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La France vue par un Cubain...

L’illusion française.

Depuis que j’ai l’âge de raison j’ai entendu mes parents et professeurs parler de la beauté de ce pays et de la grandeur de ses habitants. Tous parlaient des oeuvres extraordinaires de ses auteurs, des artistes plastiques, des musiciens et de la Commune de Paris. Je me souviens qu’un jour mes parents sont arrivés à la maison avec un livre sur la révolution française et qu’ils m’ont incité à le lire. Cet ouvrage me fascina a tel point que je le lus plus de dix fois tout au long de ma vie. C’est là que j’ai appris qu’à la fin du XVIII° siècle, la France avait une superstructure monarchique absolue, que son Roi s’appelait Louis XVI et que la société était divisée en trois classes : le clergé et l’aristocratie/noblesse qui ne payaient pas d’impôts et le Tiers Etat dont le niveau de vie était bien pire et dont les impôts, cependant, faisaient vivre le pays. A la lecture de cette Histoire essentielle de la révolution j’ai découvert que quelques ministres avaient essayé de mettre en oeuvre quelques réformes : que les privilégiés payent eux aussi des impôts et qu’il y eut une rébellion du côté des aristocrates et que pour défendre les intérêts du peuple Français de cette époque, ils ont abandonné l’aristocratie, qu’ils ont prêté serment, ont rédigé une constitution et ont mis en place une Assemblée Nationale Constituante.

Ainsi commença la Révolution française bientôt rejointe par le peuple, quelques aristocrates, des membres du clergé, une partie de l’armée et le 14 juillet 1789, les habitants de Paris prirent d’assaut la prison de la Bastille pour protester contre le Roi ; cela provoqua la fuite de nombreux aristocrates. Telle était la France que je connaissais à travers ce livre lu plus de dix fois. La France rebelle et révolutionnaire qui guerroya pour en finir avec l’aristocratie et y arriva en menant Louis XVI à la guillotine et qui par la suite poursuivit la révolution jusqu’à construire un magnifique pays qui nous a fait rêver, par son architecture, ses sculpteurs, ses peintres, pas seulement moi, mais des millions et des millions de personnes et dont rêvent encore des millions et des millions d’hommes. Un pays dont la culture des Victor Hugo, Verlaine, Rousseau, Zola et tant d’autres a été le modèle de la culture Universelle, un pays, aujourd’hui, triste, désinformé et asphyxié par la machinerie infernale de l’impérialisme.

Qu’il est difficile de voir comment la Nation de la Commune de Paris, des Droits de l’Homme, du Siècle des Lumières, se retrouve assombrie par la misère qui pullule dans ses rues, de voir des femmes et des hommes qui ignorent l’Histoire passée de leur pays et les événements historiques, nationaux et internationaux actuels, ainsi que de constater leur passivité face à leur propre pays dévasté, par une société consumériste qui étouffe les villes françaises, partout où je suis allé, sous la carapace des supermarchés et des panneaux publicitaires. La culture, la fameuse élégance, toute l’intelligence française, ont été enterrées sous les miroirs aux alouettes qui attirent la misère dans laquelle les opportunistes et les traitres à leur patrie, sociaux démocrates ont noyé le Pays des Lumières. J’entends par miroir aux alouettes, une société de surconsommation, de gâchis qui entraîne une démesure dans ses slogans publicitaires, tout support confondu. Aucun domaine n’est épargné :

- des loisirs basés sur la consommation avec des complexes, temples du virtuel, de l’abrutissement, conçus sur le modèle étatsunien ;

- un habitat uniformisé et qui ne respecte plus les particularités régionales (surtout dans le grand Sud de la France) ;

- un urbanisme saturé avec une superposition d’infrastructures plus démonstratives qu’efficaces (je pense à la réintroduction du tramway et en particulier sur La Canebière à Marseille. Après avoir supprimé les tramways après-guerre, toutes les villes veulent aujourd’hui leur tramway) ;

- des villes avec leur centre ville encombré et des provinces désertifiées ;

- une politique tout voiture qui conduit à faire payer les autombilistes qu’ils roulent ou qu’ils soient à l’arrêt : carburant à un prix élevé, autoroutes payantes, stationnement payant ;

- une présence policière importante dans les grandes villes avec des contrôles d’identité impressionnants, sans compter la présence d’une armée, mitraillette au bras dans les grandes villes : Marseille, Paris ;

- une agriculture industrialisée, sectorisée, polluée, appauvrissant le sol, détournée de la polyculture ;

- une mode « bio » investie par les sociaux-démocrates estampillés écolos, plus préoccupés de leur nombril que de l’intérêt général ;

- une culture abandonnée aux mains des sociaux-démocrates qui utilisent notamment l’outil de travail arraché à celles des travailleurs pour le vider de son caractère social et économique, pour un devenir de marchandisation grottesque, un affront au monde du travail. Tous les arts sont touchés. Pour noyer « cet immense vide culturel », la social-démocratie table sur un nombre incalculable « d’artistes » qui pour la plupart conçoivent des oeuvres sans aucune règle artistique : musique, vocal, peinture, littérature, sculpture, etc. Tous les arts sont tristement concernés.

Par ailleurs, si la « culture » grand publique » connaît un niveau très bas, il existe des groupements de personnes qui résistent et qui proposent une culture de bonne qualité. Elle fait hélas figure d’élitisme, de réseaux. J’ai été notamment invité par une maison d’éditions à Limoges « Le Bruit des Autres » qui fait un travail sérieux et courageux. Cependant ce milieu est aussi infiltré de pseudo-intellectuels opportunistes.

