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Mélenchon / PCF : la double impasse du Front de Gauche

Le Front de Gauche est en crise depuis la fin de l’été depuis que ses deux leaders se sont affrontés par médias interposés avec les élections municipales en toile de fond. Quels objectifs politiques nourrissent les uns et les autres ? Et quelles impasses offrent-ils les uns et les autres au légitime mécontentement populaire contre la politique pro-patronale du gouvernement Hollande ? Où sont les intérêts des travailleurs dans ces calculs mesquins pour préserver leurs boutiques électorales respectives ?

La fin de l’été a été rude pour le Front de Gauche, alors que Jean-Luc Mélenchon mettait en cause à juste titre la lepénisation de Manuel Valls, le secrétaire national du Parti Communiste Français, Pierre Laurent s’est chargé de jouer les chevaliers servant du ministre de l’Intérieur en appelant à refuser « la provocation et l’invective ». Amabilité à laquelle le leader du Parti de Gauche a répondu en déclarant « On ne gagne rien au rôle de tireur dans le dos ».
Derrière ces petites phrases, il existe une crise plus profonde au sein du Front de Gauche à propos de la politique à suivre lors des prochaines élections municipales, une question lancinante qui tiraille le Front de Gauche depuis un an et demi : opposition ou soutien au gouvernement Hollande ?
Ce dilemme ne veut être tranché ni par Jean-Luc Mélenchon, ni par le PCF qui propose l’un et l’autre une impasse politique aux secteurs avancés des classes populaires qui cherchent une issue aux contre-réformes du gouvernement PS-EELV. Dans ces divergences stratégiques, ce sont les calculs politiciens qui priment sur les intérêts des travailleurs.

Des alliances à géométrie variable

Pourtant, un espace politique existe pour ce mécontentement. Selon un sondage YouGov de juin 2013, le Front de Gauche obtiendrait 15 % aux prochaines élections européennes de juin à égalité avec le Parti Socialiste. Mais avant les élections européennes, il y a en mars les élections municipales.
Huit semaines séparant les deux scrutins, un même discours doit être tenu lors des deux échéances. Jean-Luc Mélenchon qui souhaite être réélu en juin prochain est conscient de cette nécessité, dans un entretien à la revue Regards : « Peut-on imaginer que nous fermions la boutique Front de Gauche jusqu’en avril pour la rouvrir au moment des européennes en mai.
Faudra-t-il la refermer de nouveau en 2015 lors des élections pour les conseillers territoriaux ? » et de conclure : « La question est de savoir si le Front de Gauche s’assume comme une alternative ».
Si les bisbilles sur ces élections ne remettent pas en cause le projet structurel du cartel électoral de type réformiste anti-libéral, ces divergences stratégiques sont des obstacles conjoncturels non négligeables.

La question des municipales est épineuse au Front de Gauche. Si on sait d’ores et déjà que le Front de Gauche sera autonome au 1er tour dans des villes comme Pau ou Tarbes et même comme Carcassonne où les alliances PCF / PS étaient jusqu’alors la règle, d’autres grandes villes symboliques sèment la zizanie entre le Parti de Gauche et le PCF. Ainsi, des négociations entre le PCF et le PS sont avancées à Evry, la ville de Manuel Valls, à Nantes, celle de Jean-Marc Ayrault, à Lyon ou à Toulouse.
La querelle la plus symbolique a lieu dans la capitale où le PCF semble prêt à s’allier avec le parti présidentiel sous réserve d’obtenir une vingtaine de conseillers de Paris éligibles alors même que des négociations sont encore en cours avec le Parti de Gauche. Pourtant, le discours de la candidate socialiste, Anne Hidalgo, ne diffère pas de la ligne politique gouvernementale de l’austérité généralisée.
Ainsi, concernant les Roms, elle cède au racisme ambiant et considère à l’image des politiques que mènent Manuel Valls depuis le ministère de l’Intérieur que « Paris ne peut pas être un campement géant » et le service des urgences de l’Hôtel-Dieu est menacé de fermeture par la municipalité obéissant aux injonctions nationales de restrictions budgétaires dans tous les services publics [1].

