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Naomi Klein : « Si nous conjuguons justice sociale et action pour le climat, les gens se battront pour cet avenir »

Face à l’ampleur des inégalités générées par le capitalisme débridé, face à l’urgence écologique que représente le dérèglement climatique, « tout peut changer », assure Naomi Klein dans son nouveau livre. A condition de ne pas « céder au désespoir », car « trop de vies sont en jeu », et de « se battre pour construire un système économique plus juste ». L’essayiste et militante altermondialiste canadienne est connue pour ses ouvrages critiques du capitalisme : No Logo dénonçait la tyrannie des marques, La stratégie du choc décryptait la brutalité des réformes néo-libérales. Elle pointe désormais l’impunité totale dont bénéficient les grandes entreprises pétrolières et gazières qui font peser une menace mortelle sur la planète. Entretien.

Basta ! : Nous savons ce qui va arriver si nous ne faisons rien contre le dérèglement climatique – un désastre écologique et humain – et pourtant rien ne se passe. Comment expliquer ce déni dans lequel nous vivons ?

Naomi Klein : Le problème n’est pas que nous ne faisons rien, mais que nous nous engageons activement dans les mauvais choix. Notre système économique repose sur une croissance infinie. Toute expansion est considérée comme positive. Nos émissions de CO2 augmentent beaucoup plus rapidement que dans les années 1990. Dans la dernière décennie, le prix très élevé du pétrole a incité le secteur énergétique à se tourner vers de nouvelles formes d’extraction, plus coûteuses et plus polluantes, comme le pétrole des sables bitumineux et la fracturation hydraulique [gaz de schiste]. Nous avons encouragé les multinationales à produire à moindre coût, avec une main d’œuvre pas cher et des ressources énergétiques à prix bas. On ne peut pas dire que nous ne faisons rien : nous faisons empirer le problème !

La question climatique est angoissante pour beaucoup de gens. Vous estimez au contraire qu’elle constitue une opportunité pour tout changer, que la transition énergétique représente un défi exaltant. Comment changer l’état d’esprit de celles et ceux qui le vivent comme une contrainte et avec anxiété ?

Nous payons les conséquences de deux décennies de politiques climatiques qui n’étaient pas basées sur la justice. Résultat : la facture de la transition écologique pèse sur notre consommation quotidienne, sur les travailleurs. Les gens associent désormais les actions contre le changement climatique à l’augmentation du coût de la vie, au fait de payer un supplément pour des produits « verts » ou des énergies renouvelables. Ils ont commencé par accepter cette logique. Puis la crise économique est arrivée, les gens ont payé pour renflouer les banques et se demandent pourquoi ils devaient aussi payer pour les grandes entreprises polluantes. Non seulement celles-ci ne sont pas pénalisées, mais elles réalisent d’énormes profits. Cette injustice a provoqué des réactions.

Nous devons construire une vision claire et ambitieuse de ce que peut être une transition basée sur la justice. Une transition dont la facture sera payée par ceux qui sont responsables de cette crise, et non par ceux qui n’en ont pas les moyens. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas des sacrifices. Mais les gens seront beaucoup plus disposés à faire ces changements s’ils constatent que les normes sont appliquées avec justice, que l’on demande aussi aux plus grands pollueurs de changer.

Certaines multinationales pétrolières, comme ExxonMobil, BP ou Shell, ont déclaré la guerre à la planète, écrivez-vous...

Le modèle économique de ces entreprises les pousse à chercher sans cesse de nouvelles réserves de combustibles fossiles – charbon, pétrole et gaz. Une étude publiée par Carbon Tracker il y a trois ans montre à quel point cela va à l’encontre de ce que nous devons faire : l’industrie mondiale des énergies fossiles a aujourd’hui en réserve cinq fois plus de carbone que ce que peut absorber l’atmosphère, si nous voulons maintenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C. Deux degrés, c’est un seuil déjà très dangereux. C’est l’objectif que se sont fixé nos gouvernements lors de la conférence sur le climat de Copenhague [en 2009]. Cela nous donne un « budget global » de carbone : nous savons combien de carbone peut être brûlé pour avoir une chance sur deux d’atteindre cet objectif. Or, ces entreprises possèdent des réserves de carbone cinq fois plus importantes que ce budget global. Ce qui explique pourquoi elles se battent avec tant d’ardeur contre la diffusion d’une information scientifique juste et honnête sur le climat, pourquoi elles financent les responsables politiques et les organisations qui nient le réchauffement climatique, pourquoi elles s’opposent à toutes les mesures de lutte contre le changement climatique, que ce soit une taxe sur le carbone ou le soutien aux énergies renouvelables.

