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La nécessité de la socialisation des moyens de production (2) : le temps de la politique

Nous avons vu dans un article précédent en quoi la démocratie en entreprise était rendue possible par le mode de production socialiste, contrairement au mode de production capitaliste qui consacre la dictature des intérêts d’une minorité d’actionnaires. Nous allons maintenant raisonner à l’échelle de la société dans son ensemble pour voir en quoi la socialisation des moyens de production rend possible une participation égalitaire des masses à la prise de décision à l’échelle de toute la société.

Le mouvement des gilets jaunes a fait part, à travers sa revendication phare du référendum d’initiative citoyenne (le RIC) d’une plus grande participation des travailleurs à la prise de décision politique, dans l’esprit d’une réelle démocratie. Le PRCF a inclus dans son programme le référendum d’initiative populaire depuis 2012, en articulant cette mesure de démocratisation à un contenu de classe qui est le socle véritable de la démocratie. Rappelons qu’un Etat, tout démocratique qu’il soit, n’est jamais autre chose que la machine par laquelle s’exerce la dictature d’une classe sur l’ensemble de la société. Dans cette perspective la dictature du prolétariat, forme étatique de la révolution socialiste-communiste, est la phase par laquelle est abolie la société de classes elle-même, que le prolétariat est donc la classe universelle qui doit abolir les classes en général. Ce rappel doit nous permettre de voir avant tout l’état actuel des choses, celui de la confiscation de la démocratie par le capital.

Le capital n’est pas une simple accumulation de richesses mais une force sociale qui dispose de ces richesses (en premier lieu les moyens de production) pour imposer sa volonté à tous. Le capital c’est donc avant tout des hommes de chair et d’os qui dictent non seulement ce qu’il faut faire au niveau économique et politique, mais les moyens de se représenter cette domination. Les idées dominantes de toute société de classes sont tendanciellement les idées de sa classe dominante : cette vérité s’observe partout dans le paysage médiatique acquis à la solde du grand capital. C’est ainsi que l’on peut voir à longueur d’ondes les éditorialistes, universitaires et autres idéologues de la bourgeoisie nous vanter les mérites du “libre marché”, de la “concurrence libre et non faussée” et autres fariboles qui font l’objet d’une divinisation permanente.

Cette propagande médiatique, souvent très insidieuse et bien plus subtile que les exemples grossiers cités ici, est extrêmement difficile à contrer pour qui cherche à sortir de la pensée dominante. Présentée avec tous les aspects de la respectabilité académique, de la “scientificité” qui n’est autre que de la pure idéologie, la colonisation des esprits par le grand capital constitue la forme d’un régime de vérité capitaliste, qui ne sert que les intérêts des maîtres de ce monde. Face à cela, le salarié moyen est laissé quasiment désarmé idéologiquement. Alors que les auxilliaires idéologiques du capital (politiciens, économistes, philosophes et autres bourgeois) ne désarment jamais, ils affirment par leur maîtrise d’une culture reconnue le fait qu’ils sont seuls, eux et leurs alliés de classe, capables de prendre les bonnes décisions économiques et politiques. En effet, qui serait assez fou pour confier les rênes du pays à quelqu’un qui n’est même pas capable de dire si René Descartes a vécu avant ou après Sophocle ?

Ce cynisme méprisant est ce qui caractérise la pensée bourgeoise et sa prétention à la domination éternelle. Il s’agit pour le capital de constater et faire constater que l’inéducation des masses est un fait irrémédiable, génétique dirions-nous même. Et de fait, il est vrai que le salarié moyen n’a que très peu la capacité de s’intéresser à ces grands sujets de société, à ces grands penseurs du passé dont pour comprendre les textes il faut faire preuve d’un travail intellectuel que peuvent se permettre ceux qui ne sont pas pressés par les nécessités du quotidien.

De ces nécessités, la première pour l’ouvrier est de se nourrir, de loger, se chauffer, bref tout ce qui a trait à la reproduction immédiate de sa force de travail. Après une longue et pénible journée de travail, sous les ordres de quelque chefaillon tyrannique, qui peut ne pas être tenté de simplement se reposer ? De là naît la misère culturelle, qui désarme la travailleur face aux cléricaux de toutes sortes, qu’ils prêchent pour une chapelle économique, philosophique, historique ou autre. De là le prolétaire est rendu incapable de se battre sur le terrain des idées, contraint d’adopter celles de la classe dominante. De là la démocratie est vidée de son contenu idéal, car les masses exploitées sont privées des moyens culturels qui permettent de formuler des propositions et des revendications politiques appuyées par des conceptions scientifiques.

