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De l’impunité des crimes de l’Occident à l’impuissance collective des peuples, jusqu’au bout de la menace apocalyptique, il y a les brins multiformes de la spirale de l’indigence pour tous : ultime état mental de notre humaine défaillance ! (Partie 1)

Dans cette tribune, nous proposons une réflexion atypique, voire hérétique, pour repenser le sens et réapproprier les enjeux de la notion de ‘‘conscience’’ dans les nouvelles formes de lutte à conduire contre l’indigence multiforme que le capitalisme sème à grands vents apocalyptiques sur tous les continents et par toutes les saisons. Cette réflexion nous semble contextuellement nécessaire, car, dans sa perspective de faisabilité humaine de l’histoire, le matérialisme dialectique avait postulé que la condition sine qua non de la révolution dépendait de la transformation de l’aliénation capitaliste en puissance insupportable (Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie Allemande). Or, le constat de l’évolution du capitalisme comme puissance monétaire insupportable est unanimement acté. Selon Marc Chesney, professeur de finances à l’Université de Zurich, « jamais dans l’histoire, il n’y a eu cette concentration de richesse en quelques mains ». Et cette situation est d’autant plus insupportable qu’elle est dangereuse. Puisqu’au demeurant, cette oligarchie financière tient tant à ses avoirs économiques, qu’elle ne jure que par la croissance et l’abondance, et qu’elle est prête à rôtir l’humanité rebelle à ses indigences au feu nucléaire. En effet, cette oligarchie s’est arrogée tous les droits : elle a pendant longtemps maintenu en esclavage une grande part de la population mondiale, notamment dans les pays du Sud ; elle a mis en échec la démocratie et le modèle social qu’elle avait, contre son gré, octroyée aux populations du Nord, après la seconde guerre mondiale, dans sa volonté de faire échec au bloc communiste qui s’imposait, par son triomphe sur le nazisme, comme un modèle alternatif. Ayant manœuvré jusqu’à s’imposer comme unique modèle dominant, après l’effondrement du bloc de l’Est en 1991, cette oligarchie a tant voulu étendre sa croissance, qu’elle a muté son modèle économique néo-libéral de détérioration des écosystèmes et des espaces humains en géostratégie de la globalisation, dans l’optique d’absorber toutes les richesses du monde. On comprend aisément pourquoi Et se sentant menacée par les puissances émergentes qui veulent un monde multipolaire, moins soumis aux diktats de l’État unique sous contrôle de cette oligarchie financière et prédatrice, elle semble assumer le risque de conduire l’humanité au bord de la guerre apocalyptique.

De Gaza à Haïti : une même errance de la conscience humaine

Et pourtant, quoique cette gangrène, qui sème le chaos et les précarités pour sa croissance et son abondance, soit, en cette fin du premier quart du XXIème siècle, unanimement reconnue comme puissance monétaire et totalitaire insupportable, l’humanité n’a jamais été aussi impuissante et éloignée des fronts de la révolution. En prenant les exemples de Gaza et de Haïti, nous pouvons modéliser les termes des problèmes que confrontent ces peuples par des équations équivalentes qui font intervenir des concepts invariance, impuissance et errance s’imbriquent et s’enchevêtrent comme des variables structurantes d’une même représentation du réel, d’un même monde aliéné, d’une même volonté de ceux qui ont tout de déshumaniser ceux sont tout par leur dignité ; et cela malgré l’éloignement géographique, culturel, historique de ces deux peuples et en dépit de la diversité des formes et des manifestations multiples de cette déshumanisation ou de cette errance de la conscience.

Donc on peut poser une équivalence entre les termes du problème haïtien et ceux de Gaza, et même de ceux du monde ainsi :

Haïti déshumanisé = invariance des racines totalitaires du duvaliérisme (qui sont des excroissances des structures esclavagistes) + impuissance collective + errance de la gouvernance locale (perte d’intelligence collective locale).