Pourquoi ces entreprises bénéficient-elles d’une telle impunité, malgré la menace qu’elles font peser sur la planète ?

Ces industries, notamment pétrolières, sont les entreprises les plus puissantes au monde. Nos gouvernements ont mené des guerres pour protéger leurs intérêts. Les énergies fossiles, par nature, sont concentrées géographiquement. Leur extraction, leur transport, leur traitement, coûtent très cher. Ce qui entraine une concentration de richesse et de puissance entre les mains d’un petit nombre d’entreprises, publiques ou privées. Une concentration de pouvoirs qui facilite la corruption, légale ou illégale – les responsables qui font des allers-retours entre entreprises et milieu politique, les énormes quantités d’argent qui servent à payer des campagnes politiques – pour ne parler que des processus légaux. Voilà pourquoi ces multinationales bénéficient d’une totale impunité.

Pour reprendre la main, devons-nous démanteler le pouvoir de ces entreprises transnationales ? Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Nous devons d’abord ne pas augmenter leur pouvoir. Ce qui implique de bloquer les nouveaux accords de libre-échange, comme celui entre l’Europe et les États-Unis [Tafta], le Partenariat TransPacifique, ou l’accord entre l’Union européenne et le Canada. Ces accords donnent de nouveaux pouvoirs aux entreprises multinationales pour défier les gouvernements en matière de politique climatique. Un exemple : la société suédoise Vattenfall conteste la transition énergétique allemande, en affirmant qu’elle lui a fait perdre 4,7 milliards d’euros [à cause de l’abandon du nucléaire, ndlr.]. Un énorme montant, pour lequel elle poursuit le gouvernement allemand (grâce à des clauses relatives aux droits des investisseurs [1]). De quoi inquiéter les autres gouvernements, car la transition énergétique allemande est l’une des tentatives les plus audacieuses de transition vers les énergies renouvelables. Cette pression sonne donc comme un avertissement pour les gouvernements : « Si vous suivez cette voie, vous serez poursuivis ». Autre exemple : la fracturation hydraulique. Le Québec l’a interdite, le gouvernement français a adopté un moratoire. Mais au Canada, en vertu de l’accord Alena, une entreprise états-unienne conteste cette interdiction, affirmant que cela viole ses droits au forage de gaz. Ne donnons pas à ces multinationales des pouvoirs supplémentaires pour défier nos gouvernements, avec de nouveaux accords de libre-échange !

Il faut aussi les dépouiller de leurs pouvoirs actuels. Aux États-Unis, il faut contester le fait que les entreprises sont traitées comme des personnes devant la loi et que leurs dépenses de lobbying sont assimilées à de la liberté d’expression ! Une réglementation beaucoup plus stricte est nécessaire concernant le financement des campagnes de lobbying par les entreprises. Ces entreprises ont un modèle économique profondément immoral. Les bénéfices qu’elles ont gagnés sont illégitimes. Les gouvernements ont donc le droit de réclamer ces bénéfices, pour financer la transition pour sortir des énergies fossiles. C’est ce qui affaiblira leur pouvoir, car ce sont ces bénéfices qui les rendent puissantes. ExxonMobil a gagné 46 milliards de dollars en une seule année ! Un record.

Que dire aux salariés de ces entreprises polluantes, qui risquent de perdre leurs emplois ? Quelles alliances sont possibles ?

La réponse au changement climatique doit être fondée sur la justice. Et c’est loin d’être une évidence ! Nous devons d’abord définir ensemble ce qu’est une transition juste. Ce principe doit être intégré dans nos revendications. Concrètement, cela signifie que les travailleurs du secteur des énergies fossiles qui perdraient leur emploi se verront offrir d’autres emplois, notamment dans le secteur des énergies renouvelables. Les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les transports en commun créent 6 à 8 fois plus d’emplois que les investissements dans le secteur extractif. Mais si les emplois du secteur extractif sont les seuls emplois existants, le mouvement syndical va évidement se battre pour ces emplois.

