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Comunicado 2 : De la stigmatisation des Indignés à la réaffirmation du consensus

On vous l’avait dit ! Cette semaine, le mouvement des Indignés à Barcelone s’est intensifié autour de deux évènements d’importance : une mobilisation le 15 juin devant le Parlement de Catalogne pour s’opposer au vote des coupes budgétaires et une manifestation internationale le 19 juin contre la gestion par les pouvoirs en place de la crise financière.
Vous n’en avez pas entendu parler en France, c’est pas étonnant ! Mais on est là pour pallier...

15 juin

L’Acampada de Barcelone a appelé à manifester le mercredi 15 juin devant le Parlement pour protester contre le vote du budget 2011(1) du gouvernement de Catalogne (la Generalitat) et contre l’avant-projet de loi dite Omnibus(2).

Les Indignés ne se sentent pas représentés par la classe politique. Ils réclament que les décisions, lourdes de conséquences pour les citoyens, soient soumises au scrutin populaire. Ils questionnent la légitimité des institutions politiques au regard du système électoral (majorité absolue obtenue avec 30 % des votes) et de l’important pourcentage d’abstention(3).

Les Indignés prévoient d’arriver la veille au soir, de passer la nuit dans le parc de la Ciutadella où se trouve le Parlement et de former une chaîne humaine pour empêcher les parlementaires d’entrer le 15 au matin. L’action est explicitement annoncée comme non-violente, déterminée et massive.

Sans surprise, les Mossos d’Esquadra (CRS catalans) ferment le parc dès 18h le 14 juin. Cinq milles manifestants (El Pais, 15/06/2011) se regroupent vers 20h aux entrées du parc où des conférences et l’assemblée générale du mardi se tiennent. Environ 3 000 manifestants passent la nuit du 14 au 15 devant le parc de la Ciutadella. (El Pais du 16/06). Profitant de l’annonce publique de la convocation des manifestants à 7h du matin, plus de 550 Mossos sont envoyés à 6h pour déloger à coup de matraque les campeurs et débloquer brutalement une des entrées du parc. Une dizaine de dormeurs sont détenus. Un couloir de fourgons est immédiatement formé. Le décor est planté. Dans la matinée, des parlementaires entrent au compte-goutte, sous les huées de la foule et sous escorte policière. Des voitures officielles, dont celle du président de la Generalitat, Artur Mas doivent faire demi-tour : le reste des parlementaires est acheminé dans l’enceinte du parc par fourgons et par un hélicoptère de la police. Le jour même, la presse nationale et locale fait écho de confrontations très violentes et d’agression antidémocratique. Pourtant le 15 juin, les 135 députés catalans siègent bel et bien au parlement et les chiffres officiels font seulement état de deux députés et un chien bousculés et deux autres élus ayant reçu de la peinture sur leur costume (El Pais, 17/06/2011).

Le 16 au matin, les médias centrent leurs reportages sur la violence d’une partie des manifestants. Les images sont soigneusement choisies pour illustrer l’histoire. Aucun blessé n’est pourtant a signaler parmi les élus. Les journalistes accrédités sont tour à tour incités à prendre des clichés et à filmer lors des agitations puis écartés lorsque les Mossos frappent des manifestants (36 blessés dont 12 CRS selon La Vanguardia du 15/06/2011). Silence sur les causes de la mobilisation et sur l’intelligence collective mise en oeuvre depuis le 15 mai. On met l’accent sur les divisions internes des Indignés.
Pourtant, le scénario ne correspond pas avec l’expérience des milliers de manifestants sur place. Des images amateurs montrent en fait la violence de la police envers les manifestants. Un groupe de "manifestants violents" , dont certains se cachent le visage et l’oreillette, sont discrètement évacués par une petite brigade de Mossos. Les vidéos disparaissent de Youtube dans la journée.

La classe politique (gauche, centre, droite, verts...) s’insurge contre le mouvement 15M, dénonce l’aspect anti-démocratique de l’action et affirment que les indignés ont "passé la ligne rouge" . Artur Mas, président du gouvernement catalan annonce des sanctions exemplaires pour la dizaine d’Indignés interpellés et en profite pour justifier a posteriori les violences policières du 27M. 

Cette réaction spectaculaire des politiques relayée par les médias de masse retombe rapidement. Petit à petit les journaux se font d’avantage l’écho des positionnements de l’Acampada qui se désolidarise des actes de violence d’où qu’ils viennent. Des articles critiques fleurissent sur la toile pour dénoncer les "médias mensonges" . Après une telle stigmatisation, qui se déclare encore indigné ?

