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Lu dans FAKIR du mois de décembre

Préparer l’après-Sarkozy.

Pendant que la droite câline DSK, les socialistes se répartissent déjà les maroquins. Et nous ? On s’entraîne à faire dérailler l’histoire.

« La droite se décompose autour de Sarkozy… sa présence à l’Elysée empêche son camp de se trouver un champion éligible en 2012… si Sarkozy garde ses partisans, ils ne sont plus les plus nombreux… un président, qui dans l’esprit de beaucoup d’électeurs, ne devrait plus l’être… » Où lit-on ces lignes ? Dans L’Humanité ? Dans Politis ?
Non : dans Valeurs actuelles, propriété de Dassault fils, plus à droite que Le Figaro
magazine.

Quand j’ai aperçu cette trahison, mon sang de « Jeune Pop » n’a fait qu’un tour. J’ai décroché le téléphone et contacté la rédaction de Valeurs actuelles, laissé des messages à la rédaction et envoyé un courriel :

« Bonjour.

Jeune militant de l’UMP, je viens de lire l’éditorial de Stéphane Denis. C’est ce qui s’appelle abandonner le navire en pleine tempête. Nicolas Sarkozy mène une politique courageuse contre vents et marées, il chasse les Roms, il réforme les retraites, il a contre lui les syndicats, la gauche, les droits-de-l’hommistes, et vous, plutôt que de le soutenir dans cette bataille, vous commencez à nous raconter qu’il va perdre, qu’il n’est plus populaire, etc.

C’est le moment de se retrousser les manches et de soutenir le capitaine ! Pas de pleurnicher !

Un peu déçu par votre attitude, mais cordialement quand même… »

Heureusement qu’on est là , parfois, pour leur remonter les bretelles.

L’après-Sarkozy est ouvert, et même cette droite s’y prépare. Comment ? En optant pour la moins pire des solutions, pour le moins terrifiant des socialistes. « DSK, candidat fantôme » affichait en une la même édition de Valeurs actuelles (2 septembre)…

Les socialistes...

à Paris, dans un bistrot à côté de la gare de l’Est, je rapportais cet étonnant édito à 
un député européen socialiste. Lui revenait d’une session à Strasbourg, ses costumes
dans un étui pendus au dos d’une chaise.

« Même la droite dure ne croit plus à son candidat, je lui disais, et elle pressent la victoire de la gauche pour 2012. Mais quelle gauche ?

 Qu’est-ce qui va se passer ?, il me souriait.

On va avoir Pierre Moscovici ou François Hollande à Bercy, au ministère de l’économie, et ils vont mener un plan d’austérité. Ce sont les vieux, les cramés, qui vont revenir, les Lang, les Peillon…

Ils se partagent déjà les portefeuilles. Ils se portent candidats aux primaires, mais pas vraiment pour la présidentielle : pour les ministères ! Pour se montrer, pour
exister et bien se placer dans la course aux maroquins. » J’avais lu ça, déjà , dans une brève du Canard. Notamment que Vincent Peillon lorgnait sur l’éducation.

« L’aile gauche, elle, n’est pas mûre, Hamon est trop jeune, il n’est pas pris au sérieux. à la rigueur, ils lui fileront les Affaires sociales, et comme il se retrouvera sans un rond, on sera coincé. Et on perdra au prochain coup ! »

On hériterait alors d’une gauche très raisonnable, qui mènerait une politique très raisonnable, sans souffle, sans ambition, avec les félicitations de Bruxelles, du FMI, de Francfort.

à moins que…

La droite prépare l’après-Sarkozy. Les socialistes également, à leur manière. Nous aussi…

Certes, nous ne devons pas vendre la peau de cette bête politique avant de l’avoir tuée : l’homme du Fouquet’s a du ressort. Mais au-delà de cette mission, débarrasser
la France de cette anomalie, pour nous, le plus difficile - et le plus stimulant - reste
à faire : oeuvrer, dans nos syndicats, dans nos partis, dans nos entreprises, dans nos
familles, pour qu’une éventuelle victoire politique de la gauche, ou d’une gauche,
débouche sur de véritables conquêtes sociales. Pour que les services publics, l’école et l’hôpital en premier lieu, aujourd’hui sacrifiés, redeviennent des vecteurs d’égalité.

Pour que la justice fiscale s’impose, avec des impôts vraiment progressifs. Pour que l’écologie ne soit pas que le supplément d’âme de la croissance. Pour qu’un bras de fer soit entamé avec la Commission européenne, sur la libre circulation des capitaux, l’indépendance de la Banque centrale, la taxe carbone aux frontières, une dose de protectionnisme. Les chantiers à ouvrir sont nombreux, mais ils se ramènent tous à un seul : que notre pays sorte, pour de bon, d’une parenthèse libérale qui s’est ouverte dans les années 80. Et pour cela, de « bonnes idées » ne suffiront pas : il faudra des forces organisées pour l’exiger.