Une alliance entre le mouvement ouvrier et le mouvement de justice climatique est pourtant nécessaire. Nous en voyons les prémices : l’alliance syndicale au Royaume-Uni demande par exemple la création « d’un million d’emplois pour le climat ». C’est le bon moment pour construire ce type d’alliance : le compromis entre les travailleurs, les syndicats et ces multinationales a été rompu, car ces dernières ne créent plus de nombreux emplois. Elles licencient même à cause du faible prix du pétrole. Ce ne sont pas les écologistes qui volent les emplois des travailleurs du secteur des énergies fossiles ! Ces derniers mois, à cause de la chute spectaculaire du prix du pétrole, plus de 100 000 emplois ont été perdus dans le secteur pétrolier et gazier aux États-Unis. Une preuve qu’il est extrêmement risqué de tout parier sur une matière première, comme le pétrole et le gaz, dont le prix oscille sans cesse. Le moment est opportun pour construire une économie plus stable. L’avantage du vent et de l’énergie solaire, c’est qu’ils sont libres, au même prix tout le temps, ils ne sont pas soumis de la même façon à ces cycles d’expansion et de ralentissement.

Les mobilisations ont montré que s’opposer n’est pas suffisant. Nous avons besoin d’une vision claire de ce qui doit remplacer le système actuel, écrivez-vous. Qui va construire ce projet, cette vision ?

Cette vision doit être construite dans un processus démocratique, non uniforme. Un projet qui fonctionne en France ne sera pas le même au Canada ou en Inde. Nous devons diffuser des exemples de ce qui marche, à tous les niveaux – local, régional ou national. Comme ce grand combat sur la côte ouest des États-Unis près de Bellingham, dans l’État de Washington. Une ville très verte, mais avec un projet de construction d’un énorme terminal d’exportation de charbon. Cela a donné lieu à une importante bataille, très dure, entre les écologistes et les travailleurs. Puis il y a eu des alliances entre le mouvement contre la mine de charbon, mené par les peuples autochtones de l’État de Washington, et les syndicats, qui ont proposé un plan différent de réaménagement du front de mer. Ce plan va créer des emplois pour les travailleurs, mais avec un développement vert et non pas l’exportation de combustibles fossiles vers l’Asie. Une façon de sortir de cette impasse entre travailleurs et écologistes.

Le processus est différent dans chaque endroit. L’essentiel est d’amorcer ces discussions. Je suis étonnée de notre incapacité à faire des liens entre des mobilisations contre la hausse des tarifs dans les transports publics et le changement climatique. Ou bien des grèves des travailleurs ferroviaires en lutte contre la privatisation, dans lesquelles il n’est jamais question du climat. Nous échouons fondamentalement à créer ces connexions, à mener ces combats en commun.

Que peut-on espérer de la Conférence internationale sur le climat qui aura lieu à Paris en décembre 2015 ? Vous semblez ne rien en attendre...

Il faut être réaliste : cette conférence ne va pas sauver le monde. Il n’y aura pas d’accord aussi ambitieux que ce que demandent les scientifiques. Ils nous disent de réduire nos émissions de 8 à 10 % par an, à partir de maintenant. Et nos gouvernements parlent de commencer à réduire les émissions de 2 à 3 % à partir de la prochaine décennie. Ce n’est pas la même chose ! C’est une grave erreur de penser que nous pourrions d’un seul coup convaincre nos dirigeants. Cela nous condamne à la déception. C’est ce qui s’est passé avec le sommet de Copenhague en 2009 : beaucoup de gens en sont sortis profondément déprimés. Nous devons plutôt voir la conférence de Paris comme un jalon sur la route.

Et cette conférence est importante car il y a eu, en particulier en Europe, un énorme évitement de la question du climat depuis le début de la crise économique. On ne parle plus que d’austérité, de la crise économique, ou du terrorisme. Le Sommet de Paris est une chance pour pouvoir aborder de nouveau le sujet. Une occasion pour contrer les discours insensés de nos dirigeants, réclamer une réduction spectaculaire des émissions dès maintenant, et également obtenir une ou plusieurs victoires significatives. Si le prix du pétrole reste bas, nous pourrions gagner une victoire concernant l’interdiction de forage dans l’Arctique. Tout est lié au prix du pétrole : avec les sables bitumineux en Alberta par exemple, le plus grand projet industriel sur la planète, nous avons livré une bataille vraiment difficile : le prix du pétrole a rendu l’exploitation de pétrole en Alberta incroyablement rentable pour les entreprises. Mais en ce moment les investisseurs fuient l’Alberta car extraire ce pétrole est devenu très coûteux. Ce contexte rend une victoire structurelle possible – un moratoire sur l’extraction des sables bitumineux ou la bataille de l’Arctique. Ces sujets ne sont pas à l’ordre du jour de la Conférence de Paris, mais nous ne devons pas renoncer à inscrire cela sur l’agenda des négociations.

Vous évoquez aussi les nombreuses luttes locales pour le climat. Quel est ce « nouveau territoire » que vous nommez « Blockadia » ?

