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Pourquoi nous avons quitté nos fermes pour venir à Copenhague

illustration : "Campesino", Daniel DeSiga, 1976
VIA CAMPESINA

Discours d’Henry Saragih, Coordinateur Général de la Via Campesina-Ouverture du Klimaforum, Copenhague, le 7 Décembre 2009

Ce soir est une soirée très spéciale pour nous qui nous sommes réunis pour l’ouverture de l’assemblée des mouvements sociaux et de la société civile, ici au Klimaforum. Nous, le mouvement international de paysans La Via Campesina, venons à Copenhague depuis les cinq coins du monde, après avoir quitté nos fermes, nos animaux, nos forêts, et même nos familles dans les hameaux et les villages pour nous joindre à vous tous.

Pourquoi est-ce si important pour nous de venir de si loin ? Il y a un certain nombre de raisons à cela. D’abord, nous voulons vous dire que ce changement climatique a déjà de sérieux impacts sur nous. Cela cause des inondations, des sécheresses, et l’éruption de maladies qui toutes causent des gros problèmes à nos récoltes. Je tiens à souligner que les paysans ne sont pas à l’origine de ces problèmes. Au contraire, ce sont les pollueurs à l’origine des émissions qui détruisent les cycles naturels. C’est pourquoi nous, les petits producteurs, nous sommes venus ici pour dire que nous ne payerons pas pour leurs erreurs. Et nous demandons à ceux qui sont à l’origine des émissions de faire face à leurs responsabilités.

Ensuite, je voudrais partager avec vous quelques données sur qui sont vraiment les émetteurs de gaz à effet de serre dans l’agriculture : une nouvelle donnée montre clairement que l’agriculture industrialisée et le système alimentaire globalisé sont responsables de 44 à 57% du total des émissions de gaz à effet de serre. Ce chiffre peut être décomposé comme suit : les activités agricoles sont responsables pour entre 11 et 15% ; le nettoyage des terres et la déforestation pour 15 à 18% supplémentaires ; l’industrie agroalimentaire, l’emballage et le transport causent entre 15 et 20%, la décomposition de déchets organiques causent 3 à 4%. Cela signifie que le système alimentaire actuel est un gros pollueur.

La question à laquelle nous devons répondre maintenant est : comment résolvons-nous le chaos climatique et la faim, et comment garantissons-nous de meilleures conditions de vie aux paysans, quand le secteur agricole lui-même est responsable pour plus de la moitié des émissions ? Nous croyons que c’est le modèle industrialisé d’agriculture et l’agri business qui sont à la base du problème, car ces pourcentages que je viens de mentionner proviennent de la déforestation et de la conversion de forêts naturelles en plantations de monocultures, activités menées par des corporations de l’agri business. Non par les paysans. De si importantes émissions de méthane par l’agriculture sont aussi le fait de l’utilisation d’urée comme fertilisant pétrochimique par le biais de la révolution verte, très promue par la Banque mondiale. Parallèlement, la libéralisation commerciale de l’agriculture promue par les accords de libre-échange (ALE), et par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), contribue aux émissions de gaz à effet de serre, en raison de l’industrie et du transport agroalimentaires partout dans le monde.

Si nous voulons vraiment nous attaquer à la crise du changement climatique, la seule solution est de stopper l’agriculture industrielle. L’agribusiness n’a pas seulement contribué largement à la crise du climat, elle a aussi massacré les paysans du monde. Des millions de paysans et paysannes partout dans le monde, ont été expulsés de leurs terres. Des millions d’autres subissent des violences chaque année à causes de conflits fonciers en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Ce sont des paysans et paysannes et des gens sans terre qui composent la majorité des plus d’1 milliard de personnes affamées dans le monde. Et à cause de la libéralisation du commerce, de nombreux petits producteurs se suicident en Asie du Sud. Par conséquent, en finir avec l’agriculture commerciale est notre seule issue.

Les négociations actuelles autour du climat, qui se basent sur des mécanismes de commerce du carbone, apporteront-elles des solutions au changement climatique ? A cela nous répondons que les mécanismes de commerce de carbone ne serviront que les entreprises et pays pollueurs, et apporteront des désastres aux paysans et aux peuples indigènes dans les pays en développement. Le mécanisme REDD (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) a déjà expulsé de leurs terres de nombreuses communautés indigènes et de petits producteurs dans les pays en voie de développement. Et de plus en plus de terres arables sont transformée en plantations d’arbres pour attirer les crédits carbone.

