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Grèce, euro, capitalisme, démocratie, révolution…

Des échanges vigoureux animent LGS ces derniers temps à propos de la Grèce et de l'euro. Les arguments que nous échangeons dans les commentaires ne sont pas toujours de très haut niveau mais c'est peut être aussi dû à la forme d'un tel site ? Essayons alors d'aller un peu plus loin, de sortir des invectives et des raccourcis. Mais on va quand même tenter de ne pas faire trop long, hein ?

Jacques Sapir, en proposant un « front » allant de la gauche radicale au « nouveau FN » a fait réagir la première de façon salvatrice mais aussi souvent bien limitative. On oublie en effet trop souvent que si le FN s’est construit sur une base de haine pour l’autre et possède toujours en son sein les pires héritiers des nazis, ses idées ont largement débordé pour être défendues depuis maintenant longtemps par la droite mais aussi par ceux qu’on croyait en être fort éloignés (Chevènement, etc). Aussi, diaboliser le FN est alors bien pratique pour escamoter que la quasi totalité des partis sont peu ou prou marqués par leur idéologie de préférence nationale et autre limitation de l’immigration. On ajoutera à cela le pli généralisé de raisonner par communautés plutôt que par classes sociales par exemple. On se méfiera donc du réflexe de crispation dès qu’on parle de FN au risque de laisser couler lorsque d’autres « républicains » font leur fonds de commerce de la même eau à peine édulcorée. Lire à ce sujet Frédéric Lordon – 26/08/2015.

Mais là où ce projet de front de Sapir est hyper contestable, c’est qu’il suppose que le rejet de l’euro est le B.A.-BA de sortie de l’austérité et de la mise au pas des peuples et doit, par conséquent, devenir la priorité des priorités, le reste étant secondaire. Bien au contraire, c’est parce que le but premier des forces de la transformation sociale est de promouvoir une sortie du capitalisme* que la sortie de l’euro n’est que le passage obligé de toute politique contraire à celle de la haute finance. De nombreux économistes anti-système partout dans le monde ont démontré que dans le cadre de la monnaie unique, aucune marge de manœuvre n’était possible. C’est donc là qu’il ne faut pas se louper : la sortie de l’euro n’est que le premier pas, elle n’est rien sans une mise au pas du Capital qui est à l’origine de l’euro – et de la Communauté Européenne comme l’expliquait la CGT et le PCF dès 1956. Là où Sapir pêche c’est dans l’absence de toute problématique de lutte de classes entre le Capital et le Travail dans ses propos. Or l’euro, comme toutes les mesures prises par les derniers gouvernements, sont précisément là pour concourir à la domination de la ploutocratie qui a montré combien la « démocratie » qu’on nous vante tant n’est qu’une enveloppe vide. Le mot de « dictature » est assurément le meilleur pour représenter la réalité de nos pays : dictature des marchés, dictature des médias aux ordres, dictature des technologies de communication propres à nous surveiller jour et nuit, etc.

J’en connais, proches de moi, qui ont fondé de grands espoirs dans la victoire de Syriza le 25 janvier. Au fil du temps, la croyance dans ses capacités à imposer une politique favorable aux couches populaire s’est émoussée, et ne reste peut être qu’une petite lueur vacillante représentée par Lafazanis voire Varoufakis. Or, la question très pertinente posée par Costis Melolidakis ou Jean-François GAVA ici-même, malgré leurs limites, selon laquelle on est fondé à douter de la valeur de l’Unité Populaire nouvellement créée puisqu’ils se sont trouvés au gouvernement alors que toute hypothèse de sortie de l’euro était exclue d’avance, doit nous conduire à rester particulièrement circonspect sur ce que l’on peut attendre de cette dissidence de Syriza. Il est à craindre que rien ne sortira de positif pour le peuple grec des élections du 20 septembre, autant que des espagnoles à l’automne si Podemos ne revoit pas ses objectifs à propos de l’euro.