C’est un type d’action contre le changement climatique. Ce « mouvement de résistance aux énergies fossiles » est né dans la lutte contre le pipeline Keystone XL aux États-Unis : un énorme oléoduc que l’entreprise TransCanada veut construire depuis les sables bitumineux de l’Alberta jusqu’au golfe du Mexique. Le pétrole des sables bitumineux est l’un des plus polluants. Quand la construction du pipeline a débuté, les opposants se sont enchaînés aux clôtures, sont montés dans les arbres, ont construit un camp, qu’ils ont appelé Blockadia. Ce terme a été repris partout où les gens se battent contre des projets d’extraction, contre une mine, un terminal d’exportation, la fracturation hydraulique. C’est un « espace » transnational (voir la cartographie [2]) : les techniques audacieuses de Blockadia viennent de l’hémisphère sud. Le mouvement a pris naissance dans les années 1990 lors de la lutte victorieuse du peuple Ogoni au Nigeria pour chasser le géant pétrolier Shell de leur territoire.

Que dites-vous aux gens qui veulent faire quelque chose « dans leur vie quotidienne » en faveur d’un changement ?

Nous savons ce que nous pouvons faire pour réduire notre empreinte carbone. Beaucoup d’entre nous le font déjà. C’est bon pour nous et pour notre santé, cela réduit les dissonances dans nos vies. Mais certains ressentent un découragement car ils ont adopté ces changements individuels et constatent que cela n’entraîne pas de changements structurels. Vouloir tout changer en même temps est écrasant. C’est pourquoi je trouve encourageant le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles [mouvement qui appelle les investisseurs à se désengager financièrement des secteurs pétroliers, gaziers et du charbon] : ces étudiants qui exigent que leurs universités ou leurs villes se désinvestissent des énergies fossiles, ces travailleurs qui réclament que leurs fonds de retraites s’en retirent. C’est important dans une perspective d’éducation populaire : ce sont des actions collectives importantes, mais pas écrasantes. Par ailleurs, cette injonction qui nous fait demander « Que puis-je faire en tant qu’individu ? » est vraiment un symbole du triomphe de la logique du marché. Car cette bataille ne peut être menée que collectivement.

Voyez-vous la « décroissance » comme une solution ?

Ce terme est utile pour le diagnostic : nous devons sortir d’un système économique dont le référentiel est la croissance. Nous devons réduire notre utilisation des ressources, et plus généralement, notre consommation – du moins dans les endroits du monde où il y a surconsommation. Mais considérer la décroissance comme un but est une erreur. Le fait que la croissance soit le cœur du problème ne signifie pas que la décroissance doive être la solution. Si le problème est lié au fait de mesurer le progrès à travers la croissance, alors changeons notre manière de mesurer le progrès. Chaque contexte est différent, mais à un moment où les gens connaissent une implacable austérité, il me semble que parler de décroissance n’est pas une stratégie de communication efficace.

Que pensez-vous des solutions technologiques contre le réchauffement climatique ? Les réponses ne peuvent-elles être que politiques ?

C’est une combinaison. Les énergies renouvelables sont des technologies. L’agro-écologie est une combinaison de connaissances anciennes et de technologies modernes. Il ne faut pas rejeter par principe tout ce qui est technologique. Mais se concentrer sur des solutions technologiques donne cette fausse impression que nous n’avons pas à changer quoi que ce soit, à l’exception de nos sources d’énergie. Les solutions techniques comme la géo-ingénierie sont de la science-fiction : cette idée qu’il existera une formule magique nous permettant de cacher le soleil pour arrêter le réchauffement de la planète... C’est précisément ce type de vision arrogante du monde qui est à l’origine du problème.

Votre livre analyse en profondeur les liens entre capitalisme et changement climatique. Se battre pour le climat implique-t-il nécessairement de lutter contre le capitalisme et de changer de système économique ?

Il n’y pas d’autre moyens. Il y a encore une tendance au sein du mouvement écologiste à penser que l’on va trouver un moyen d’avancer sans offenser ceux qui ont aujourd’hui le pouvoir. Une sorte de voie médiane à trouver. C’est franchement une mauvaise stratégie. De plus en plus de gens comprennent que ce système économique est un échec. Il y a aujourd’hui des débats sur les inégalités massives qu’il a engendrées. Si le mouvement pour la justice climatique montre qu’agir pour le climat est la meilleure chance que nous ayons de construire un système économique plus juste, avec plus d’emplois et de meilleure qualité, plus d’égalité, plus de services sociaux, de transports collectifs, toutes ces choses qui améliorent la vie quotidienne, alors les gens se battront pour ces politiques. Cela est crucial.

