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Face au Venezuela, Washington sort le drapeau blanc, par A. Guillermo Garcà­a Danglades - Rebelion.


Rebelion.org, 10 mai 2005


«  La politique impérialiste des Etats-Unis, et leur prétention d’isoler le Venezuela, a été complètement mise en déroute ».
Président Hugo Chávez, La Havane, le 29 avril 2005


A la suite de l’attaque impitoyable subie par le Venezuela de la part de la caste anticastriste au Département d’Etat qui dicte la politique des Etats-Unis vis-à -vis de l’Amérique latine, le gouvernement Bush a finalement sorti le drapeau blanc, admettant ainsi son échec fracassant dans sa tentative d’isoler le gouvernement Chávez sur le continent américain.

La bataille médiatique contre le Venezuela a commencé aussitôt après le referendum révocatoire du 15 août et les élections locales du 31 octobre 2004, lorsque l’opposition a échoué dans sa tentative de chasser le Président Chávez par la voie électorale malgré les énormes ressources logistiques et financières offertes par Washington. L’extinction de la Coordinadora Democrática, la perte d’espaces politiques et la disparition des politicards du puntofijisme des écrans de télévision, tout cela a contraint le gouvernement Bush à prendre une posture plus agressive à l’encontre du Venezuela, assumant le discours de l’opposition ainsi que sa volonté de chasser Chávez du pouvoir.

L’affaire Granda et la brouille dans les relations Colombie - Venezuela, provoquée par le gouvernement Bush qui prétendait lier le gouvernement vénézuélien aux guérillas colombiennes, se sont également conclues par un échec pour Washington. Après avoir prétendu que le Venezuela offrait un « sanctuaire » à des groupes « terroristes », le gouvernement Bush a voulu présenter l’achat par le Venezuela d’équipements militaires à l’Espagne et au Brésil comme une source d’approvisionnement pour les FARC ; tout simplement parce qu’à la différence du régime puntofijiste pro-yankee de Quatrième République, le Venezuela cette fois réalisait un achat militaire de façon souveraine et sans passer par le filtre du Pentagone. Les Etats-Unis ont également exercé des pressions par différentes voies sur les pays d’Amérique latine pour qu’ils durcissent leurs positions contre le Venezuela e t pour qu’ils les accompagnent dans leur croisade interventionniste. Avec le plus grand culot, le sous-secrétaire d’Etat chargé de l’Hémisphère occidental, Roger Noriega, demandait devant le comité des relations internationales du Congrès des Etats-Unis, le 9 mars 2005, « de soutenir les éléments démocratiques au Venezuela », ce qui signifiait davantage de financements pour les activités déstabilisatrices de l’opposition putschiste vénézuélienne, ainsi que de « faire comprendre aux voisins du Venezuela les implications pour la région des souhaits émis par Chávez d’étendre sa révolution bolivarienne... ». Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, et la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, ont réalisé chacun une tournée dans différents pays de l’Amérique latine dans le but de promouvoir leur plan néoimpérialiste dans la région et dans le but de faire a dmettre que le Venezuela est « un pays problématique » qui doit être isolé de la communauté interaméricaine. Cependant, ces deux tournées ont été deux échecs. A part quelques déclarations isolées provenant de vassaux de droite, le gouvernement Bush n’a pas obtenu le soutien espéré de la part des « pays alliés » pour la militarisation du continent et encore moins pour affaiblir le processus bolivarien au Venezuela.

