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Constitution européenne : « La bête » par Patrick Mignard

Lorsque l’on veut faire peur à des enfants, ou autrefois quand on voulait terroriser une population on inventait « la bête », une entité mal définie, aux contours flous mais à l’action maléfique garantie. Dans les périodes calmes, nul besoin d’avoir recours à ce subterfuge, mais en période de crise elle constituait un efficace moyen de pression et de contrôle.

Il fallait bien s’y attendre : les partisans du OUI, à l’approche de l’échéance et devant le ridicule de leur argumentation et la stagnation de leur score dans les sondages, sont en train d’engager leurs réserves. Après la pseudo rationalité, logique de leur discours qui n’a pas l’air d’avoir un effet positif les concernant, ils utilisent la peur.

C’est d’abord la peur du chaos, de l’isolement : « si vous ne votez pas OUI, ce sera le chaos en Europe, voire la guerre... au mieux nous serons isolés, presque excommuniés ». L’argument n’a pas l’air d’émouvoir les foules, saturées de ce genre de discours manipulatoire... l’inconscient collectif a en mémoire le coup du « moi ou le chaos » qui a fait mordre, en 1969, la poussière à l’Homme du 18 juin qui s’est retiré sans demander son reste. De chaos point !

Il faut donc passer au cran supérieur pour faire céder ces « obsédés du NON ». La peur du rouge n’effrayant plus que les bêtes à cornes, on a change de registre... on est allé chercher le dernier épouvantail disponible dans la panoplie politique. Devinez qui : LE PEN bien évidemment.

Depuis quelques jours, alors qu’il était quasiment à la retraite, perclus physiquement de rhumatismes (on nous l’a même montré marchant avec une canne) et politiquement de conflits de pouvoir, le revoici guilleret s’exposant avantageusement devant les caméras et les micros généreusement tendus.

A l’entendre, le NON c’est lui. A l’entendre c’est lui qui incite les millions de citoyennes et citoyens à voter NON. A l’entendre, le NON qui s’exprime aujourd’hui c’est le« NON national », le « NON du Front National »... et bien évidemment, toujours selon lui, la victoire du NON serait (sera il est sûr et le dit), celui du Front National).

Quel effet peut avoir cette manipulation sur le citoyen hésitant qui s’apprête à voter NON ? La petite voix médiatique lui répètera jusqu’à l’isoloir : « Réfléchis bien, es-tu sûr de ton NON ? Es-tu sûr que ton NON est bien le tien et pas celui du FN ? Et même si tu en es sûr, dans l’urne il n’y aura aucune différence... Alors ? ».

Le doute est insinué...« Ai-je le droit de voter comme le Front National, même et surtout si les bulletins n’ont pas d’odeur ? » « La victoire du NON ne risque-t-elle pas d’être celle du Front National ? ».

Oh, celui là ne votera pas OUI, mais il ne votera pas non plus NON... ce qui est finalement tout bénéfice pour le OUI.

Cette manipulation scandaleuse nous allons probablement la subir jusqu’au scrutin. Les enjeux sont tellement énormes que les politiciens favorables auOUI n’hésiteront devant aucune bassesse pour renverser la tendance qui se profile.

Soyons adultes et ne nous laissons pas épouvanter par des contes imaginaires.

Chassons la bête de nos têtes.

Patrick MIGNARD

Constitution Européenne : Souvenez-vous de Maastricht ...

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COMMENTAIRES  

10/04/2005 15:36 par Anonyme

Bonjour.

En plus des diverses manipulations psychologiques qui ne vont pas manquer de s’intensifier durant les semaines à venir, et que vous dénoncez à juste titre, il me semble déceler parmi les partisans du Oui une stratégie de « rattrapage » dont je soumets l’aspect démocratique à votre attention.

En cas de victoire du Non, on commence à entendre que la solution à « l’erreur » de J. Chirac consistant à consulter par voie référendaire serait « rattrapable », le vote des Français restant finalement sans conséquences.

A cette fin, après le refus de la constitution, une modification purement cosmétique de points accessoires du texte serait envisagée. Ce nouveau jus serait alors soumis à la France, mais cette fois, par voie parlementaire, nos élus ayant parfaitement compris l’attente du peuple…

Le résultat se passerait alors de commentaire !

Que nous resterait-il alors comme moyens pour faire respecter le choix du peuple souverain ?

Guy.

10/04/2005 16:27 par cabron

Guy a raison, "ils" ont plus d’une ressoource, notamment financière, pour asservir l’opinion . Mais un NON à 52% et un NON à 59%, "leur" réponse sera différente. Dans le schema de manoeuvres politico-parlementaires, suggéré par Guy, ce serait dans un contexte où, fort du refus au referendum, chacun rentre chez soi, et laisse faire. Au contraire, si le NON est la concrétisation d’une montée en profondeur des consciences, d’une popularisation de nos analyses, au-dela du texte du projet de TCE plus ou moins édulcoré, l’exigence d’une réelle consultation ne peut retomber. Il faut aussi compter sur l’effet de "transfection" sur les opinions publiques des autres citoyens européens . N’arrêtons pas...pour qu’un vélo ne tombe pas, il faut continuer de pédaler, alors, on prend de la vitesse !!!

