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Macron et sa caravane au Maroc : la honte

Fin octobre, notre cher et vénérable président Emmanuel Macron était au Maroc pour une visite d’État de trois jours, accompagné de son professeur de théâtre particulier Brigitte (JMT pour les intimes) ainsi que d’une délégation de ministres, d’industriels et de « personnalités » (hum) du monde de la « culture ».

Pour l’occasion, on avait hissé de beaux drapeaux tricolores dans les rues de Rabat, repeint à la hâte (un jour de pluie, signe du destin) les façades des immeubles des pauvres gens sur le parcours du convoi officiel, végétalisé tout aussi précipitamment les terrains vagues pour leur donner des allures de charmants parcs familiaux (les plantes ont crevé depuis), et garni les bords de route de gueux, d’écoliers et d’handicapés braillards pour convoquer l’instinct grégaire avant toute forme de réflexion chez la populace en mal de divertissement. Bref, le folklore habituel.

Il fallait bien un tel ramdam pour accueillir celui qui allait conclure pas moins de 22 accords de partenariat économique avec le roi Mohammed VI et reconnaître officiellement devant le Parlement le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental. Des investissements, nous rassure Macron Ier (« Makroun al awal » pour les arabophones facétieux), qui évidemment « bénéficieront aux populations locales » (évidemment).

Mardi 29 octobre, la princesse Lalla Hasnaa et notre Première dame Brigitte Macron, alias JMT, inauguraient, main dans la main, le Grand Théâtre de Rabat (qui, géographiquement, se situe à Salé, dans la commune voisine, mais chut, Salé est une ville de parias, ça ferait tache), celui-ci restant inexplicablement fermé depuis des années au désespoir des amoureux (fortunés) des arts et du spectacle vivant. La « démocratisation » de la culture attendra encore un peu. Œuvre de l’architecte anglo-irakienne Zaha Hadid, le bâtiment de style futuriste est au moins une réussite esthétique, faisant élégamment rayonner ses courbes crayeuses dans la vallée du Bouregreg.

En revanche, on ne peut franchement en dire autant de la nouvelle « tour d’affaires » (Tour Mohammed VI) façon pétromonarchie qui, à quelques encablures de là, se dresse comme un immense suppositoire de béton et d’acier, dénaturant scandaleusement l’environnement, tant naturel qu’historique – je pense aux sites de la tour Hassan et du Chellah qui, à proximité, surplombent la vallée. Un projet conçu à l’origine par un milliardaire fassi (banquier de son état) pour les salariés du groupe BMCE. Mais peu importe, il paraît qu’on finit toujours par s’habituer au mauvais goût des autres. Et il n’est pas trop tard pour démonter le tout et récupérer les matériaux afin de construire de nouvelles écoles, par exemple. C’est moins spectaculaire, certes, mais ça soulagera peut-être un peu les profs et leurs élèves qui s’entassent à cinquante dans les salles de classe.

Dans la soirée, le roi Mohammed VI organisait un dîner d’État en l’honneur de Macron Ier, où l’on vit toute la fine fleur de l’intelligentsia française sur le retour, de Bernard-Henri Lévy à Élisabeth Guigou en passant par Jack Lang ou Éric Dupond-Moretti (vomissons tous en chœur), éminents représentants de la civilisation judéo-chrétienne en terre amazighe. Seul le valeureux Achraf Hakimi semblait se demander ce qu’il faisait là. Ne manquait plus au tableau que l’écrivain officiel Tahar Ben Jelloun pour nous expliquer que tout va très bien, Madame la Marquise, ou qu’il faut se débarrasser des méchants antisémites et des complotistes covido-sceptiques, ennemis de la concorde nationale. Bref, pour conclure nous dirons qu’en matière de décolonisation (des territoires et des esprits), il y a encore du boulot.

Tiens, je vois qu’un grand chantier se prépare dans mon quartier de parias, sur l’emplacement d’un parking où les gamins ont l’habitude de jouer au foot. Je m’approche pour lire les détails du projet, qu’est-il donc prévu ? Un parc ? Une bibliothèque ? Pour nous, pauvres ploucs de Slaouis ? Un gymnase ? Un centre de loisirs ? Oui, ce serait super pour occuper enfin les jeunes qui passent tout leur temps voûtés sur leur téléphone. Ah non, une mosquée. Quelle bonne idée. Ça ne sera que la douzième du quartier.

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En finir avec l’eurolibéralisme - Bernard Cassen (dir.) - Mille et Une Nuits, 2008.
Bernard GENSANE
Il s’agit là d’un court ouvrage collectif, très dense, publié suite à un colloque organisé par Mémoire des luttes et la revue Utopie critique à l’université Paris 8 en juin 2008, sous la direction de Bernard Cassen, fondateur et ancien président d’ATTAC, à qui, on s’en souvient, le "non" au référendum de 2005 doit beaucoup. La thèse centrale de cet ouvrage est que l’« Europe » est, et a toujours été, une machine à libéraliser, au-dessus des peuples, contre les peuples. Dans "La fracture (…)
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