminence du Modem pour les Traités européens et pour les écoles privées n’a jamais varié.

François Bayrou, qu’on se le dise, adore l’Europe. L’Europe sociale bien sûr ! Surtout depuis qu’il a compris que pour prendre des électeurs au PS, il fallait afficher une certaine « mollitude » dans sa passion pour les différents traités : Maastricht le verni, TCE le honni et Lisbonne le déni…

Rappelons pour mémoire que François Bayrou fut un député européen quasi absent de l’hémicycle strasbourgeois, les Guignols de l’Info se sont régalés, pendant des mois, à lister les bonnes raisons qu’il avançait pour ne pas y aller.

François Bayrou, qu’on se le dise, adore la Laïcité. Surtout depuis un certain 16 janvier 1994 ! Ce jour-là , plus d’un million de Français excédés descendent dans la rue pour le faire reculer sur l’ignominieux « aménagement » de la loi Falloux.

François Bayrou, alors ministre de l’Education nationale, venait de faire adopter, en catimini, pendant les vacances de Noël, un amendement autorisant les collectivités locales à subventionner les établissements privés sous contrat.

Sous la pression de la rue, Bayrou, le calotin, ne bougea point mais le Conseil constitutionnel clôtura le débat en déclarant non conforme à la constitution la disposition essentielle du texte : le principe d’égalité s’opposant à ce que, dans certaines communes, certains établissements privés puissent être dans une situation plus favorable que les écoles publiques ou d’autres écoles privées.

François Bayrou adore les gueux. Dommage qu’en 2007, Edouard Fillias, président d’Alternative libérale, ait cru bon de le soutenir eu égard à sa grande ouverture d’esprit façon Gorbatchev ! Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Edouard. Quand on sait ce que recouvre cette think tank ultra libérale, nous pouvons raisonnablement nous inquiéter de ce flirt entre gens du milieu, milieu de l’échiquier politique s’entend.

Sur son site, voici ce qu’Alternative libérale propose pour réduire la dette sociale : « La retraite par répartition est profondément inégalitaire en exigeant la même durée de cotisation à des salariés à l’espérance de vie fort différente, en n’offrant aucun capital aux héritiers et ne permettant aucune modulation au cours de l’existence. Alors qu’un jeune actif souhaiterait consacrer naturellement l’équivalent de cette contribution forcée au remboursement d’un crédit immobilier pour un premier achat, il est contraint de cotiser lourdement au système pour payer les retraites en cours de ses aînés. »

François Bayrou adore la Présidentielle. Il accumule bourde et lapsus sur le thème : l’Europe c’est super mais vivement qu’on passe aux choses sérieuses : les élections nationales. Son dernier lapsus en plein meeting européiste a provoqué un tonnerre d’applaudissements. Ces partisans ont déjà un coup d’avance. Aux échecs, on appelle ça la prise en passant. Les Européennes, Bayrou s’en fout. Il veut être président de la France.

"C’est un illuminé, il pense que le doigt de Dieu l’a touché lorsqu’il est né pour qu’il devienne un jour président de la République". De qui ces propos incendiaires ? De Simone Veil, sa vieille copine qui le connaît mieux que personne.

Non, décidément, Bayrou n’est pas un plouc dans l’arène politique, il poursuit son chemin égotiste, égocentrique et égoïste.

Le plus inquiétant est qu’il fait le spectacle depuis que les partis de gauche ont décidé de se bouffer entre eux. Son dernier opus contre Sarkozy intitulé « Abus de pouvoir » achève de le présenter comme le défenseur de la veuve et de l’orphelin. Veuve et orphelin de la gauche perdue.

Bayrou, le plouc de l’arène ? Non, plutôt un pur produit du marketing : l’intérieur ne vaut pas l’emballage et encore moins l’emballement.

Geneviève Confort-Sabathé

Militante sans parti
Docteure en Sciences de l’éducation
Mon site personnel :
http://www.genevievesabathe.fr/

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03/06/2009 10:40 par Maxime Vivas

Mardi 26 mai, 15 heures, librairie Castéla Toulouse, conférence de presse de François Bayrou.

La librairie m’a fait parvenir un « service de presse » du livre «  Abus de pouvoir » et m’a invité à la conférence de presse en qualité d’animateur sur Radio Mon Païs d’une émission culturelle qui comprend une rubrique « littérature ».