10/04/2005 18:56 par elia

ne nous laissons pas épouvanter, avant qu’une nouvelle mouture soit représentée devant le parlement française, de nouvelles alternances politiques peuvent intervenir. Je suis convaincue que notre marge de manoeuvre est plus importante que ce soit que nous croyons. En Europe, le NON progresse partout même dans des pays qui n’ont pas eu le choix référendaire. Et même surtout dans ces pays. Notre honneur et notre devoir est de porter aujourd’hui en France, l’espoir des autres peuples. Inutile de dire que j’espère que notre Non serait largement majoritaire. Plutôt 60% que 51%, évidemment.

11/04/2005 19:50 par Anonyme

Faites la révolution !
Sur l’histoire de "la bête", je crois plutôt que ce sont les partisans du Non (de gauche, légitime, louable, etc.) qui font plutôt dans la paranoïa en ce moment.
Sur l’histoire du FN : Nous avons déjà vu ce que donnait la surenchère de la gauche en 2002 : victoire de la droite qui se nourrit elle-même de l’extrême droite.
Sur le "Moi ou le Chaos" : Certes, le Non n’entraînera pas le chaos, comme la démission de de Gaulle n’a pas entraîné le chaos, juste 10 ans de Gouvernements de droite...

Ces précédents parlent d’eux-mêmes !
Bon (grand) soir

12/04/2005 18:35 par Patsart72

Je crois que vous avez raison. Si le non l’emporte, les français sont des veaux qui ne comprennent rien n’est-ce pas ? et bien on va nous la resservir en septembre avec un vote du parlement. Les députés sont d’accord avec cette contitution car cela servira leur ego par une dimension europeenne. Le bolkesfrankestein directive reviendra et le peuple français, comme souvent, va se faire avoir. Est-on encore en démocratie ? Ne va-t-on pas vers une révolution suicidaire pour notre pays ? Car un jour le peuple va se réveiller, dans un an, dans 10 ans, surement un jour. Comme il ne sera plus écouter, le seul moyen qui lui restera sera la rue la révolte avec toutes les malheureuses conséquences que l’on sait. Les Medef, eux, auront eu le temps de délocaliser leurs avoirs. Qui paiera ?

13/04/2005 18:50 par achab

vous me faites peur en disant que l’europe telle qu’elle est proposée (concurrence pure et parfaite garantie et toute puissance de la commission européenne seule apte à proposer des lois !) pourrait assurer le bonheur des peuples ; croire et faire croire cela revient à dire que l’on s’inscrit dans une dynamique effroyable : celle de l’exclusion systématique de tous les peuples qui ne figurent pas dans les ghettos riches (usa, europe, zone yen) et exclusion à l’intérieur de ces ghettos par précarisation des situations de travail et concurrence entre les salariés des différents pays de la zone euros (regardons la situation faite d’ores et déjà aux travailleurs agricoles en espagne..la très catholique !)

il est encore temps de se mettre au diapason de son idéal (pour ceux à qui il en reste) : de la démocratie avant tout et donner voix au chapître à toutes celles et tous ceux qui sont dans la difficulté et ne pas nous enfermer volontairement dans un piège économique terrible ; non à la soumission volontaire !
que ceux qui veulent vivre à genoux le fassent dans l’isolement de leur prière

10/04/2005 15:43 par Anonyme

merci

Irene

10/04/2005 18:12 par Morico

Non de gauche=60% du non. Oui de gauche=40% du oui.Hollande ment

Les sondages restent très flous : par exemple le non avec un point moyen de 54% oscillerait, vu les plages d’incertitude de 8 points autour de cette valeur, soit entre 46 et 62%selon un article reproduit dans Acimed, et on est à 7 semaines du vote...

Cependant, basons-nous un instant sur ces données très parcellaires, en reprenant les scores des régionales -gauche : 50% des voix ; droite : 36% des voix ; extrème droite :14% des voix.
Appliquons les pourcentages donnés pour le oui et le non pour les différentes familles politiques.

Pour le non:extrème droite:80% de 14%=11,2% ; droite : 30% de 36%= 10,8% ;gauche:62% de 50%= 31%. Le non de gauche représente 60% du non et le non républicain 80%. Hollande ment.

A l’inverse le oui de gauche représente 19% des exprimés, (soit50-31) c’est à dire 19/ 47=40% du Oui. Le oui de droite est largement majoritaire dans le total des oui. Seuls les porte parole du oui de gauche ne veulent pas reconnaitre leur suivisme de la droite. Ceci explique leur agressivité et leurs contre-vérités.

11/04/2005 09:32 par Jean-Marc Silvestre

J’admire ceux qui savent décompter dans les urnes les "non de gauche" et les "nons de droite" !
Le problème est : cette constitution est-elle oui ou non d’inspiration néo-libérale ? Je crois que pour tout électeur de bonne foi la réponse ne peut être qu’affirmative ! Ensuite cet électeur doit répondre en fonction de ses opinions et préférences et non en fonction des marionnetttes qu’on lui exhibe sur son téléviseur.