Le problème est que nous avons des ennemis. J’utilise ce mot à dessein, car les industries basées sur les énergies fossiles se battent comme des diables pour protéger leurs intérêts, elles font tout ce qu’elles peuvent pour gagner. Et puis vous avez les gens qui sont dans le « milieu mou », qui ne participent pas vraiment à la bataille, parce que le résultat est incertain. Lier justice économique et action pour le climat peut permettre de créer une alliance avec tous ces gens, qui se battront pour cet avenir parce qu’ils en bénéficieront directement.

Êtes-vous optimiste ?

Ce n’est pas une question d’optimisme ou de pessimisme. Nous éprouvons tous du pessimisme, car personne, à part un menteur ou un fou, ne peut affirmer que nous sommes sûrs de gagner ces batailles ! Mais céder au désespoir est aujourd’hui une position moralement répréhensible. Trop de vies sont en jeu. S’il y a la moindre chance qu’une autre voie soit possible, nous avons la responsabilité morale de nous battre pour accroître cette probabilité.

L’urgence de la crise climatique, le fait que nous n’avons plus de temps à perdre, que nous sommes dans des délais très serrés, que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ce combat, tout cela peut être un catalyseur pour gagner des batailles que beaucoup d’entre nous mènent depuis de très nombreuses années.

Recueillis par Agnès Rousseaux et Sophie Chapelle

Photos : Manifestation pour l’urgence climatique et contre l’industrie fossile, New York, le 21 septembre 2014, puis le 13 février 2015 / CC maisa_nyc

Naomi Klein, Tout peut changer, capitalisme & changement climatique, Actes Sud, mars 2015.

Notes
[1] Lire notre dossier
[2] Oil Watch International et EJOLT ont fait un excellent travail de cartographie de cet espace mondial.

 http://www.bastamag.net/Naomi-Klein-Si-nous-conjuguons-justice-sociale-et-action-pour-le-climat-les
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COMMENTAIRES  

16/04/2015 08:36 par pschitt

Quant au titre , il faudrait savoir parler le mouton , le veau ou l’autruche pour mobiliser .......

16/04/2015 12:09 par taliondachille

Il est navrant de constater une telle ignorance de ce qu’est la décroissance dans les propos de Naomi Klein. Croire et faire croire que c’est une croissance négative, et qui donc obligerai à avoir l’œil rivé au PIB est un non sens relevant de l’ignorance ou de la mauvaise fois.
Suggérons-lui quelques bonnes lectures : Jacques Ellul, Paul Ariès, Serge Latouche et tant d’autres.
D’autre part, croire qu’il suffirait de changer d’énergie pour régler le problème laisse dubitatif (pour le moins...) alors que nombre de ressources indispensables à « l’économie verte » (oxymore...) manqueront bien avant la fin du pétrole : cuivre, argent, or, fer, chrome (une éolienne c’est 2 tonnes de cuivre).
Curieusement, les dernières gens heureuses sur cette planète sont celles qui vivent de manière austère... A ne pas confondre avec les peuples « austérisés » par le capitalisme, c’est à dire terrorisés.

16/04/2015 14:52 par gérard

L’urgence de la crise climatique, le fait que nous n’avons plus de temps à perdre, que nous sommes dans des délais très serrés, que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ce combat, tout cela peut être un catalyseur pour gagner des batailles que beaucoup d’entre nous mènent depuis de très nombreuses années

.Quand j’ai vu le portrait de Naomi Klein, dont le parcours avait été jusque là une référence pour moi (la stratégie du choc), en couverture de Télérama, j’ai immédiatement compris que c’était foutu, que son cerveau lui aussi avait été contaminé par la plus gigantesque escroquerie « écologique » de ces dernières années, le réchauffement climatique anthropique (d’origine humaine).
Je viens ce matin même de voir sur LCP, dans le cadre des "dessous de la mondialisation", un documentaire sur un sujet que je connaissais depuis pas mal de temps : Tunisie, les oubliés du phosphate, alors vous m’excuserez si le réchauffement climatique m’apparaît assez dérisoire, et que je ne sois pas, pour le moins, d’une humeur très conciliante :
http://www.dailymotion.com/video/x1tmxng_tunisie-les-oublies-du-phosphate-les-dessous-de-la-mondialisation_news

