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Nepal : La guerrilla Mao au Népal, Robin des bois ou terroristes ?

Vous vous souvenez des maoistes ? P. Sollers et quelques journalistes de Libération, sans oublier beaucoup d’héritiers de 68 dont on a célébré la mémoire il y a 4 ans, en étaient. C’est quoi le maoisme en fait ? et si nos amis n’avaient pas retourné leur veste et décidé par exemple de voter Balladur, quel projet de société auraient-ils à nous proposer ? Il reste heureusement un guérilla maoiste en ce monde, elle se trouve au Népal. et l’auteur de cet article en parle bien.

Maoïstes du Népal, cela sonne paradoxal pour un pays dont on a une image plutôt
Himalaya-ganja-nirvana. Pourtant depuis plus de dix ans, la guérilla maoïste
népalaise combat la monarchie sous diverses formes. De l’impôt révolutionnaire,
prélevé aux riches paysans et aux commerçants de Kathmandu, aux attaques sanglantes
et militairement organisées contre des camps militaires ou des cibles
gouvernementales, la guérilla intensifie ses actions et son influence dans le pays.

Le Népal est l’un des trente pays les plus pauvres du monde. Coincé entre l’Inde et
le Tibet, il était un point de passage obligé entre la Chine et l’Inde. Aujourd’hui,
seul le tourisme et l’agriculture lui permettent de survivre. Historiquement, le
Népal est une monarchie, devenue constitutionnelle en 1990, sous le règne de
Virendra.

Le maoïsme au Népal a une longue histoire puisque les premiers mouvements
communistes révolutionnaires, issus des naxalites indiens ont été réprimés dans le
sang, au début des années 70. Depuis, le communisme n’a cessé de se développer au
Népal, en tant que parti parlementaire officiel, comme sous sa forme combattante
armée. Les « guérilleros » maoïstes népalais n’ont pas une éducation ou une
rhétorique marxiste aussi affûtée que leurs dirigeants. Le plus souvent, ce sont des
paysans pauvres, lassés d’avoir à se compromettre dans un système corrompu jusqu’à 
la garde pour ne gagner que quelques roupies.

Bien sûr, ce sont les zones les plus pauvres ( Rolpa, Rukhum, Dailekh…), le plus
souvent à l’ouest du pays qui sont contrôlées par les maoïstes. L’absence de routes
dans quarante pour cent du pays, les montagnes, qui en recouvrent quatre vingt pour
cent de la surface, facilitent largement la guérilla. Le gouvernement et l’armée
régulière se heurtent à d’énormes difficultés opérationnelles pour contrôler « leur
 » territoire.

Les raisons du « succès » maoïste au Népal sont multiples : La pauvreté certes, mais
la déconsidération du pouvoir monarchique a joué un rôle majeur dans le ralliement à 
la guérilla. Pays essentiellement hindouiste et bouddhiste, le roi et la famille
royale jouissent d’un statut divin reconnu et respecté par une grande majorité de la
population. Les modes de gouvernement successifs (L’ère des Rana, le système
Panchayat et la monarchie constitutionnelle) avaient réussi à préserver le prestige
du roi devant ses sujets. La classe politique classique s’est déconsidéré par son
incompétence et sa corruption, mais le roi, ne pouvait pas tremper dans de telles
magouilles, ni faire fi de ses sujets à ce point. Pensez-donc, un dieu !!

En mai 2001, selon la version officielle, le prince héritier Dipendra, au cours d’un
banquet familial, assassine au fusil d’assaut les trois quart de la famille royale,
dont son père, le roi Virendra. Il retourne l’arme contre lui, tire et meurt des
suites de ses blessures quelques jours plus tard. Le pays est d’autant plus choqué,
que le seul membre de la famille royale pouvant hériter du trône, est le frère du
roi : Gyanendra, miraculeusement absent ce jour-là . Gyanendra est largement détesté
dans la population népalaise, pour son caractère autoritaire et opportuniste, mais
surtout parce que son fils, nouveau prince héritier est soupçonné d’être un
assassin. De plus en plus, la version officielle est contestée, laissant la place à 
des versions fantaisistes ou pas, mais toutes mettant en scène l’assassinat de
Virendra par son frère.

Gyanendra prend le pouvoir au Népal, en gardant le premier ministre V.P. Koirala
appartenant au parti du congrès népalais. Au début de son règne, le nouveau roi
Gyanendra fait profil bas. Fin Juillet 2001, Koirala est débarqué pour faire la
place à une autre dignitaire du congrès : Sher Bahadur Deuba. Ce nouveau premier
ministre entame des pourparlers de paix avec les maoïstes, qui fonctionnent bien
dans un premier temps. Cela ne dure pas.

Les exigences des maoïstes sont apparemment raisonnables : accords sur des élections
et sur le processus électoral, limiter la vente et la fabrication d’alcool,
réglementer la prostitution, des mesures de taxations des manoeuvres financières
ainsi que des mesures anti-corruption. Le niet gouvernemental est sans appel et dès
octobre, les maoïstes mènent une attaque qui fera deux cent cinquante morts dans
l’ouest du pays. Alors que l’armée n’avait pas été mobilisée jusqu’à présent, le roi
Gyanendra déclare l’état d’urgence, permettant à l’armée d’intervenir en masse dans
tout le pays, mais donnant un coup fatal au tourisme, en début de saison. Fin
septembre 2002, le bon roi Gyanendra congédie le premier ministre, dissout le
parlement et met en place un gouvernement potiche, à sa botte. Pas de protestation.