Au Brésil, le Parti des Travailleurs (PT) a réagi aux accusations infondées de Rumsfeld en assumant une position digne et solidaire envers le Venezuela, en défense des processus de transformation progressiste dans la région, et a assuré que « l’Amérique latine n’est pas une extension des Etats-Unis ». Le secrétaire aux relations internationales du PT, Paulo Ferreira, a également considéré que la « réprimande » de Rumsfeld envers le Venezuela était sans valeur, étant donné que l’Amérique latine n’est plus en orbite autour des Etats-Unis, ce qui fait que les dites accusations ne font que révéler « une mentalité qui malheureusement est encore présente dans la diplomatie des Etats-Unis, qui considèrent l’Amérique latine comme une extension de son territoire » (RNV, 25 mars 2005). Selon Ferreira, en Amérique latine « nous vivons un cycle nouveau avec des gouverneme nts nouveaux, lesquels ont des projets d’intégration régionale et d’autodétermination » (El Universal, 25 mars 2005). Le président Lula lui-même a déclaré quelques jours plus tard, lors du sommet dans l’Etat de Guayana avec les présidents vénézuélien, colombien, espagnol et brésilien, qu’au Brésil « [nous] n’acceptons pas les diffamations contre les compañeros... le Venezuela a le droit d’être un pays souverain » (La Voz, 30 mars 2005)... A la même occasion, le président [du gouvernement espagnol] Rodrà­guez Zapatero a manifesté un désaccord en raison de l’intromission des Etats-Unis dans la question des relations bilatérales entre le Venezuela et l’Espagne. Il a exigé respect après avoir signé un accord pour la fourniture de 8 vedettes patrouilles et de 12 avions de transport pour la lutte contre le terrorisme, la narcotrafic et le crime organisé, non sans avoir auparavant rappelé que le président colombie n lui-même « avait accepté l’opération, alors que son pays serait le premier à devoir craindre une menace militaire vénézuélienne » (Aporrea, 31 mars 2005).

Pour la tournée de Rice, la situation n’a pas été très différente. Lors d’une conférence de presse conjointe, le chancelier brésilien, Celso Amorin, a exigé « le respect de la souveraineté vénézuélienne » (La Jornada, 27 avril 2005). Y compris, à Bogotá, après avoir continué ses attaques contre le Venezuela en affirmant que l’achat d’armes et les activités du gouvernement « peuvent être déstabilisatrices » dans la région (Panorama, 28 avril 2005), la ministre colombienne des relations extérieurs, Carolina Barco, a considéré que l’achat d’armes constitue une « décision souveraine » du Venezuela (La Jornada, 28 avril 2005), prenant ainsi ses distances avec les déclarations du ministre de la dé fense, Jorge Uribe, qui pour faire plaisir à son invitée avait fait état de la même « préoccupation ».

L’arrogance interventionniste de Rice est allé jusqu’à prétendre faire passer l’idée que « la tâche de notre temps » selon le credo néoimpérialiste du gouvernement Bush, serait que « nous qui vivons du côté de la liberté nous avons l’obligation d’aider ceux qui se trouvent du mauvais côté ».

Une fois au Chili, l’échec de la politique de harcèlement contre le Venezuela, orientée par la caste anticastriste de Washington représentée par Roger Noriega et son conseiller privé Otto Reich, est apparu avec évidence : le gouvernement Bush ne trouvait pas d’allié dans le monde pour affronter le gouvernement de Chávez (The New York Times, 26 avril 2005). Le président chilien Ricardo Lagos a déclaré qu’au Venezuela « il y a président légitimement élu et une opposition qui doit être à la hauteur de ses défis pour pouvoir jouer de façon adéquate le rôle d’une opposition », il est donc fondamental que les Etats-Unis « baisse d’un ton dans leur rhétorique » (Panorama, 27 avril 2005).

Une autre frustration pour Rice, elle a réalisé qu’il lui était impossible de manipuler l’OEA à sa guise pour faire appliquer la Charte Démocratique contre le président Chávez, en effet le nouveau candidat des Etats-Unis pour le poste de secrétaire général de l’OEA, le Mexicain Luis Ernesto Derbez, risquait d’être battu par le Chilien José Miguel Insulza [Derbez a retiré sa candidature, Insulza a donc en effet été élu. NdT]. Cependant on peut accorder à Rice le crédit d’avoir su habilement, à la différence de ses collègues anticastristes, réorganiser sa politique vis-à -vis du Venezuela et négocier sa défaite à l’OEA afin d’éviter une humiliation publique, qui n’aurait fait qu’exacerber les élans bellicistes de Washington au moment où le gouvernement Bush doit encore régler la question de sa sortie du marais irakien et faire face au défi nucléaire de la Corée du Nord.

Après d’intenses négociations avec le Mexique et le Chili, Rice a contraint Derbez à se retirer au bénéfice d’Insulza en échange d’une déclaration de ce dernier qui exprimerait ses « préoccupations » à propos du Venezuela. Le « consensus » ainsi obtenu à l’OEA autour de la candidature d’Insulza a permis aux Etats-Unis de dissiper la défaite aux yeux de l’opinion publique et de garder quelque influence sur le nouveau secrétaire général. C’est ce qu’a montré Roger Noriega quand il a déclaré que l’élection d’Insulza était une victoire des Etats-Unis, puisque la présentation d’un candidat unique n’a été possible que grâce au « leadership » du gouvernement Bush, lequel a en effet « jouer un rôle fondamental pour que Derbez retire sa candidature » (El Universal, 3 mai 2005).

