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Plaidoyer pour Salah Hamouri

" La défense de Salah Hamouri que j’ai l’honneur d’assurer, ici en France, c’est-à-dire à lointaine distance, pourrait s’apparenter à se battre contre un moulin à vent, alors qu’il n’est aucun prétoire pour plaider sa cause, ni ici en France, ni même là-bas, en Israël, si j’en crois mes confrères palestiniens, Sahar Francis et Mahmoud Hassan, auxquels j’adresse un salut confraternel et admiratif.

Salah Hamouri, j’avais déjà pu le défendre, en quelque sorte par procuration, il y a à peu près cinq ans, lorsque le CRIF intenta un mauvais procès au Président de l’AFPS de l’époque, qui n’était autre que M. le député Jean-Claude Lefort, dont on sait les peines et soins pour la Palestine et le combat permanent, depuis bien plus d’une décennie, pour la liberté et l’honneur de celui qui deviendra son beau-fils.

Alors qu’il m’est à nouveau confié sa défense, me voilà assez démuni, n’ayant comme autre contrepartie que les pouvoirs publics et les institutions françaises, dont mon propre ordre, auxquels je voudrais, dès lors, par votre entremise, m’adresser ce soir.

Je voudrais tout d’abord leur dire quelques mots sur le sort réservé à Salah Hamouri, qui n’a pas, en tant que notre compatriote, notre concitoyen, droit à tous les égards que sa nationalité française devrait pourtant lui faire bénéficier.

Salah Hamouri est détenu en, et par Israël, sans jugement, ni inculpation, depuis désormais six mois.

Une détention ardemment dénoncée à leurs homologues israéliens, nous assurent les diplomates, qui font semblant de gesticuler pour feindre l’indignation.

En réalité, ils ont baissé pavillon dès le premier jour. La France a baissé pavillon le jour même de l’enlèvement de Salah Hamouri, au petit matin du 23 août dernier, à Jérusalem-est annexé.

Salah Hamouri est depuis lors détenu de la manière la plus arbitraire qui soit, et la France, qui est sa patrie par sa mère, avec la Palestine qui est sa mère-patrie, la France n’oppose autre chose que la seule « protection diplomatique », c’est-à-dire concrètement, de simples « visites au parloir » du personnel consulaire.

Si ces visites apportent à Salah Hamouri un moment de réconfort certain, brisant son isolement le temps d’une entrevue, l’effet pervers sinon malsain de cette "protection" reste néanmoins de conférer à son emprisonnement, le caractère légitime, voire licite, qu’il n’a absolument pas, et cela à défaut d’être clairement jugé et décrété illégal, et donc intolérable, par la France.

Car aucune charge n’est retenue contre lui. Ni officiellement ni même officieusement.

Il n’est aucun dossier sur la base duquel il pourrait se défendre comme tout justiciable, et pour cause : il n’est de criminel dans cette affaire que l’enfermement souffert par Salah Hamouri.

La Chine, la Turquie, l’Iran, le Venezuela, Cuba, la Russie, le Maroc, l’Algérie ou encore le Mali et plus amplement tous autres pays, procèderaient de la sorte :

 que nos médias en feraient leurs gros titres sur 5 colonnes,
 que des banderoles seraient étendues sur les perrons de toutes les mairies,
 que des affiches seraient apposées aux frontons de toutes les préfectures, et
 que les ambassadeurs seraient convoqués, sinon décrétés persona non grata.

Mais pour Salah Hamouri, rien de cela. Pour Salah rien de tel, alors qu’il n’est rien d’autre que l’otage, je ne trouve pas meilleure qualification juridique, l’otage d’un état étranger, sans que la France, pourtant si prompte à donner des leçons de droits de l’homme au reste du monde, ne réagisse.

En tous cas pas comme il se devrait. En tous cas pas comme elle le pourrait.

Alors que le sort de notre compatriote, notre concitoyen, dépend de cette diplomatie de velours à l’égard d’Israël, qui nous laisse à nous, une impression si rêche, je voudrais aussi avoir quelques mots pour l’avocat, c’est-à-dire pour mon confrère Salah Hamouri, confrère embastillé pour mieux le bâillonner, sans que la profession ne s’en émeuve, à l’exception notable du Syndicat des Avocats de France, que je salue très confraternellement.