Pourquoi le PCF censé être le fer de lance de la « gauche radicale » s’est-il converti à l’euro alors qu’il était aux avant-postes pour le fustiger il y a des années ? Je ne saurai le dire. Pas plus qu’il s’est converti à « l’Europe », à la force de frappe atomique ou à l’illusion d’une association avec un PS dont toute l’histoire est jalonnée de trahisons et de gestion zélée du capitalisme. Si Hollande et ses députés, élus grâce aux appels à désistement des communistes en 2012, mènent une politique si conforme aux desiderata patronaux, est-ce une surprise pour ses dirigeants ? Si oui, ils n’ont rien à faire à ces niveaux de responsabilité tellement c’était écrit pour bon nombre d’entre-nous. Si non, qu’espéraient-ils sinon quelques strapontins pour les aspirant-notables dont le pourcentage a subitement grimpé dans ce parti ? Rien de ce qu’a réalisé le PCF depuis plus de 30 ans n’a bénéficié aux salariés à part quelques miettes. Derrière les discours habituels de soutien aux classes défavorisées, les pauvres actes disséminés de quelques élus ne sont rien face à l’endormissement des citoyens que sa politique de compromis-sion a provoqué. La place ainsi laissée vide d’opposition forcenée au règne de la haute bourgeoisie a naturellement été comblée par la démagogie du FN qui a du même coup développé et légitimé la facile bouc-émissairisation de l’étranger.

Alors on me dit que toute autre politique que celle prônée par notre « gauche radicale » française pro-euro est vouée à l’échec car ne tenant pas compte des réalités. On reproche à ceux qui se positionnent pour une sortie de l’euro et une lutte radicale – pour le coup – contre le capitalisme d’être des rêveurs. Pour commencer, ceux qui, comme moi, ont rêvé que le Programme Commun en 1981 marquerait le début d’une nouvelle ère ont assez vite déchanté. Et tous les revirements du PCF depuis n’ont conduit qu’à sa marginalisation et à l’application de mesures toutes plus austéritaires les unes que les autres. On s’en serait passé. Alors continuer dans une voie qui depuis des décennies a montré sa totale inanité, non merci. On voit mal quelles pires conséquences auraient pu naître d’un positionnement plus radical, plus révolutionnaire, pour reprendre le mot de feu l’hebdomadaire du PCF. Aussi, sans se laisser bercer par les propos d’un autre âge tant estimés par le PCRF et autres idéalistes, l’unique voie qui me paraît pertinente est de défendre devant le peuple la seule perspective d’un changement majeur dont j’ai dit qu’il ne saurait se faire sans que cela coûte quelque chose à ceux dont c’est pourtant l’intérêt de le soutenir.

Cela coûterait en terme de mobilisation, bien sûr, car sans un immense soulèvement, toute velléité de renverser les choses est vouée à l’échec. Cela coûterait aussi sûrement en violence à exercer contre les forces colossales de la Haute Finance qui s’opposeront avec une force qui peut aller loin à une telle remise en cause de leur pouvoir. Et cela coûterait certainement aussi, mais provisoirement, au bien être de certains qui font quand même partie des victimes du système dans cette période d’intense combat de classes. Mais ce qui coûte le plus, en définitive, n’est-ce pas les illusions que véhiculent ceux qui se complaisent dans le capitalo-parlementarisme (Badiou) ? Ce n’est pas sans raison que les couches le plus victimes des politiques UMPS se sont éloignées des gauches qui prétendent lutter contre le système mais les appellent à rallier aux seconds tours ceux qui alternent au pouvoir pour faire la même chose, et parfois pire (voir Macron et cie). Aussi, je ne peux que me féliciter de ne pas m’être laissé prendre au piège du « surtout pas Sarkozy ! » en 2012 qui a dû bien faire rigoler les patrons. Alors, les aficionados de Pierre Laurent et JLM, on est prêt à voter Hollande en 2017 au second tour ?

* C’est lassant et trompeur d’utiliser désormais le terme « néo-libéralisme » pour parler du capitalisme, comme si avant cette phase, on n’avait pas déjà de très bonnes raisons de vouloir s’en libérer

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