Face aux caméras, sachant sa survie politique à ce prix, Jean-Luc Mélenchon ne tarit pas d’éloges sur Pierre Laurent, redevenu un « excellent camarade », Ian Brossat, le chef de file du PCF à Paris, un « magnifique camarade » ou sur le rendez-vous annuel du PCF, la fête de l’Humanité, déclarant ainsi au Talk Orange – Le Figaro du 13 septembre dernier, « Je suis chez moi à la fête de l’Huma » « c’est une ambiance extraordinaire de fraternité et de chaleur » ou « je suis magnifiquement accueilli par la direction de la fête ».
Mais, par-delà les apparences médiatiques, une lutte a déjà commencé où Jean-Luc Mélenchon tente de s’appuyer sur les nombreux communistes favorables à l’autonomie ou sur les sept des neuf composantes du Front de Gauche qui ont déjà statué en faveur de l’autonomie au 1 tour à l’égard du PS dans toutes les municipalités de plus de 20 000 habitants. Ces composantes sont néanmoins extrêmement inégales.
Hors du PG et du PCF, aucune n’a de poids politique majeur. A l’intérieur même de ces deux composantes principales entre la petite dizaine de milliers d’adhérents au PG et les 70 000 votants aux dernières consultations internes du PCF, le rapport de forces est déséquilibré. Si le PG dispose d’une figure médiatique à la notoriété inégalée en la personne de Jean-Luc Mélenchon, il ne dispose ni de la force militante, ni des finances du PCF.

Les deux faces d’un même opportunisme

Aujourd’hui, le discours de Jean-Luc Mélenchon reprend largement les arguments qu’utilisaient l’extrême-gauche à l’égard de la Gauche Plurielle, lorsqu’il déclare au magazine Regards « On ne peut pas manifester le samedi contre la politique du gouvernement et voter le dimanche pour un de ses ministres » [2] ou encore lorsqu’il reproche à Pierre Laurent d’être dans l’ « illusion sur le point où en sont arrivés les socialistes, il ne s’est pas rendu compte de l’ampleur de la glissade qui n’est pas conjoncturelle ».

Si Jean-Luc Mélenchon reprend volontiers notre rhétorique pour mieux souligner les contradictions manifestes de son allié communiste, nos objectifs continuent de diverger. Cette radicalité s’explique par une implantation territoriale faible.
Si le Parti de Gauche adopte un langage de rupture pour cet élection, c’est qu’il a, à la différence du PCF, très peu d’élus locaux à perdre et peu de militants reconnus susceptibles d’obtenir un poste de maire, d’adjoint au maire ou même de simple conseiller municipal.
En revanche, l’ancien candidat à l’élection présidentielle définit l’enjeu essentiel de ces élections municipales de « commencer à poser les jalons d’une majorité alternative » et espère pour cela, dès le 1 tour, des listes communes avec Europe Écologie – Les Verts, autre parti membre de la coalition gouvernementale. Des accords sont en vue dans une ville comme Grenoble par exemple.
L’objectif de l’autonomie à l’égard du Parti Socialiste n’est pas celui de construire une opposition susceptible de mobiliser les classes populaires mais de déplacer à gauche le curseur à l’intérieur de l’actuelle majorité présidentielle dans la droite lignée de sa proposition de devenir le Premier Ministre de François Hollande et d’apparaître ainsi, aux yeux du PS, comme le recours de « gauche » devant le fiasco des élections locales.