Et des "phosphates de Gafsa" il y en a des milliers et des milliers à travers le Tiers Monde (ce terme "désuet", car surtout jugé trop réaliste, je l’ai placé ici exprès au lieu de ceux de "en voie de développement" ou bien de "pays émergents" qui font quand même plus chic, vous l’avouerez, trop à mon goût...) pour que nos sociétés bien proprettes sur elles fassent enfin "quelque chose pour la planète" au moyen de voitures électriques gouffres sans fin en plastiques et en métaux rares tous plus ou moins polluants physiquement et politiquement les uns que les autres...
Nos sociétés ne défèquent plus sous elles non, elles vont délicatement faire leurs besoins "ailleurs". Mais avec le gaz de Schiste et le pétrole bitumineux la donne a changé.
Maintenant c’est "cachez cette pollution que je ne saurais voir !", car c’est surtout de pollution planétaire à grande échelle dont il faudrait parler, le réchauffement climatique n’en serait alors qu’un "détail", et son origine humaine bien loin d’être prouvée.
Mais comment se fait-il alors qu’un Système qui se moque du tiers comme du quart de la pollution planétaire en est il venu à générer tant d’inquiétudes, d’angoisses et de désespoirs devrais-je dire, sur un "réchauffement climatique" tant hypothétique ?
Rien de plus pratique que de planter un arbre (celui du réchauffement) pour cacher une immense forêt (Fukushima, connais plus). Remplissez un cerveau d’une bonne grosse inquiétude, et il ne restera bientôt plus de place pour les autres, et il y en a malheureusement tellement d’autres...
C’est un énorme dossier que je trouve honnêtement fait ici :
Les Caniculs-bénis :http://www.liberterre.fr/gaiasophia/gaia-climats/generaux/caniculs.html

Je tiens quand même à préciser avant de me faire incendier, que cet article contient quand même énormément de points intéressants et pertinents, mais c’est un peu gâcher beaucoup de ses bonnes intentions j’espère, que d’avoir tant insisté sur le réchauffement...

16/04/2015 20:26 par Dwaabala

@ gérard, vous me réchauffez.
Oui, avant l’exploitation de la nature, il y a celle des prolétaires. Les malheureux n’ont pas les cartes en main, alors le réchauffement climatique est là pour les divertir ou les effrayer, en tout cas pour tenter de leur faire oublier la priorité des priorités : la lutte pour se libérer de leurs chaînes.

17/04/2015 23:17 par Dominique

Oui, avant l’exploitation de la nature, il y a celle des prolétaires.

C’est l’inverse. Marx, dans L’idéologie allemande :

On voit immédiatement que cette religion de la nature, ou ces rapports déterminés envers la nature, sont conditionnés par la forme de la société et vice versa. Ici, comme partout ailleurs, l’identité de l’homme et de la nature apparaît aussi sous cette forme, que le comportement borné des hommes en face de la nature conditionne leur comportement borné entre eux, et que leur comportement borné entre eux conditionne à son tour leurs rapports bornés avec la nature, précisément parce que la nature est encore à peine modifiée par l’histoire et que, d’autre part, la conscience de la nécessité d’entrer en rapport avec les individus qui l’entourent marque pour l’homme le début de la conscience de ce fait qu’il vit somme toute en société.

Marx montre ainsi que nous sommes en face d’un cercle vicieux qui a son origine dans le rapport de l’homme avec la nature. Les indiens d’Amérique du nord, même s’ils n’avaient jamais lu Marx, l’avait bien compris eux qui dire aux colons puritains qui les massacraient et qui massacraient les bisons :

Un être humain qui ne respecte pas son environnement est incapable de respecter ses semblables.

18/04/2015 09:35 par gérard

Aborder ce sujet en terme de "priorité", c’est continuer inlassablement dans les mêmes erreurs, que ce soit celles de la Gauche productiviste dont la priorité reste encore la "redistribution des richesses", ou bien celles de beaucoup d’écologistes, déconnectés de toute vision politique, dont leur priorité est de "faire quelque choses pour la Planète", et dans le cas de cet article, de "lutter contre le réchauffement climatique". Mais, je le redis, je reconnais qu’il y a beaucoup de points intéressants dans cet article, mais qu’il est dommage d’avoir, à mon avis, gâché son propos, en ramenant inlassablement tout à la "priorité" du "changement climatique".
Le ton est donné sur la "priorité" dès pratiquement la première phrase : « face à l’urgence écologique que représente le dérèglement climatique » et revient dans la conclusion...
Je suis d’accord avec Dwaabala quand il dit :
« Oui, avant l’exploitation de la nature, il y a celle des prolétaires », car c’est exact si l’on considère, à juste titre, que l’esclavagisme a bien été la forme première d’exploitation de "prolétaires" (et que ça continue), avant même celle de la nature, mais je suis bien évidemment d’accord avec Dominique (et avec les Indiens), les deux exploitations sont intimement liées.
Pour moi, il n’y a pas une "priorité" mais des milliers de Situations humaines et écologiques à travers le Monde qui toutes{{}} sont Prioritaires , et il faut les analyser, les dénoncer et les combattre.
Par exemple, j’ai été extrêmement surpris de constater qu’un documentaire comme "le Monde selon Monsanto" était connu et apprécié à sa juste valeur, par des Personnes que je n’attendais pas du tout sur ce registre.