Le directeur de la radio a été clair  : « CSA oblige, pendant la campagne électorale officielle, pas de pub pour un candidat. Et ce livre ne sort pas ces jours-ci pour rien ».

Avec l’idée d’en parler après le 7 juin, j’ai néanmoins lu le livre. Je suis le seul parmi les journalistes présents, je crois. On se retrouve à sept ou huit, assis autour d’une grande table carrée dont un côté est occupé par F. Bayrou et ses deux têtes de listes dans le Sud-Ouest, faisant figure de serre-livres muets.

J’ai mis mon costar, mais celui de Bayrou est mieux et sa chemise semble encore empesée.

Je dois préciser que je fais parti des auteurs qui soutiennent Cesare Battisti et que Fred Vargas dit volontiers que F. Bayrou aussi. Mais est-ce un sujet à aborder avec un homme qui fait campagne au centre ? Bien sûr que non. Donc, j’y vais :

« Monsieur Bayrou, je crois que je ne vais pas poser la bonne question, mais je suis venu un peu pour ça, alors je la pose. Vous évoquez plusieurs fois dans votre livre la parole de l’Etat, vous faites l’éloge des « valeurs », vous prônez la nécessité pour les hommes politiques de n’avoir pas un double langage ou un langage évolutif en fonction des circonstances. Il se trouve que je suis un ami de Cesare Battisti emprisonné au Brésil, en attente de libération.

L’écrivain Fred Vargas m’a dit que vous vous intéressez à cette affaire.

Battisti avait trouvé refuge en France, attiré par la « doctrine Mitterrand » qui disait (et qui ne disait rien d’autre) que les anciens activistes italiens qui avaient renoncé à la violence trouveraient chez nous un asile sûr. Si vous êtes demain « en responsabilité », ferez-vous respecter la parole de l’Etat dans cette affaire, ce qui permettrait à Battisti de retrouver sa femme et ses filles à Paris et de poursuivre le cycle de conférences qu’il avait entamé dans les collèges et les lycées afin de dire à notre jeunesse que la voix démocratique passe par le débat d’idées, par les urnes, pas par les fusils ? ».

J’ai vu, de mes yeux vu, un voile de tristesse se poser sur les yeux de l’interpellé. Voix lasse : « Battisti, oui, cette affaire, on a en beaucoup, parlé. Fred Vargas, hmm, Fred Vargas… Voilà , je me suis déjà exprimé, je ne souhaite pas en parler davantage. ».

Silence, déception générale perceptible puis, presque murmuré : « Je pense que la parole de l’Etat doit toujours être respecté, voilà . »

Quand, plus tard, je pose une autre question sur un problème largement développé dans le livre, celui de la mainmise du Pouvoir sur la presse, François Bayrou se venge du trublion. Il projette brusquement son buste au dessus de la table, lance son index, bras tendu, vers mon exemplaire de son livre et s’exclame : « Si vous aviez lu mon livre au lieu de vous arrêter à la page dix, vous connaîtriez la réponse ». Mais c’est que je l’ai lu, sans effort, bien écrit, intelligent, convaincant par moments (il est fort !).

Après ce coup de patte griffu du fauve, la preuve est faite que la marionnette des guignols se goure : c’est un « tueur ». Deux journalistes avec qui j’avais discuté auparavant et qui avaient vaguement l’intention de lui demander si ses enfants avaient fréquenté l’école privée catholique (il dit dans son livre qu’il a fréquenté l’école laïque, mais ne dit rien pour ses enfants) préfèrent se taire ou parler d’autre chose.

Pour le reste de la conférence, Bayrou ouvre par un exposé de son choix et termine de même. Entre temps, il élude les questions importunes : « Je ne souhaite pas parler sur le sujet, j’ai déjà exposé mon sentiment, je ne ferai aucun commentaire, je vous donne rendez-vous dans quinze jours pour en parler, etc. ».
Puis il dit « Voila ! » ce qui signifie « Caltez volaille » car à présent FR3 national et la Dépêche vont enregistrer, filmer, photographier le chef.

Conclusion : divorce total entre l’image de Bayrou par lui même dans son livre et Bayrou en vrai, face à la presse locale qu’il regarde avec une condescendance polie, sans essayer d’être sympa.

Bon, on n’est pas là pour copiner, non plus.

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