Depuis un an, un système de terrorisme d’état se met en place au Népal. Ce système
est de plus en plus comparable à ce que le gouvernement indien à mis en place au
Cachemire depuis vingt ans. La population civile est prise en tenaille entre les
rebelles maoïstes et l’armée régulière. Dans les zones contrôlées par les maoïstes,
il est rare que l’armée s’aventure dans les villages. Mais les militants, les
journalistes, les instituteurs dénoncés ou soupçonnés ont été arrêtés en masse.
Comme dans toute guérilla, il est difficile de savoir qui en est et qui n’en est pas
. On arrête et on torture plutôt plus, que pas assez. La population est prise en
otage. Un jour les maoïstes viennent « demander » le gîte et le couvert, le
lendemain, l’armée arrête et torture les traîtres ayant donné refuge à l’ennemi. Le
cercle se referme sur la population civile.

Que pense la population népalaise de tout ça ? Qu’elle était plus tranquille avant !
Mais il existe une grande différence d’opinions entre les villes et les
montagnes/campagnes. Les villes telles que Kathmandu ont peu de contacts directs
avec les maoïstes, si ce n’est à travers les bombes qu’ils posent. Les attentats
sont généralement symboliques et n’entraînent que des blessés légers, mais ils
n’engendrent pas la sympathie des citadins. Les grèves imposées, les impôts
révolutionnaires prélevés chez les commerçants, la baisse du tourisme ajouté à la
propagande de guerre du gouvernement népalais ne rend pas les maoïstes très
populaires dans les villes.

Dans les zones mao, l’opinion est différente. La corruption disparaît, les prix des
denrées baissent, l’alcool, les jeux d’argent et la prostitution sont interdits. De
fait, les violences conjugales diminuent, les vols et agressions sont quasiment
inconnus. Les pillages de fermes concernent des riches fermiers seulement et les
attaques des maoïstes ne sont dirigées que contre des cibles gouvernementales. Dans
les zones concernées, l’ensemble de la population s’accorde pour dire préférer vivre
sous les maoïstes que sous le roi. Surtout depuis le nouveau roi.

Alors, où est le bien, où est le mal ? Les maoïstes népalais sont ils des Robins des
bois modernes ou des terroristes fanatiques ? Comme souvent ni l’un, ni l’autre. Un
peu des deux et ça dépend des jours. Le gros problème depuis le onze septembre,
c’est que ce sont les gouvernements en place qui désignent les terroristes. Même si
les maoïstes ont un comportement de combat exemplaire, rarement observé, même dans
des armées régulières, ils sont qualifiés de terroristes et les arguments employés
par l’administration américaine sont réutilisés par le gouvernement népalais. Même
si les maoïstes népalais ne s’attaquent jamais aux civils, soignent les prisonniers
qu’ils font et les renvoient avec de quoi payer leur voyage de retour, sont polis et
respectueux avec le personnel de l’hôpital quand ils le pillent (ne prenant
cependant que ce qui est nécessaire au soins des blessés), ils sont des terroristes.
Ce n’est même plus le terme de terroriste qui est en cause : les résistants français
de la deuxième guerre mondiale étaient des terroristes, les indépendantistes du FLN
algérien étaient des terroristes, les combattant palestiniens de l’OLP étaient des
terroristes.

Ce qui est grave aujourd’hui, c’est qu’il suffit de qualifier un mouvement
d’opposition de « terroriste » pour ne plus avoir à lui reconnaître aucun droit. 3
000 prisonniers afghans et pakistanais croupissent depuis un an dans des conditions
concentrationnaires, dans la prison de Shiberghan, au nord de l’Afghanistan. Les
prisonniers de Guantanamo sont détenus en toute illégalité sur le territoire
américain depuis plus d’un an, un nombre considérable mais inconnu de personnes sont
détenus par les Etats-Unis sur leur territoire sans autre base légale que « lutter
contre le terrorisme ».

Quand on parle avec les autorités népalaises d’arrestations arbitraires, prolongées
pendant des années sans jamais voir un juge ou un avocat ; quand on dénonce les
tortures pratiquées par l’armée et la police sur des civils soupçonnés ou dénoncés ;
quand on reproche les rafles effectuées dans les villages et les exécutions
sommaires, la réponse est maintenant partout la même : Mais nous ne faisons que
lutter contre le terrorisme ! Avec leur prétendue guerre contre le terrorisme, les
Américains ont ouvert la boite de Pandore. Non seulement, ils permettent aux pires
gouvernements de justifier les actes les plus sanglants mais surtout ils empêchent
les mouvements d’opposition armés qui se comportent en combattants responsables
d’être traités comme tels. De plus en plus et dans le monde entier, les mouvements
d’opposition sont traités comme des sous-criminels, sans droits ni recours. Les
américains ont été incapable de tirer une leçon du onze septembre. Pourquoi une
telle haine et une telle violence, continuent-t-ils à dire. Bafouer quotidiennement
les droits élémentaires « parce qu’on est les bons et qu’ils sont les méchants… » et
permettre à tous les « bons » du monde d’en faire autant peut, peut-être, expliquer
que la haine et la violence continuent.

Lire aussi

Proposition de résolution sur la situation au Népal Présentée par Olivier Dupuis, Marco Pannella, Emma Bonino, Gianfranco Dell’Alba, Marco Cappato, Maurizio Turco et Benedetto Della Vedova au nom du groupe TDI au parlement européen.

- Sur le site du journal Le Monde : Attentat maoïste contre une usine Coca-Cola au Népal

- un dossier trés interessant réalisé par radio Canada, l’année dernière : Un pays de rêve
qui vit un cauchemar


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