18/04/2015 11:16 par Dominique

Pour moi la gauche productiviste a tord non pas de vouloir redistribuer les richesses, mais de se battre pour des places de travail qui participe à un mode de production dépassé car basé sur l’exploitation infinie de ressources naturelles finies. Dans ce sens, les exemples que donne Noami Klein sont très intéressants et importants, car même s’ils n’abordent pas le fond du problème, ils montrent qu’une autre façon de faire est possible. Mais ce sera loin d’être suffisant car tant que les industriels ne seront pas obligés au niveau planétaire de mettre en place les filières de récupérations de toutes les matières premières qui entre dans la fabrication de leurs produits, ceci comme condition syné-quoi-nonne (même mon correcteur ne sait pas comment ça s’écrit) pour pouvoir les commercialiser.

Un autre élément important et non abordé est que pour pouvoir obtenir une société durable il faudra bien la relocaliser, c’est à dire revenir à u mode de vie basé sur les ressources locales. D’une part les locaux sont mieux placés que les autres pour gérer leurs ressources, et d’autre part quand ce sont les autres qui gèrent des ressources qui ne sont pas les leurs, cela s’appelle de l’impérialisme et nous en voyons le résultat en direct avec toutes les guerres que mène l’empire.

Enfin, le réchauffement climatique agit dans nos médias et pour nos politiques comme l’arbre qui cache la forêt. Ceci n’est cependant pas une raison pour l’ignorer et il est normal que l’on en parle dans u article sur ce sujet. Quand à l’homme, il a commencé à mettre des hiérarchies avec les peuples d’agriculteurs, lesquels avait un dieu supérieur, le soleil. Ils dépendaient de ses cadeaux pour leur subsistance, et leur rapport avec ce dieu, une femme, était similaire à celui d’un bébé envers sa mère qui l’allaite. La société reste encore très solidaire et communautaire, même si les femmes ont un status social plus important, ceci comme récompense de leur travail dans les champs.

Cette harmonie se brise avec l’arrivée des peuples de guerriers. Le soleil devient un coque de lumière ou d’or transportée par un bateau dont le capitaine, un guerrier, est le dieu principal. C’est à cette époque qu’apparaissent le commerce, le patriarcat, les guerres organisées et l’esclavage. La domestication de la nature commence donc avant celle de l’homme par l’homme. Mais aujourd’hui, c’est un détail de savoir cela, l’important est de se rendre compte du cercle vicieux causé par le rapport de l’homme avec la nature qui conditionne les rapports humains, rapports humains qui conditionnent à leur tour notre rapport avec la nature. Ceci implique qu’avec le temps, l’homme s’est de plus en plus séparé de la nature, et qu’aujourd’hui ce fossé est tellement grand que personne ou presque ne lutte sérieusement pour mettre fin à ce qui est devenu le massacre industrialisé de notre seule source de vie. La gauche rêve encore de productivisme, de taxes et d’interdictions, quand aux écolos ils rêvent de taxes, d’interdictions.et de productivisme.

