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L’ange Dalaï Lama contre le dragon chinois ?

Le Tibet, « Paradis perdu » !

photo : http://berlinf.spaces.live.com/

rectification apportée par l’auteur : extraits d’un courrier à la revue mensuelle "d’écologie citoyenneté, solidarité" : "L’âge de faire" qui a publié en mai un dossier de deux pages sur le Tibet

Tout d’abord, il serait bon, pour la compréhension de la complexité chinoise, de préciser qu’à côté des Tibétains, cohabitent 54 ethnies minoritaires. La Chine est constituée de plus de 150 régions d’autonomie ethnique, dont cinq régions autonomes à l’échelon provincial, des dizaines de départements autonomes, plus de 100 districts autonomes, plus de 1000 cantons ethniques.

Il existe donc des dizaines de possibilités d’éclatement d’un pays où 28 langues sont parlées. La question de savoir si nous devons y contribuer mérite d’être posée.

- On me dit que le Tibet a été indépendant de 1913 à 1950, raccourci abrupt que pas un historien ne voudrait adopter et par lequel sont niées les années de présence britannique et l’acceptation de la suzeraineté de la Chine par le Dalaï Lama d’alors. Une autre thèse, qui mérite d’être au moins discutée est que, quels qu’aient été au fil des siècles les soubresauts des rapports entre Pékin et Lhassa, le Tibet était chinois avant que la Bretagne, la Bourgogne, la Savoie et la Corse ne soient françaises.

- On me dit que l’étude du tibétain est « marginalisé au profit du chinois, langue obligatoire ». En fait, la Constitution prévoit l’apprentissage du chinois (putonghua) et des langues des ethnies minoritaires. Dans la pratique, les choses sont effectivement moins idylliques du fait de la non gratuité de l’école, même si des manuels scolaires en tibétain existent pour l’enseignement primaire et secondaire. Il reste que, du fait du recul de l’analphabétisme (95% du temps des Dalaï Lama), le tibétain est plus parlé et écrit que dans les décennies passées. Ce qui n’est pas le cas chez nous du breton, du corse, de l’alsacien, de l’occitan, langues « génocidées ». Il y a chaque jour plus de 20 heures de programmation en langue tibétaine à la télévision ; 40 magazines et 10 quotidiens sont publiés en tibétain.

- On me dit que les « écoles y sont rares » alors que notre ambassade en Chine dénombre au Tibet 4 établissements d’enseignement supérieur, une école normale secondaire, 9 écoles professionnelles secondaires, 105 écoles secondaires et 892 écoles primaires. Insuffisance sans doute, rareté, non.

- On m’assène sans sourciller le chiffre de 1,2 million de morts par violence au Tibet depuis la fuite du Dalaï Lama N° 13. Ce chiffre est bidonné par le « gouvernement tibétain en exil ». Des chercheurs internationaux l’ont démontré. Le simple examen de la "pyramide des âges" fait litière de cette fable que le Dalaï Lama ne soutient d’ailleurs plus. Il n’accuse plus de "génocide", mais de "génocide culturel". De surcroît, comment pourrait-on parler de génocide des « Tibétains de souche » (la « race pure » ?) alors que le Tibet est autorisé à déroger à la politique de l’enfant unique ?

- Je lis dans un journal alternatif d’amis de la nature (et du Dalaï Lama !) que les troubles de ce printemps à Lhassa se limitent à des destructions de « luxueux véhicules » et à des boutiques appartenant à des « Chinois » (des étrangers au sang impur ?). Or, chacun a pu voir des vidéos de chasses aux faciès, des lynchages de passants isolés et des destructions de leurs deux roues.

- Le même prétend tout à la fois que le Tibet est « économiquement marginalisé » et que son PIB progresse de 12% par an et que la croissance du Tibet est « extrêmement rapide ».

- On m’assure que les « Tibétains de souche » ploient sous le nombre des envahisseurs « chinois » (traduction : des Hans). De retour d’un voyage d’étude au Tibet, le réputé sinologue allemand Ingo Nentwig, rapporte que les Hans séjournent souvent temporairement (ouvriers de chantiers, conscrits, cadres), que les habitants permanents de l’ethnie Han représentent seulement 7% de la population totale du Tibet, tandis que la proportion des Tibétains dépasse 90%. Les Hans seraient-ils plus nombreux, souhaiterions un système de quota ? Dans quelle région de France le mettrions-nous en place ? Combien de Russes Nice peut-elle accepter ? Quel est le nombre tolérable de bistrots auvergnats à Paris ?

