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Le FN, l’Europe et la démocratie

On parle beaucoup du Front National ces derniers temps. Avec les élections cantonales remportées malgré le « front républicain » et les récents sondages, il se pourrait qu’on en discute encore longtemps.

Et puis il va y avoir les municipales, et puis aussi les européennes : le FN commence à faire peur. Pas aux électeurs non, puisqu’il n’est plus un parti d’extrême-droite (il paraît d’ailleurs qu’on n’a plus le droit de le qualifier ainsi), mais aux partis dits « de gouvernement ». Car la volonté du FN est claire, comme son objectif : devenir le premier parti de France.

Il faut préciser que n’ayant pour ainsi dire pas d’autre programme que l’expulsion des étrangers, le FN a du piquer quelques idées aux autres formations politiques ; et ne pouvant décemment pas piquer celles des partis « de gouvernement », il a fait siennes quelques une de celles de l’extrême-gauche. Avec quelques nuances de taille bien sûr, et qui expliquent son passage de l’extrême-droite nationaliste au « socialisme national ». Car l’extrême-droite lutte elle-aussi, à sa manière, contre le capitalisme : mais en s’appuyant sur le protectionnisme et la Nation, tandis que l’extrême-gauche milite pour la solidarité et la taxation des riches. Mais pour l’un comme pour l’autre, ces deux partis sont contraints de se séparer de l’Europe, à gauche pour une autre Europe, à droite pour la fin de l’Europe.

Car si le FN revendique la sortie de l’Europe pour lutter contre le chômage et les injustices sociales, il apparaît que le FdG demande… la même chose – mais pour une « autre » Europe ! Or pour se séparer de l’Euro et se libérer de l’oligarchie européenne, il faut bien sortir de l’Europe. Pourtant, ces deux partis sont bel et bien opposés. Mais tandis que le FN a trouvé le coupable (l’étranger, le musulman, le banquier), le FdG peine à assumer son échec idéologique : il sait que le capitalisme est la source de tous les maux mais ne peut se résoudre à le vouloir détruire, faute d’alternative crédible à lui opposer.

Mais si certains rendent nos gouvernants (qu’ils soient « de gauche » ou « de droite ») responsables de cette confusion (en même temps, à force de dire que l’extrême-gauche et l’extrême-droite c’est « la même chose »…) et donc de la montée du FN, je ne les en crois pas coupables : eux-seuls sans doute sont tout à fait conscients de l’impasse idéologique dans laquelle les a conduit cette crise, et leur souhait est sans doute de renforcer « l’Empire Européen« .

En réalité les citoyens se retrouvent coincés entre ces deux possibilités : soit ils continuent de faire confiance (pour le moins pire, pas pour le meilleur) aux partis de gouvernements (UMP, PS) et décident d’accepter des sacrifices pour sauver ce qui peut encore l’être (une perpétuation de leur domination économique) en se soumettant à l’Empire Européen, soit ils s’opposent à ce projet en sortant de l’Europe, et ce d’une manière nationale-socialiste avec le FN, retour au Franc et ce qui va avec, ou d’une manière plus incertaine avec l’extrême-gauche et une sixième République qui ferait fuir tous les investisseurs de ce beau pays.

Coincés donc, jusqu’à ce qu’une troisième voie, centrée sur la refondation de la démocratie, soit enfin envisagée. Elle est idéologiquement portée par ce que j’appelle « la vraie gauche » mais sans aller jusqu’au bout de sa maturation, qui consiste à accepter la seule conclusion réaliste suivante : pour éviter à la fois le national socialisme et l’ultra-libéralisme sans tomber dans le néant idéologique et son absence d’alternative crédible, il faudra bien remettre en cause non pas l’immoralité du capitalisme (qui est en réalité une amoralité) mais le capitalisme lui-même, à savoir l’utilisation de l’argent non pas comme moyen de progrès mais comme finalité absolue.

Car en considérant l’argent comme fin nous avons supprimé la notion de progrès pour la remplacer par celle du profit, ce qui a enclenché la décadence de notre civilisation, et les soubresauts qui vont avec.

C’est donc à une transformation majeure qu’il s’agit de réfléchir aujourd’hui, et de reconsidérer ensemble ce que nous nommons démocratie (1% qui décide pour 99%, c’est ça la démocratie ?), le socialisme (le socialisme national est une aberration logique), la Nation (et la souveraineté), savoir qui veut, et avec qui, faire une Europe non pas compétitive mais solidaire. Que chaque peuple s’autodétermine nationalement dans un premier temps (à ce sujet regarder Frédéric Lordon) et comme le permet l’Assemblée Constituante -qu’elle soit tirée au sort ou élue), libéré des contraintes européennes, pour laisser -si le peuple le décide- une ouverture constitutionnelle vers une Europe véritablement socialisante qui n’entrainerait pas de perte de souveraineté ni pour les nations ni pour les peuples. S’ils veulent ensemble ensuite se doter d’un gouvernement commun, très bien ; mais que ce soit de manière réellement démocratique : une Europe fondée sur le bonheur au lieu du profit.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

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