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Peut-on servir le Capital sans aimer l’argent ?

Lettre ouverte aux vacillants supporteurs de M. Fillon

Allez quoi, nobles Ladies and Gentlemen du Touquet et des boucles de la Seine, du courage, du nerf, tous à la reconquête !

Durant une décennie, vous avez bien soutenu mordicus Sarko malgré ses dérapages « pipols », ses photos glamour avec « Carla », son avidité affichée, son goût du luxe tapageur, ses acrobaties judiciaires et ses gamelles tintinnabulantes et rebondissantes…

A l’époque, vous saviez du moins clairement ce que vous vouliez : un président de « rupture », un vrai mec qui « en avait » et qui allait enfin détruire ces acquis du CNR, hérités de la triste époque où, sur la lancée de la Résistance, les cocos et les adeptes du grand Charles fricotaient honteusement en lâchant au populo ces abominations sans nom : Sécurité sociale, retraites par répartition, nationalisations, comités d’entreprise, Code du travail… Diantre, il faut savoir ce qu’on veut dans la vie et ce n’est certes pas à un saint homme que l’on ira jamais demander d’aller voler les pauvres pour donner aux riches afin de mieux intégrer ces derniers, avec leurs manoirs, leurs écoles privées haut de gamme et leur domesticité stylée, dans l’ « élite mondialisée » anglophone, euro-béate et germanolâtre…

Hélas, la basse roture jouit encore du droit de vote en ce pays rustique. En 2012, la plèbe a donc viré Sarko, l’ennemi trop voyant des « porteurs de pancartes » et autres syndicalistes. En votant Hollande, certains manants croyaient – bien à tort certes, mais cette rébellion ratée n’en mérite pas moins châtiment – que Hollande allait ralentir un peu les mauvais coups « made in Bruxelles » contre les « petites gens »…

Cinq années très difficiles à vivre à Neuilly, au Vésinet et dans le 16ème arrondissement. Oh, vous finissiez bien par obtenir tout ce que vous désiriez ; mais certains députés PS cédaient à reculons, sans enthousiasme vrai, en mégotant mesquinement, en lançant des tas de frondes inconvenantes. Pire, une CGT méconnaissable, aussitôt lâchée par la si compréhensive CFDT, formait à nouveau des piquets de grève pour refuser la Loi Travail !

Par bonheur, Zorro Fillon allait enfin bouter l’Usurpateur hors de l’Elysée et balayer toute cette chienlit « hexagonale » qui vous fait tant vergogne quand vous l’évoquez à table avec vos pairs moqueurs d’Outre-Rhin, d’Outre-Manche ou d’Outre-Atlantique… Avec « François » au moins, vous aviez la garantie d’un programme 100% thatchérien. Un programme garanti par Le Point, le magazine qui compare la CGT à Daech et qui « assassine » à coups de Unes hurlantes les chômeurs « assistés », le « coût exorbitant du travail », le Code du travail « archaïque », la « fiscalité confiscatoire », les « grèves corporatistes » et surtout, ces « fonctionnaires qui plombent la France ». Bref, l’instinct de classe avait parlé, toujours clair, net et précis chez ceux qui possèdent tout mais qui n’en ont jamais assez.

Alors, marchant à l’urne en cohortes serrées par un beau jour de « primaires », les mémères en-chapeautées, les petits jeunes gens en loden achevant leur cursus « managérial » en anglo-ricain, les patriarches décorés grands-maîtres des héritages et, derrière eux, pour faire masse, des processions de chauffeurs de maîtres et de « petites gens » embobinées au sortir de la grand-messe, avaient massivement répudié la « gauchiste » NKM, humilié le trop vulgaire Coppé et balayé ce grand mollasson de Juppé pour élire enfin un dur de dur. Et pour « rendre la présidentielle imperdable », vous aviez choisi un homme « intègre », « allant-à-la-messe », sachant jouer pour l’image d’un zeste de gaullisme frelaté, nanti d’une famille nombreuse comme on les aime dans l’Ouest parisien. Un homme meublant sa belle demeure avec goût, doté d’une épouse discrète et « so British », portant d’élégants costumes stricts, pratiquant virilement à l’occasion l’alpinisme et la Formule 1. Celui-là, c’était sûr, n’avait pas de « casseroles », comme vous dites tout aussi vulgairement que nous autres gueux. Contrairement à l’avide Sarko, contrairement à Hollande qui devait au moins feindre de servir la classe opposée, voilà quelqu’un qui saurait servir sa classe, « tenir son rang », « habiter la fonction » et faire table rase du « modèle social » en s’oubliant un peu lui-même. Ou du moins, en faisant efficacement semblant…

