14 juin 2007.
Avec la TVA « sociale », le gouvernement Fillon affirme avoir trouvé une mesure miracle. Augmenter de 5 % le taux de la TVA permettrait, selon lui, de gagner sur tous les tableaux à la fois : augmenter les salaires directs, ne pas augmenter les prix, lutter contre les délocalisations, financer la protection sociale....
Fillon ne marche pas encore sur les eaux mais il a déjà trouvé les moyens de multiplier les petits pains. L’ennui est que tout cela n’est que poudre aux yeux.
Augmenter les salaires directs grâce à l’augmentation de la TVA ?
Cela va de soi pour le gouvernement. Les cotisations sociales patronales diminueront : les employeurs n’auront donc pas d’autre urgence que d’augmenter les salaires directs. C’est pourtant exactement le contraire qu’ils pratiquent depuis vingt ans : ils empochent toutes les exonérations de cotisations sociales qui se présentent mais n’augmentent les salaires qu’au compte-gouttes. Il n’y a aucune raison pour que cela change, surtout avec la droite au pouvoir (et le Smic bloqué en juillet 2007). La diminution des cotisations sociales patronales ira donc directement dans la poche des employeurs et les salariés n’en verront pas la couleur.
Les prix n’augmenteront pas ?
Là encore c’est une évidence pour le gouvernement. Les prix augmenteront de 5 % mais comme les cotisations sociales patronales diminueront massivement : les prix n’augmenteront pas. A moins que, comme en Allemagne (où 78 % des habitants se disent mécontents des conséquences de la hausse de 3 % de la TVA), les employeurs choisissent d’augmenter leur marge bénéficiaire de 4 ou 5 %. Qu’est ce qui les en, empêcherait ?
Le plus vraisemblable - et de loin - est donc que les salaires directs (nets) n’augmenteront pas, que les prix augmenteront de 4 à 5 % et que le patronat empochera la différence sous forme de profits supplémentaires. (les salaires bruts baisseront de surcroît avec les heures supplémentaires non cotisées).
Lutter contre les délocalisations ?
Il faudrait pour cela que les prix des entreprises françaises n’augmentent pas. Nous venons de le voir, c’est un voeu pieux : les employeurs ont toujours choisi d’augmenter leurs marges bénéficiaires dès qu’ils le pouvaient. C’est d’ailleurs cet objectif qui les pousse à délocaliser.
Faire financer notre protection sociale par les pays dont notre pays importe les produits ?
Cela paraît toujours aussi évident pour le gouvernement Fillon. En effet, chaque produit importé sera frappé par l’augmentation de 5 % de la TVA. Cette augmentation irait donc alimenter la Sécurité sociale. Ce plan sur la comète suppose que nos partenaires commerciaux se contenteront de lire le journal pendant que le taux de la TVA française augmentera. Les partenaires commerciaux de notre pays ne se contentent pourtant pas d’acheter les produits fabriqués en France, ils y vendent aussi leurs propres produits. Pourquoi, dans ces conditions, résisteraient-ils à la tentation d’augmenter également leurs taux de TVA pour faire participer les consommateurs français au financement de leur propre protection sociale ? A moins de penser que la France puisse vivre en autarcie et produire tout ce qu’elle consomme...
En augmentant la TVA, la Droite ne ferait qu’allumer une nouvelle guerre fiscale en Europe. Elle avait déjà annoncé le lancement d’une première guerre fiscale en Europe en affirmant qu’elle baisserait de 5 points le taux de l’Impôt sur les Sociétés. La nouvelle guerre fiscale enclencherait une nouvelle course des taux de TVA.
Nous avons là , à l’état presque pur, l’essence de la politique de la Droite la baisse de l’Impôt sur les Sociétés enclencherait une baisse en cascade des impôts payés par les sociétés ; la hausse de la TVA enclencherait, par contre, une hausse en cascade des impôts payés par les salariés. Toujours plus pour les sociétés, toujours moins pour les salariés !
Un tour de passe-passe aux dépens des salariés.
Ce que veut nous imposer la Droite est, en réalité, un tour de passe-passe : baisser les cotisations patronales (et le salaire brut) et faire payer cette baisse en augmentant la TVA payée essentiellement par les salariés, retraités, demandeurs d’emplois qui représentent 91 % de la population active de notre pays.
En effet, la TVA est l’impôt le plus injuste qui soit : il frappe du même pourcentage d’imposition le pauvre comme le riche. Son taux est aujourd’hui, pour la très grande majorité des produits et services, de 19,6 %. Pour tout achat de 12 euros, c’est environ 2 euros de TVA qui sont prélevés et versés à l’Etat par le commerçant chez qui l’achat a été fait. 2 euros pour le Rmiste comme pour le PDG. ! Demain ce sera 2,5 euros.
Pour le Conseil Economique et social, le taux d’effort des 10 % des ménages les plus pauvres est de 8,1 % et celui des 10 % les plus aisés de 3,4 %. Cela se comprend aisément : plus un ménage est riche, plus la part de son revenu destinée à la consommation diminue et plus la part destinée à l’épargne augmente.
Avant l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy manifestait une certaine prudence. Dans son discours d’Agen (le 22 juin 2006), il déclarait : « Je propose que l’option de la TVA sociale soit étudiée, débattue sans a priori idéologique ». Car chacun le sait, le nouveau président de la République n’a aucun a priori idéologique.
Aujourd’hui, le gouvernement Fillon est déjà beaucoup moins prudent.
Imaginons ce qui tombera sur la tête des salariés, des retraités, des demandeurs d’emploi si la Droite gagne les élections législatives !
Jean-Jacques Chavigné, pour D&S
www.democratie-socialisme.org
L’usine à gaz Sarkozy, par Michel Husson.
Sarkozy et la dette publique, par Jean Jacques Chavigné.
Ce que cache la baisse des impôts de Sarkozy, par Laurent Mann.
Le timing de Sarkozy-Fillon : contrat unique de travail et laminage du droit de grève, par Vincent Présumey.