Je voudrais alors m’adresser ce soir, toujours par votre intermédiaire, à mes pairs et plus particulièrement à mon Bâtonnier et au-delà à tous les barreaux de France que représente la Présidente du Conseil National des Barreaux.

Ou êtes-vous ce soir Mme le Bâtonnier ?
Ou êtes vous ce soir Mme la Présidente du CNB ?
Où êtes-vous ce soir ?
… que votre place est ici et nulle part ailleurs, alors que les droits les plus élémentaires de notre confrère Salah Hamouri sont bafoués depuis près de six mois !

Salah Hamouri est détenu depuis six mois et votre silence sur la période est assourdissant.

Que les diplomates plaident leur impuissance relativement à ce régime sui generis de « détention administrative ordonnée par un état souverain », comme ils disent, pour justifier leur impéritie en face d’Elsa Lefort, sa femme, cela est déjà difficilement audible. Mais au moins affectent-ils d’apporter leur soutien…

Votre silence à vous, sonne comme la légitimation tacite de la mise sous écrou arbitraire de Salah Hamouri. Ça le rend insupportable…

Depuis quand, les avocats de Paris s’assignent-ils au mutisme alors que l’un de leurs confrères est plus otage que détenu, et que sa privation de liberté ne tient que du seul fait du Prince ?

N’y-a-t-il que le Syndicat des Avocats de France, que je salue derechef, pour s’indigner d’une telle sorte d’injustice inadmissible ?

Pourtant, Mme le Bâtonnier, lorsqu’il s’agit de défendre les droits de la défense bafoués en Turquie ou ailleurs, notre barreau sait se mobiliser. Je vous ai d’ailleurs, à cet égard, interpellé il y a peu, Mme le Bâtonnier, quant à savoir si « les droits de l’homme sont une notion à géométrie variable selon que leur violation s’opère en Turquie ou en Israël ? ».

Je suis toujours dans l’attente de votre réponse.

Je vous ai écrit à vous et votre prédécesseur à trois reprises : le 15 septembre 2017, puis les 18 et 31 janvier derniers. Mes courriers sont tous demeurés lettres mortes.

Pourtant, je vous le dit avec gravité : le Barreau de Paris ne saurait rester taiseux, sans que son silence n’apparaisse comme approbateur, voire complice, puisque « qui ne dit mot consent ».

Le Barreau de Paris se doit de prendre position sans plus attendre, pour Salah Hamouri, comme pour les plus de 450 autres détenus palestiniens, qui croupissent en ’’détention administrative’’ c’est-à-dire arbitraire, sans droit ni défense, dans les geôles israéliennes.

Il y a peu encore, Salah Hamouri purgeait une peine de 7 ans de prison déjà infligée par Israël, pour un crime qu’il n’avait pas commis, contraint qu’il fut de plaider coupable d’un prétendu complot arrangé de toutes pièces, mais qu’il sera forcé de reconnaître, pour ne pas se voir infligé 7 ans de réclusion en sus.

Rappelons-nous qu’à l’époque, il avait déjà souffert du régime inique de la « détention administrative » arbitraire, durant 3 ans.

Rappelons-nous qu’il n’y avait alors déjà rien, à l’époque, rien contre lui dans les faits, mais que ce rien sera commué en 7 ans de prison.

Il n’y a rien, à ce jour non plus, contre Salah Hamouri. C’est bien ce qui laisse craindre que ce rien fasse à nouveau un tout carcéral.

Dès lors, si le pire n’est jamais certain, la meilleure défense de Salah Hamouri, c’est notre mobilisation, ici en France, là-bas en Palestine et partout ailleurs dans le monde, avec Angela Davies, avec Noam Chomsky, avec Ken Loach, avec vous ce soir, avec tous autres indignés chers à Stéphane Hessel, tous autres insoumis, socialistes, communistes, anarchistes, centristes, en marche ou républicains, il n’importe. Tous citoyens, tous ensemble et en même temps, c’est notre mobilisation qui fera que l’histoire ne se répétera pas.

Libérez Salah Hamouri ! "

Bérenger TOURNE

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