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Kosovo : « Indépendance ? Ici c’est le règne des clans ».








On entend parler ces jours ci d’indépendance du Kosovo sur la base du plan du médiateur de l’ONU Martthi Ahtasaari ; ci joint l’analyse de la situation et le point de vue du Père Sava, responsable et souvent porte-parole des Serbes qui sont restés au Kosovo ; interview dans la bibliothèque médiévale d’un des huit monastères orthodoxes, classé patrimoine mondial de l’humanité, attaqué, au mortier, en 2004, et ces jours ci encore.
"Ce n’est plus un contentieux entre Pristina et Belgrade : c’est Washington, Moscou et Bruxelles qui décideront".
Interview réalisée par Tommaso Di Francesco, co-rédacteur en chef de il manifesto, et spécialiste des Balkans.

Dans un autre article (non traduit intégralement) Tommaso Di Francesco écrit ce même jour (15 mars) :
"Le véritable désastre est celui de la direction kosovar-albanaise. La Ligue démocratique de Rugova est en ruines, l’ex-leader de l’Uck, Hasim Thaqui est en coulisses ; le principal conseiller du premier ministre Agim Ceku a été arrêté pour trafic financiers ; l’alternative de l’Alliance de Ralmush Haradinaj, que Rugova avait nommé premier ministre avant de mourir, a échoué ; nomination qui était arrivée au moment même où Haradinaj était accusé à La Haye de crimes contre l’humanité. A son nouveau procès, (même, NDT) la procureur Carla del Ponte l’a appelé "gangster en uniforme", en rappelant les 37 chefs d’inculpation qui lui sont reprochés, alors que sa photo en uniforme de "héros de la patrie Ramush Haradinaj" est toujours suspendue sur une grande toile sur la place de Decani. Les clans règnent au Kosovo : ceux de la drogue et des trafics d’armes et des grosses aides internationales. Et pourtant, ils réclament l’indépendance. Et rançonnent par la violence d’un mouvement qui demande tout et tout de suite. Les Serbes disent non. A la dernière conférence à la Farnesina (ministère des affaires étrangères italien, NDT) Massimo d’Alema avait intimé à Belgrade : "Vous vous attachez au passé, le Kosovo est un simulacre".
Allez le leur expliquer aux Serbes orthodoxes -qui considèrent le Kosovo comme leur Jérusalem, berceau de leur histoire, (et, par ses monuments, de la notre aussi) où l’on a fait un carnage pendant ces sept dernièrs années de protectorat OTAN, que "en fait" c’est un simulacre".
(Texte intégral de l’article Plan de l’ONU, en italien :
www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/15-Marzo-2007/art27.html )
M.A.P.




Kosovo : « Indépendance ? Ici c’est le règne des clans », par Tommaso Di Francesco.


Il manifesto, 15 mars 2007.


Decani (KOSOVO).


C’est le monument médiéval le plus important de Serbie, par ses fresques et par son histoire, tombe de rois et lieu de couronnements. Eglise, monastère, un grand ensemble monastique, et maintenant les ateliers du bois et de la peinture d’icônes, et plus au sud, une antique vigne. Pour l’Unesco elle appartient au patrimoine de l’humanité, pour l’histoire de l’art c’est « le chaînon manquant pour comprendre notre Moyen-à‚ge ».

Dehors, le contingent militaire italien qui le protège - en 2004 on a même tiré des coups de mortiers sur le monastère. Dedans, une communauté de gens réfugiés des destructions qui vont de 1999 à aujourd’hui, avec un pic en 2004, y compris les quatre religieuses qui sont venues se mettre à l’abri dans ce couvent après la destruction de la Sainte Trinité de Djakovica. Une litanie de réfugiés qui a vu fuir dans la terreur 200 mille serbes et autant de roms. Et comme il est impossible d’imaginer un lieu de culte dans l’absolu, d’autant moins chez les orthodoxes, sans une communauté - d’autant que ces provinces se sont toujours appelées Kosmet (Kosovo et Metohja, Terre de l’église) - les monastères sont désormais une lieu de défense, un symbole de ce qui reste de la présence des Serbes dans ce Kosovo qu’une bonne partie de la communauté internationale veut remettre à une nouvelle indépendance statale ethnique : albanaise.