Quant à La Pen depuis que j’ai vu la mine attérée qu’il affichait la soir du premier tour des présidentielles, j’ai défintivement compris que pour lui la politique n’était qu’un moyen de s’enrichir aux dépens des gogos qui le suivent. La façon dont il a torpillé ceux qui voulaient rendre le FN présentable n’ a fait que confirmer mon opinion !

Mais attention je ne dis pas qu’on ne va pas essayer encore d’ameuter le bon peuple contre la "menace Le Pen", mais nous devons ramener cette mence à sa juste valeur : un épouvantail bien amoché !

11/04/2005 21:27 par Philippe Lelong

Défendre la démocratie.

S’il n’y avait qu’une seule raison pour justifier le NON, pour moi ce serait celle-là  : voter un texte qui "constitutionnalise" des dispositions qui relèvent normalement de l’exercice courant de la politique, pouvant faire l’objet de modifications au gré des alternances ou de l’évolution de la société, c’est enterrer un peu plus la démocratie, déjà bien mise à mal dans la construction européenne.

Et tout ce qui fait reculer la démocratie fait le lit de la bête immonde. En ce sens, même si sa posture lui interdit d’appeler à autre chose qu’au NON, Le Pen a bien évidemment tout intérêt au OUI, qui va affaiblir la démocratie, renforcer la distanciation entre politiques et technocrates européens d’un côté, populations de l’autre... on s’étonnera après de la désaffection des peuples pour la Politique (avec un petit ou un grand P, hélà s et justement).

J’ai lu le compte-rendu d’un chat organisé récemment par LeMonde.fr avec Ségolène Royal. Elle explique qu’il y a bien un code civil ou un code pénal qui rassemblent des textes traitant des mêmes sujets, alors pourquoi pas une constitution traitant du fonctionnement de l’Europe. Incroyable énormité à laquelle personne ne donne la répartie !!! Le code civil ou le code pénal font-ils partie de la constitution française ??!! Non bien sûr, ce sont des lois que l’on peut (et doit) modifier au fil du temps, dans le cadre du travail parlementaire (et donc démocratique, tant qu’on n’a pas trouvé mieux).

Une constitution, c’est un texte synthétique de quelques pages (ou dizaines de pages au maximum), qui détermine les valeurs fondatrices d’un Etat et les principes de fonctionnement de ses institutions. Pas le détail de la politique à appliquer dans tel ou tel domaine. Point.

A la limite, même si ce texte ne comprenait que des dispositions avec lesquelles je serais en plein accord, j’appellerais à voter NON si celles-ci ne relevaient pas du champ constitutionnel (mais c’est une déclaration d’intention toute théorique, on est bien loin de cette situation !).

L’Europe a impérativement besoin d’un renforcement de ses processus démocratiques, d’une plus grande implication des peuples dans son fonctionnement, et là on va exactement dans le sens opposé...

Alors NON, NON et NON !

20/04/2005 11:29 par véronique N

J’ai "intuitivement" été allertée par le projet de ce traité constitutionnel il y a quelques mois. j’ai assisté à des conférences, cherché sur internet les arguments du oui et du non, et bien sûr je me suis procurée le texte. Plus j’avance dans mes recherches, plus m’est incompréhensible la position des verts (pourront-ils se regarder en face, lorsqu’ils se battront contre les OGM alors qu’ils signent nationalement un texte qui constitutionalise le développement de l’agriculture intensive ?), du parti socialiste (alors que ce texte est ultra-libéral, partie 3)... des partis qui en principe n’ont pas une idéologie ultra-libérale et sont en principe attachés aux valeurs démocratiques(il n’y a pas eu d’assenblée constitunte...). Je ne trouve que deux réponses possibles : soit ils n’ont pas lu le texte et restent dans l’imaginaire de leur idéal européen rejetant ainsi le rapport à la réalité soit c’est une stratégie politique pour reconquérir le pouvoir en nous faisant croire à l’avenir qu’ils se battront sur des points du traité constitutionnel à améliorer, or nous savons que la règle de l’unanimité entre 25 pays rend illusoire toute modification. Les partisans du oui, ont des arguments "affectifs" et "psychologiques" qui ne se réfèrent jamais aux articles du texte, et je me rends compte à quel point il est parfois difficile d’accepter que la réalité ne soit pas conforme à ses propres rêves. Il faut je crois accepter de sortir de soi même, lire et analyser le texte avec sa tête, puis voir s’il correspond à son coeur. Pour moi c’est non, j’aime trop la vie et les vivants. Je crois que c’est voix par voix que nous pourrons nous faire entendre et refuser un modèle de société décidé par quelques uns. Depuis trois mois je répertorie les articles, écris des textes et envoie tout ce que je peux à tous les gens que je connais. Si nous le faisons tous, l’outil internet est l’arme qui peut neutraliser la volonté de ceux qui veulent nous maitriser.

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