Gaza déshumanisé = Invariance des structures génocidaires de l’État hébreu (diversification des structures esclavagistes) + impuissance collective + errance de la gouvernance démocratique mondiale (perte d’intelligence collective globale).

En effet, alors que tout Gaza se faisait génocider en 2024, les couches aisées et les classes moyennes en France (et du monde) festoyaient et célébraient les jeux olympiques de Paris 2024. Alors qu’Haïti a été livré par l’Occident et ses institutions internationales à l’expérimentation d’un gangstérisme étatique transnational, qui ramène la vie de la population majoritairement pauvre aux mêmes conditions déshumanisantes du temps de l’esclavage, ses artistes, ses écrivains, ses intellectuels se bousculent sur les théâtres mondiaux pour réussir dans les rêves blancs d’ailleurs et sont prêts à toutes les infamies, à toutes les vilenies pour s’accrocher à cette réussite loin du shithole.

On eut dit que le Grand Soir de l’action révolutionnaire, appelé à éclairer la fête de l’humanité sociale et générique, a été enfumé. L’aube des lendemains chantants n’a pas dissipé les cauchemars de la nuit, une opaque lune de terreur a trépassé dans l’angélus du jour, le vieux-monde refuse de mourir et le clair-obscur de Gramsci s’est mué en une éclipse d’horreur portant l’effigie de la mort. Comme si le grand barbare, éternel dépeceur et fossoyeur des peuples, avait recouvert le monde de l’ombre épaisse de son gigantesque manteau apocalyptique, en guise d’invitation au festin de l’humanité qui va être rôtie pour son bonheur post-humaniste.

Mais où est donc l’erreur ? Pourquoi les foudres matérielles obscures de l’existence des déshumanisés, si chargées de colères militantes, n’ont-elles pas illuminé les cieux de la conscience de classe des peuples pour les propulser dans l’histoire comme des engins révolutionnaires ?

Transitions systémiques

Qu’on se garde de croire que par cette métaphore, nous cherchons à ridiculiser les perspectives d’une probable révolution en jouant aux apprentis critiques du marxisme. L’objectif que nous visons est plus stratégique qu’académique, plus pragmatique que philosophique. Il s’agit d’un effort de systémisation de la dialectique matérialiste pour contextualiser les conditions de faisabilité humaine de l’histoire au-delà de la maturation des forces productives et économiques. Car le marxisme est une théorie scientifique, et comme tel, il doit suivre le rythme de la dialectique : tout changement dans les infrastructures de la société doit entraîner une rupture dans la superstructure avec de nouvelles idées adaptées qui permettent d’ajuster la théorie pour qu’elle reste vivante, actuelle, en se réinventant indéfiniment.

Il nous semble permis de postuler que, dans sa forme actuelle de géostratégie totalitaire de la globalisation, le capitalisme ne peut plus être défini comme le marxisme l’entendait au XIX ème siècle, c’est-à-dire simplement comme un système de production de marchandises et de biens par exploitation du travail salarié. Le capitalisme, dans ses structures globalisées, innovées, virtualisées et dématérialisées, est devenu un écosystème de déshumanisation qui, après s’être approprié gratuitement, avant-hier, par l’esclavage du travail des populations noires et autochtones, et hier, par les guerres mondiales et la colonisation, des richesses de la nature, veut, aujourd’hui, anéantir l’être humain, en s’appropriant sa conscience par les mirages de l’intelligence artificielle. Face à cette innovation perverse, qui érode l’être, dans sa dignité et son humanité par l’avoir, en mettant au travers de son existence le pouvoir et le savoir, comme artefacts de réussite pour son conditionnement déshumanisant, il faut un effort systémique pour se réapproprier la notion de la conscience, au-delà de sa lecture « dialecticienne statique » comme substrat religieux d’aliénation (Karl Marx, Les Manuscrits de 1844, Présentation, traduction et notes d’Émile Bottigelli. Paris, Les Éditions sociales, 1972, p79).

