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Burkina Faso : L’heure est à la réparation des séquelles de l’excision par Tiego Tiemtoré.


IPS, Ouagadougou, 26 janvier 2006


Mariam Zoungrana contient difficilement sa joie. Excisée depuis l’âge de trois ans, elle en a aujourd’hui 32 -, elle a bénéficié d’une prise en charge réparatrice des séquelles de l’excision à la clinique El Fateh-Suka, à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.


La disponibilité de l’équipe du professeur Michel Akotionga, gynécologue obstétricien, lui a redonné de la joie. ’’Maintenant ça va !’’, se contente-t-elle de lâcher quand on lui pose une question.

Oui, désormais, la vie est possible après l’excision !

Selon des données du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), 66 pour cent des femmes seraient encore excisées en 2005 au Burkina Faso, contre 70 pour cent, il y a vingt ans.

La forme de l’excision la plus fréquente ce pays d’Afrique de l’ouest est l’ablation du clitoris souvent associée à celle des petites lèvres du vagin, selon le Comité national de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE), créé en 1990 par l’Etat.

Le Burkina Faso fait figure de précurseur en Afrique dans la lutte contre l’excision. Avec une loi contre l’excision adoptée en 1996, des comités de lutte dans tout le pays et un numéro d’appel d’urgence (SOS excision), le Burkina n’a guère lésiné sur les moyens.

Après des années d’efforts de lutte contre le fléau, le sujet n’est plus tabou et les mentalités commencent à changer, mais lentement, affirme le CNLPE.

Aujourd’hui, une autre dimension de la lutte est la prise en charge médicale des femmes excisées, même si beaucoup d’entre elles s’expriment peu sur la question.

’’La sexualité est tabou en Afrique. On a honte ou peur d’en parler. Aussi, beaucoup de femmes vivent des drames silencieux, alors que la médecine leur permet aujourd’hui de soulager un tant soit peu la souffrance des femmes victimes de l’excision’’, confie à IPS, Fatim Ouédraogo, une psychologue à Ouagadougou.

Le Burkina a donc fait un pas en avant avec la mise en place d’un mini-bloc opératoire et d’un service d’entretien-conseils spécifiquement voués à la réparation des séquelles de l’excision, et qui reçoit beaucoup de jeunes filles et femmes comme Zoungrana.

’’Beaucoup de femmes ignorent qu’une réparation des séquelles génitales est possible. Moi-même, il a fallu la pression d’une amie infirmière pour me convaincre d’aller à la clinique El Fateh-Suka’’, a déclaré à IPS, Amy Sawadogo, une autre femme excisée.

Le pays s’est engagé depuis deux ans à former spécifiquement des médecins et autres personnels médicaux en technique de réparation des séquelles de l’excision.

Avec le soutien du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, le CNLPE multiplie les sessions de formation des agents de santé pour cette nouvelle technique médicale.

’’L’objectif est d’échanger sur les différentes techniques de réparation des séquelles de l’excision et les problèmes que rencontrent les femmes suite à l’excision’’, indique à IPS, Ladji Zougmoré, un formateur du CNLPE.

Selon le CNLPE, c’est une soixantaine de gynécologues obstétriciens, médecins, opérateurs qui ont reçu une telle formation en deux ans.

’’Après l’excision, la réduction de l’orifice vaginal provoque des douleurs pendant les rapports sexuels, et souvent leur impossibilité. Il peut y avoir rétention des urines ou du sang des règles, ou encore incontinence. Lors de l’accouchement, il y a des déchirures importantes du périnée’’, explique le professeur Akotionga, en évoquant les séquelles.

La dernière formation s’est déroulée en décembre dernier et a regroupé 25 médecins, opérateurs et aides-opérateurs venus de six centres hospitaliers régionaux du pays et de 13 centres médicaux ayant une antenne chirurgicale.

Pour être efficace, la formation - qui doit s’étendre à toutes les 13 régions du Burkina d’ici à 2008 - allie la théorie à la pratique autour des thèmes variés.

’’C’est dans le souci de doter les apprenants de connaissances et de compétences adéquates pour une prise en charge efficace des victimes de séquelles de l’excision’’, souligne Mariam Lamizana, ancienne ministre de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, qui a dirigé le CNLPE pendant dix ans.

’’La formation explore la nature des séquelles, les différentes techniques capables de les réparer et des activités pratiques faites dans les blocs opératoires. Cette formation est bénéfique dans la mesure où elle permet d’avoir une vision globale desdites séquelles’’, constate Dr Dramane Wanda, un médecin bénéficiaire.

Dr Josiane Ouédraogo, une femme médecin bénéficiaire de la formation, s’estime désormais ’’être en mesure de prendre en charge la victime bien avant l’accouchement afin de lui permettre d’avoir une vie sexuelle normale’’ plus tard.

Grâce aux nouvelles connaissances acquises, ’’tous ces bénéficiaires peuvent réparer et restaurer les organes génitaux des femmes et filles victimes de l’excision. Ceci afin de permettre à ces victimes de ce fléau d’avoir des accouchements sans complications et de vivre des relations sexuelles épanouies’’, indique un document de synthèse du CNLPE au terme de la dernière formation.

La réparation des séquelles de la pratique de l’excision n’a désormais plus de secret pour tous ceux qui ont été formés. En plus, la clinique El Fateh-Suka offre aux femmes sa capacité à réparer, à restaurer les organes pour corriger des anomalies afin de rétablir leurs fonctions initiales.

La clinique reçoit une dizaine de cas sérieux mensuellement. Mais ce chiffre va aller en grossissant en raison de la formation reçue par la soixantaine de spécialistes et de la sensibilisation, mais aussi du fait que la peur et la honte perdent du terrain.

La prise en charge est gratuite, mais les bénéficiaires prennent en charge les frais d’ordonnance relatifs aux soins. Pour le moment, le travail de réparation est intégré dans le budget global de toute la clinique. En décembre dernier, elle a reçu un don de 300.000 dollars environ d’une délégation taiwanaise, qui servira à l’achat d’une table de radiologie et d’un ensemble d’échographie ultramoderne.

La clinique relève de la Fondation Suka, dont la présidente fondatrice est la première dame du Burkina Faso, Chantal Compaoré, également présidente d’honneur du CNLPE.

Pour des milliers des femmes excisées, le désir d’avoir une vie affective et reproductive normale n’est plus un rêve, affirme le CNLPE ! (FIN/2006)

Tiego Tiemtoré

 Source : IPS http://ipsnews.net/fr



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