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Le fichage de nos enfants à l’école.

"Des fichiers vont constituer d’énormes banques de renseignements sur les personnes dès leur plus jeune âge, sans aucun débat, sans souci d’information des parents sur les risques de voir la vie de leur(s) enfant(s) et leur(s) parcours "tracés" par ces dispositifs".

Arrêts du Conseil d’État : l’Éducation Nationale confond "mise en conformité" et "effet d’annonce"

Dans un communiqué de presse du 21 octobre 2010, en réponse aux arrêts du Conseil d’État du 19 juillet sur l’illégalité flagrante des fichiers BE et BNIE, le ministère de l’Education nationale (MEN) continue à manipuler les citoyens.

Il se flatte de s’être mis en conformité avec les décisions du Conseil d’État, mais omet d’informer sur deux points essentiels :
  le rétablissement du droit d’opposition des parents ; dans les faits, il n’informe pas sur ce droit et il refuse tout motif d’opposition invoqué par les familles (comme l’a rapporté le CNRBE suite à de nombreux témoignages) ;

  l’illégalité des mises en relation de la « Base élèves » avec d’autres fichiers ; dans les faits, les échanges entre fichiers sont maintenus et se multiplient (2).

Certes, pour la première fois aussi clairement, le MEN reconnaît l’existence d’une « Base Nationale des Identifiants Elèves » (3), dont la durée de conservation s’en trouve réduite (4). Mais il en maintient l’opacité car, même après le toilettage exigé par le Conseil d’État, aucun acte officiel n’a été publié à ce jour sur la BNIE, qui est censée contenir des données nominatives de 14 millions d’enfants ! Et il omet de dire qu’il veut, dès 2011, créer un Répertoire National destiné à remplacer cette « base » sur une durée comprenant la scolarité et la formation continue (5).

Alors que le MEN avait annoncé supprimées de Base élèves des données sensibles comme les compétences, elles réapparaissent aujourd’hui sous la forme d’un fichier nommé "Livret de compétences", là encore sans aucun débat ni concertation (6), ainsi que des fichiers de "suivis particuliers". De plus, l’État met en oeuvre cette année la "géolocalisation" des adresses entrées dans les Bases élèves académiques et ne renonce pas non plus à utiliser ces traitements de données à caractère personnel pour les recherches d’enfants.

Plus que jamais, il faut s’opposer à ces dispositifs évolutifs et opaques car mis en place :

  sans concertation, sans étude d’impact sur la personne, l’éducation, la société ;
 
  sans encadrement par la loi française : des fichiers de cette ampleur
  bénéficient d’une simple déclaration à la CNIL, sans publication ;
 
  sans possibilité de s’appuyer sur la CNIL, manifestement partiale et qui continue à désinformer la population (7) ;
 
  au mépris des recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, produites pourtant par des experts autorisés ;
Ces fichiers vont constituer d’énormes banques de renseignements sur les personnes dès leur plus jeune âge, sans aucun débat, sans souci d’information des parents sur les risques de voir la vie de leur(s) enfant(s) et leur(s) parcours "tracés" par ces dispositifs.

Le CNRBE demande :

  la suppression de la Base élèves et de la Base nationale des identifiants élèves ;
 
  l’annulation des sanctions des directeurs d’écoles qui dénoncent la Base élèves (retenues sur salaire, retrait d’emplois de direction, direction refusée, etc.) impliquant le respect des interventions des Défenseurs des Droits de l’Homme ;
 
  une révision de la Loi de l’informatique, des fichiers et des libertés dans le sens d’une réelle protection de la vie privée et notamment celle des enfants
 
  une CNIL respectueuse des principes à l’origine de sa création ;.
  une gestion des renseignements personnels exclusivement au sein des écoles (identité, coordonnées, livret scolaire) ;
 
  une gestion des effectifs sous forme chiffrée et donc non nominative ;
 
  des analyses statistiques par panels ou échantillons, selon les règles généralement admises par la communauté des statisticiens (8).
Le CNRBE appelle les parents à user de leur droit d’opposition en refusant l’inscription de leur enfant dans BE, ou en demandant leur retrait.

La France a su supprimer le fichier GAMIN des années 70, elle saura s’opposer au SAFARI scolaire !

Le CNRBE.


NOTES

1) Lire les mentions rajoutées en bas de l’arrêté du 20/10/08 attaqué :

Nota : Le Conseil d’État, par décision n° 317182 du 19 juillet 2010, article 5, annule l’arrêté du 20 octobre 2008 (...) en tant qu’il interdit expressément la possibilité pour les personnes concernées de s’opposer, pour des motifs légitimes, à l’enregistrement de données personnelles les concernant au sein de Base élèves 1er degré.

Le Conseil d’État, par décision n° 317182 du 19 juillet 2010, article 6, annule l’arrêté du 20 octobre 2008 (...) en tant qu’il met en oeuvre un fichier qui permet le rapprochement et la mise en relation de données avec d’autres fichiers, sans que cette modalité d’exploitation du traitement Base élèves 1er degré ait été mentionnée dans la déclaration adressée par le ministre à la C.N.I.L., ainsi que dans cette mesure le refus de l’abroger.

(2) Géoréférencement des adresses des élèves, évaluations transmises en 6ème (Affelnet), gestion des environnements numériques de travail par des sociétés privées, Base école, Base enseignants, fichier des compétences... (Voir aussi note 5).

(3) Lire sur cette page quelles sont les données contenues dans la BNIE, très loin d’être négligeables. Elles proviennent de Base élèves, qui a donc bien une dimension nationale.

(4) Auparavant, la BNIE pouvait conserver des données pendant 35 ans depuis la première inscription. La nouvelle durée annoncée par le ministère est de "5 ans après la sortie du premier degré" , soit une durée de 13 ans environ.

(5) « La constitution d’un répertoire d’identifiants d’élèves, dénommé RNIE (Répertoire National des Identifiants Élèves et étudiants) en lieu et place de la BNIE, est de nouveau à l’ordre du jour. L’objectif à terme est d’utiliser cet identifiant unique, rendu anonyme par double cryptage, pour constituer des trajectoires des élèves dans le système éducatif. Ceci ouvrirait la voie à des analyses fines des parcours », pouvait-on lire dans lestravaux préparatoires d’une réunion du Conseil national de l’information statistique (CNIS) de mai 2010, qui évoquait aussi le géoréférencement et le livret des compétences.

(6) Lire la page du CNRBE dédiée à ces projets de fichiers (il y en a plusieurs) et télécharger notre dernier article sur le sujet (12 juillet 2010)

(7) La Commission de l’informatique et des libertés, comme le CNRBE l’a maintes fois constaté (dernier communiqué d’avril 2010), a une nouvelle fois joué le jeu du MEN dans sa fiche pratique "Question réponses sur Base élèves", incomplet et trompeur. La CNIL omet de mentionner la plupart des arguments du Conseil d’État. Pourtant, ledit Conseil s’est basé sur la seule loi informatique et libertés pour relever de nombreuses illégalités. Des irrégularités que n’a jamais relevé la CNIL de manière directe ou indirecte. La procédure actuelle, depuis 2004, permet en effet à l’État de ne plus attendre un "avis conforme" de la CNIL pour créer de telles bases de données tentaculaires. Si cet avis "conforme" avait été exigé, le Conseil d’État aurait eu à se prononcer dès 2004/2005, soit plus de 5 ans avant la décision de juillet dernier.

(8) Lire par exemple cet article d’un ancien cadre de l’INSEE (septembre 2010) et cet autre point de vue de statisticien (décembre 2009).

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