- On ne me dit pas que le Tibet compte quelque 46 000 moines et 1 700 lieux de culte, mais on me cache que le prétendu génocide culturel est aujourd’hui contredit par la totale liberté de culte, heureusement amputée de celle d’avoir, dans les monastères, l’exclusivité de l’enseignement (pour une minorité) et des soins médicaux.

- Par ailleurs, les dalaï lamistes français ne soufflent mot des éloges attendris du Dalaï Lama (ses Mémoires) à son précepteur, un officier nazi, Heinrich Harrer.

Ils occultent ce que fut le régime oppressif, féroce, liberticide, abrutissant des Dalaï Lama contre leur population soumise au servage, à l’analphabétisme et promis à une espérance de vie qui ne dépassait guère 37 ans.

Instaurez en France une dictature à la chilienne, enseignez dans les établissements religieux (les seuls autorisés !) que Pinochet est une sorte de Dieu vivant, réinventez la Sainte-Inquisition, la pratique de la torture, de l’enlèvement des enfants, de leur enfermement à vie dans des monastères, de la maltraitance sexuelle, et vous saurez ce que fut le Dalaï lamisme appliqué.

La journaliste américaine Anna Louise Strong a raconté ce qu’elle a vu dans une exposition d’équipements de torture de l’époque : menottes de toutes les tailles, y compris pour des enfants, instruments pour couper le nez et les oreilles, pour énucléer et pour briser les mains, les rotules et les talons, ou pour paralyser les jambes, instruments spéciaux pour éviscérer.

Si je me risque à livrer ici ces informations, au risque de passer pour un adepte tardif de Mao, c’est parce que la question du Tibet mérite qu’on n’occulte pas les éléments de réflexion qui ne confortent pas la pensée unique et l’agitation proaméricaine d’une fausse ONG compassionnelle.

Les pro-Tibet-Indépendant, s’ils ont vocation à nous alerter sur les exactions des gouvernements, à faire signer des pétitions, vont sans doute aussi lancer une campagne contre le génocide d’une culture plusieurs fois millénaires, en Irak, le pillage de ses trésors antiques, la destruction de ses musées, le massacre de centaines de milliers de civils (qui ne demandaient rien à G.W. Bush), contre l’encagement de centaines de malheureux dans des bagnes et dans 17 prisons flottantes US, zones de non droit, de tortures et de disparitions. Ils vont, car leur cohérence est grande, déployer des banderoles sur la Tour Eiffel pour la fermeture de Guantanamo.

Il n’est pas nécessaire d’être un conspirationniste pour dire que le Dalaï Lama est subventionnée depuis des décennies par les USA, que la National Endowment for Democracy, organisation paravent de la CIA, sponsorise des kyrielles d’organisations chargées d’ébranler le Tibet (il suffit d’aller voir sur le site officiel de la NED). Il n’est pas indispensable d’être géographe pour voir que le Tibet, « toit du monde » (et donc de la Chine) est une position stratégique cruciale, qu’il est la réserve d’eau de tout le pays, que son sous-sol est riche de minerais indispensables et que la Chine ne voudra, ne pourra jamais laisser cette province s’acheminer vers une indépendance qui pourrait se traduire, à terme, par l’installation de bases militaires américaines, comme ce fut le cas dans nombre de pays qui composaient le bloc soviétique.

J’entends souvent que personne ne réclame l’indépendance, juste d’autonomie. Outre que le Tibet est déjà une région autonome, c’est bien un combat sécessionniste qui se mène à grand renfort de pilonnage médiatique. Lisons ce que dit le matois Dalaï Lama dans une interview accordé au magazine « Der Spiegel » le 12 mai 2008.

« Après des années d’oppression les Tibétains ne font plus confiance aux Chinois ».

Donc, le Dalaï Lama, réclame bien L’INDEPENDANCE puisqu’il distingue les Tibétains des dizaines d’ethnies qui composent la Chine et qu’il les exclut de ce que tous les pays qui sont représentés à l’ONU appellent « Les Chinois ».

Il déclare en outre : « Les Tibétains doivent-ils prendre les armes pour conquérir cette indépendance ? Quelles armes, d’où ? Des Moudjahidines au Pakistan, peut-être ? Et si nous les obtenons, comment les ferons nous passer au Tibet ? Et si la guerre d’indépendance commence, qui nous viendra en aide ? Les Américains ? Les Allemands ? ».

Le pacifisme du chef religieux n’est pas intrinsèque, consubstantiel de sa pensée, mais imposé par le rapport des forces. Et nous lisons bien : « indépendance ».