Bien sûr la situation des masses laborieuses en France n’est plus celle du monde ouvrier des années 1870, alors que le prolétariat vivait dans une misère telle que le dénuement culturel était quasi total du point de vue de la culture dominante. Aujourd’hui nombreux sont les prolétaires qui se cultivent, lisent du Sartre ou du Onfray (pas sûr en revanche que lire Onfray soit un progrès par rapport au fait de ne rien lire du tout, car l’aveuglement idéologique de celui qui croit savoir est par bien des aspects pire que l’ignorance honnête, mais passons).

Les communistes refusent de se résigner à l’ignorance. Les communistes proposent à l’ouvrier des armes intellectuelles qui lui permettent de comprendre sa situation d’exploitation et les moyens d’y mettre fin. Et comme le but présent des communistes est le passage au mode de production socialiste, il nous faut expliquer en quoi le socialisme rend possible une réelle démocratie prolétarienne.

Sous le socialisme, les travailleurs oeuvrent à une répartition du travail et des fruits de la production “de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins”. Cela signifie que le temps de travail et le temps de repos sont partagés de la manière la plus égalitaire qu’il soit possible d’envisager et de réaliser selon les conditions historico-économiques présentes. Ainsi l’URSS prévoyait-elle d’abaisser la durée légale de travail à 35 heures, voire 30 heures par semaine dès 1981. Si la décision ne fut pas appliquée par suite des mauvaises conditions économiques (aussi bien endogènes qu’exogènes, voire pour cela l’excellent livre Le socialisme trahi de Roger Keeran et Thomas Keeny) il est néanmoins éclairant de voir combien le socialisme a permis à des millions de gens de s’émanciper des rythmes infernaux de la course au profit capitaliste.

Dans la perspective d’une réduction collective du temps de travail, ce sont de nouveaux horizons qui s’ouvrent pour la démocratie. Conjuguée à l’ouverture d’une éducation politique de qualité, ouverte à tous et gratuite (comme ce fut le cas en URSS), la libération du temps des travailleurs permet d’envisager que tous s’impliquent dans la gestion des affaires politiques de la société sur un pied d’égalité culturel et matériel.

Bien sûr il reste à construire cette démocratie prolétarienne : une fois les masses parvenues au pouvoir la mise en place et la pérennisation d’une éducation politique socialiste sera un problème des plus cruciaux. Il s’agira alors d’ouvrir l’accès à la culture à tous ceux qui en étaient privés, d’apprendre à tous des techniques de défense intellectuelle : la critique radicale de toute autorité illégitime, la lutte contre les sophismes et les fautes logiques, la traque des philistins qui veulent faire passer une érudition superficielle et un parler éloquent pour une légitimité à commander...

Ce qui importe ici est de voir la chose suivante : par la socialisation de l’économie, la société se donne les moyens de décider pour elle-même, à commencer par sa survie matérielle. Et dans le même mouvement qui égalise les conditions matérielles d’existence, on peut dégager pour les masses un temps immense de formation et de participation politique, on peut mettre fin au caractère faussement représentatif de la démocratie bourgeoise en faisant en sorte que tous aient accès aux moyens de se former pour remplir des hautes responsabilités politiques.

Ce que nous concevons ici sous la forme que d’aucun pourrait taxer de douce rêverie n’en en fait pas si loin d’advenir. Ce même élan démocratique qui existe chez les gilets jaunes et auquel il manque un contenu de classe révolutionnaire (donc une théorie d’avant-garde) est l’élan qui portait les révolutionnaires bolchéviques, qui ont à leur époque eu à composer avec une arriération économique et culturelle, une productivité faible, une industrie embryonnaire, tous héritages du Tsarisme, et sont néanmoins parvenus à construire un Etat par des aspects majeurs bien plus démocratique que la France actuelle ; et osons le dire, Staline n’avait rien à envier à ce cher Macron ! Aussi nous faut-il réaffirmer que c’est par l’appropriation collective du pouvoir économique, par le renversement des rapports de production existants, que le temps de l’action des masses pourra se structurer démocratiquement autour d’idées, de valeurs et de théories scientifiques remises au service du progrès humain.

On peut donc imaginer la chose suivante : qu’un temps consacré à l’activité politique (reconnue comme telle) au niveau local, national ou autre figure parmi les devoirs de citoyen de tout membre de la société. Une telle chose existe déjà à l’état embryonnaire par exemple en Belgique où le vote est obligatoire et la dérogation à ce devoir sanctionnée par une amende. Bien sûr le socialisme se devra d’aller (et ira nécessairement !) bien plus loin, non pas dans la contravention mais dans l’ouverture massive des droits et devoirs à la participation politique.

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