Hélas, c’est encore raté ! Car comment un homme qui sert passionnément le Capital n’aimerait-il pas le pognon ? Comment n’aimerait-il pas en gagner un max sans travailler trop dur ? Car enfin, à part ses contre-réformes sur les retraites qui ont appauvri des millions de pensionnés, qu’a donc jamais produit Fillon, intellectuellement ou manuellement ? Commencée auprès du « gaulliste social » et du très anti-maastrichtien Philippe Séguin, la carrière zigzagante de Fillon a su prendre opportunément le virage de Thatcher, de Merkel et de Trump : le peu de « social » dont il rêvait auprès de Séguin, Fillon l’aura défait et au-delà en servant Raffarin et Sarko : bilan, ZERO ! Et à tout instant, ce pourfendeur des fonctionnaires, aura été été porté – assisté serait le mot juste – par l’appareil d’Etat bourgeois tant brocardé par nos grands « libéraux ». Un appareil qui, aux frais de Marianne, rémunère grassement la carrière rémunératrice de certains élus à vie sans oublier, parfois, en toute légalité, les membres de leur famille. Mais pour Fillon « où est le problème ? » si son épouse – qu’il « hhhêêêême » tant, comme il l’a déclaré avec tant de retenue – gagne un chouya d’argent de poche (plus de 7000 € mensuels pour son dernier salaire : dérisoire !) payé par la République pour faire on ne sait pas très bien quoi. Ou si, pour compléter cette misère que paie l’Etat à Madame (en pièces jaunes ?), il lui est arrivé de gribouiller à grands frais quelques « articles » pour une revue dont le nom doublement mondain fleure bon La Recherche du temps perdu… Dame, il faut bien « joindre les deux bouts » et débourser régulièrement les frais du manoir, du bolide, du petit personnel et des hautes études pour les héritiers (par curiosité : combien parmi ces derniers auront-ils fréquenté le collège public ? Ce collège ravagé par le « socle commun » au rabais qu’a insistué Fillon, avec les résultats qu’on sait, quand il était ministre de l’Education nationale …

Mais « Paris vaut bien une messe » : soyons raisonnables et convenons qu’un individu qui veut supprimer 500 000 emplois publics, ratiboiser la Sécu, fliquer à mort l’indemnisation du chômage, repousser la retraite à 65 ans (c’est-à-dire basculer très chrétiennement des millions de gens au RMI, vu que nombre de salariés sont licenciés bien avant 60 ans), supprimer les heures sup en dégageant la durée légale du travail et faire travailler les fonctionnaires 39 h payées 35, ne peut pas être une réincarnation de Saint-François d’Assises (sauf peut-être à changer une préposition dans la dénomination de cet apôtre de la pauvreté ?). Surtout que très évangéliquement, Fillon veut aussi éliminer l’impôt sur la fortune et lever les dernières « charges » qui pèsent encore sur le patronat. C’est-à-dire faire table rase de notre salaire indirect mutualisé…

Alors, gentils supporteurs vacillants de Fillon, un peu de courage et de tenue : que diable, il faut s’assumer dans la vie. Osez donc vous avouer qu’un défenseur à tous crins du profit ne se contredit pas vraiment quand, dans sa conduite quotidienne, il se révèle un petit… profiteur à la godille. Paradoxe dialectique : « dans la quête du profit maximal, il n’y a pas de petits profits »…

Allez, sujets et sujettes privilégiés de Sa Majesté le Capital, c’est vraiment pas le moment de lâcher piteusement votre idole : le temps est plutôt venu de vous contempler dans le miroir d’argent que vous tend Fillon, nanti de sa Pénélope « qui a toujours travaillé pour lui ». Et si hier vous avez, en connaissance de cause, voté pour son programme de guerre de classe contre les pauvres, convenez que, humainement parlant, vous aurez du mal à paraître plus « sourcilleux » qu’un modèle auquel vous ressemblez tant !

Allez, assez d’états d’âme mal venus ! Courez donc au secours de votre champion : à une lettre près le « filon » des méga-cadeaux fiscaux est derrière ! Pour l’heure, qu’il vous suffise de changer un peu le refrain trop révolutionnaire de La Marseillaise et « Qu’un blé impur abreuve vos Fillons ! ».

Floréal
www.initiative-communiste.fr
(Illustration LGS)

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« Cremada » de Maïté Pinero
Bernard Revel
Prix Odette Coste des Vendanges littéraires 2017 Maïté Pinero est née à Ille-sur-Têt. Journaliste, elle a été correspondante de presse en Amérique Latine dans les années quatre-vingts. Elle a couvert la révolution sandiniste au Nicaragua, les guérillas au Salvador et en Colombie, la chute des dictatures chiliennes et haïtiennes. Elle a écrit plusieurs romans et recueils de nouvelles dont « Le trouble des eaux » (Julliard, 1995). Les huit nouvelles de « Cremada », rééditées par Philippe (…)
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Caitlin Johnstone

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