Dommage également que dans vos deux pleines pages sur le Tibet, vous n’avez su évoquer la « Charte » du Dalaï Lama, ayant valeur de Constitution.

Article 3. Nature de la politique tibétaine. « L’avenir politique tibétain doit respecter le principe de la non-violence et s’efforcent d’être un libre État de la protection sociale avec sa politique guidée par le Dharma ». La Dharma, c’est-à -dire ce que les musulmans appellent la Charria, disposition qui nous fait pousser des hauts cris.

La Charte se termine par une « Résolution spéciale », votée en 1991, dont voici un extrait : « Sa Sainteté le Dalaï Lama, le chef suprême du peuple tibétain, a offert les idéaux de la démocratie au peuple tibétain, même s’il n’a pas ressenti le besoin de ces idéaux. Tous les Tibétains, dans le Tibet et en exil, sont et restent profondément reconnaissants à Sa Sainteté le Dalaï Lama, et s’engagent à nouveau à établir notre foi et notre allégeance à la direction de Sa Sainteté le Dalaï Lama, et à prier avec ferveur pour qu’il puisse rester avec nous à jamais comme notre chef suprême spirituel et temporel. » Vous avez dit «  laïcité » ?

Article 36. Pouvoir législatif. « Tout pouvoir législatif et autorité réside dans l’Assemblée tibétaine. Les décisions de celles-ci requièrent l’approbation de Sa Sainteté le Dalaï Lama pour devenir des lois ». L’Assemblée a tous les pouvoirs si Sa Sainteté le veut !

Article 19. Pouvoir exécutif. « Le pouvoir exécutif de l’administration tibétaine est dévolu à Sa Sainteté le Dalaï Lama, et doit être exercé par lui, soit directement ou par l’intermédiaire d’officiers qui lui sont subordonnés, conformément aux dispositions de la présente Charte. En particulier, Sa Sainteté le Dalaï Lama est habilité à exécuter les pouvoirs ci-après en tant que chef de la direction du peuple tibétain : (a) approuver et promulguer les projets de loi et des règlements prescrits par l’Assemblée tibétain.

(b) promulguer des lois et ordonnances qui ont force de loi.

(c) conférer les honneurs et les brevets de mérite.

(d) convoquer, ajourner, reporter et prolonger l’Assemblée tibétaine ?

(e) envoyer des messages et adresses à l’Assemblée tibétaine chaque fois que nécessaire.

(f) suspendre ou dissoudre l’Assemblée tibétaine.

(g) dissoudre le Kashag (gouvernement) ou destituer un Kalon (ministre).

(h) décréter l’urgence et convoquer des réunions spéciales de grande importance.

j) autoriser les référendums dans les cas impliquant des grandes questions en suspens conformément à la présente charte. »

Le site officiel des tibétains donne des précisions quant à la validité des différents discours du Dalaï Lama en précisant que celui qui suit est toujours d’actualité : « Alors que se poursuit l’occupation militaire du Tibet par la Chine, le monde doit garder présent à l’esprit que, bien que les Tibétains aient perdu leur liberté, du point de vue du droit international, le Tibet reste aujourd’hui un état indépendant soumis à une occupation illégale. […] Libéré de l’occupation chinoise, le Tibet continuerait à remplir aujourd’hui son rôle naturel d’Etat-tampon, préservant et favorisant la paix en Asie. »

Pour le Dalaï Lama, désavoué par la totalité des Etats de la planète, le Tibet, un quart du territoire chinois, doit donc devenir indépendant. Cette affirmation est significative de la volonté d’affronter le gouvernement légal du pays et de provoquer des troubles qui ne pourront être que sanglants. Pour instaurer une démocratie à la mode française ? On vient de voir que le projet est une dictature théocratique.

En conclusion, les adversaires de la politique du pire souhaitent que les moines prient, que les gouvernements gouvernent, que les langues régionales soient respectées (mieux que chez nous), que les cultures perdurent, que la démocratie progresse au Tibet, dans les autres régions chinoises, partout dans le monde (et jusque dans la presse française) et que rien de cela ne soit obtenu par des guerres civiles.

Inutile donc de crier haro sur le baudet, de désigner à la vindicte l’Empire du mal en tranchant à notre place. Le citoyen français a le droit d’exiger de la presse et des commentateurs sur Internet qu’ils présentent la réalité dans sa complexité, ce qui suppose de ne rien celer qui affaiblit une thèse, de ne pas gommer la nécessaire connexion aux enjeux géopolitiques mondiaux.

Maxime Vivas, écrivain.

Dernier livre paru : « La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone. »

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