Nous avons posé quelques questions au Père Sava, responsable et souvent porte-parole des Serbes qui sont restés : nous l’avions rencontré la veille à Villaggio Italia, la base du contingent de la Kfor, où il était venu pour une rencontre interconfessionnelle avec des représentants musulmans et catholiques, organisé par le général Attilio Claudio Borreca, commandant des contingents Kfor de la zone ouest. Notre entrevue a eu lieu dans l’extraordinaire bibliothèque du couvent, avec l’aide de Père Andrej.



Que feriez-vous si l’on accordait l’indépendance selon le plan du médiateur de l’Onu, Martthi Ahtisaari, plan rejeté dans les négociations officielles de Vienne ? Le Patriarche Pavle a invité les serbes à rester au Kosovo.

Les Serbes vivent sur ces terres depuis des siècles, ils y ont vécu sous diverses autorités, et l’église orthodoxe y a vécu, même sous différents systèmes politiques, en témoignant de la vérité de Christ. Le Patriarche Pavle a invité notre peuple à rester fidèle à sa foi et à sa tradition. Le Conseil de sécurité de l’Onu doit encore décider comment va se développer la crise du Kosovo. Il ne s’agit pas d’une question « locale » entre Belgrade et Pristina, mais du nouvel ordre géostratégique mondial. Le plan de Ahtisaari contient pas mal d’éléments significatifs pour une permanence des Serbes, mais dans le contexte d’un Kosovo indépendant qui n’aura plus de liens institutionnels avec la Serbie. Et cela génère une grande préoccupation du côté serbe, à cause de la peur, fondée, que sans liens avec la Serbie il ne soit pas possible de garantir la présence à long terme du peuple serbe au Kosovo. Le plan a de nombreux éléments positifs, mais le contexte politique institutionnel négatif qu’il propose décourage les serbes d’accepter même les éléments positifs. Maintenant on discute beaucoup à Belgrade de la dernière version du plan Ahtasaari. Qui, d’un côté refuse le projet de Pristina d’affaiblir les dispositios de protection de la minorité serbe, mais de l’autre dit non aussi à la demande des autorités de Belgrade d’une connexion entre les propositions du plan et la résolution de l’Onu 1244. Cette résolution reconnaissait les accords de paix de Kumanovo mettant fin à la guerre de l’OTAN, et qui prévoyait le retour du Kosovo sous l’autorité étatique de la Serbie.


Ces jours ci, après les agressions dont les monastères ont été l’objet, les autorités de Belgrade ont demandé qu’en plus des militaires de la Kfor, la police serbe assure la protection des églises orthodoxes...

Les médias l’ont présenté comme le thème majeur des négociations auxquelles a participé notre évêque Théodose. Ca n’a été qu’un des arguments de la discussion, immédiatement abandonné. La proposition, par contre, a été faite parce qu’à Belgrade on craint que la Kfor, face à la déclaration de la fameuse indépendance, ne prépare son retrait de la protection des monastères orthodoxes pour la transmettre au Corps de police kosovar-albanais (en majorité composé des ex-milices de l’Uck, NDR). Car, dans le plan Ahtisaari, on dit qu’ « il faut libérer la Kfor dès que possible de son activité militaire ». La position de l’Eglise est que la Kfor continue à protéger le plus longtemps possible les huit lieux sacrés orthodoxes que la Kfor-OTAN protège déjà - la majorité étant dans cette zone et impliquant le contingent italien. La police kosovar-albanaise, en particulier dans cette zone, n’est ni capable ni motivée pour protéger des monuments chrétiens. Pendant le soulèvement de mars 2004, leur rôle a été décevant. C’est pour cela que la proposition de la co-présence de la police de Belgrade en appui des militaires OTAN était assez légitime, mais impossible à proposer parce qu’ensuite il faudrait encore plus de militaires Kfor pour protéger les policiers serbes. Mais parler de police serbe n’est pas une provocation, le danger est encore entier. Et il concerne aussi les églises que nous reconstruisons à Pristina, à Podujevo, et en particulier à Pec, qui a été à nouveau violée ces jours derniers. Ce sont des églises qui ont subi des destructions et des incendies en mars 2004, elles ont été reconstruites grâce au Conseil européen, qui avaient des représentants albanais et serbes, et avec l’argent du gouvernement kosovar ; mais je dois dire qu’elles ont à nouveau été violés et volées. La police kosovar n’a rien fait.