Lors de la COP13 à Bali en 2007, Via Campesina a proposé la solution des paysans sans terre et des petits producteurs au changement climatique, qui est : « les paysans et paysannes refroidissent la planète ». Ici à la COP15, nous venons une fois encore avec cette proposition, en l’appuyant sur les chiffres qui prouvent que cela pourrait réduire pour plus de moitié les émissions mondiales des gaz à effet de serre. Ce chiffre provient de : 1) la récupération des matières organiques dans le sol réduirait les émissions de 20à 35%. 2) renverser la concentration de la production de viande dans les élevages industriels et réintégrer la production conjointe d’animaux et de récoltes les réduirait de 5 à 9%. 3) Remettre les marchés locaux et les aliments frais au centre du système alimentaire les réduirait d’encore de 10 à 12%. 4) Mettre un terme au nettoyage de la terre et la déforestation enlèverait encore 15 à 18% des émissions. Rapidement, en retirant l’agriculture des mains des grosses corporations de l’agribusiness et en la remettant entre celles des petits producteurs, nous pouvons réduire de moitié les émissions mondiales de gaz à effets de serre. C’est ce que nous proposons, et nous appelons cela la « Souveraineté Alimentaire ».

Et pour parvenir à cela, nous avons besoin que les mouvements sociaux travaillent ensemble et luttent ensemble pour mettre un terme aux actuelles fausses solutions aujourd’hui sur la table des négociations du climat. Ceci est indispensable, car sinon nous devrons faire face à une tragédie encore plus grande au niveau mondial. En tant que mouvements sociaux, nous devons mettre notre propre agenda sur la table, car nous sommes les premières victimes climatiques et les premiers réfugiés climatiques, par conséquent la justice climatique est entre nos mains.

Au sommet de l’alimentation de la FAO en 1996, les gouvernements se sont engagés à réduire la faim de moitié d’ici 2015. La réalité est que le nombre de personnes souffrant de la faim a récemment augmenté de manière dramatique. Nous ne voulons pas que la même chose arrive avec les discussions sur le climat, et voir les émissions augmenter encore d’avantage en dépit de ce que les gouvernements négocient au sein de l’UNFCCC.

Nous invitons tous les mouvements présents à Copenhague à se rassembler pour mettre la justice climatique sur la table. La justice climatique ne sera atteinte que par le biais de la solidarité et de la justice sociale.

Copenhague, le 7 décembre 2009
http://www.larevolucionvive.org.ve/...

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COMMENTAIRES  

18/12/2009 08:40 par Jolly Rogers

[Nous invitons tous les mouvements présents à Copenhague à se rassembler pour mettre la justice climatique sur la table. La justice climatique ne sera atteinte que par le biais de la solidarité et de la justice sociale.]

Et ?... Vous allez faire quoi, encore discuter et négocier avec ces messieux les gouvernants ?

Vous n’en avez pas un peu ras-le-bol de vos méthodes peace & love à la Gandhi, qui en fin de compte n’aboutiront à rien !

Les gouvernements savaient les conséquences de l’agrobusiness et du libéralisme en général sur les êtres humains et notre planète jadis si belle, mais ils n’ont rien dit, rien fait si ce n’est lâcher leurs chiens enragés sur les manifestants venuent défiler pascifiquement -sans même parler des black blocs et autres "casseurs".

Et quant bien même les gouvernants ignoraient les conséquences du libéralisme, aujourd’hui la vérité leur brûle les yeux... mais ils ne font toujours rien si ce n’est tenter de peindre d’habiller le capitalisme en vert et lui donner une image humaine et écologiste.

Le pire c’est que la pillule passe bien. Enfin je parlerais plutôt de suppositoire vu que cela fait des siècles et des siècles que les gens se font enc**** sans même s’en aperçevoir.

Ma solution à moi ?
Ben non, je n’en ai pas. Je n’ai pas envie de donner de faux espoirs aux gens en me battant avec les armes de nos ennemis, ce qui est totalement illusoir. J’suis pas un altermondialiste à la con genre ATTAC et compagnie.

Quand vous vous rendrez enfin compte que discuter ne sert plus à rien, peut-être prendrons-nous les armes...

