RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

GAZA - Les dirigeants israéliens n’ont pas de plomb dans la tête

illustration : http://benjaminheine.blogspot.com/

Pour le poète israélien Jonathan Geffen, qui fait paraître ce texte dans la presse conservatrice, l’offensive de l’armée israélienne est insensée. Et le prix à payer risque d’être très lourd.

De retour de New York le 26 décembre, je ne savais pas quel Israël j’allais retrouver. Sur la route de Lod à Tel-Aviv, alors que mes yeux fixaient le ciel, j’avais bien remarqué des hélicoptères Apache qui s’envolaient pour le Sud. Malgré cela, je ne me rendais pas encore compte dans quel pays j’étais revenu. Et, comme lors de chaque retour, j’ai à peine déposé ma valise que je me suis effondré dans mon lit. Lorsque je me suis réveillé le lendemain à 17 heures, j’ai entendu sur mon répondeur trois messages qui me demandaient de participer à une manifestation de protestation à Tel-Aviv et de signer une pétition contre la guerre. Quelle guerre ? Pourquoi ne m’avait-on rien dit ? Lorsqu’on subit le décalage horaire, il y a quelque chose qui va bien au-delà de la simple fatigue, quelque chose de mystérieux qui vient inexorablement brouiller l’espace et le temps. Mais j’ai été profondément heurté de me rendre compte que, pendant que je dormais, la guerre contre laquelle je suis censé me mobiliser venait précisément d’éclater.

Ainsi, à l’occasion des fêtes de Hanouka, nous avons inventé un nouveau spectacle pour le plus grand plaisir des enfants, spécialement pour ceux de Gaza : le Festigaza, un spectacle de pyrotechnie qui a l’avantage de bénéficier du concours extraordinaire de l’aviation israélienne, le tout diffusé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et notre peuple tout entier s’est à nouveau mis à communier dans la violence festive, en scandant des incantations telles que "Opération justifiée" et "Tsahal a lavé l’affront". Mais de quelle justice et de quel honneur parle-t-on ? Certes, l’Etat a le devoir de protéger ses citoyens. Mais cette guerre insensée n’éliminera jamais le Hamas. Au contraire, elle rendra la population de Gaza davantage sensible aux extrémistes. Une fois de plus, nous faisons la seule chose que nous semblons savoir faire : un massacre de masse qui finit toujours par être perçu comme une sorte de génocide (pardonnez-moi l’expression), une opération de destruction et de dévastation qui nous amène, encore et toujours, plus de dévastation et de destruction. Dès lors que nos dirigeants n’ont ni programme politique ni plan militaire, et qu’ils n’ont même pas la finesse d’envisager des incursions ponctuelles de commandos, ils préfèrent envoyer nos "hurleurs d’acier" [les avions de chasse] rayer de la carte toute une ville sans se soucier ni des morts innocents, ni des mères prostrées dans les tunnels mitraillés, ni de leurs enfants qui ne savent plus trop de qui ils doivent avoir le plus peur - du Hamas ou de nos forces armées.

"Comme nous avions cette bombe, il fallait bien que nous l’utilisions", avait déclaré le président Truman après le largage de la bombe atomique sur Hiroshima. Puisque nous ne manquons pas de munitions, nous utiliserons toute notre puissance de feu contre un adversaire qui ne nous arrive pas à la cheville. "A Gaza, il n’y a plus assez de place pour les cimetières", a expliqué un commentateur israélien. Mais comme il nous reste encore des tonnes de missiles et qu’il faut bien en faire quelque chose, bombardons les cimetières ! Et gardons-nous de diffuser la moindre image du massacre, vu que les spectateurs sont de grands sensibles. Et envoyons des médicaments aux Palestiniens avant de bombarder leurs stocks de médicaments. En attendant, ceux qui osent s’exprimer contre le crime sont à nouveau considérés comme des traîtres. Je suis curieux de savoir si Amos Oz et A.B. Yehoshua [deux consciences de gauche qui soutiennent l’offensive israélienne] ont déjà publié un énième manifeste humaniste dans les pages du Ha’Aretz ou s’ils sont seulement en train d’y travailler. Cela dit, depuis quand un écrivain est-il écouté dans ce pays ?

A cet égard, quoi de plus troublant que de découvrir que le nom du pogrom que nous sommes en train de commettre est tiré d’un poème de Bialik* [Plomb durci], le "poète des pogroms" ? Honte sur vous, militaires, si, après ma mort, vous décidiez de baptiser l’une de vos opérations en vous inspirant d’un de mes poèmes. En toute modestie, je viens de modifier mon testament pour que mes ayants droit (ma compagne, mes parents et mes enfants) puissent légalement intervenir contre quiconque aurait l’idée saugrenue de baptiser la prochaine opération israélienne "Jardin fermé" ou "Violettes". Cela dit - qui sait ? -, peut-être que d’ici là , vous aurez été cités à comparaître devant un tribunal international pour crimes de guerre et contre l’humanité.

* Lancée lors de la fête juive de Hanouka, l’offensive israélienne a été baptisée d’après une comptine enfantine du poète Haïm Nahman Bialik (1873-1934), En l’honneur de Hanoukka, où il est question d’une toupie en plomb durci. Bialik doit sa notoriété à son poème La Ville du massacre, composé après un pogrom qui avait entraîné la mort de quarante-neuf Juifs en 1903, en Russie.

Jonathan Geffen

Maariv

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=93115#

URL de cet article 7763
  

Même Thème
Israël/Palestine - Du refus d’être complice à l’engagement
Pierre STAMBUL
Entre Mer Méditerranée et Jourdain, Palestiniens et Israéliens sont en nombre sensiblement égal. Mais les Israéliens possèdent tout : les richesses, la terre, l’eau, les droits politiques. La Palestine est volontairement étranglée et sa société est détruite. L’inégalité est flagrante et institutionnelle. Il faut dire les mots pour décrire ce qui est à l’oeuvre : occupation, colonisation, apartheid, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, racisme. La majorité des Israéliens espèrent qu’à terme, les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, il s’agit maintenant de le transformer.

Karl Marx

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.