19 juin

La plus belle démonstration de défiance au pouvoir politico-médiatique reste la manifestation du 19 juin. Si les désobéissants du 15 juin étaient quelques milliers, 200 000 personnes(4) venues de toute la Catalogne descendent dans les rues de Barcelone en ce dimanche après-midi, dans une ambiance "familiale et festive" selon les titres des plus grands quotidiens espagnols. Ravis de la mobilisation de masse, dés les premières heures les organisateurs lancent des message ironiques à la presse et au gouvernement sur sites et réseaux sociaux : "des centaines de milliers de perroflautas déguisés en gens normaux arpentent les rues des grandes villes d’Espagne" . Dans les rues on scande : "ils nous diront plus tard que nous étions seulement 5 ou 6 dans la rue !" .

Cette nouvelle mobilisation populaire entend protester de façon globale contre les mesures d’austérité. En Espagne, elle vise essentiellement le système bancaire, la corruption politique et le Pacte Euro "plus" , adopté par la Commission européenne en mars dernier et actuellement en discussion au Parlement européen. (Liens Le Monde, Libération, RTBF). A Barcelone, l’appel à manifester déclarait entre autre : "la rue est à nous. Nous ne payerons pas leur crise" .

Les médias sont unanimes, la mobilisation a été pacifique, festive et bien organisée.

A l’instar de l’épisode de répression violente du 27 mai, la réaction face à la presse mensongère de masse du 16 juin prouve que le peuple n’est plus dupe. Bien au contraire, les tentatives de déstabilisation et de division du mouvement opérées par le pouvoir ne font que renforcer les liens de solidarité des Indignés et leur persévérance. No nos representan y no pasarán !

La vitalité du mouvement

Parallèlement à l’organisation de ces évènements, deux textes importants réunis sous le titre "Principes pour l’action" ont été votés en assemblés et publiés cette semaine sur le site de l’Acampada de Barcelone : l’un intitulé "Premières mesures pour une vie digne" et l’autre "Principes pour un commencement inachevé, mesures pour éradiquer notre mal-être" . On constate que la mise en place d’actions concrètes immédiates n’empêche en rien de continuer à élaborer une stratégie sur le long terme. Ce dynamisme du mouvement et sa capacité d’auto-apprentissage s’inscrivent dans la continuité de la Déclaration de principes et des Revendications minimales (rédigés au début du mouvement) et sa détermination à proposer de véritables alternatives au système actuel.

En outre, à peine achevée la mobilisation du 19 juin, la marche populaire indignée démarre dans toute l’Espagne(5). Durant cette marche, l’idée est de parler du mouvement dans les différentes villes et villages traversés, d’organiser des assemblées et de "se nourrir de l’histoire des luttes locales" . Fin du parcours prévu à Madrid le 23 juillet.

Le Comunicado 3 traitera plus en détails de cette marche populaire.
En attendant, re-couragez-vous en regardant les photos et vidéos de la semaine sur le site de l’Acampada !

Les Indignad@s du Café Repaire de « Là -bas si j’y suis » de Barcelone.

(1) le budget 2011 de la Generalitat prévoit, entres autres, de nouvelles coupes budgétaires (les "Retallades" ) dans les secteurs de la santé (-10%) et de l’éducation (-7%), de nouvelles réductions des aides sociales (par exemple -74% pour le Secrétariat à la famille), des conditions d’accès plus contraignantes aux services sociaux et sanitaires pour les étrangers et les non-catalans, puisqu’il faudra justifier 5 ans de résidence en Catalogne pour jouir de certains droits sociaux, et 6 mois pour être bénéficiaire de la Sécurité Sociale.

(2)La "Llei de Simplificació, d’Agilitat i Reestructuració Administrativa i de Promoció de l’Activitat Econò mica" , dite loi Omnibus, est un paquet législatif qui modifie 80 lois existantes afin par exemple de faciliter la présence du secteur privé dans la Santé Publique et la gestion de l’eau, restreindre les espaces naturels protégés pour faciliter la spéculation immobilière et la circulation motorisée, affaiblir le droit au logement, à la santé, à la culture.

(3) Aux élections municipales de mars dernier, les abstention s’élèvent a 33,77 %, les votes blancs à 2,24 % et les votes nuls 1,7% ce qui porte à 37,71% la population qui ne s’est pas prononcée.

(4)260 000 selon les organisateurs, 200 000 personnes selon AcampadaBCN, 98 000 personnes (El Pais, 20/06/2011), 75 000 selon la police et 50 000 selon l’Intérieur. A Madrid, près de 40 000 (sources El Pais).

(5)A l’heure actuelle sont confirmées les marches suivantes :
Route Nord Orientale, depuis Barcelone. Départ le 25 juin arrivée le 23 juillet.
Route Est, depuis Valence, Départ le 19 juin, arrivée le 23 juillet.
Route Sud, depuis Cadiz. Départ le 23 juin, arrivée le 23 juillet.
Pour plus d’info : http://marchapopularindignada.wordpress.com

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