Nous voilà bien sérieux : c’est que l’espoir renaît. Qu’on aperçoit le bout du tunnel
sarkozyste. Et que nous reviennent alors des responsabilités. Faire dérailler l’histoire, un peu, ce pouvoir qu’ils se refilent devant un peuple silencieux, résigné.

Au boulot ! .

François Ruffin

http://www.fakirpresse.info/articles/367/preparer-l-apres-sakozy.html


COMPLEMENT en trois questions :

L’équation politique du moment se résume, pour moi, en trois points.

1 -Nous débarrasserons-nous de Sarkozy et de sa clique par la rue ?

Sauf explosion miracle (mais mieux vaut ne pas compter sur les miracles), non : malgré une forte poussée, cet automne, le gouvernement n’a pas reculé sur les retraites, on est donc très loin de sortir le président hors de l’Elysée avec des piques au cul. Alors, on s’en débarrassera par les urnes.

2- La gauche de gauche sera-t-elle en état de l’emporter ?

Sauf basculement miracle (mais mieux vaut, etc.), non : qu’elle s’unisse déjà un peu, qu’elle cesse ses divisions stériles, qu’elle constitue un contrepoids à gauche du PS, qu’elle fasse élire quelques députés aux législatives, bref, qu’elle soit à la hauteur de la situation historique, et ce sera déjà énorme. Alors, que ça nous plaise ou non, c’est le candidat socialiste qui, au second tour, représentera l’alternative.

3- Peut-on compter sur les socialistes ?

Sauf illumination miracle (mais mieux vaut, etc.), on ne peut pas trop rêver de ça : que la bande à Aubry non seulement préservera nos acquis, mais nous accordera des conquêtes - sociales et écologiques. 1981, 1997, etc. nous l’ont appris, une élection ne suffit pas. Cette méfiance est générale chez les militants du pays. Alors, dès leur entrée en fonction, la rue - par des grèves, des blocages - devra pousser les ministres aux fesses. Leur mettre, d’entrée, le couteau sous la gorge.

Je n’aperçois guère d’autres chemins vers un mouvement, pas seulement défensif, mais offensif, victorieux. Avec un peu plus de bonheur à la clé.

F.R.

(Avec l’aimable autorisation de Fakir, bimestriel, 32 pages d’articles documentés et drôles, et de nombreux dessins. 3 euros.

"Fakir, journal fâché avec tout le monde ou presque".
Pour un abonnement cadeau de Noël : contact@fakirpresse.info

http://www.fakirpresse.info

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COMMENTAIRES  

14/12/2010 09:28 par Vladimir

2012 ou 2011 ?

Les forces politiques institutionnelles feignent de croire toutes, que le pari des echeances electorales a la date de 2012,est gagné et sera tenu...

L’hypothese d’une acceleration de la crise en 2011, debouchant sur l’eclatement de la zone euro en 2011,sous le coup de la crise,n’est evoqué que par les "marginaux" tel J.Sapir hier soir sur FR3,chez Taddei..

Dans cette hypothese,personne n’est pret,a part le FN qui secretement en a deja fait le pari.

Un boulevard pour le FN

Boulevard Le Pen. La femme par qui le scandale arrive, c’est bien Marine Le Pen. Mais ceux par qui le FN pourrait bien gagner dans les urnes, ce sont tous ceux qui, entre angélisme et petits calculs, offrent une incroyable tribune à la candidate à la succession de son père.......

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/un-boulevard-pour-le-fn-85872

Les conciliabules multiples en cours partout,sur les strapontins de 2012,risquent de prendre tout le monde ? au depourvu,et provoquer une desaffection encore plus grande ....

L’urgence me semble d’anticiper un minimum, de lancer d’urgence le chantier du projet programme de l’alternative majoritaire depassant les clivages actuels sclerosés,qui existe deja eparpillée dans la société et qu’il s’agit juste de formaliser ...

La seule vraie question : ou sont les volontaires pour faire derailler l’histoire ?