Mais existe-t-il pour vous des systèmes démocratiques - à l’égard des minorités, des méthodes non violentes, des garanties des droits humains - pour concéder son indépendance au Kosovo ?

Nous posons toujours la même question aux représentants de la communauté internationale : comment peut-on parler d’indépendance pour une société qui est pratiquement au niveau des clans qui gouvernent le Kosovo ? Et où les institutions sont une façade derrière laquelle commandent de puissants personnages de l’ex-Uck ? Quand nous continuons, nous, à avoir de graves problèmes avec les municipalités qui nous répondent qu’ils sont impuissants à résoudre les problèmes que nous posons en tant que communauté religieuse et serbe, et où tous les problèmes sont délégués, sous l’influence de personnages comme Ramush Haradinaj et Hasim Thaqui qui se sont disqualifié internationalement. Alors que pour mettre en acte un plan d’indépendance assez complexe il faut au moins qu’il y ait une implication d’autorités réelles, pas seulement locales, et politiquement crédibles et efficientes. Peut-être que la crédibilité est plus grande dans le centre du Kosovo, où la présence internationale est plus importante. Mais le noeud du problème, partout, reste les municipalités. Avant qu’une décision n’arrive à Decani, Djakovica ou Pec, elle se perdra en chemin. Et nous craignons, de ce fait, que de nombreuses dispositions du plan soient impossibles à garder : les pouvoirs exécutifs doivent rester dans les mains de la communauté internationale, en espérant que se développe tôt ou tard une élite démocrate qui n’aura plus besoin de protectorats. Pour la protection du patrimoine culturel orthodoxe nous demandons concrètement une tutelle de l’Union Européenne. Nous voulons que l’OTAN reste le plus loin possible. Ces lieux sacrés pourraient être détruits en une seule nuit et tout l’effort apporté jusqu’à présent par vos contingents pourrait être réduit à zéro à cause de la concession peu prudente à l’indépendance.


Comment cela va-t-il finir, alors ?

Nous sommes optimistes. Bien sûr, pour l’être, nous ne nous fondons pas que sur des évaluations politiques, sinon nous devrions être plus que pessimistes. Nous avons une vision eschatologique des problèmes. Comme les fresques de notre église, nous ne nous représentons pas la réalité comme elle est mais comme nous croyons qu’elle sera dans le royaume des cieux. Mais revenons à la réalité. Nous souhaitons, nous, que la présence internationale demeure, autant militaire que civile, au moins jusqu’à ce que tous les Balkans occidentaux soient intégrés dans l’Union européenne. C’est très important de maintenir la stabilité politique en Serbie, en faisant la concession de ne pas donner au Kosovo une place aux Nations Unies comme si c’était un état reconnu internationalement, et cela jusqu’au moment de l’intégration totale des Balkans occidentaux en Europe quand cette question aura été résolue. La Serbie est prête maintenant à concéder au Kosovo de nombreux éléments d’un statut d’autonomie, quasiment étatique, mais à l’intérieur de la Serbie : il aurait toutes les prérogatives d’un état sans un poste à l’ONU, et bien sûr avec le maintien de liens institutionnels avec les Serbes du Kosovo, à travers une collaboration flexible avec les institutions du Kosovo. La proclamation d’une indépendance complète entraînerait une déstabilisation plus grande dans tous les Balkans. Je ne dis pas ça pour que les Albanais n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. Peut-être eux aussi ont-ils le droit de désirer leur indépendance, de la même façon que les Serbes ont le droit de continuer à vivre dans leur pays, dans un Kosovo serbe, comme il l’a été pendant tous ces siècles.

Il faut trouver une solution provisoire, liée à une dynamique vers l’Union européenne. Cela conditionnerait Belgrade et Pristina à un objectif commun, et cela les obligerait à être fidèles aux accords. C’est le seul moyen qui pourrait apporter une plus grande stabilité à cette région, aux Balkans et à l’Europe. Nous allons voir maintenant ce que vont décider les grands pouvoirs mondiaux, parce que, pour finir, l’accord se fera entre Washington, Moscou et Bruxelles, tous prêts à faire accepter le plan Ahtisaari tel qu’il est.

Tommaso Di Francesco


- Source : Il manifesto www.ilmanifesto.it

- Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio




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- Carte : www.ladocumentationfrancaise.fr


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