19/04/2015 19:36 par gérard

@ Dominique [sine qua none]
On est d’accord depuis longtemps sur pas mal de choses, mais :
« La domestication de la nature commence donc avant celle de l’homme par l’homme », la Domestication ne signifie pas l’exploitation, et la nuance est d’importance. Je comprends ce qu’a voulu dire Dwaabala.
Les animaux domestiqués, même pour..."bouffer", étaient très respectés dans les fermes d’antan, bichonnés même. J’ai eu...le privilège faut dire, enfant de vivre durant les grandes vacances dans une ferme qui avait encore, au moins un pieds (plus, c’est difficile) dans le XIXème siècle. Ils respectaient énormément la nature, et pas question de l’exploiter.
« Ceci n’est cependant pas une raison pour l’ignorer (le réchauffement climatique) et il est normal que l’on en parle dans un article sur ce sujet. »
Ce serait normal sous deux conditions :
 qu’il soit d’origine humaine, et alors là, j’ai passé assez de temps sur le dossier pour dire que rien n’est évident sur ce sujet. Le mieux c’est de bien écouter Vincent Courtillot, « les erreurs du GIEC » :
http://www.dailymotion.com/video/xanv0e_rechauffement-climatique-les-erreur_tech
 en admettant la responsabilité humaine sur le climat, qu’il soit possible et qu’on ait encore le temps pour y remédier, rien n’est moins certain.
Et puis il y a les millions de réalités, bien humaines celles là. Elles sont intimement liées à l’état de la planète, je suis d’accord, mais il y a aussi des millions qui s’en foutent totalement, ainsi que du réchauffement climatique, et il faut les comprendre.
Ce n’est pas du jour au lendemain qu’il est possible de faire machine arrière, ils ne sont pas cons et ils se rendent bien compte que le "faire quelque chose pour la planète" concernant le réchauffement, c’est pour plus tard, bien plus tard, au minimum pour les descendants, des descendants de ses propres asticots, alors que leurs désespérances elles sont là, immédiates et bien présentes, comme les asticots, beaucoup trop...
Dans nos sociétés d’abondance et de gâchis, limite l’usage de la sainte bagnole (quand ils peuvent s’en offrir une !), et tu retires toute illusion de liberté à tous ceux qui n’ont pas les moyens d’aller jouer les globe trotteurs conquistadors de salon dans des jets bouffeurs d’énergie aux quatre coins de la planète, ou d’aller polluer les vallées montagnardes dont l’air devient plus carbonée qu’au centre de Paris. Ils n’en ont rien à cirer des vallées, ils naviguent au-dessus de leurs déjections. Ah ! le bon air de la montagne, il est en haut, mais pas en bas...
Hop ! Juré, promis, demain on roule tous en voiture électrique...
Mais à ton avis qu’est ce qui est gravé sur mon front ?
"Foule sentimentale, faut voir comme on nous parle"...
Non, pas simple le sujet, mais faut oublier le prétendu réchauffement climatique, mais faut tout faire pour le combattre, comme toutes les autres pollutions, pas plus, et y a de quoi faire...
Trop à dire, j’arrête.

20/04/2015 00:10 par Dwaabala

@ Dominique
Une réflexion philosophique, un paragraphe de l’ Idéologie allemande (ouvrage d’ailleurs non publié du vivant de Marx et Engels car laissé par eux à la critique rongeuse des souris) que vous citez, ne peut se substituer à l’ensemble de leur œuvre révolutionnaire aussi bien théorique que pratique qui a laissé de côté cette généralité.

Que la société humaine (dont il faut désormais parler au singulier) se trouve confrontée à de graves problèmes dans ses rapports avec la nature ne peut être nié.

Encore faut-il entrevoir qu’ici on appelle « nature » à la fois l’air qu’on respire, l’eau qu’on boit, l’océan dans lequel on se baigne et on pêche, etc.les espaces encore vierges et leurs espèces de vie, mais aussi ceux, considérables, qui ont déjà été profondément transformés par des millénaires d’activité humaine, depuis la révolution du Néolithique.

Et ce n’est pas tout car dans un laboratoire, une usine ou une carrière, c’est toujours la nature quoique entendue dans un sens moins vulgaire, moins immédiat que le précédent que la société a toujours à transformer pour ses besoins : le pétrole, les métaux, l’uranium, etc. ne sont-ils pas eux aussi la nature ?

Il faut donc considérer que la nature n’est pas une entité immuable, mais que la société s’enfonce en quelque sorte dans la nature dont elle modifie et approfondit en conséquence le concept même.

Il reste néanmoins qu’il faut continuer à pouvoir respirer, boire, pêcher, etc.

En tant que semi-prolétaire, cela me concerne mais je suis forcé d’admettre que les moyens me manquent singulièrement pour régler de front ce problème, même si en association avec les masses (car comme individu je compte peu), je puis faire pression sur ceux, financiers, banquiers, industriels, dirigeants politiques et technocrates qui nous exploitent, nous mènent sous la loi du profit.
Encore faut-il observer que dans leur propre intérêt ils ont parfois besoin de tempérer cette frénésie par des règlements qu’ils établissent entre eux et pour eux.

Par contre, notre lutte des classes a pour objectif de démolir cette domination pour laisser la place au socialisme, mode de production et d’échanges dans lequel nous serons responsables de ce qu’il y a à faire.
Et dans ce domaine, je me sens beaucoup plus apte à agir que dans celui de la lutte directe contre le réchauffement climatique (par exemple) dont les moyens, à l’inverse, ne sont d’emblée ni entre les mains des masses ni entre les miennes.
Sauf à prendre des mesures individuelles dérisoires, comme ne pas laisser couler l’eau quand je me brosse les dents, ne tirer la chasse qu’une fois par jour, etc.

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