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Les « collabos de Poutine » selon Laurent Joffrin

La "Libre-Débats" du week-end des 15-16/04/2023 a publié un article de Laurent Joffrin qui s’efforce de décrédibiliser tous ceux qui se refusent de diaboliser Poutine (1). Rien que le titre « Les collabos de Poutine » en dit long sur les intentions de l’auteur. "Collabo" est un terme injurieux désignant communément tous ceux qui, à des titres divers, ont collaboré avec l’occupant nazi.

Comme au bon vieux temps de l’épuration et des femmes tondues, Laurent Joffrin se croit autorisé à livrer à la vindicte populaire quelques noms au hasard, avec des accusations qu’il imagine gravissimes :

- Michel Onfray : « devenu, à force de zigzags idéologiques, le polygraphe officiel du nationalisme le plus obtus »,

- Régis Le Sommier : « ancien de Paris-Match, animateur de la revue qui signe des reportages édifiants sur le courage des soldats russes »,

- Maurice Gourdault-Montagne : « diplomate plutôt nuancé soudain enrôlé dans cette opération de désinformation »,

- Arno Klarsfeld : « mirobolant polémiste surtout connu pour ses rollers »,

- Jacques Sapir : « économiste venu de l’ancien Front de Gauche passé à la droite souverainiste la plus rigide »,

- Henri Guaino : « ex-gaulliste et néo-sarkozyste, devenu prêcheur du relativisme poutinoïde ».

Amusant de voir Laurent Joffrin accuser Michel Onfray de « zigzags idéologiques ». Joffrin n’est-il pas lui-même le champion toutes catégories de cette spécialité ? Ancien familier de Jean-Marie Le Pen (2), il est passé plusieurs fois de L’Obs à Libé et vice-versa avant de s’aventurer dans un nouveau média, Le Journal. Un parcours sinueux qui laisse rêveur.

Libre à Joffrin de ne pas aimer l’idéologie de Régis Le Sommier. Mais il y a bien d’autres journalistes de terrain qui ne partagent pas la doxa occidentale du méchant Poutine contre le gentil Zelensky, comme Christelle Néant ou Anne-Laure Bonnel – dont sans doute Joffrin n’a jamais entendu parler, pas plus qu’il n’a sans doute entendu parler de témoins privilégiés, comme l’assistant humanitaire Adrien Bocquet ou l’observateur international Jean Neige.

Pourquoi s’en prend-il particulièrement à Maurice Gourdault-Montagne ? Cet ancien ambassadeur de France, à la carrière prestigieuse, n’est pourtant pas le seul diplomate à critiquer vivement les agissements de l’OTAN en Ukraine, comme, par exemple, le Britannique Alastair Crooke, le Suisse Jean-Pierre Vettovoglia ou l’Indien M.K. Bhadrakumar, lesquels sont, bien entendu, snobés par le nombrilisme parisien de Laurent Joffrin.

Il n’est pas question ici de juger le parcours politique d’Arno Klarsfeld dont on peut penser ce qu’on veut. Mais sa dénonciation argumentée de la présence bien réelle du nazisme en Ukraine mérite assurément le respect. En tout cas, réduire cette évidence (3) à « des bribes de vérité » en traitant l’activiste juif Klarsfeld de « mirobolant » et en ironisant sur « ses rollers », c’est, de la part de Joffrin, minable, sinon pathétique, voire odieux.

Que les analyses de Jacques Sapir dérangent les certitudes de Joffrin, ça ne change rien au fait que le conflit ukrainien a accéléré l’émergence d’une nouvelle architecture géopolitique multipolaire dans laquelle l’Europe a déjà commencé à payer très cher sa vassalisation vis-à-vis l’Oncle Sam. C’est aussi l’avis d’un nombre croissant d’observateurs non alignés : Caroline Galactéros, Jacques Baud, Sylvain Ferreira, Éric Denécé, Emmanuel Todd, etc.

Et Henri Guaino, ancienne plume de Sarkozy, aurait-il tort de renouer avec la vision de Charles De Gaulle pour qui l’Europe s’étend de l’Atlantique à l’Oural ? Joffrin oserait-il s’en prendre à Pierre De Gaulle, le petit-fils du Général, qui ne cesse de dénoncer le rôle funeste de l’OTAN ? Ira-t-il jusqu’à l’accuser de « relativisme poutinoïde » ?

C’est probable, car pour Joffrin il suffit de faire remarquer que la guerre n’a pas commencé le 24 février 2022 pour se voir accusé « d’épauler la propagande du Kremlin ».

Avec de telles prémisses, on ne s’étonnera pas de le voir assener de grossières contre-vérités. Deux exemples :

D’après Joffrin, « (...) des solutions diplomatiques (...) ont été rejetées avec force par Vladimir Poutine ». C’est exactement le contraire de la vérité, comme l’a révélé l’ex-Premier ministre d’Israël Naftali Bennett (4).

Autre déclaration de Joffrin : « (...) « les libertés publiques ont toujours été respectées dans la nouvelle Ukraine ». C’est complètement faux : fermeture des télévisions d’opposition, arrestation de journalistes indépendants et accroissement des mesures contre la culture russe (5).

Comment peut-on publier impunément de telles contre-vérités ? Comment qualifier une telle impudence ? Qu’est-ce qui autorise Joffrin à traiter de « collabos » ceux qui ne pensent pas comme lui ? Espère-t-il ainsi gagner des lecteurs ?

Le mercredi 12 avril, à Paris, Laurent Joffrin lançait officiellement « Le Journal », un nouveau média en ligne avec pour ambition d’affirmer la voix d’une gauche réformiste face à « l’extrême droite nationaliste, la technocratie verticale macroniste et le populisme de gauche » : excusez du peu. Son slogan : « On peut être de gauche et avoir une bonne droite ». Encore faut-il ne pas décocher ses coups dans le vide comme un boxeur dans le cirage.

André LACROIX

(1) https://www.lalibre.be/debats/2023/04/15/les-collabos-de-poutine-H43FW....
(2) Photo à l’appui. Voir, entre autres,
https://www.legrandsoir.info/laurent-joffrin-ou-le-mepris-de-ses-lecteurs.html).
(3) Lire, par exemple : https://forward.com/news/462916/nazi-collaborator-monuments-in-ukraine/.
(4) Voir https://cf2r.org/editorial/quand-le-brouillard-de-la-guerre-commence-a... ou https://www.investigaction.net/fr/loccident-a-sabote-la-paix-en-ukrain....
(5) Voir notamment http://www.defenddemocracy.press/zelensky-bans-political-opposition-na... et http://www.defenddemocracy.press/ukraine-parliament-passes-new-laws-se... de même que : https://lafauteadiderot.net/Repression-censure-neoliberalisme-a-la-Pin....

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