14/12/2010 19:04 par ucuns pressentent

Il y a une chose que je n’arrive toujours pas à comprendre. C’est cet incurable optimisme qui continue à animer des gens comme l’auteur de cet article. Car enfin même lui le reconnait il n’y a pas grand chose à attendre d’une "victoire de la gauche".
Quand donc comprendra-t-on que les élections ne sont qu’une mascarade destinée à préserver les apparences de la démocratie ? Le PS est le fossoyeur de la gauche et des programmes authentiquement progressistes. Il forme la seconde tête de l’hydre UMPS, parti unique conforme au modèle américain et dévolu aux intérêts de l’oligarchie.
Cela fait des décennies qu’ils nous le démontrent.
Quant à la "gauche de la gauche" j’émets bien plus que des doutes.
La seconde phase de la crise que d’aucuns pressentent pour peut-être dès 2011 ne fera qu’entériner la casse sociale. C’est une formidable opportunité que l’oligarchie ne manquera pas de convertir (cf. la stratégie du choc de Naomi Klein). La crise de la dette souveraine tombe tellement bien que je commence à me demander si elle n’a pas été planifiée.
Et je n’ai aucune solution à suggérer. Je suis atterré par l’apathie de mes semblables. Car il faut bien le dire, même si nous pouvons avoir le sentiment qu’il n’en est rien, peu réfléchissent vraiment et cherchent à s’informer. Les lecteurs du GS et autres publications (electroniques ou non) qui nous invitent à penser le monde autrement ne constituent qu’une minorité. Ma seule consolation est dans ces paroles de Hermann Hesse "le monde ne sera sauvé que par la vertu d’un petit nombre".
Alors amis du GS et d’ailleurs, même si ce n’est pas la fête, tenons nous prêts pour le grand soir justement. Provoquons le. Comment ? Je continue à y réfléchir :-)

16/12/2010 02:49 par eric lengua

Et qu’en est-il de notre destin écologique...Bientôt notre inconscient collectif sera déterminé par cette vérité : "Nous sommes foutus !"

Alors, bien sûr l’espece humaine, la vie même ne disparaitra peut être pas...mais quel gâchis, quel sentiment d’echec collectif ne devrions nous pas ressentir en ce moment même...quelle honte je dirais même ! Quelle importance que la Vie survive si ce ne sera toujours que pour faire répéter nos erreurs, inlassable spirale . Comme le montre l’histoire depuis notre sédentarisation.

@ uncuns pressente : (..."la vertu de quelques uns" ??? - HESSE) : Retour à l’Antiquité ? La dictature éclairée ? On a TOUT essayé "hélas la chair est triste".

Soyons révolutionnaires ! Soyons déégoutés par ce que nous voyons ! Ce monde doit finalement nous être INSUPPORTABLE.

18/12/2010 00:25 par Simorg

"uncuns pressente" ? Je n’étais pourtant pas ivre lorsque j’ai saisi mon commentaire. Une erreur de frappe.

Tout à fait d’accord avec vous Eric. Comme vous le dites, ce monde doit nous être insupportable. Parfois, je me dis que l’enfer est une réalité pour de trop nombreux peuples depuis trop longtemps.

Je ne connais pas le destin de l’être humain mais je ne crois pas que nous sommes foutus. Notre faiblesse est proportionnelle à notre manque d’éveil. C’est ce que je voulais exprimer dans mon commentaire précédent en parlant de l’apathie de mes semblables et en citant Hesse.

La "vertu d’un petit nombre" ne fait pas référence à un hypothétique passé idéalisé ou à une dictature éclairée (un bel oxymore) mais plutôt à la capacité de révolte et de combat que peuvent avoir certains d’entre nous. Je pense par exemple à la petite cohorte de ceux qui animèrent la résistance durant la seconde guerre et qui nous ont légués un certain nombre d’avancées sociales quand tant de nos concitoyens surent s’accommoder de la situation. Je ne pense pas nécessairement aux collabos mais à la masse qui se résigne en vertu de ce foutu principe de réalité.

C’est pourquoi vous avez raison Eric. Au diable les discours lénifiants de nos experts et autres cuistots de la pensée "réaliste".
Nous sommes en train de détruire le monde et nous avec. Nous aurions du rejeter cette civilisation démente depuis longtemps. Mais nous ne l’avons pas fait. Tant que nous n’étions pas en proie aux affres de la pauvreté, de la guerre, de la famine et autres fléaux qui ne devaient frapper que les peuples du Sud en vertu d’une pseudo hérédité géopolitique.

Maintenant que le chaos menace et que le confort de nos existences occidentales se trouve hypothéqué nous commençons à nous poser des questions.

Mais je suis convaincu Eric que tout n’a pas été essayé et que l’Histoire n’est pas un éternel recommencement. L’Homme a la capacité de se renouveler. A nous d’inventer le futur. Comment ? Je ne le sais pas, je ne suis qu’un être de chair mais d’une chair qui ne se veut pas encore triste ;-)

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