J’ai parcouru tout un circuit sous la houlette d’une excellente guide, qui connait bien son pays et son histoire. C’est elle qui m’a montré, sans retenue, le meilleur et le pire de son pays sur lequel elle pleure.

Les rencontres, les activités que j’ai faites dans diverses institutions, surtout au Collège Gaulcem-Faidit où j’ai participé à un projet qu’ils appellent « Ouverture sur le Monde, ouverture aux autres » avec les élèves de six classes, qui étudient l’Espagnol, a été pour moi une nouvelle déception. Nous avons été accueillis, Muriel Dichamp, Présidente de l’Association de Solidarité avec Cuba « Corrèze Cuba Estrella », à l’initiative de cette rencontre, et moi par la professeure d’Espagnol et des membres de la Direction avec un abondant buffet. A l’exception de la professeure, le comité d’accueil, poli et courtois, était plus dans la représentation que dans l’authentique : j’en ai connu des plus chaleureux dans la tradition cubaine. D’autre part, lors de la récréation, les professeurs se réunissent dans une salle, aucun d’eux ne s’est adressé à moi. Ce manque de contact et de curiosité est affligeant. Mais ce ne fut pas là le plus triste, ma peine la plus profonde je l’ai ressentie lorsque j’ai rencontré chacune des classes. Ceux qui avaient le moins de connaissances en Espagnol l’étudiaient depuis sept mois et ne savaient pas formuler les questions les plus élémentaires, encore moins comprendre les réponses. En voyant cela, j’ai décidé de poser des questions et d’établir un dialogue en Français. Je me suis rendu compte que ces braves enfants attentifs ignoraient l’histoire culturelle et politique de leur propre pays. Sur cuba, lorsque je leur expliquais ce qu’était Cuba, deux ou trois l’ont associée avec el Che parce que ce héros internationaliste est connu universellement grâce à la vente des casquettes et de T-shits.

Tout le dialogue tourna autour de l’orientation de lectures utiles sans relation avec les moyens que la social démocratie utilise pour noyer dans l’ignorance le peuple Français qui vit aujourd’hui sous un régime qui préfère, par opportunisme, le maintenir dans l’inculture et l’ignorance de sa propre réalité et de la réalité du monde, pour lui escroquer sa liberté.
Les questions posées sur Cuba, sur son gouvernement, étaient un autre indice sur la désinformation à laquelle sont soumis, en toute impunité, les Français. Le pire c’est la conscience du mensonge qu’ils ont créée chez eux. L’immense majorité est convaincue que ce que disent les medias est la Vérité ; que les Cubains révolutionnaires et les Français qui ont visité Cuba, mentent. Ils croient que Castro est un dictateur et que les Cubains se sont résignés à leur misère. Nombreux sont ceux qui ignorent et parfois ne croient pas qu’il existe un embargo/blocus criminel qui assassine des enfants, des vieillards, des femmes et des hommes malades, par manque des recours que les USA refusent à Cuba quitte à les jeter à l’eau.

Pendant les quarante jours passées en France j’ai parcouru les principales communes de la Corrèze ; la Basse et la Haute Corrèze, je suis allé à Bordeaux et j’ai visité quelques communes comme Saint Emilion et ses vignobles, à Périgueux capitale de la Dordogne, à Marseille et enfin à Paris et partout, exception faite de Paris, j’ai vu passivité, résignation, conservatisme et même de la peur. Je dis à l’exception de Paris parce que j’y ai respiré un air de solidarité et de combativité lors d’une réunion de haut niveau avec l’organisation de solidarité et d’aide aux Cubains France Cuba, dont le Président André MINIER et presque tous les présents ont exprimé leurs convictions ; Annie ARROYO a apporté une brillante contribution. Muriel DICHAMP a démontré son courage habituel, sa sincérité pleine de talent dans la défense de l’intégrité de l’association. Tous se sont prononcés contre le blocus de Cuba, en faveur de la restitution de la base de Guantánamo à son propriétaire légitime et en faveur de la libération des cinq héros injustement détenus dans les geôles des USA.

J’ai assisté, à Paris, à une pièce de théâtre pleine de courage sur la vie de guérillero du Che qui peut se révéler très utile pour les Français ; mais dans le reste du pays, à de très rares exceptions, les bons discours se prononçaient en cachette. Ce silence m’a déçu. L’admiration que j’avais pour les hommes qui ont fait l’histoire culturelle et politique de ce merveilleux pays est restée en suspens et son avenir se traîne dans la poussière, résignée, triste et soumise. La France est un musée qui s’assombrit sous les regards convoiteurs de la social-démocratie, alliée d’une droite de plus en plus dure et virulente. Et tout cela à cause d’une superstructure sociale qui ne prend pas en compte la pauvreté. Qui ne pense qu’à se gaver d’argent, se damnant définitivement et oubliant les principaux droits de l’homme, bref, l’impérialisme.

L’illusion française traîne triste et misérable dans les rues, dans le métro, sous les ponts avec son cortège de femmes et d’hommes, abandonnés par la société, souffrant de faim et de froid. Elle a même oublié le sens de la Marseillaise.

Andrés BANDERA TAMAYO
acteur cubain

Traduction de F. Candás

EN COMPLEMENT

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