La conscience, parce qu’elle intervient, non comme un surgissement donné, dans la compréhension de l’existence, mais comme un construit provenant de la représentation, de l’interprétation et de la modélisation de ses dimensions aliénantes réelles et complexes, participe donc du processus de l’action pour la faisabilité humaine de l’histoire. Et, à ce titre, elle s’installe comme enjeu de résistance et territoire de lutte pour construire une vraie internationale de l’insoumission. Une insoumission qui ne sera pas une imposture idéologique, mais une vraie insurrection de la conscience assurant le redressement des postures pour un alignement du corps et de l’esprit qui permettra aux hommes de se situer dignement dans l’existence, en apprenant à être eux-mêmes, malgré les précarités, à s’enraciner dans les terroirs de leur culture pour savoir renoncer à certains actifs économiques et certains attraits de succès, lesquels induisent toujours de lourds passifs pour l’humanité.

Cet effort est d’autant plus utile que même certains marxistes semblent oublier que faire l’histoire, ce n’est pas la même chose qu’écrire l’histoire. Il y a donc des nuances à clarifier entre différentes conceptions possibles du matérialisme : celle de l’homme acteur de l’histoire, celle de l’homme auteur de son histoire et celle de l’homme réalisateur d’une histoire. C’est pour nous une manière de dire : que ce ne sont pas tant les conditions d’existence de l’homme qui déterminent son rôle dans l’histoire, c’est davantage sa compréhension des différents rôles qu’il peut jouer dans l’histoire et des sacrifices qu’il est prêt à consentir pour assumer pleinement et authentiquement les exigences de chacun de ces rôles. Car, il va de soi que chacun de ces rôles exige de lui des postures mentales et des talents différents qui dépendent de sa clairvoyance, de son intelligence, pour ainsi dire de sa conscience. Or les marxistes, majoritairement, semblent avoir une sainte horreur de ce concept qui est pour eux synonyme d’aliénation religieuse. De fait, de nombreux dialecticiens matérialistes ont tendance à oublier que l’action humaine ne se met pas d’elle-même en mouvement, sous prétexte que les conditions historiques sont réunies. Car ces conditions peuvent être historiquement réunies, mais que les hommes peuvent ne pas savoir les interpréter, ni les exploiter pour les besoins de la faisabilité humaine de l’histoire. En conséquence, l’action humaine, comme nous le verrons par la suite, est le fait d’hommes plongés jusqu’au cou dans le marasme de leur existence, totalement conscients de leurs conditions précaires et déshumanisantes d’existence, pleinement imbus de leurs responsabilités selon le contexte du moment historique dans lequel ils se trouvent, authentiquement résolus à changer ces conditions défaillantes et systémiquement dotés des moyens et d’outils pour conduire ce changement (Ludwig Von Mises, L’action Humaine, 1949). Faute de quoi, l’action peut n’être que fiasco, comme l’insurrection des communards de Paris (Karl Marx, Les luttes de classe en France (1848 -1850), 1850), donnant ainsi des raisons à l’histoire de se répéter en passant sans cesse de la tragédie à la comédie, jusqu’à s’imposer comme invariance et éternel recommencement d’une même tragi-comédie pour l’humanité.

Métamorphoses indigentes

L’erreur a été de croire qu’il suffit aux hommes d’exister dans certaines conditions précaires et déshumanisantes pour qu’ils aient une conscience de classe et s’improviser acteurs de l’histoire en s’autoproclamant révolutionnaires. On a oublié que la conscience, en tant que produit de l’existence se construit dans le rapport avec l’existence, et que ce rapport induit des aller-retours fluctuants qui peuvent être intelligents et structurants ou aliénants et déliants ; de sorte que le réel n’est jamais le même pour un observateur selon l’angle à travers lequel sa conscience interprète l’existence. De l’existence à la conscience, il y a donc des états mentaux que les dialecticiens n’ont pas pris le temps d’inventorier pour les intégrer dans leur arsenal de lutte contre la déshumanisation de l’existence. Et pernicieusement, ce sont ces états mentaux que le néolibéralisme a su approprier subtilement ; si bien, qu’il est parvenu à dresser l’homme contre l’humain selon un processus paradoxal de performance défaillante.