L’histoire des hommes se répète et répète encore depuis de nombreuses générations. Et dans cette guerre absurde contre nous-même il n’y aura aucun gagnant.

18/12/2009 10:03 par legrandsoir

Pour quelqu’un qui répète à satiété que l’on parle trop, vous intervenez beaucoup sur les forums du Grand Soir... il va falloir vous trouvez une occupation. LGS cherche des traducteurs bénévoles.

Quant aux appels du pied au recours aux armes (en France ???), on rappelera les propos de je-ne-sais-plus-qui qui rappelait qu’il faut plus de courage pour se lever encore plus tot les matins pour distribuer des tracts devant les portes de l’usine que pour assassiner le patron de la dite usine (tout aspect moral mis à part).

Qu’est-ce que vous avez contre Gandhi ? Il a fait tomber un empire avec un baton, des paroles et un gros slip. Qui dit mieux ?

18/12/2009 13:31 par Jolly Rogers

Oh... ça n’est pas que je parle trop, c’est que j’ai plein d’idées en tête. Mais allez donc motiver, mobiliser du monde dans une petite ville où la culture se résume à Harry Potter et au tuning !... vous comprendrez le degré de réflexion qui règne.

J’ai tenté (je dis bien tenté) de faire des choses, bousculer un peu les esprits, mais des personnes m’ont bien fait comprendre qu’ici on ne voulait pas savoir ni comprendre quoi que ce soit.

Pour ce qui est de Gandhi je n’ai rien de particulier contre lui si ce n’est que se théories paraissent illusoirs à notre époque.
S’il fut un temps où les puissants contournaient les lois pour ne pas avoir à rendre des comptes -disons que les grands patrons n’avaient pas encore le monopole sur le monde et encore une certaine "morales"-, et regarder en face l’immense misère qu’ils engendrèrent, de nos jours ils pissent carrement sur les droits humains et s’en vantent.

Oeil pour oeil, dent pour dent. Voilà ma philosophie.

La violence c’est mal ?

Pourtant la loi sur le CPE au printemps 2006 ou le smic-jeune de Balladur en 1994 seraient passée si les manifs ne s’étaient pas accompagnées de confrontations...

En 2006, quelques 10.000 dockers sont descendus pour manifester à Strasbourg contre le projet de loi visant à faire disparaitre leur profession.
Après un après-midi de combat avec la flicaille, qui a fait de nombreux dégats matériaux, sans compter les vitres du parlement européen explosées. Même un car de la garde mobile incendié.

Le lendemain, la loi était retirée sans explications.

En 2003 des profs, des fonctionnaires et d’employés du privé avaient fait en 3 mois des grèves et des manifs pascifistes pour plus de moyens, plus de postes et contre la loi sur les retraites.

Ils n’ont rien obtenu du tout.

En 2005, quand les balieues ont cramé, les bobos gauchiste et extrême gauchistes se sont indignés des méthodes de ces soit-disant "barbares de balieues".

Après 1 mois de révolte l’Etat va reverser les aides aux assoc’ de quartiers.
Des miettes certes, mais des miettes précieuses.

Rien à faire, on ne discute pas avec des tyrans !

On ne quémande pas l’aumône, on prend ses droits*. Point.
Que ces messieux le veuillent ou non.

*bien qu’à mon goût le terme de "droit" ne soit que quelques avantages que les puissants nous accordent avec grande clémence pour mieux nous tromper. Nous faire croire à une certaine démocratie, une certaine liberté d’opinion politique, une certaine souveraineté populaire.

Nous faire accepter le suppositoire encore une fois.

Entre liberté et droit, il y a une différence. Je pense.

Mais soit.

18/12/2009 17:00 par emcee

Et qu’est-ce qu’on fait, entretemps, en attendant de prendre les armes ? On ne dit rien du tout ? On reste au chaud devant son ordinateur - Mais on ne manifeste surtout pas, car cela ne sert à rien, et que, désormais, "quand il y a une grève,plus personne ne s’en aperçoit" ?

Quant à la violence, je ne me souviens pas que cela ait apporté une quelconque amélioration dans les quartiers. Encore aurait-il fallu que le reste de la population - dont les dirigeants de l’opposition - ne s’indigne pas avec le gouvernement.

Alors, dire : "c’est pas ça qu’il faut faire", on est tous capables de le dire et de le constater.

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