Malgré l’anticastrisme exacerbé qui au dernier moment souhaitait battre à tout prix « l’axe Venezuela-Cuba » (El Universal, 29 avril 2005), Rice a négocié le virage de la politique des Etats-Unis vis-à -vis du Venezuela, dissipant ses « préoccupations », et centrant son discours sur les « démocraties fragiles » de l’Equateur et de la Bolivie, et sur « ce qui se passe » à Cuba (La Nación, 29 avril 2005), même si son attention devra bientôt se porter sur le Pérou, où une commission du Congrès vient d’accuser le président Alejandro Toledo « d’association de malfaiteurs et d’actes contre la confiance publique dans l’affaire des falsifications massives de signatures » (Panorama, 4 mai 2005), ou sur le Mexique, où un peuple indigné a rempli les rues pour protester contre les honteuses manoeuvres de l’oligarchie mexicaine pour éviter que le maire de gauche de la ville de Mexico, Andrés Manuel López Obrador, ne se présente à l’élection présidentielle de l’an prochain.

Conformément aux déclarations du président Lula, prédisant la probable normalisation des relations entre le Venezuela et les Etats-Unis, Rice a également omis le gouvernement vénézuélien dans son discours d’ouverture de la 35 ème Conférence des Amériques, parlant plutôt de l’élection d’Insulza à l’OEA, de sa récente tournée en Amérique latine, des processus démocratique dans la région et du « défi de la croissance économique avec équité ». De son côté Rumsfeld a également fait tout son possible pour éviter de se prononcer sur le Venezuela et il n’a pu que déclarer son refus que ce soit les Etats-Unis qui « fassent quelque chose » pour contenir l’avancée du processus bolivarien. Cependant, celui qui a sorti le drapeau blanc pour signaler tacitement la défaite dans la bataille médiatique de Washington contre le Venezuela, c’est l’anticastriste Roger Noriega, qui a admis q ue « dorénavant [les Etats-Unis] vont changer la stratégie de confrontation permanente avec Caracas et donneront la priorité aux relations positives qui existent avec les autres pays d’Amérique latine, et chercheront à « maintenir un dialogue sérieux et constructif avec le gouvernement du Venezuela » (El Universal, 4 mai 2005).

La bataille médiatique contre le Venezuela a été remportée par la société civile, militaire et politique vénézuélienne qui a répondu avec dignité et courage à la furie néoimpérialiste des anticastristes et néoconservateurs nord-américains. Le comportement ferme du président Chávez mérite d’être relevé, honorant la mémoire de nos Libertadores il a fait face à la puissante agression de l’empire à l’intérieur et à l’extérieur du Venezuela, coordonnant avec habileté sa politique pétrolière et économique avec une politique extérieure basée sur le respect de la souveraineté et sur la promotion de l’intégration régionale, le multilatéralisme partagé par les gouvernements progressistes d’Europe et d’Amérique latine. Il a maintenu l’engagement du gouvernement en défense de la démocratie, des droits humains et la lutte contre le bureaucratisme, la corruption, la pauvreté et l’exclusion sociale, ce qui lu i a permis de créer une solide base politique interne et une forte solidarité à l’échelle internationale. Le gouvernement vénézuélien a raison d’accueillir positivement la nouvelle politique extérieure des Etats-Unis et de réitérer son « souhait d’établir des relations constructives de respect et de coopération avec les Etats-Unis ». Cependant, la « guerre » n’est pas finie. Les Etats-Unis financent encore fortement l’opposition extrémiste qui a organisé le coup d’Etat du 11 avril 2002 et le sabotage pétrolier. De plus, l’expérience montre que, en raison des grands intérêts de Washington dans la région, ce pas en arrière face au Venezuela pourrait bien signifier qu’il y aura bientôt deux pas en avant, en de ce point de vue le gouvernement et le peuple du Venezuela devront rester vigilants pour répondre correctement et opportunément à toute tentative de déstabilisation ou d’agression.

Antonio Guillermo Garcà­a Danglades

Source : www.rebelion.org

Traduction : Numancia M. Poggi


USA et Amérique latine : une moisson d’ échecs en 2003.

Vénézuéla : Une nouvelle révolution en Amérique latine, par Ernesto Cardenal.



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