La démarche du PCF est très différente. Il dirige aujourd’hui encore entre 700 et 750 municipalités et compte près de 7 000 élus locaux. En Île-de-France, par exemple, le PCF, dirige des communes représentant près de 13 % de la population régionale.
En dépit de son affaiblissement, ce parti demeure en nombre d’élus, la troisième force politique française derrière le PS et l’UMP.
Les reversements des indemnités de ces milliers d’élus locaux représentent la moitié du budget du PCF. L’enjeu est donc de taille pour le parti de Pierre Laurent, en terme de poids politique comme en sources de revenus pour le fonctionnement interne de l’organisation.
Nombre de militants sont légitimement attachés à ces municipalités où au niveau local, des militants PCF essaient de limiter les dégâts sociaux de la crise et des politiques gouvernementales. Pour sauver ces municipalités et ce réseau d’élus locaux, le PCF justifie toutes les alliances les plus opportunistes avec le PS. Mais, ces « Unions de la Gauche » apparaissent comme un soutien à la politique pro-patronale du gouvernement et contribuent à écœurer et démoraliser davantage les travailleurs qui lui faisaient confiance.
Ainsi, son nombre de maires se réduit à chaque scrutin comme peau de chagrin. Sa stratégie de subordination à l’égard du Parti Socialiste s’explique par cette volonté de négocier un recul programmé.
Certains responsables PCF explique d’ailleurs les alliances dès le 1erer tour avec le PS dans certaines grandes villes comme une condition du soutien du parti présidentiel dans les mairies qu’il dirige. Ce calcul politicien n’est cependant même pas de nature à amadouer les appétits du PS qui a déjà décidé de présenter des candidats à Villetaneuse, Montreuil, La Courneuve et Saint-Denis où les militants socialistes vocifèrent des slogans réactionnaires du type « Les communistes, ça suffit ! ».

Les calculs tactiques d’une ou l’autre des principales tendances du Front de Gauche sont très éloignés des préoccupations des classes populaires dont les poches ont été vidées par le pacte de compétitivité, les licenciements facilités par l’accord national interprofessionnel et les retraites hypothéquées par la réforme en préparation.
Les choix opérés par le Front de Gauche, qu’il s’allie à l’une des composantes de la majorité gouvernementale pour sauver quelques mairies ou qu’il s’allie à l’autre pour quémander une réorientation de la majorité, ne sont pas en mesure de capitaliser le mécontentement réel des classes populaires et d’incarner une opposition résolue au gouvernement Hollande.
Les uns et les autres fusionneront leurs listes avec le Parti Socialiste au soir du premier tour parce qu’ils n’imaginent pas sérieusement construire une alternative sans lui. Au soir du 1er tour des élections présidentielles, Jean-Luc Mélenchon déclarait qu’il fallait voter Hollande et « ne pas traîner les pieds, mobiliser comme s’il s’agissait de (lui) faire gagner (lui)-même l’élection présidentielle ».
Il s’estime aujourd’hui un « ayant-droit » de la majorité présidentielle, un « ayant-droit » auquel le PS n’apporte strictement aucun égard, ni infléchissement de la ligne politique. Pourquoi la stratégie qui n’a pas marché hier pourrait fonctionner aujourd’hui ?
Le navire du Front de Gauche n’a pas fini de tanguer sous l’effet de ses contradictions, mais la même volonté au pouvoir dans le cadre d’une majorité de la gauche parlementaire continuera de souder l’équipage. Au moment où le gouvernement multiplie les attaques, il serait nécessaire d’organiser le mécontentement plutôt que de rechercher telle ou telle autre alliance opportuniste avec les partis qui gouvernent le pays dans les intérêts du patronat et finalement de déboussoler les travailleurs qui pourraient leur faire confiance.

Ces atermoiements sont riches d’enseignements pour notre propre parti. Ce n’est pas sur une union électoraliste floue arguant une certaine autonomie à l’égard du PS, sans délimitation stratégique que l’on construit une organisation politique durable. A cet égard, les politiques du NPA d’alliances ouvertes au Front de Gauche et à Europe Écologie – Les Verts à Poitiers ou jusqu’au propre Parti Socialiste à Cavaillon s’inscrivent dans une même démarche électoraliste qui mène à la même impasse. L’indépendance du Parti Socialiste, un parti qui attaque tous azimuts depuis plus d’un an, est indispensable au 1er comme au 2ème tour.

Romain Lamel, le 25/09/13

»» http://www.ccr4.org/Melenchon-PCF-la-double-impasse-du-Front-de-Gauche

[1Le PCF a voté en Conseil municipal pour le Plan Local d’Urbanisme qui permet la fermeture du service des urgences.

[2Ce type de phrases était souvent employé de 1997 à 2002 par les militants LO ou LCR face aux ministres PCF qui mettaient en œuvre la privatisation de France Télécom ou d’Air France contre laquelle résistait les militants PCF au sein des entreprises ou face aux ministres de l’aile gauche du PS tel le ministre délégué à l’Enseignement professionnel, Jean-Luc Mélenchon.


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