Dans un premier temps, il a inculqué aux hommes, par des conditionnements psychologiques et culturels adéquats, le culte de l’avoir (propriété privée), ce qui les oblige à se soumettre aux autorités de pouvoir détentrices de ressources et à renoncer à la dignité pour garantir l’assurance de l’employabilité donnant accès au pouvoir d’achat. Il y a un paradoxe dans ce processus puisque la performance d’accès aux ressources (avoir) contraint naturellement l’individu à renoncer à l’intelligence et à laisser éroder sa dignité. Comme l’a si bien exprimé Noam Chomsky : « Il existe deux ensembles de principes. Les principes de pouvoir et de privilège et les principes de vérité et de justice. Si vous courez après le pouvoir et les privilèges, ce sera toujours au détriment de la vérité et de la justice ». Certains hommes ont cru qu’ils pouvaient ruser avec le système en acceptant ce qu’il donne et en se réclamant comme acteurs de changement du système. L’erreur est qu’ils ont sous-estimé le fait que la conscience s’adapte à ce qui conforte son inertie.

Dans un second temps, connaissant la métamorphose que subit humainement, par érosion de dignité, l’homme anobli par la richesse et les avoirs, les stratèges du néolibéralisme ont profité des mutations technologiques pour dématérialiser les structures de l’aliénation, enjoliver ses formes d’agir barbares, en les transformant en artefacts de droits et de liberté : droit d’enculades inter sexe (en attendant sa généralisation inter espèces), droit de gestation pour autrui (en attendant sa métamorphose universelle pour en gestation pour autre espèce), droits de transmutation en un autre sexe (en attendant le droit à la transmutation en autre espèce).

Ainsi, dans les entrelacs temporels de cette double métamorphose, est né le goût de la jouissance, de la luxuriance et de la débauche qui a éloigné les gens de gauche des territoires de la conscience, les empêchant d’y voir un enjeu capital de lutte et un espace mental de résistance contre l’indigence qui s’est numérisée, virtualisée en prenant les trajectoires de l’immatériel (Jean Clam, CNRS, 2016) pour mieux déshumaniser la vie.

Voilà la charge insolente et le dissensus que nous venons porter ici, dans ce temps apocalyptique, nucléairement chargé qui dénude de plus en plus les hommes de leur humanité, en les propulsant vers les territoires de cette humaine défaillance par la spirale de l’indigence pur tous.

Par cette caillasserie hérétique, par-delà les fureurs apocalyptiques de cet automne 2024 qui amplifie toutes les peurs, en attendant la chute des hommes dans les abysses de l’indigence, je viens faire résonner en échos-systèmes tipédants (sur fond de technologies de l’intelligence et de prospective éthique pour la décision par apprentissage neuro turbulent et sensoriel), quelques causeries authentiques et intranquilles pour me libérer un peu plus des liens qui atrophient la sensorialisation et la sublimation de l’existence par la pleine conscience de soi.

A bientôt pour la suite.

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L’Archipel du génocide
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Les événements atroces survenus en Indonésie à l’automne 1965 restent encore aujourd’hui largement méconnus du grand public et jamais évoqués par les grands médias. En octobre 1965 débute pourtant l’un des pires massacres de masse du XXe siècle, de communistes ou assimilés, avec l’appui des États-Unis, de la Grande- Bretagne, et d’autres puissances comme l’Australie, les Pays-Bas et la Malaisie. Les estimations varient entre 500 000 et trois millions de personnes exterminées, sans compter (…)
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Quelqu’un qui a avalé la propagande sur la Libye, la Syrie et le Venezuela est bête, du genre avec tête dans le cul. Quelqu’un qui a rejeté la propagande sur la Libye et la Syrie mais avale celle sur le Venezuela est encore plus bête, comme quelqu’un qui aurait sorti sa tête du cul pour ensuite la remettre volontairement.

Caitlin Johnstone

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